Interview de M. Jean-Louis Borloo, ministre de l'emploi, de la cohésion sociale et du logement, à LCI le 14 décembre 2006, sur la conférence emploi-revenus, l'accès au logement et l'élection présidentielle de 2007.

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Média : La Chaîne Info

Texte intégral


Q- Du concret aujourd'hui, lors de la Conférence emploi-revenus ; quelles seront les mesures concrètes annoncées ?
R- D'abord, l'accès au logement, c'est un sujet majeur. On s'est engagés il y a an, enfin depuis un an, je travaille avec les partenaires sur le 1 % logement, pour mettre en place une garantie pour tous les salariés, pas seulement ceux qui ont un CDI mais ceux qui sont en CDD, en intérim, les jeunes, les intermittents... Bref, pour que tout le monde puisse avoir une garantie...
Q- De l'Etat ?
R- ...présenter une garantie. C'est une machine compliquée, pilotée par le 1 %, soutenue par les assurances contre une cotisation de 2 %, garantir les listes colocatives. Cela va permettre à ceux qui sont en travail discontinu, si j'ose dire, ou les jeunes, d'avoir un accès au logement sans faire appel à la caution du grand-père, de la grand-mère, du beau père...
Q- Et cela ne coûtera rien aux contribuables ?
R- Non, au contraire... Enfin, l'Etat paiera, si j'ose dire, "la casse", comme dans tout système assuranciel, mais ce sera un système très responsabilisant pour autant. C'était une énorme demande. Seuls ceux qui avaient des beaux contrats de travail, et qui avaient finalement des revenus garantis pouvaient avoir accès au logement locatif. Maintenant, cela sera tout le monde.
Q- Quand on a recours à un service à la personne, on a droit à des ristournes d'impôts, quand on n'est pas imposables, on n'a pas droit à cela, évidemment. Cela va-t-il changer ?
R- Oui. Vous savez que le plan de services à la personne, qui est en train de décoller extraordinairement bien : vous avez vingt métiers où vous avez la TVA à 5,5, pas de charges sociales... Tout ce dispositif souffrait d'un défaut, c'est qu'il était accompagné d'une exonération fiscale et les gens qui ne payaient pas d'impôts, d'une certaine manière, en bénéficiaient moins. Donc cela fait un an que l'on demandait au Premier ministre que cela change, et qu'il y ait un crédit d'impôt. C'est-à- dire, que toute personne qui ne paye pas d'impôts va avoir un crédit d'impôt payé par l'Etat pour pouvoir avoir quelqu'un, pendant une heure, pour aider la grand-mère, la belle-mère, un enfant en difficulté ou handicapé.
Q- Allez-vous aussi annoncer la hausse du Smic de juillet, dès le début de l'année, pour mieux cadrer les négociations des branches ?
R- Je laisse cela au Premier ministre le soin de l'annoncer à la fin des débats. Il faut que la réunion d'aujourd'hui soit productive, et que, et sur la démarche et sur des mesures, elle aboutisse à quelque chose.
Q- Mais ce sont des mesures Villepin ou des mesures Borloo aujourd'hui ?
R- Je ne peux vous parler que de ce qui était dans les tuyaux, qui a fait l'objet d'un long travail. La garantie des risques locatifs, cela fait plus d'un an, c'est une machine complexe ; les services à la personne, c'était aussi dans les tuyaux depuis longtemps.
Q- La loi sur le dialogue social a été votée hier ; allez-vous tout de suite trouver des sujets...
R- A l'unanimité !
Q- Zéro voix contre. Allez-vous tout de suite trouver des sujets pour débattre avec les partenaires sociaux ?
R- Le premier, c'est évidemment la représentativité, les règles de représentativité.
Q- Cela sera fait avant le printemps ?
R- En tous les cas, la méthodologie qui consiste à ce qu'il y ait un document d'orientation, qui fait que, on saisit les partenaires sociaux d'abord, et puis on travaille, on se concerte avec eux s'ils décident de ne pas régler le problème eux-mêmes, on va l'appliquer dans ce cadre là, oui.
Q- Le chômage tombera à 8,2 % fin juin 2007, c'est la prévision de l'Insee ; est-ce la vôtre aussi ?
R- Je ne fais pas de prévisions, j'en avais faites quand j'ai présenté le Plan de cohésion sociale, les dix mesures pour l'emploi. A l'époque, j'avais annoncé 8,6 % en essai du Plan, nous sommes à 8,8 %. J'espère qu'on sera à 8,6 % rapidement.
Q- C'est la baisse démographique qui vous aide beaucoup ?
R- Non, c'est surtout les créations nettes d'emplois : 350.000 salariés de
plus en France...
Q- Des vrais emplois ou des emplois un peu subventionnés ?
