Texte intégral
Entretien avec l'Agence "Algérie Presse Service" le 12 février 2001
Q - Monsieur le Ministre, mardi prochain vous serez à Alger pour une visite officielle, la seconde de cette nature en moins de deux ans. Dans quel climat pour la relation bilatérale a-t-elle lieu et quel en est l'objectif ?
R - J'étais venu en juillet 1999 à Alger. J'y avais constaté une attente considérable, attente de paix civile d'abord, mais aussi de réformes politique, économique et sociale et de développement.
J'avais manifesté la disponibilité amicale de la France.
La visite d'Etat du président Bouteflika à Paris, il y a huit mois, et les entretiens approfondis qu'il avait eus avec le président de la République et le Premier ministre, avaient marqué notre volonté réciproque de donner une impulsion supplémentaire au renouveau de nos relations. Il est naturel que je retourne aujourd'hui en Algérie pour nourrir notre dialogue, et contribuer à faire avancer un certain nombre de dossiers concrets, en particulier ceux qui intéressent directement la société algérienne.
Bien entendu, toutes les questions du moment seront abordées au cours de mes entretiens.
L'Algérie est un grand pays auquel nous unissent des liens économiques et humains innombrables. Je suis toujours heureux d'y retourner./.
(source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 15 février 2001)
Conférence de presse du 13 février 2001
Les Algériens souhaitaient beaucoup que je revienne, un peu dans la suite et dans l'élan de la visite d'Etat de M. Bouteflika à Paris.
Il était franchement impossible que je vienne pendant la Présidence européenne, matériellement impossible pour moi, avec l'emploi du temps que j'avais. Je suis donc venu maintenant. Ma venue aujourd'hui est sans aucun rapport avec les soubresauts récents, les massacres, les polémiques... C'est en octobre que j'avais dit aux Algériens : "si je peux, je viendrai avant la fin novembre. Mais il y a très, très peu de chance, sinon je viendrai en janvier ou en février".
Voilà donc j'ai pu faire mon travail. Un travail de fond : éplucher chaque dossier. Et entre les discussions avec le ministre et M. Bouteflika, on a tout croisé. Evidemment, il y a toujours des attentes algériennes, au-delà de ce que l'on peut faire d'emblée. Voilà dans quel type de travail de fond s'inscrit cette visite.
Q - "Des attentes algériennes", pouvez-vous nous en dire plus ?
R - Les attentes algériennes : les Algériens continuent à estimer que la Coface ne les traite pas aussi bien qu'elle le devrait. Mais j'explique que la Coface n'est pas sous la direction du ministère de l'Economie et des Finances. Ils continuent à protester contre le fait qu'Air France ne soit pas revenu. J'explique donc que les autorités françaises souhaitent le retour d'Air France, et c'est vrai. Mais on ne peut imposer au président d'Air France d'imposer cela à ses pilotes qui se mettent en grève si toutes les conditions de sécurité ne sont pas réunies.
Il y a toujours des attentes en matière de dette, ils voudraient des allégements, mieux et plus. C'est des thèmes que vous connaissez. Cela porte sur 400 MF. Les Algériens voudraient des clauses plus avantageuses.
Ce sont les thèmes principaux, sinon le président dit qu'il attend plus de la France. Au fond, l'Algérie voudrait que la France ait derrière elle l'Europe. Ils pensent que cela entraînerait un mouvement. Ils acceptent plus franchement l'idée que de toute façon il y a un mouvement migratoire, que cela n'est pas négatif, que cela peut présenter une opportunité pour l'économie européenne.
Q - Sur l'adhésion au Sommet de la Francophonie ? Au Sommet de Yaoundé, il n'y a pas longtemps, ce principe a été acquis, mais le calendrier n'est pas fixé. Cela peut-il se faire dans le courant de cette année ?
R - C'est ce qu'a dit M. Bouteflika en sortant de la Présidence, mais tant que le calendrier n'est pas arrêté...
Q - C'est ce qu'il a dit ?
R - C'est ce qu'il souhaite, oui.
Q - Avez-vous abordé la question de l'armement ?
R - Pas ce qu'on appelle l'armement. Mais il y aura du matériel qui ne peut pas tuer. Il n'y a pas de changement par rapport à cela.
Il y a une grosse pression sur l'aspect économique, j'ai eu de nombreuses questions à ce sujet. J'ai donné l'explication : c'est que, politiquement, on peut inciter à créer un cadre, mais la décision d'investissement proprement dite, n'est pas prise par nous. On n'est plus dans l'économie planifiée.
Le texte sur l'investissement de l'an dernier est un progrès évident. Il me semble qu'il a déjà favorisé quelques opérations. Je ne sais pas si, du point de vue des investisseurs français, c'est suffisant. Parce qu'ils doivent soupeser chaque critère. Il faudrait donc des conditions très avantageuses.
()
Dans les entretiens de ce type, on parle de la relation bilatérale, de la situation interne. M. Bouteflika, par rapport aux responsables français, est très ouvert. Il évoque tous les sujets, il donne son explication, son analyse par rapport à cela. Mais je ne peux pas à partir d'un entretien avec lui, vous dire s'il est isolé ou pas.
