Texte intégral
Q- On va revenir encore une fois sur cette histoire de Johnny, j'ai vu que vous étiez, un peu gêné, enfin... pas gêné, mais un peu choqué, vous l'avez dit. Etes-vous franchement choqué, vraiment ?
R- Oui. Je dois dire que, quand j'ai dit un peu choqué, je parlais totalement avec mon coeur. Johnny, c'est un chanteur qui, en plus, pour ma génération, signifie des choses importantes, c'est un grand artiste, mais c'est un artiste qui appartient, j'allais dire, profondément à notre culture, et à la France. Et, parce que je crois à mon pays, je crois aussi que ma responsabilité est de contribuer, par ma contribution...alors c'est un peu une répétition, mais c'est cela l'impôt.
Q- Lui dit : "je m'en fous".
R- Eh bien moi je ne m'en fous pas. Parce que, c'est aussi une aventure collective une nation. On appartient à une collectivité nationale, elle a un modèle social, elle a un modèle de solidarité. Il y a un certain nombre d'impôts, qu'ils soient nationaux ou locaux. Que l'on aménage cet impôt pour le rendre supportable, cela c'est la vraie réflexion, et le Premier ministre a eu raison de la poser, parce que, naturellement l'impôt ne doit pas non plus être confiscatoire, mais il contribue à cette cohésion de la nation.
Q- Encore quelques mots là-dessus. N. Sarkozy, dit, lui : "De toute façon, je lui pardonnerai tout". On lui pardonne tout ?
R- Il ne s'agit, ni de pardonner, ni de condamner. Je fais part de mon sentiment.
Q- Autre question plus large : les plus riches sont-ils trop taxés en France ?
R- Je crois qu'il y a des modes de taxation, quand ces modes gênent l'investissement en France, gênent l'engagement, alors là, c'est une taxation qui est négative pour l'ensemble du pays. Le rôle d'une taxation, c'est aussi d'être dynamique, de prélever sur les fruits, notamment des revenus, mais aussi des profits, mais aussi des dividendes, mais moins taxer ceux qui réinvestissent dans le pays, qui contribuent à son enrichissement, et qui, par l'enrichissement, contribuent à la création d'emplois. Je crois que c'est une réflexion qu'il faut encore approfondir.
Q- Je lisais, vous l'avez lue comme moi, cette enquête, cette semaine, sur les salariés, auprès des salariés. Premier désir justement, pour l'avenir : gagner plus, augmenter les salaires. Alors, comment fait-on ? Parce que les entreprises ne veulent pas plus de contraintes, elles ont des difficultés, beaucoup, notamment les PME, pour augmenter les salariés. Comment fait-on pour augmenter les salaires ?
R- Le coût de la vie, le sentiment du coût de la vie, et après, notamment, l'ensemble des auditions que j'ai eues pour préparer cette Conférence des revenus et de l'emploi, d'abord, le sentiment qu'un certain nombre de postes contraints, qui font la vie quotidienne, a largement augmenté, c'est le cas du logement. Voilà pourquoi la réponse numéro 1 de la journée d'hier, c'est une réponse en termes de logements. Comment, quand je suis notamment, à 1,6 au-dessus du Smic, que je n'ai pas droit à accéder au logement social, comment puis-je garantir le paiement de mon loyer ? Comment puis-je accéder à un logement ? Accéder à un logement, garanties des risques locatifs, c'est un point tout à fait essentiel.
Q- C'est le point essentiel d'ailleurs de la Conférence d'hier ?
R- C'est aussi la valorisation de l'aide personnalisée au logement à 2,80% ; c'est enfin, la mise en place depuis juillet dernier, et on en voit les premiers effets, du nouvel indice qui traduit l'évolution des prix locatifs ; on a diminué par deux, on est à 2,76, on était à 5,5 l'an dernier. C'est l'engagement avec l'Union nationale de la propriété immobilière de modérer les loyers, c'est un point essentiel.
Q- Il doit y avoir un moratoire en 2007 ?
R- C'est-à-dire, un engagement de modération des loyers.
Q- Modération des loyers, ce sera signé la semaine prochaine.
R- Ce sera signé la semaine prochaine, et c'est le premier point par rapport au pouvoir d'achat. La seconde préoccupation que j'ai entendue, c'est notamment pour les classes moyennes, très très faible évolution des salaires dans ces classes moyennes, en tous les cas, un ressenti, qu'ils
ont aujourd'hui moins de pouvoir d'achat qu'ils n'avaient hier. Et je pense notamment...