R- Les vrais emplois, ce sont des emplois qui permettent à quelqu'un de nourrir sa famille, de contribuer à la richesse nationale et payer aux caisses de Sécurité sociale ; voilà ce qu'est un vrai emploi. Cela en fait 350.000 de plus. J'espère qu'on va aller plus loin, je ne sais pas quelles sont les capacités d'analyse de l'Insee, qui, par ailleurs, fait souvent des révisions à la hausse ou à la baisse, ce qui est normal.
Q- Le Parti radical, sous-ensemble de l'UMP, que vous présidez, tient son 107ème congrès samedi. Vous parlerez développement durable, laïcité, solidarité. Etes-vous un homme de gauche ?
R- Il y a eu "les Trente Glorieuses", il y a eu trente années de mutation, et puis on va démarrer vers trente nouvelles années. Et ce que j'expliquerai à ce congrès, c'est que l'on a trois grands défis majeurs de mutation extrêmement rapide sur lesquels il faut que l'on se positionne rapidement. Le monde change à toute vitesse, on a évidemment les enjeux écologiques, on a les enjeux de notre propre pays, la France a changé, 62 millions de passeports dans un Etat-Nation, d'origines profondément différentes. Je ne suis pas sûr que la perception de la communauté française ou la communauté de destins soit totale. On a un drame de la préparation de l'avenir, préparation à la formation. Nous avons 150.000 jeunes qui sont entre "plus l'école et pas l'emploi" ; on a ces enjeux évidemment écologiques. Je soutiens, bien entendu, le pacte de N. Hulot...
Q- Signerez-vous le pacte de N. Hulot ?
R- Oui, bien sûr.
Q- Si le candidat officiel de l'UMP ne reprend pas ces défis, ne reprend pas ces idées, le Parti radical ne doit-il pas désigner un candidat à la présidentielle ?
R- On n'en est sincèrement pas là, ce n'est pas le sujet, ce n'est pas le propos, ce n'est pas la perspective.
Q- Vous êtes le quatrième politique le plus populaire de France, vous
devez vous sentir pousser des ailes, non ?
R- Non. Vous savez, le plus difficile en politique, c'est, au fond, d'aller... Je suis sûr qu'il y a quatre chantiers majeurs sur lesquels il faut que l'on change de braquet radicalement. On l'a changé sur la rénovation urbaine, ce que l'on aurait dû faire il y a trente ans, ce programme de rénovation urbaine ! On a mis tout le monde autour de la table, une agence unique, 35 milliards, bon. C'est un changement radical, il faut le faire dans quatre autres domaines. Le plus dur, c'est soi-même d'être au clair, soi-même savoir très précisément ce qu'il convient de faire, comment l'expliquer de manière simple et claire, quelle est la méthodologie...
Q- Donc, vous dites "rupture" vous aussi ?
R- Non, je dis "second souffle".
Q- C'est quoi "second souffle" ?
R- Vous savez, quand vous êtes au marathon, au 20ème kilomètre, vous avez une course superbe, et puis tout d'un coup, vous sentez vos forces un peu se dérober. Vous avez deux solutions : soit vous vous laissez éliminer, vous allez vers l'abandon ; soit, vous regroupez toutes vos forces, alors vous reprenez de la lucidité, et vous repartez d'une nouvelle foulée, enrichi de l'expérience...
Q- Le 21 décembre, au dernier forum de l'UMP, irez-vous proposer le nouveau souffle et décrire le nouveau souffle ?
R- Je ne sais pas si on sera prêts, en état, et si surtout, démocratiquement, au Parti radical, tout aura été validé. Mais ne vous gourez pas, ne vous trompez pas, vous savez, cette élection présidentielle, c'est la plus attendue, il va y avoir une ferveur incroyable !
Q- Et vous trouvez que Sarkozy-Royal répondent pour l'instant à cette ferveur et à ce niveau de débat ?
R- Pour l'instant, on est sur un phénomène de désignation par les formations politiques, on est sur des programmes de niveau législatif. On n'est pas encore sur des programmes présidentiels. Le temps va venir pour eux, d'ailleurs, de le faire. Ce rendez-vous, c'est un rendez-vous d'une forme de mystique laïque qu'est le président, d'intérêt général, de vision à long terme. Mais en même temps de définition des quatre ou cinq grands programmes participatifs de mise en mouvement de notre pays.
Q- J. Halliday veut s'installer en Suisse pour ne plus payer d'impôts, êtes-vous choqué ?
R- Je croyais que c'était en Belgique... ?
Q- Non, il va en Suisse finalement.
R- Ah bon...
Q- Etes-vous choqué, c'est un mauvais signe, un mauvais exemple ?
R- C'est sa vie...
Q- C'est son pays aussi, la France.
R- J'aime tellement ce chanteur, quelque part, cela me fait de la peine.Source:premier-ministre, Service d'information du gouvernement, le 15 décembre 2006