Par rapport aux forces politiques, il serait prétentieux de ma part de répondre à cette question au bout de 3h30, même si je le connais assez bien. Ce que je peux vous dire c'est que M. Bouteflika parlait librement des réformes qu'il veut faire, des obstacles qu'il rencontre, de sa volonté de les surmonter, de l'espérance qu'il a dans la France pour qu'elle l'aide à surmonter précisément ces obstacles. Il est très clair par rapport à cela. Il est très clair pour dire aussi qu'il ne voit pas quelle autre politique il peut mener, si ce n'est une politique qui consiste à favoriser la concorde quel que soit le nom, qu'elle soit civile ou nationale c'est la même chose. C'est une politique de concorde qui vise à permettre à tous les Algériens qui veulent tourner la page, qui sont las de la tragédie, de se réinsérer dans un jeu politique normal. C'est sa politique depuis le début, cela reste sa politique. Et je ne vois pas quelle autre politique pourrait être menée. Il peut y avoir une politique de ceux qui refusent la concorde et ne veulent pas entrer dans le jeu. Je ne suis pas en mesure de mesurer le vrai et le faux des rumeurs qu'on entend toute la journée. Quant à dire que c'est une nouvelle vague de massacres, personnellement je n'en sais rien. Personne ne peut le dire. Ce ne sont pas des choses programmées, donc personne ne sait. Il me semble à travers les conversations que j'ai eues, pas uniquement avec M. Bouteflika, mais également avec d'autres, ils me donnent l'impression qu'ils n'ont pas d'explications à part les explications que vous connaissez, que je connais, que j'ai déjà entendues, qui est que la partie la plus violente du terrorisme islamique au fil des années s'est décomposée en série de petits groupes. Et que ce sont des gens qui vivent dans la violence à l'état brut, dans la fuite en avant. Ils ont besoin de l'insécurité pour garder leurs gens. Ils ont besoin, pour survivre, de ce genre de banditisme. Ils sont obligés à un certain moment de terroriser les populations. Vous savez il y a des explications qui sont mises en avant mais personne ne peut être sûr, si les Algériens eux même ne sont pas sûrs.
Le président et les ministres que j'ai vus ou les responsables que j'ai rencontrés au déjeuner, ne m'ont pas paru dans la confusion. Ils ont un axe. Ils ont une issue pour s'en sortir, ils pensent qu'il n'y en a pas d'autre. Quand ils regardent les critiques qui leur sont faites, pas de propositions de remplacement pour faire vraiment autre chose. C'est manifestement difficile, c'est manifestement plus long que prévu pour sortir de tout cela, mais je n'ai pas senti une confusion particulière.
Notre devoir est d'être capable de nous projeter au-delà de ces situations. Si l'on arrive à rebâtir des coopérations, des investissements qui marchent bien et une coopération en matière de formation, en matière culturelle, et qu'on travaille avec des Algériens d'une génération différente. Nous travaillons pour l'Algérie dans 20 ans. Il est clair que nous devons poursuivre cette politique et ce travail indépendamment de ce qu'on pense de la situation immédiate.
()
Je l'ai vu, souvent depuis, à plusieurs endroits. Il y a une différence entre un président qui vient d'arriver qui annonce ses projets et un président qui est en plein dans la vie politique. Il donne l'impression d'être engagé dans quelque chose de difficile.
Q - Il a demandé que la France l'aide à surmonter ces obstacles.
R - Oui c'est ce que j'ai dit, mais l'essentiel se passe ici. Ce n'est pas à la France de réussir la concorde, la France n'y peut rien, la France peut agir sur d'autres points. Dans ce que je vois, il n'y a pas de conflit avec l'armée. On lit des choses, on ne sait pas d'où sort ce genre d'informations. J'ai lu tellement de choses extravagantes.
Q - Le Quai d'Orsay avait dit qu'il ne voulait pas rentrer dans une polémique avec les interpellations des intellectuels ?
R - Pas de commentaire
Q - Il semblerait que vous ayez été un peu choqué qu'ils disent des informations qui étaient inexactes, si c'est vrai, pourquoi ne pas le dire ?
R - Parce que c'est trop excessif. Enfin, les gens l'ont compris tout de même. Non ?
Q - Non.
R - Eh bien tant pis./.
(source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 19 février 2001)
Avant de répondre à vos questions, je veux vous rappeler que je suis déjà venu à Alger en juillet 1999, peu de temps après l'arrivée à la présidence de M. Bouteflika.
J'avais constaté une attente considérable de paix civile, de réformes économiques, politiques et sociales et de relance avec la France. J'avais exprimé au président Bouteflika de la part du gouvernement français, une pleine disponibilité à aller de l'avant dans cette reconstruction, à travers une coopération ambitieuse adaptée aux besoins de l'Algérie d'aujourd'hui et de la France d'aujourd'hui. Et nous sommes au travail depuis. Un des temps forts de cette progression a été évidemment la visite d'Etat du président Bouteflika en France, il y a 8 mois. Depuis, nous avons intensifié nos travaux et dans tous les domaines, notamment économique, culturel et administratif. En réalité, nous sommes en train de passer en revue les coopérations qui existent, de voir comment les développer et les adopter à nos processus, et de faire naître de nouveaux projets qui n'apparaissent pas dans toute leur ampleur. Pour avancer, il faut faire périodiquement le point, à Alger ou à Paris. Et c'est dans cet esprit que je suis revenu à Alger aujourd'hui. Les entretiens que j'ai eus en Algérie m'ont permis d'aborder toutes ces questions. Il n'y a pas que le bilatéral. Nous en avons parlé d'une façon méthodique avec mon homologue, pour voir où nous en sommes, de façon à savoir qui fera quoi, comment avancer, quelles sont les réunions supplémentaires dont on a besoin et les points qu'il faut développer.
Avec le président Bouteflika, nous avons eu un long entretien et un déjeuner tout à fait passionnant. Nous avons bien sûr parlé de sa vision de la relation franco-algérienne, de ses grandes ambitions. Nos ambitions sont aussi grandes d'ailleurs. Mais pour avancer, il faut surmonter les obstacles et résoudre les difficultés.
