Déclaration de Mme Catherine Colonna, ministre déléguée aux affaires européennes, notamment sur la préparation de la future présidence portugaise de l'Union européenne, à Lisbonne le 21 décembre 2006.

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Circonstance : Déplacement au Portugal-conférence de presse conjointe avec M. Manuel Lobo Antunes, secrétaire d'Etat portugais aux affaires européennes, à Lisbonne le 21 décembre 2006

Texte intégral

Merci beaucoup, Monsieur le Ministre, quelques mots à mon tour, Mesdames et Monsieur, pour compléter ce qu'a dit Manuel. Je voudrais d'abord vous remercier de votre présence et de votre intérêt pour la construction de l'Europe. Nous en avons besoin, nous avons besoin du soutien des citoyens.
J'étais à Lisbonne il y a un an. Je suis heureuse d'y revenir après que plusieurs ministres français soient venus entre-temps. C'est une bonne chose car cela montre que nous avons des échanges fréquents, réguliers, qui touchent à tous les domaines. Ma visite, cette fois-ci, prend place dans la perspective de la future Présidence portugaise de l'Union, au deuxième semestre de l'année prochaine. Et comme je vous le disais, Monsieur le Ministre, une présidence c'est à la fois une tâche exaltante, parce qu'on travaille pour l'intérêt général européen, et un honneur redoutable. Tous nos voeux accompagnent la future présidence. J'ai moi-même tenu hier la première réunion de préparation de la future présidence française, qui se tiendra au deuxième semestre 2008, et nous savons d'expérience, les uns les autres, ce que cette tâche représente.
J'ai indiqué au ministre, d'ailleurs, que la France proposait de mettre à disposition du Portugal pour sa présidence un diplomate français, qui viendra dans les mois qui viennent, en amont de la présidence. Si cela peut nous permettre d'aider au succès de la présidence, nous en serions heureux. Et puis, comme vous l'a dit le ministre, nous engagerons à partir du 1er janvier, dans quelques jours maintenant, une séquence de quatre présidences, l'Allemagne, le Portugal, la Slovénie, la France. Elles auront la volonté de se coordonner, elles en manifestent la volonté et c'est pour ça que je suis là aujourd'hui. Vous verrez également d'autres ministres français qui vont tenter ensemble, c'est leur objectif en tous cas, d'engager la relance de l'Europe.
2005 a été une année difficile, il faut le reconnaître. 2006, je crois, a été une année de consolidation. On a pris un certain nombre de décisions importantes et puis il m'a semblé que lors du dernier conseil européen en particulier, on retrouvait un peu l'esprit collectif européen. C'est indispensable si on veut avancer. Après cette année de consolidation, il faut maintenant engager la relance et nous comptons donc beaucoup sur les efforts de la Présidence allemande, et sur le succès de ces efforts, ainsi que sur le bon travail des quatre présidences pour que cette relance soit une réalité. Le dossier institutionnel est à l'ordre du jour mais pas seulement, il y a aussi des questions de fond, et des questions liées aux politiques communes ou aux nouveaux défis qui se présentent à l'Europe. Je crois que nous abordons ce travail dans le même esprit et je m'en réjouis.
D'ores et déjà, je constate que nous avons sur le fond beaucoup d'intérêts et beaucoup de priorités qui sont proches. Il y a notamment la stratégie de Lisbonne, ne l'oublions pas : nous avons commencé à faire des progrès dans la mise en oeuvre de cette stratégie par les Etats membres, dans l'appropriation par les Etats de cette stratégie. Mais il est certain aussi que nous devons progresser et que c'est l'une des clés du développement futur de cette Europe de démocratie et de prospérité que nous appelons tous de nos voeux.
Il y a également la politique maritime - nous étions ensemble il y a quelques mois à Antibes - : la France, le Portugal et quelques autres pays entendent être actifs pour que cette politique soit mise en oeuvre dans ses différents volets, aussi bien ce qui touche à l'environnement, qu'aux transports, qu'à la question de l'aménagement du territoire, et, sous la Présidence portugaise, je crois que nous verrons un certain nombre d'initiatives.
