Texte intégral
En premier lieu, en participant à ces universités d'été du MEDEF, je voudrais souligner combien les agriculteurs sont fiers de faire partie de cette grande famille des entrepreneurs réunie ici, sur le campus d'HEC. Eux qui sont des entrepreneurs par nature, des entrepreneurs de la nature.
Les agriculteurs, lors des décennies passées, ont fait la preuve qu'ils pouvaient s'approprier à une vitesse fulgurante, de nouvelles technologies. La mécanisation, l'utilisation des engrais et des phytosanitaires, les progrès de la génétique, ont permis à l'agriculture depuis l'après-guerre, de faire des pas de géant pour produire plus et mieux.
Même si, bien sûr, on se rend compte actuellement qu'il est nécessaire de bien maîtriser ces évolutions technologiques, qu'on ne peut manipuler le vivant n'importe comment.
Mais le résultat est là : le rendement du blé en France est passé de 15 quintaux à l'hectare en 1950, à environ 70 aujourd'hui. Un agriculteur nourrit actuellement 100 personnes, contre 10 il y a quarante ans.
Tout cela a généré une transformation profonde de l'agriculture, sans doute sans équivalent dans d'autres secteurs de l'économie "matérielle". A tel point que l'un de mes prédécesseurs à la FNSEA, Michel Debatisse, a parlé d'une "révolution silencieuse".
Cela a pu se faire, parce que les agriculteurs, très pragmatiques, ont su adapter et transformer considérablement leur métier, jusqu'à une agriculture raisonnée, une agriculture de précision, qui permet d'obtenir plus tout en respectant mieux les milieux.
Et nous voulons continuer à progresser dans cette voie.
Alors, face à la nouvelle révolution de la communication, du portable à l'Internet, je suis persuadé que les agriculteurs vont répondre présent. Ils sont d'ailleurs particulièrement friands de ces technologies. L'arrivée du WAP, qui leur permettra de passer par leur portable pour avoir de l'information via Internet, pourra accélérer ces utilisations.
L'agriculteur se servira de plus en plus du net, quand il en verra les retombées pratiques : disposer des cours de matières premières, faire jouer la concurrence entre ses fournisseurs, vendre en direct ses produits, mais aussi déclarer ses surfaces, ou la naissance d'un veauPlus d'Internet, cela voudra dire moins de paperasse, il serait temps car Dieu sait si, en agriculture, nous sommes excédés par la suradministration.
Les utilisations possibles du net sont donc multiples et concernent l'ensemble de la vie de l'entreprise agricole, à travers ses relations avec ses fournisseurs, ses clients, et les pouvoirs publics. Car l'entreprise agricole, loin de vivre en autarcie, est considérablement ouverte sur l'extérieur. Son développement est intimement lié à la maîtrise de ses relations avec tous ses partenaires, et à sa bonne insertion dans le tissu économique et social.
Sur ce plan, le net est un véritable levier de changement. Les initiatives prises ici et là par les agriculteurs, sur Internet, sont révélatrices des potentialités de la nouvelle économie, pour les exploitants agricoles.
Ainsi, une poignée d'agriculteurs du sud-ouest, maraîchers, éleveurs, viticulteurs, dénonçant les abus de la grande distribution, ont ouvert un site pour faire de la vente directe de produits fermiers.
Sur une plus grande échelle, il est aussi possible de lancer des appels d'offre internationaux avec un site qui met en relation offreurs et acheteurs. Autre exemple, la création récente d'une plate-forme Internet d'offre de services et de fournitures aux agriculteurs.
Toutes ces démarches peuvent complètement changer les relations entre l'agriculteur et ses partenaires, fournisseurs, coopératives, commerçants. C'est potentiellement une vraie révolution, surtout pour l'agriculture, car nos exploitations sont de petites ou très petites entreprises comparées à nos partenaires de l'agro-alimentaire et de la distribution. Ce qui amène souvent un partage de la valeur ajoutée en notre défaveur.
Dès lors, si Internet remet en cause certaines pratiques des intermédiaires et permet aux agriculteurs de retrouver plus d'indépendance et de "pouvoir économique", tout en recherchant des clients et des fournisseurs sur un territoire plus vaste, c'est un outil prometteur.
Il reste que le commerce de l'aliment, du vivant, animal ou végétal, n'est pas un commerce comme les autres.