Nous avons parlé de beaucoup de choses, comme vous pouvez l'imaginer : de la Méditerranée, de l'Afrique et du Proche-Orient.
Q - (Sur le Sahara occidental)
R - Les approches algériennes et françaises ne sont pas les mêmes, mais il y a des éléments communs. Je peux vous dire qu'elle sont complémentaires et qu'elles convergent vers le même objectif, mais il faut trouver une solution "internationalement" satisfaisante,
Q - (Sur les investissements français)
R - Les autorités françaises encouragent les entreprises françaises à aller en Algérie. Nous nous réjouissons d'ailleurs du développement des échanges commerciaux entre les deux pays et de l'obtention récente, par d'importants groupes français, de gros contrats. Nous avons progressé dans la dimension franco-algérienne pour faciliter ce type d'actions : coopérations misent en place ces dernières années, négociation de la conversion de la dette en investissements décidée lors de la visite d'Etat du président Bouteflika. Alger souhaiterait que l'on aille plus loin dans cette direction mais, pour le moment, nous travaillons pour la première étape ; cela ne veut pas dire qu'il n'y en aura pas d'autres. Je suis convaincu de ce que peuvent apporter les entreprises françaises à la modernisation de l'Algérie, mais cela ne relève pas d'une négociation politique franco-algérienne. Les autorités ne peuvent qu'encourager. C'est ce qu'elles font, mais ce sont les entreprises qui examinent la situation et prennent la décision finale. Une partie de la réponse est du coté algérien.
On peut citer des exemples. On parlait tout à l'heure de l'usine d'insuline à Tizi-Ouzou par le groupe Pierre Fabre.
Voilà un exemple de certaines chose, qui se développeront quand l'environnement économique sera de plus en plus convaincant.
Q - (Sur le Proche-Orient)
R - Toute notre politique vise à ce qu'il n'y n'ait pas de conflit de civilisation. Mais, là où il y a risque de malentendu ou de fracture, il faut qu'il y ait des liens, des passerelles qui transforment les potentiels conflits en échanges féconds. Et puisque nous sommes en Méditerranée, il faut essayer de reconstruire ce qui a été, il y a quelques siècles. L'Andalousie, qui était un lien d'échange et de civilisation avait montré, pendant une période historique, que les choses n'étaient pas antagonistes
Vous me posez une question plus précise sur le Proche Orient. Vous avez pu constater, comme moi, que les principaux intéressés, les Palestiniens, et les pays arabes les plus proches ont réagi avec sang froid, sans manifester évidemment de joie particulière. Ils ont manifesté beaucoup de sang froid en disant "nous ne jugerons que sur pièce" pour voir quelle est la situation réelle. L'accord de paix ? Nous l'avons beaucoup espéré, mais il n'a pas pu être conclu. Il le sera un jour, forcément. La France a fait tout ce qui était en son pouvoir pour le rendre possible. Tant que nous sommes dans cette situation, le risque est là, les peuples en souffrent. Nous devons travailler à trouver l'accord juste pour être durable dans la situation actuelle. Nous avons dit aussi que nous nous déterminerions en fonction des faits, non en fonction des paroles. La première des choses, c'est de savoir quel type de gouvernement est constitué en Israël. C'est là que nous saurons s'il y a possibilité de reprendre les discussions sur cet accord inaccompli. Nous sommes attentifs et préoccupés, nous le sommes tant que la situation n'est pas réglée par un accord juste. Et nous verrons dans le contexte nouveau sous quelle forme nous pourrons étudier la paix.
Q - (Sur la construction européenne)
R - Je pense qu'il y a des relations très fortes entre l'ensemble de l'Union, avec des partenaires principaux, l'Allemagne, la Grande-Bretagne et la France. L'Union piétinait depuis quelques années, parce qu'elle était confronté à une sorte d'engagement moral et historique de s'élargir. Aujourd'hui, nous avons quinze membres. Douze pays sont candidats. Elle s'élargira potentiellement à vingt-sept, peut-être à plus.
L'Union était bloquée sur cette démarche nécessaire parce qu'elle n'avait pas réussi en 1997 à Amsterdam à se mettre d'accord sur un certain nombre de réformes institutionnelles qui étaient un préalable absolu.
Sous la présidence française, nous avons réussi à nous mettre d'accord, non sans mal d'ailleurs. Les discussions sur le pouvoir sont toujours difficiles, naturellement. Mais le fait est que nous avons trouvé la solution. Nous avons réglé les trois problèmes qui ne l'avaient pas été en 1997. A partir de là, nous avons une situation différente. Cela nous permet d'une part de négocier l'adhésion des Douze dont je vous avais parlé, pour que l'élargissement de l'Union soit réussi, et d'autre part cela nous permet d'avoir l'esprit dégagé par rapport aux problèmes évités en 1997 pour commencer à réfléchir à l'architecture sans doute définitive de l'Union, cela à travers une nouvelle négociation en 2004. Nous voulons qu'elle prenne la forme d'un débat démocratique auquel participeront toute les forces de l'Union, le parlement, les ONG. L'Europe a devant elle une période de grands débats. Nous avons une très grande échéance l'an prochain, qui est la mise en circulation des pièces et des billets en euro, qui est une forte concrétisation de l'Europe, en tout cas pour les douze de l'Euro-groupe.
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Q - Sur la réouverture des consulats français en Algérie)
R - Il y a des dossiers qui avancent plus vite que d'autres. En ce qui concerne les consulats, après le travail qui a été fait à Alger, après la réouverture du consulat général d'Annaba, nous nous préparons à l'ouverture du Consulat général d'Oran. En ce qui concerne le lycée de Benaknoun, cela implique la signature d'une convention avec les autorités algériennes et dont mes collègues, ici présents, ont discuté avec la partie algérienne. Je comprend qu'il y ait un sentiment d'attente, je vous assure que nous travaillons beaucoup sur ces questions là.