Nous avons aussi parlé de la question des migrations et, plus largement, de celle des relations de l'Europe avec le continent africain, où tant de choses sont en jeu en termes de développement, mais aussi d'équilibre et de stabilité du monde de demain. Nous avons des vues très proches et nous avons le même attachement au développement d'un dialogue avec l'Afrique, qui porte sur tous les volets. Nous soutiendrons, je veux vous le dire, les efforts de la future Présidence portugaise pour que l'Europe parvienne à avoir un sommet avec l'Afrique. Je dis "parvienne" mais j'ai presque envie de dire "parvienne enfin". Il nous faut une enceinte de dialogue avec le continent africain. L'Europe a des sommets avec tous ses grands partenaires. Il serait utile et bien utile, et j'espère que 2007 le permettra, que nous trouvions le moyen de tenir ce sommet. En tous cas, nous serons aux côtés du Portugal pour régler toutes les difficultés qui pourraient se présenter.
Nous avons aussi le même attachement à la dimension méditerranéenne de l'Union sous tous ces aspects, politique de voisinage et autres. Le ministre vous en a parlé et, évidemment, je dirais la même chose que lui.
Je crois que nous avons engagé un bon travail. Je sais que nous avons beaucoup à faire encore et qu'il faudra développer tous les espaces de concertation à tous les niveaux, au niveau politique et au niveau technique. Nous en avons également parlé et nous souhaitons vraiment que ces quatre présidences travaillent ensemble, autant qu'elles le pourront, parce que nous avons besoin d'une meilleure Europe, d'une Europe qui fonctionne plus efficacement, qui prenne des décisions plus rapidement. Le monde bouge autour de nous et il nous faut nous adapter. Il faut que nous sachions trouver les bonnes réponses. Lorsque la volonté politique est là, généralement, il y a des réponses. Je terminerai simplement sur cette note optimiste, en vous souhaitant à nouveau le meilleur. Il faut qu'on réussisse !
Q - Sur le futur de l'Europe, concrètement, sur l'élargissement, qu'est-ce que vous pensez de l'idée de référendum pour les futurs élargissements ?
R - Représentant la France comme membre du gouvernement français, j'en pense ce qu'est la position de mon pays : la France a fait le choix, approuvé par le Parlement français à la majorité qualifiée, de soumettre tout nouvel élargissement, après la Bulgarie et la Roumanie et la Croatie, à référendum. Il faut que nous soyons plus attentifs que nous ne l'avons été les uns les autres - en ne parlant que pour mon pays - à s'assurer que, dans la marche de l'Europe, dans les progrès de l'Europe, nous sachions toujours transmettre notre idéal européen aux citoyens. On ne fera pas l'Europe sans le soutien des citoyens. Nous voulons, instruits par l'expérience qui a été la nôtre, redoubler d'efforts pour s'assurer de l'adhésion des citoyens à chaque étape de progrès de l'Europe.
Je suis optimiste et je vois ce que l'Europe nous a apporté depuis cinquante ans. D'ailleurs, je regrette assez souvent qu'on ne souligne pas suffisamment ce travail extraordinaire qui a été fait pour faire de l'Europe un espace de paix, de liberté, de démocratie. On sait qu'il y a une alternative à la construction européenne, qui est une Europe divisée, déconstruite, qui ne peut pas se développer. Sur la base de ce constat, et de la démonstration que nous apporte notre histoire européenne, je suis persuadée que l'on peut convaincre les peuples. Mais on a besoin de leur soutien, et nous le savons. Ceci dit la question n'est pas particulièrement d'actualité puisque nous avons, au Conseil européen, trouvé un accord unanime entre les Vingt-cinq sur la conduite des futurs élargissements. L'élargissement a été un grand succès et il y aura de nouveaux élargissements : je pense, en particulier, aux pays des Balkans. Il faudra faire les choses étape par étape, mais nous avons maintenant à la fois le souci d'aider nos partenaires à se réformer, quand il le faut, de les aider à le faire, mais aussi de faire notre propre travail, de façon à ce que les élargissements futurs continuent d'être un succès. Pour cela il faut qu'on règle un certain nombre de questions, institutionnelles - le Conseil européen l'a dit - financières, politiques. C'est la condition du succès de la marche de l'Europe. Nous le savons, les choses sont claires, et il n'y a pas de difficultés d'ailleurs ni entre nous ni entre les Vingt-cinq. C'est sur cette base qu'il faudra avancer.