Le commerce électronique, lorsqu'il touche aux produits alimentaires, doit être entouré d'un certain nombre de garanties. Le consommateur, inquiété par l'ESB, la dioxine ou autre listéria, veut être rassuré. Et il a raison.
Les agriculteurs font tout pour cela et les experts le reconnaissent, notre sécurité alimentaire a fait d'énormes progrès. Dès lors, les produits qui transiteraient par Internet doivent offrir toutes les garanties de sécurité et de traçabilité. Il faut aussi s'assurer que le produit fermier en est bien un ou que le cahier des charges est respecté sur telle production sous label.
Tous ces enjeux font que les agriculteurs sont de plus en plus curieux de l'Internet. Environ 900 000 agriculteurs européens devraient être branchés sur Internet en 2003, sur 7 000 000. Surtout, ils représenteraient ensemble la moitié des surfaces totales cultivées : voilà bien un formidable marché en perspective.
Ces agri-managers n'ont pas grand chose en commun avec l'image folklorique du paysan, avec le béret vissé sur la tête et l'accent du terroir, que véhicule la publicité. Concilier la tradition, un métier de la terre, de l'enracinement, avec la modernité de l'informatique et de l'Internet, c'est tout à fait possible. C'est d'ailleurs la réalité de beaucoup d'agriculteurs aujourd'hui.
Oui, les e-paysans existent, et ils seront sans doute de plus en plus nombreux demain !
A condition toutefois, de leur donner les moyens d'aller sur Internet.
Ni acteur économique secondaire, ni citoyen au rabais, l'agriculteur veut accéder, comme chacun, à Internet et s'intégrer pleinement à la nouvelle économie.
Or, il est confronté à un vrai problème d'accès aux réseaux. Les campagnes les plus éloignées ont été les dernières sur le territoire, à retrouver l'électricité et le téléphone suite à la tempête de l'hiver dernier.
Il ne faudrait pas que le développement des équipements permettant à l'information de circuler avec un plus grand débit - comme l'ADSL de France Télécom -, privilégie exagérément les grandes villes, au détriment des zones rurales. De même, pour le WAP.
L'agriculture a vocation à être un élément clé d'un aménagement équilibré et déconcentré du territoire. Les agriculteurs sont largement répartis sur le territoire et contribuent à faire respirer les espaces, alors que nous percevons de plus en plus les répercussions négatives de la concentration urbaine.
Dans paysan, il y a pays. Et notre métier est de nourrir les hommes, tout en valorisant les territoires.
Nous ne croyons pas un seul instant à un aménagement du territoire hémiplégique, fondé avant tout sur la ville, avec des campagnes réduites à l'état de réserves naturelles. L'aménagement du territoire doit être structuré par des activités économiques. L'agriculture remplit à cet égard, un rôle indispensable, même si, bien sûr, il n'est pas exclusif.
A l'inverse, moins d'agriculteurs, cela signifie moins d'activités, donc moins de services, d'écoles, de commerçants. C'est comme cela qu'un territoire décline. Or, certaines zones de notre pays sont particulièrement inquiétantes à cet égard. Cela malgré les satisfecit de certains, sur la reprise du milieu rural, eux qui bien souvent, parlent en fait de développement périurbain.
Alors, pour que les réseaux permettent réellement de désenclaver certains territoires, l'infrastructure doit d'abord être mise à la disposition de tous.
C'est pourquoi l'une des actions de la FNSEA et de ses fédérations départementales, consistera justement à négocier avec les grands opérateurs, des conventions permettant un meilleur accès à l'ensemble des équipements et infrastructures.
Quelques mots très brefs, enfin, sur le syndicalisme et Internet. S'agissant de la FNSEA en tant qu'organisation syndicale, le développement d'Internet a bien sûr des répercussions sur notre fonctionnement interne, comme sur la manière de faire du syndicalisme.
Comme nous sommes présents dans les médias, nous occupons l'espace du net, et nous devrons savoir utiliser de nouvelles formes de débats et d'échange.
Une organisation comme la nôtre, avec une présence sur tout le territoire, un maillage géographique et sectoriel complexe et complet, a beaucoup à gagner en améliorant son fonctionnement en réseau par Internet. Le syndicalisme du XXIème siècle doit se faire avec les outils du XXIème Siècle. Nous y travaillons.
Et, rêvons un peu, pourquoi pas, demain, des e-manifestations ? Je suis sûr que cela serait un grand soulagement dans de nombreuses préfectures de France et de Navarre ! Mais nous en sommes encore loin, n'en déplaise à certains dans les ministères !