Q - (Sur Air France)
R - Les autorités françaises aimeraient qu'Air France recommence à desservir l'Algérie. Mais compte tenu du statut de cette compagnie, les autorités ne sont pas en mesure de lui imposer quoi que ce soit. Le retour d'Air France finira par arriver.
Q - (Sur les disparus)
R - J'ai été saisi par une ONG sur la question des disparus. Et il est exact que ces questions font partie de nos échanges réguliers. D'ailleurs, je me réjouis de voir que les autorités algériennes sont de plus en plus accueillante avec les ONG qui veulent travailler, publier des conclusions, des avis et des recommandations. Je pense que c'est un bon signe.
Q - (Sur le dialogue Méditerranée occidentale)
R - La question des "5 + 5" a été relancée parce qu'il y avait un échec au Processus de Barcelone. C'est tout à fait complémentaire, le Processus de Barcelone étant grand. Je pense, comme M. Belkhadem, qu'il y a des spécificités de la Méditerranée occidentale, et que tout en étant actif au Processus de Barcelone, nous avons des choses à faire, à nous dire entre riverains de Méditerranée occidentale. Des liens économiques et historiques tout à fait particuliers que l'on ne retrouve pas dans d'autres parties de la Méditerranée. La prochaine rencontre va se renouveler, sans doute en Algérie et par la suite en France.
Q - Monsieur le Ministre, les opérateurs économiques algériens reprochent aux Français de privilégier les relations commerciales et non des relations économiques basées sur un partenariat. Que pouvez-vous nous dire à ce sujet ?
Quelle est votre appréciation sur les réformes économiques engagées actuellement ? Pensez-vous que les nouvelles lois sont suffisamment attrayantes pour des investisseurs français ?
R - Les autorités politiques sont très heureuses de voir le développement des échanges commerciaux naturellement, mais c'est vrai qu'elles souhaitent qu'au-delà des échanges commerciaux, il y ait un développement des investissements français en Algérie. Mais, comme je le disais tout à l'heure, ceux sont les investisseurs décident. On ne peut donc pas dire que les autorités ne privilégient pas assez les investissements. Ce ne sont pas les autorités politiques qui décident des investissements. Elles donnent des impulsions. Elles peuvent créer un cadre. Le gouvernement algérien peut créer un cadre de plus en plus attrayant pour les investisseurs privés. C'est cela qui déterminera la réussite. Je pense que c'est en bonne voie. Mais il faut mettre en uvre les réformes, complètement, les perfectionner, on peut toujours aller plus loin. En tout cas, le cap qui a été retenu, qui a été affiché, me paraît bon. Mais ceux qui peuvent donner la réponse sont les investisseurs eux-mêmes. Je souhaite donc que les décisions qui ont été prises, les textes de loi qui ont été adoptés, enclenchent un processus plus nourri d'investissements qui aura sa propre logique et qui aura une composante utile et féconde pour l'économie algérienne. Ce sont les investisseurs qui peuvent dire à un moment donné : "voilà, nous pouvons y aller puisque la situation est comme ci ou comme cela !" Il faut intégrer dans le raisonnement l'autonomie de décision de l'investisseur économique.
Je l'ai dit plusieurs fois, depuis qu'on me pose des questions : nous encourageons publiquement le développement des échanges économiques, qu'il s'agisse des échanges commerciaux ou même de l'investissement.
Et si l'investissement peut être ambitieux au point de constituer les éléments d'un vrai partenariat, tant mieux. On crée un mouvement, on crée les conditions et, après, les investisseurs regardent en fonction des lois sur la protection des investissements. S'il y a d'autres dispositions fiscales, c'est à partir de ce moment-là que la décision se prend. Mais politiquement, nous encourageons. Nous souhaiterions que les relations économiques francoalgériennes aient encore plus de densité.
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Q - Monsieur le Ministre, vous êtes en train de redéfinir les relations algéro-françaises. Des Français à partir de Paris demandent à leur gouvernement de prendre des distances envers le régime algérien ; ne craignez-vous pas que ces informations risquent de déteindre sur des relations qui sont difficiles à construire ? Ne vous attendez-vous pas à des pressions de la part de ces milieux comme cela a été le cas en 94-95 pour la Commission internationale ? Question inévitable : votre visite est-elle une visite annonciatrice de celle du président Chirac ?
R - D'abord en ce qui concerne les visites du président de la République et du Premier ministre, elles sont engagées. Elles sont prévues et auront lieu. Mais pour le moment, le calendrier exact n'a pas encore été arrêté. Il fait naturellement partie de notre perspective de travail et de coopération politique.
Sans attendre ces visites, vous savez que le président Bouteflika s'en réjouit. Il le dit publiquement. La relation nouée au plus haut niveau entre lui, le président Chirac et le Premier ministre, M. Jospin, est excellente et cordiale. C'est une relation politique très forte.
Sur un autre aspect de votre question, c'est la liberté de la presse. C'est la liberté de la presse de défendre différents points de vue. Mais à un moment donné, on a des opinions qui s'expriment. Il y a la responsabilité des autorités politiques en France et en Algérie et nous pensons que notre responsabilité est de développer cette coopération, dans le meilleur intérêt de l'Algérie et de la France. On le fait d'une façon moderne, adaptée aux besoins de l'Algérie d'aujourd'hui, adaptée à nos procédures, à nous, Français d'aujourd'hui. Et, nous sommes dans une politique qui vise à accompagner cet immense travail de mutation, de modernisation de l'Algérie. C'est un choix stratégique./.