Q- C'est une réalité, G. Larcher... !
R- Bien sûr que c'est une réalité.
Q- ...Le Gouvernement nous dit : on baisse les impôts. Oui, mais parallèlement, on voit les impôts locaux augmenter, on voit toutes sortes d'impôts, de taxes, parce qu'il faut prendre les impôts dans leur globalité. Vous êtes d'accord avec moi ?
R- Oui, il n'y a pas d'augmentation globale des prélèvements, simplement, sur ces salaires intermédiaires, alors qu'il y a les contraintes des coûts des loyers, des coûts du logement, et que ceux-ci pèsent forts, qu'il y a aussi la contrainte de l'évolution des prix de l'énergie, ils ont le sentiment d'avoir moins de pouvoir d'achat qu'il y a dix ans. Voilà pourquoi nous avons mis en place...
Q- C'est une réalité !
R- ...Nous avons mis en place, alors que les chiffres montrent la croissance du pouvoir d'achat, un suivi de ces salaires intermédiaires, et pas simplement le suivi de ce qui se passe autour du Smic. Car le Smic a beaucoup augmenté en cinq ans...
Q- Il va augmenter...
R- ...+ 25%...
Q- Il va augmenter en janvier, là ?
R- Le 1er juillet. La proposition que nous faisons, et là il faut être très clairs, c'est d'annoncer plus tôt la croissance du Smic pour permettre ces négociations salariales, qui sont fixées par le niveau du Smic, et notamment au bénéfice des classes intermédiaires.
Q- Cela veut dire, que vous allez ouvrir des négociations salariales...
R- Beaucoup plus tôt.
Q- ...à partir de janvier. Alors, je vous demande, oui ou non, allez-vous ouvrir des négociations salariales à partir de janvier, pour, notamment, penser à toutes ces classes moyennes qui sont au-dessus du Smic, et qui n'arrivent plus à boucler leurs fins de mois ?
R- C'est naturellement autour de cela que nous souhaitons agir. Voilà pourquoi je retrouverai les partenaires sociaux en janvier, pour décider du nouveau mode de fixation du Smic, non pas en en modifiant les règles, mais pour permettre ces fameuses négociations salariales pour l'ensemble des salariés.
Q- Et souhaitez-vous que des négociations salariales soient ouvertes dès janvier dans les différentes branches ?
R- C'est clair. Les négociations salariales sont en cours, nous avons déjà aujourd'hui, 73 branches qui ne sont pas conformes au Smic. Ces 73 branches, d'ici la fin mars, il faut qu'elles aient négocié ; 67 d'entre elles ont annoncé qu'elles entamaient des négociations, elles ont déjà un calendrier. Je souhaite vraiment que, pour la fin mars, ces négociations soient bouclées. Voilà pourquoi nous avons mis en place un comité de suivi permanent.
Q- Et dans la fonction publique, mais enfin ce n'est pas votre secteur... ?
R- C'est un autre sujet, c'est une négociation globale, et C. Jacob a déjà obtenu un cheminement d'accord, mais il faut le souligner.
Q- Vous continuez à être au Gouvernement ? Parce que l'on dit : de toute façon, on ne peut rien décider, on est à quatre mois et demi de la présidentielle, on ne peut plus rien faire, et plus rien décider.
R- Mais on vient de démontrer hier que non. Et pour les locataires, le 1er janvier, cela aura un sens très précis. Pour les négociations salariales, au cours du premier trimestre, cela aura un sens très précis. La mise en place d'une bourse des stages pour un certain nombre de jeunes, c'est une de mes préoccupations, qui ne trouvent pas de stages, parce que, il n'y a pas cette...
Q- Pourquoi ?
R- ...cette rencontre entre l'offre des entreprises, je m'en suis rendu compte cette semaine. Un formidable effort par exemple, de la Fédération des travaux publics, qui offre des emplois et des stages, qui fait un grand effort de communication. Et puis la non rencontre entre les attentes des jeunes, et les propositions des entreprises.
Q- Beaucoup de jeunes voudraient venir faire un stage à RMC, mais qui disent : on a fini nos études, mais on n'a pas de convention de stage. Et pour avoir une convention de stage, c'est extrêmement difficile. Vous le savez bien.
R- C'est simple, il faut que RMC crée une convention type de stage, qu'elle l'ait avec un organisme de formation, et...