(source http://www.fnsea.fr, le 19 septembre 2000)
Les agriculteurs, lors des décennies passées, ont fait la preuve qu'ils pouvaient s'approprier à une vitesse fulgurante, de nouvelles technologies. La mécanisation, l'utilisation des engrais et des phytosanitaires, les progrès de la génétique, ont permis à l'agriculture depuis l'après-guerre, de faire des pas de géant pour produire plus et mieux.
Même si, bien sûr, on se rend compte actuellement qu'il est nécessaire de bien maîtriser ces évolutions technologiques, qu'on ne peut manipuler le vivant n'importe comment.
Mais le résultat est là : le rendement du blé en France est passé de 15 quintaux à l'hectare en 1950, à environ 70 aujourd'hui. Un agriculteur nourrit actuellement 100 personnes, contre 10 il y a quarante ans.
Tout cela a généré une transformation profonde de l'agriculture, sans doute sans équivalent dans d'autres secteurs de l'économie "matérielle". A tel point que l'un de mes prédécesseurs à la FNSEA, Michel Debatisse, a parlé d'une "révolution silencieuse".
Cela a pu se faire, parce que les agriculteurs, très pragmatiques, ont su adapter et transformer considérablement leur métier, jusqu'à une agriculture raisonnée, une agriculture de précision, qui permet d'obtenir plus tout en respectant mieux les milieux.
Et nous voulons continuer à progresser dans cette voie.
Alors, face à la nouvelle révolution de la communication, du portable à l'Internet, je suis persuadé que les agriculteurs vont répondre présent. Ils sont d'ailleurs particulièrement friands de ces technologies. L'arrivée du WAP, qui leur permettra de passer par leur portable pour avoir de l'information via Internet, pourra accélérer ces utilisations.
L'agriculteur se servira de plus en plus du net, quand il en verra les retombées pratiques : disposer des cours de matières premières, faire jouer la concurrence entre ses fournisseurs, vendre en direct ses produits, mais aussi déclarer ses surfaces, ou la naissance d'un veauPlus d'Internet, cela voudra dire moins de paperasse, il serait temps car Dieu sait si, en agriculture, nous sommes excédés par la suradministration.
Les utilisations possibles du net sont donc multiples et concernent l'ensemble de la vie de l'entreprise agricole, à travers ses relations avec ses fournisseurs, ses clients, et les pouvoirs publics. Car l'entreprise agricole, loin de vivre en autarcie, est considérablement ouverte sur l'extérieur. Son développement est intimement lié à la maîtrise de ses relations avec tous ses partenaires, et à sa bonne insertion dans le tissu économique et social.
Sur ce plan, le net est un véritable levier de changement. Les initiatives prises ici et là par les agriculteurs, sur Internet, sont révélatrices des potentialités de la nouvelle économie, pour les exploitants agricoles.
Ainsi, une poignée d'agriculteurs du sud-ouest, maraîchers, éleveurs, viticulteurs, dénonçant les abus de la grande distribution, ont ouvert un site pour faire de la vente directe de produits fermiers.
Sur une plus grande échelle, il est aussi possible de lancer des appels d'offre internationaux avec un site qui met en relation offreurs et acheteurs. Autre exemple, la création récente d'une plate-forme Internet d'offre de services et de fournitures aux agriculteurs.
Toutes ces démarches peuvent complètement changer les relations entre l'agriculteur et ses partenaires, fournisseurs, coopératives, commerçants. C'est potentiellement une vraie révolution, surtout pour l'agriculture, car nos exploitations sont de petites ou très petites entreprises comparées à nos partenaires de l'agro-alimentaire et de la distribution. Ce qui amène souvent un partage de la valeur ajoutée en notre défaveur.
Dès lors, si Internet remet en cause certaines pratiques des intermédiaires et permet aux agriculteurs de retrouver plus d'indépendance et de "pouvoir économique", tout en recherchant des clients et des fournisseurs sur un territoire plus vaste, c'est un outil prometteur.
Il reste que le commerce de l'aliment, du vivant, animal ou végétal, n'est pas un commerce comme les autres.
Le commerce électronique, lorsqu'il touche aux produits alimentaires, doit être entouré d'un certain nombre de garanties. Le consommateur, inquiété par l'ESB, la dioxine ou autre listéria, veut être rassuré. Et il a raison.