(source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 20 février 2001)
Q - Monsieur le Ministre, mardi prochain vous serez à Alger pour une visite officielle, la seconde de cette nature en moins de deux ans. Dans quel climat pour la relation bilatérale a-t-elle lieu et quel en est l'objectif ?
R - J'étais venu en juillet 1999 à Alger. J'y avais constaté une attente considérable, attente de paix civile d'abord, mais aussi de réformes politique, économique et sociale et de développement.
J'avais manifesté la disponibilité amicale de la France.
La visite d'Etat du président Bouteflika à Paris, il y a huit mois, et les entretiens approfondis qu'il avait eus avec le président de la République et le Premier ministre, avaient marqué notre volonté réciproque de donner une impulsion supplémentaire au renouveau de nos relations. Il est naturel que je retourne aujourd'hui en Algérie pour nourrir notre dialogue, et contribuer à faire avancer un certain nombre de dossiers concrets, en particulier ceux qui intéressent directement la société algérienne.
Bien entendu, toutes les questions du moment seront abordées au cours de mes entretiens.
L'Algérie est un grand pays auquel nous unissent des liens économiques et humains innombrables. Je suis toujours heureux d'y retourner./.
(source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 15 février 2001)
Conférence de presse du 13 février 2001
Les Algériens souhaitaient beaucoup que je revienne, un peu dans la suite et dans l'élan de la visite d'Etat de M. Bouteflika à Paris.
Il était franchement impossible que je vienne pendant la Présidence européenne, matériellement impossible pour moi, avec l'emploi du temps que j'avais. Je suis donc venu maintenant. Ma venue aujourd'hui est sans aucun rapport avec les soubresauts récents, les massacres, les polémiques... C'est en octobre que j'avais dit aux Algériens : "si je peux, je viendrai avant la fin novembre. Mais il y a très, très peu de chance, sinon je viendrai en janvier ou en février".
Voilà donc j'ai pu faire mon travail. Un travail de fond : éplucher chaque dossier. Et entre les discussions avec le ministre et M. Bouteflika, on a tout croisé. Evidemment, il y a toujours des attentes algériennes, au-delà de ce que l'on peut faire d'emblée. Voilà dans quel type de travail de fond s'inscrit cette visite.
Q - "Des attentes algériennes", pouvez-vous nous en dire plus ?
R - Les attentes algériennes : les Algériens continuent à estimer que la Coface ne les traite pas aussi bien qu'elle le devrait. Mais j'explique que la Coface n'est pas sous la direction du ministère de l'Economie et des Finances. Ils continuent à protester contre le fait qu'Air France ne soit pas revenu. J'explique donc que les autorités françaises souhaitent le retour d'Air France, et c'est vrai. Mais on ne peut imposer au président d'Air France d'imposer cela à ses pilotes qui se mettent en grève si toutes les conditions de sécurité ne sont pas réunies.
Il y a toujours des attentes en matière de dette, ils voudraient des allégements, mieux et plus. C'est des thèmes que vous connaissez. Cela porte sur 400 MF. Les Algériens voudraient des clauses plus avantageuses.
Ce sont les thèmes principaux, sinon le président dit qu'il attend plus de la France. Au fond, l'Algérie voudrait que la France ait derrière elle l'Europe. Ils pensent que cela entraînerait un mouvement. Ils acceptent plus franchement l'idée que de toute façon il y a un mouvement migratoire, que cela n'est pas négatif, que cela peut présenter une opportunité pour l'économie européenne.
Q - Sur l'adhésion au Sommet de la Francophonie ? Au Sommet de Yaoundé, il n'y a pas longtemps, ce principe a été acquis, mais le calendrier n'est pas fixé. Cela peut-il se faire dans le courant de cette année ?
R - C'est ce qu'a dit M. Bouteflika en sortant de la Présidence, mais tant que le calendrier n'est pas arrêté...
Q - C'est ce qu'il a dit ?
R - C'est ce qu'il souhaite, oui.
Q - Avez-vous abordé la question de l'armement ?
R - Pas ce qu'on appelle l'armement. Mais il y aura du matériel qui ne peut pas tuer. Il n'y a pas de changement par rapport à cela.
Il y a une grosse pression sur l'aspect économique, j'ai eu de nombreuses questions à ce sujet. J'ai donné l'explication : c'est que, politiquement, on peut inciter à créer un cadre, mais la décision d'investissement proprement dite, n'est pas prise par nous. On n'est plus dans l'économie planifiée.
Le texte sur l'investissement de l'an dernier est un progrès évident. Il me semble qu'il a déjà favorisé quelques opérations. Je ne sais pas si, du point de vue des investisseurs français, c'est suffisant. Parce qu'ils doivent soupeser chaque critère. Il faudrait donc des conditions très avantageuses.
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Dans les entretiens de ce type, on parle de la relation bilatérale, de la situation interne. M. Bouteflika, par rapport aux responsables français, est très ouvert. Il évoque tous les sujets, il donne son explication, son analyse par rapport à cela. Mais je ne peux pas à partir d'un entretien avec lui, vous dire s'il est isolé ou pas.