Q- Et les entreprises qui n'en ont pas ?
R- Elles font des conventions de formation avec les organismes de formation.
Q- Vous parliez tout à l'heure, de cette garantie des risques locatifs, je voudrais y revenir. On a beaucoup parlé ce matin sur RMC, parce que c'est vrai que c'est la décision pour moi la plus importante qui a été prise hier, on est bien d'accord là-dessus. Mais j'ai envie d'avoir quelques précisions. Cette "garantie" va permettre, en cas de défaillance du locataire, de se substituer à lui, de l'aider en quelque sorte à payer le loyer. C'est aussi une garantie pour le propriétaire. Mais, qui va financer, qui va payer ? Alors, on dit le 1% logement. Mais, l'Etat, les locataires, et les propriétaires doivent-ils être mis à contribution ? L'Etat, oui. Mais les propriétaires et les locataires, doivent-ils être mis à contribution ?
R- Le 1% logement, c'est d'abord un financement qui se fait sur l'entreprise.
Q- Oui, c'est vrai.
R- Et n'oublions pas que c'est d'abord sur l'entreprise...quand on dit : on n'a pas demandé beaucoup aux entreprises, l'effort est demandé d'abord au travers du 1% aux entreprises. Je rappelle que "la garantie des risques locatifs" ne s'applique pas simplement au logement social. Elle s'applique d'abord au secteur libre, c'est-à-dire, à un propriétaire qui met en location un logement. C'est d'ailleurs une incitation à mettre en location plus de logements pour répondre à des besoins. C'est une forme d'assurance. D'ailleurs, peu d'auditeurs savent peut-être qu'il y a peu de sinistres, et que la plupart des locataires, même quand ils rencontrent des difficultés, s'acquittent de leurs devoirs de locataires. On a un taux de "sinistralité" entre 2 et 3%, selon les années. Et donc, c'est un système d'assurance qui apporte au propriétaire la garantie qu'il recevra...
Q- C'est une assurance d'Etat en quelque sorte ?
R- Oui. Une assurance, j'allais dire...partenaire. Parce que les 1%, ce sont les partenaires sociaux, ce sont les entreprises, ce sont les salariés.
Q- Souhaitez-vous que les propriétaires et les locataires participent à ce financement ?
R- Bien sûr. Qu'ils participent non pas au financement, stricto sensu, mais qu'ils participent au Fonds, et qu'ils participent à la gestion de ce Fonds. C'est vraiment une gestion partenariale. L'esprit "garantie risques locatifs", ce n'est pas une espèce de système lointain, c'est vraiment un système de partenariat. Par exemple, j'ai un Contra à durée déterminée, j'ai un contrat intermittent, je suis un jeune qui rentre dans la fonction et je ne suis pas titularisé, j'ai la possibilité enfin d'accéder au logement locatif, en ayant à mes côtés la garantie des risques locatifs. On ne peut plus me rejeter au motif que je n'apporterais pas cette fameuse caution qu'on allait demander à ses parents. Et ceux dont les parents ne peuvent pas apporter cette garantie-là, étaient exclus du logement.
Q- En ce qui concerne l'emploi, je lis aussi : "La bourse des stages proposés par les entreprises, consultable sur Internet, dès le mois de mars", c'est important cela aussi.
R- Important, et c'est important que ce soit avec aussi l'ensemble des fédérations professionnelles. Voilà pourquoi j'ai entamé avec celles-ci une espèce de tour de table pour que nous puissions mettre vraiment en ligne l'ensemble des propositions de stages, et aussi mieux connaître les emplois, car nous sommes quand même dans un paradoxe permanent. Nous avons une réduction du chômage, nous avons...
Q- Cela s'est un peu calmé les derniers mois, mais dans l'ensemble, oui...
R- Vous savez, l'Unedic vient de sortir les chiffres, on a quand même créé 210.000 emplois dans le secteur marchand en un an, je souhaite que cela continue ainsi. Ce n'est pas une forme de calme de créer 200.000 emplois après une longue période où on n'a pas créé d'emplois. Ce que je souhaite surtout, c'est que l'on puisse faciliter l'accès des jeunes à l'emploi, l'accès des jeunes à l'entreprise, et c'est autour de cela qu'il faut que l'on se mobilise, parce que, cela reste pour moi mon vrai point
noir.Source:premier-ministre, Service d'information du gouvernement, le 18 décembre 2006