Les agriculteurs font tout pour cela et les experts le reconnaissent, notre sécurité alimentaire a fait d'énormes progrès. Dès lors, les produits qui transiteraient par Internet doivent offrir toutes les garanties de sécurité et de traçabilité. Il faut aussi s'assurer que le produit fermier en est bien un ou que le cahier des charges est respecté sur telle production sous label.
Tous ces enjeux font que les agriculteurs sont de plus en plus curieux de l'Internet. Environ 900 000 agriculteurs européens devraient être branchés sur Internet en 2003, sur 7 000 000. Surtout, ils représenteraient ensemble la moitié des surfaces totales cultivées : voilà bien un formidable marché en perspective.
Ces agri-managers n'ont pas grand chose en commun avec l'image folklorique du paysan, avec le béret vissé sur la tête et l'accent du terroir, que véhicule la publicité. Concilier la tradition, un métier de la terre, de l'enracinement, avec la modernité de l'informatique et de l'Internet, c'est tout à fait possible. C'est d'ailleurs la réalité de beaucoup d'agriculteurs aujourd'hui.
Oui, les e-paysans existent, et ils seront sans doute de plus en plus nombreux demain !
A condition toutefois, de leur donner les moyens d'aller sur Internet.
Ni acteur économique secondaire, ni citoyen au rabais, l'agriculteur veut accéder, comme chacun, à Internet et s'intégrer pleinement à la nouvelle économie.
Or, il est confronté à un vrai problème d'accès aux réseaux. Les campagnes les plus éloignées ont été les dernières sur le territoire, à retrouver l'électricité et le téléphone suite à la tempête de l'hiver dernier.
Il ne faudrait pas que le développement des équipements permettant à l'information de circuler avec un plus grand débit - comme l'ADSL de France Télécom -, privilégie exagérément les grandes villes, au détriment des zones rurales. De même, pour le WAP.
L'agriculture a vocation à être un élément clé d'un aménagement équilibré et déconcentré du territoire. Les agriculteurs sont largement répartis sur le territoire et contribuent à faire respirer les espaces, alors que nous percevons de plus en plus les répercussions négatives de la concentration urbaine.
Dans paysan, il y a pays. Et notre métier est de nourrir les hommes, tout en valorisant les territoires.
Nous ne croyons pas un seul instant à un aménagement du territoire hémiplégique, fondé avant tout sur la ville, avec des campagnes réduites à l'état de réserves naturelles. L'aménagement du territoire doit être structuré par des activités économiques. L'agriculture remplit à cet égard, un rôle indispensable, même si, bien sûr, il n'est pas exclusif.
A l'inverse, moins d'agriculteurs, cela signifie moins d'activités, donc moins de services, d'écoles, de commerçants. C'est comme cela qu'un territoire décline. Or, certaines zones de notre pays sont particulièrement inquiétantes à cet égard. Cela malgré les satisfecit de certains, sur la reprise du milieu rural, eux qui bien souvent, parlent en fait de développement périurbain.
Alors, pour que les réseaux permettent réellement de désenclaver certains territoires, l'infrastructure doit d'abord être mise à la disposition de tous.
C'est pourquoi l'une des actions de la FNSEA et de ses fédérations départementales, consistera justement à négocier avec les grands opérateurs, des conventions permettant un meilleur accès à l'ensemble des équipements et infrastructures.
Quelques mots très brefs, enfin, sur le syndicalisme et Internet. S'agissant de la FNSEA en tant qu'organisation syndicale, le développement d'Internet a bien sûr des répercussions sur notre fonctionnement interne, comme sur la manière de faire du syndicalisme.
Comme nous sommes présents dans les médias, nous occupons l'espace du net, et nous devrons savoir utiliser de nouvelles formes de débats et d'échange.
Une organisation comme la nôtre, avec une présence sur tout le territoire, un maillage géographique et sectoriel complexe et complet, a beaucoup à gagner en améliorant son fonctionnement en réseau par Internet. Le syndicalisme du XXIème siècle doit se faire avec les outils du XXIème Siècle. Nous y travaillons.
Et, rêvons un peu, pourquoi pas, demain, des e-manifestations ? Je suis sûr que cela serait un grand soulagement dans de nombreuses préfectures de France et de Navarre ! Mais nous en sommes encore loin, n'en déplaise à certains dans les ministères !
(source http://www.fnsea.fr, le 19 septembre 2000)