Par rapport aux forces politiques, il serait prétentieux de ma part de répondre à cette question au bout de 3h30, même si je le connais assez bien. Ce que je peux vous dire c'est que M. Bouteflika parlait librement des réformes qu'il veut faire, des obstacles qu'il rencontre, de sa volonté de les surmonter, de l'espérance qu'il a dans la France pour qu'elle l'aide à surmonter précisément ces obstacles. Il est très clair par rapport à cela. Il est très clair pour dire aussi qu'il ne voit pas quelle autre politique il peut mener, si ce n'est une politique qui consiste à favoriser la concorde quel que soit le nom, qu'elle soit civile ou nationale c'est la même chose. C'est une politique de concorde qui vise à permettre à tous les Algériens qui veulent tourner la page, qui sont las de la tragédie, de se réinsérer dans un jeu politique normal. C'est sa politique depuis le début, cela reste sa politique. Et je ne vois pas quelle autre politique pourrait être menée. Il peut y avoir une politique de ceux qui refusent la concorde et ne veulent pas entrer dans le jeu. Je ne suis pas en mesure de mesurer le vrai et le faux des rumeurs qu'on entend toute la journée. Quant à dire que c'est une nouvelle vague de massacres, personnellement je n'en sais rien. Personne ne peut le dire. Ce ne sont pas des choses programmées, donc personne ne sait. Il me semble à travers les conversations que j'ai eues, pas uniquement avec M. Bouteflika, mais également avec d'autres, ils me donnent l'impression qu'ils n'ont pas d'explications à part les explications que vous connaissez, que je connais, que j'ai déjà entendues, qui est que la partie la plus violente du terrorisme islamique au fil des années s'est décomposée en série de petits groupes. Et que ce sont des gens qui vivent dans la violence à l'état brut, dans la fuite en avant. Ils ont besoin de l'insécurité pour garder leurs gens. Ils ont besoin, pour survivre, de ce genre de banditisme. Ils sont obligés à un certain moment de terroriser les populations. Vous savez il y a des explications qui sont mises en avant mais personne ne peut être sûr, si les Algériens eux même ne sont pas sûrs.
Le président et les ministres que j'ai vus ou les responsables que j'ai rencontrés au déjeuner, ne m'ont pas paru dans la confusion. Ils ont un axe. Ils ont une issue pour s'en sortir, ils pensent qu'il n'y en a pas d'autre. Quand ils regardent les critiques qui leur sont faites, pas de propositions de remplacement pour faire vraiment autre chose. C'est manifestement difficile, c'est manifestement plus long que prévu pour sortir de tout cela, mais je n'ai pas senti une confusion particulière.
Notre devoir est d'être capable de nous projeter au-delà de ces situations. Si l'on arrive à rebâtir des coopérations, des investissements qui marchent bien et une coopération en matière de formation, en matière culturelle, et qu'on travaille avec des Algériens d'une génération différente. Nous travaillons pour l'Algérie dans 20 ans. Il est clair que nous devons poursuivre cette politique et ce travail indépendamment de ce qu'on pense de la situation immédiate.
()
Je l'ai vu, souvent depuis, à plusieurs endroits. Il y a une différence entre un président qui vient d'arriver qui annonce ses projets et un président qui est en plein dans la vie politique. Il donne l'impression d'être engagé dans quelque chose de difficile.
Q - Il a demandé que la France l'aide à surmonter ces obstacles.
R - Oui c'est ce que j'ai dit, mais l'essentiel se passe ici. Ce n'est pas à la France de réussir la concorde, la France n'y peut rien, la France peut agir sur d'autres points. Dans ce que je vois, il n'y a pas de conflit avec l'armée. On lit des choses, on ne sait pas d'où sort ce genre d'informations. J'ai lu tellement de choses extravagantes.
Q - Le Quai d'Orsay avait dit qu'il ne voulait pas rentrer dans une polémique avec les interpellations des intellectuels ?
R - Pas de commentaire
Q - Il semblerait que vous ayez été un peu choqué qu'ils disent des informations qui étaient inexactes, si c'est vrai, pourquoi ne pas le dire ?
R - Parce que c'est trop excessif. Enfin, les gens l'ont compris tout de même. Non ?
Q - Non.
R - Eh bien tant pis./.
(source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 19 février 2001)
Avant de répondre à vos questions, je veux vous rappeler que je suis déjà venu à Alger en juillet 1999, peu de temps après l'arrivée à la présidence de M. Bouteflika.
J'avais constaté une attente considérable de paix civile, de réformes économiques, politiques et sociales et de relance avec la France. J'avais exprimé au président Bouteflika de la part du gouvernement français, une pleine disponibilité à aller de l'avant dans cette reconstruction, à travers une coopération ambitieuse adaptée aux besoins de l'Algérie d'aujourd'hui et de la France d'aujourd'hui. Et nous sommes au travail depuis. Un des temps forts de cette progression a été évidemment la visite d'Etat du président Bouteflika en France, il y a 8 mois. Depuis, nous avons intensifié nos travaux et dans tous les domaines, notamment économique, culturel et administratif. En réalité, nous sommes en train de passer en revue les coopérations qui existent, de voir comment les développer et les adopter à nos processus, et de faire naître de nouveaux projets qui n'apparaissent pas dans toute leur ampleur. Pour avancer, il faut faire périodiquement le point, à Alger ou à Paris. Et c'est dans cet esprit que je suis revenu à Alger aujourd'hui. Les entretiens que j'ai eus en Algérie m'ont permis d'aborder toutes ces questions. Il n'y a pas que le bilatéral. Nous en avons parlé d'une façon méthodique avec mon homologue, pour voir où nous en sommes, de façon à savoir qui fera quoi, comment avancer, quelles sont les réunions supplémentaires dont on a besoin et les points qu'il faut développer.
Avec le président Bouteflika, nous avons eu un long entretien et un déjeuner tout à fait passionnant. Nous avons bien sûr parlé de sa vision de la relation franco-algérienne, de ses grandes ambitions. Nos ambitions sont aussi grandes d'ailleurs. Mais pour avancer, il faut surmonter les obstacles et résoudre les difficultés.
Nous avons parlé de beaucoup de choses, comme vous pouvez l'imaginer : de la Méditerranée, de l'Afrique et du Proche-Orient.
Q - (Sur le Sahara occidental)
R - Les approches algériennes et françaises ne sont pas les mêmes, mais il y a des éléments communs. Je peux vous dire qu'elle sont complémentaires et qu'elles convergent vers le même objectif, mais il faut trouver une solution "internationalement" satisfaisante,
Q - (Sur les investissements français)
R - Les autorités françaises encouragent les entreprises françaises à aller en Algérie. Nous nous réjouissons d'ailleurs du développement des échanges commerciaux entre les deux pays et de l'obtention récente, par d'importants groupes français, de gros contrats. Nous avons progressé dans la dimension franco-algérienne pour faciliter ce type d'actions : coopérations misent en place ces dernières années, négociation de la conversion de la dette en investissements décidée lors de la visite d'Etat du président Bouteflika. Alger souhaiterait que l'on aille plus loin dans cette direction mais, pour le moment, nous travaillons pour la première étape ; cela ne veut pas dire qu'il n'y en aura pas d'autres. Je suis convaincu de ce que peuvent apporter les entreprises françaises à la modernisation de l'Algérie, mais cela ne relève pas d'une négociation politique franco-algérienne. Les autorités ne peuvent qu'encourager. C'est ce qu'elles font, mais ce sont les entreprises qui examinent la situation et prennent la décision finale. Une partie de la réponse est du coté algérien.
On peut citer des exemples. On parlait tout à l'heure de l'usine d'insuline à Tizi-Ouzou par le groupe Pierre Fabre.
Voilà un exemple de certaines chose, qui se développeront quand l'environnement économique sera de plus en plus convaincant.
Q - (Sur le Proche-Orient)
R - Toute notre politique vise à ce qu'il n'y n'ait pas de conflit de civilisation. Mais, là où il y a risque de malentendu ou de fracture, il faut qu'il y ait des liens, des passerelles qui transforment les potentiels conflits en échanges féconds. Et puisque nous sommes en Méditerranée, il faut essayer de reconstruire ce qui a été, il y a quelques siècles. L'Andalousie, qui était un lien d'échange et de civilisation avait montré, pendant une période historique, que les choses n'étaient pas antagonistes
Vous me posez une question plus précise sur le Proche Orient. Vous avez pu constater, comme moi, que les principaux intéressés, les Palestiniens, et les pays arabes les plus proches ont réagi avec sang froid, sans manifester évidemment de joie particulière. Ils ont manifesté beaucoup de sang froid en disant "nous ne jugerons que sur pièce" pour voir quelle est la situation réelle. L'accord de paix ? Nous l'avons beaucoup espéré, mais il n'a pas pu être conclu. Il le sera un jour, forcément. La France a fait tout ce qui était en son pouvoir pour le rendre possible. Tant que nous sommes dans cette situation, le risque est là, les peuples en souffrent. Nous devons travailler à trouver l'accord juste pour être durable dans la situation actuelle. Nous avons dit aussi que nous nous déterminerions en fonction des faits, non en fonction des paroles. La première des choses, c'est de savoir quel type de gouvernement est constitué en Israël. C'est là que nous saurons s'il y a possibilité de reprendre les discussions sur cet accord inaccompli. Nous sommes attentifs et préoccupés, nous le sommes tant que la situation n'est pas réglée par un accord juste. Et nous verrons dans le contexte nouveau sous quelle forme nous pourrons étudier la paix.
Q - (Sur la construction européenne)
R - Je pense qu'il y a des relations très fortes entre l'ensemble de l'Union, avec des partenaires principaux, l'Allemagne, la Grande-Bretagne et la France. L'Union piétinait depuis quelques années, parce qu'elle était confronté à une sorte d'engagement moral et historique de s'élargir. Aujourd'hui, nous avons quinze membres. Douze pays sont candidats. Elle s'élargira potentiellement à vingt-sept, peut-être à plus.
L'Union était bloquée sur cette démarche nécessaire parce qu'elle n'avait pas réussi en 1997 à Amsterdam à se mettre d'accord sur un certain nombre de réformes institutionnelles qui étaient un préalable absolu.
Sous la présidence française, nous avons réussi à nous mettre d'accord, non sans mal d'ailleurs. Les discussions sur le pouvoir sont toujours difficiles, naturellement. Mais le fait est que nous avons trouvé la solution. Nous avons réglé les trois problèmes qui ne l'avaient pas été en 1997. A partir de là, nous avons une situation différente. Cela nous permet d'une part de négocier l'adhésion des Douze dont je vous avais parlé, pour que l'élargissement de l'Union soit réussi, et d'autre part cela nous permet d'avoir l'esprit dégagé par rapport aux problèmes évités en 1997 pour commencer à réfléchir à l'architecture sans doute définitive de l'Union, cela à travers une nouvelle négociation en 2004. Nous voulons qu'elle prenne la forme d'un débat démocratique auquel participeront toute les forces de l'Union, le parlement, les ONG. L'Europe a devant elle une période de grands débats. Nous avons une très grande échéance l'an prochain, qui est la mise en circulation des pièces et des billets en euro, qui est une forte concrétisation de l'Europe, en tout cas pour les douze de l'Euro-groupe.
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Q - Sur la réouverture des consulats français en Algérie)
R - Il y a des dossiers qui avancent plus vite que d'autres. En ce qui concerne les consulats, après le travail qui a été fait à Alger, après la réouverture du consulat général d'Annaba, nous nous préparons à l'ouverture du Consulat général d'Oran. En ce qui concerne le lycée de Benaknoun, cela implique la signature d'une convention avec les autorités algériennes et dont mes collègues, ici présents, ont discuté avec la partie algérienne. Je comprend qu'il y ait un sentiment d'attente, je vous assure que nous travaillons beaucoup sur ces questions là.
Q - (Sur Air France)
R - Les autorités françaises aimeraient qu'Air France recommence à desservir l'Algérie. Mais compte tenu du statut de cette compagnie, les autorités ne sont pas en mesure de lui imposer quoi que ce soit. Le retour d'Air France finira par arriver.
Q - (Sur les disparus)
R - J'ai été saisi par une ONG sur la question des disparus. Et il est exact que ces questions font partie de nos échanges réguliers. D'ailleurs, je me réjouis de voir que les autorités algériennes sont de plus en plus accueillante avec les ONG qui veulent travailler, publier des conclusions, des avis et des recommandations. Je pense que c'est un bon signe.
Q - (Sur le dialogue Méditerranée occidentale)
R - La question des "5 + 5" a été relancée parce qu'il y avait un échec au Processus de Barcelone. C'est tout à fait complémentaire, le Processus de Barcelone étant grand. Je pense, comme M. Belkhadem, qu'il y a des spécificités de la Méditerranée occidentale, et que tout en étant actif au Processus de Barcelone, nous avons des choses à faire, à nous dire entre riverains de Méditerranée occidentale. Des liens économiques et historiques tout à fait particuliers que l'on ne retrouve pas dans d'autres parties de la Méditerranée. La prochaine rencontre va se renouveler, sans doute en Algérie et par la suite en France.
Q - Monsieur le Ministre, les opérateurs économiques algériens reprochent aux Français de privilégier les relations commerciales et non des relations économiques basées sur un partenariat. Que pouvez-vous nous dire à ce sujet ?
Quelle est votre appréciation sur les réformes économiques engagées actuellement ? Pensez-vous que les nouvelles lois sont suffisamment attrayantes pour des investisseurs français ?
R - Les autorités politiques sont très heureuses de voir le développement des échanges commerciaux naturellement, mais c'est vrai qu'elles souhaitent qu'au-delà des échanges commerciaux, il y ait un développement des investissements français en Algérie. Mais, comme je le disais tout à l'heure, ceux sont les investisseurs décident. On ne peut donc pas dire que les autorités ne privilégient pas assez les investissements. Ce ne sont pas les autorités politiques qui décident des investissements. Elles donnent des impulsions. Elles peuvent créer un cadre. Le gouvernement algérien peut créer un cadre de plus en plus attrayant pour les investisseurs privés. C'est cela qui déterminera la réussite. Je pense que c'est en bonne voie. Mais il faut mettre en uvre les réformes, complètement, les perfectionner, on peut toujours aller plus loin. En tout cas, le cap qui a été retenu, qui a été affiché, me paraît bon. Mais ceux qui peuvent donner la réponse sont les investisseurs eux-mêmes. Je souhaite donc que les décisions qui ont été prises, les textes de loi qui ont été adoptés, enclenchent un processus plus nourri d'investissements qui aura sa propre logique et qui aura une composante utile et féconde pour l'économie algérienne. Ce sont les investisseurs qui peuvent dire à un moment donné : "voilà, nous pouvons y aller puisque la situation est comme ci ou comme cela !" Il faut intégrer dans le raisonnement l'autonomie de décision de l'investisseur économique.
Je l'ai dit plusieurs fois, depuis qu'on me pose des questions : nous encourageons publiquement le développement des échanges économiques, qu'il s'agisse des échanges commerciaux ou même de l'investissement.
Et si l'investissement peut être ambitieux au point de constituer les éléments d'un vrai partenariat, tant mieux. On crée un mouvement, on crée les conditions et, après, les investisseurs regardent en fonction des lois sur la protection des investissements. S'il y a d'autres dispositions fiscales, c'est à partir de ce moment-là que la décision se prend. Mais politiquement, nous encourageons. Nous souhaiterions que les relations économiques francoalgériennes aient encore plus de densité.
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Q - Monsieur le Ministre, vous êtes en train de redéfinir les relations algéro-françaises. Des Français à partir de Paris demandent à leur gouvernement de prendre des distances envers le régime algérien ; ne craignez-vous pas que ces informations risquent de déteindre sur des relations qui sont difficiles à construire ? Ne vous attendez-vous pas à des pressions de la part de ces milieux comme cela a été le cas en 94-95 pour la Commission internationale ? Question inévitable : votre visite est-elle une visite annonciatrice de celle du président Chirac ?
R - D'abord en ce qui concerne les visites du président de la République et du Premier ministre, elles sont engagées. Elles sont prévues et auront lieu. Mais pour le moment, le calendrier exact n'a pas encore été arrêté. Il fait naturellement partie de notre perspective de travail et de coopération politique.
Sans attendre ces visites, vous savez que le président Bouteflika s'en réjouit. Il le dit publiquement. La relation nouée au plus haut niveau entre lui, le président Chirac et le Premier ministre, M. Jospin, est excellente et cordiale. C'est une relation politique très forte.
Sur un autre aspect de votre question, c'est la liberté de la presse. C'est la liberté de la presse de défendre différents points de vue. Mais à un moment donné, on a des opinions qui s'expriment. Il y a la responsabilité des autorités politiques en France et en Algérie et nous pensons que notre responsabilité est de développer cette coopération, dans le meilleur intérêt de l'Algérie et de la France. On le fait d'une façon moderne, adaptée aux besoins de l'Algérie d'aujourd'hui, adaptée à nos procédures, à nous, Français d'aujourd'hui. Et, nous sommes dans une politique qui vise à accompagner cet immense travail de mutation, de modernisation de l'Algérie. C'est un choix stratégique./.
(source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 20 février 2001)