Q - Sur le traité constitutionnel, quel sera le chemin en France après 2007 ? Vous avez dit que ce dossier est très important pour la Présidence française ; est-ce qu'il faudra le résoudre dans le cadre de la Présidence française ?
R - C'est très important pour nos quatre présidences, je précise juste ce point, puisque c'est ce que j'ai dit. Il faudra le résoudre, bien sûr, mais pas forcément sous Présidence française, mais, au plus tard, sous Présidence française. C'est ce dont les Européens sont convenus au mois de juin dernier. Vous me demandez comment je vois les choses : je le dis souvent, je crois qu'il faut des institutions rénovées pour l'Europe, et un contenu politique de l'Europe répondant aux attentes des citoyens. Nous le savons tous, ce besoin avait été identifié dès le lendemain de la signature du Traité de Nice. Non seulement il n'a pas disparu, mais il se manifeste régulièrement. Je le disais, nous avons besoin d'une meilleure Europe. Les choses étant ce qu'elles sont, avec un certain nombre d'Etats membres qui ont ratifié le traité constitutionnel, d'autres qui l'ont refusé, et d'autres qui ne se sont pas prononcés, et, parmi eux, certains qui ne pourraient pas se prononcer. La démarche qui peut unir les Européens, et c'est comme ça, je crois, qu'on travaillera, c'est une démarche qui va, en partant des pistes qui ont été identifiées par le traité constitutionnel, en partant de la base du traité - on ne repart pas de rien, c'est important de le dire - c'est essayer tous ensemble, pragmatiquement, pas à pas, d'identifier les éléments d'un nouveau consensus. C'est la seule façon, me semble-t-il, de progresser. Le ministre s'exprimera sur ce sujet mais je crois que nous sommes en accord là dessus, comme bon nombre de nos partenaires. Il n'y a pas de solution simple. Nous le savons, c'est un problème complexe. Il n'y a pas de solution toute faite. Il n'y a pas de solution identifiée à l'avance. Il y a un besoin, il y a une méthode, et il y a un calendrier. Voilà comment on peut travailler si on veut réussir, et nous voulons réussir.
Q - Est-ce que vous êtes d'accord avec l'idée d'un nouveau référendum en France ?
R - Il appartiendra au président de la République qui sera en fonction au moment où la question se posera de trancher cette question délicate. Personne, par avance, ne peut répondre. Ceux qui seront aux responsabilités au moment où il faudra prendre cette décision réfléchiront avec pour objectif de faire en sorte que les choses soient réussies.
Q - Qu'attendez-vous de la déclaration du 25 mars 2007 ?
R - Nous disions tout à l'heure qu'il y aura une étape importante dans ce processus, qui est le 25 mars 2007, à l'occasion du cinquantième anniversaire du Traité de Rome, avec l'adoption par les chefs d'Etat ou de gouvernement, d'une déclaration politique. Elle doit être une déclaration véritablement politique, c'est l'essentiel. C'est-à-dire quelque chose d'utile pour cette relance de l'Europe, qui indique notre volonté commune de répondre aux défis d'aujourd'hui, qui soit courte, qui soit simple, intelligible par les citoyens et qui nous permette d'engager ce processus de relance dont nous avons besoin, et auquel nous avons travaillé. C'est un rendez-vous important.
Q - Est-ce que les élections présidentielles françaises de l'année prochaine ne limitent pas un peu la France dans la façon d'aborder la question du traité et les autres questions qui se posent ?
R - Je ne sous-estimerai certainement pas l'élection présidentielle et les élections législatives en France, évidemment.
Pour autant, je crois qu'il y a des permanences dans la politique européenne de la France, qu'il y a un intérêt national, et que, parmi les éléments de l'intérêt national, il y a la construction de l'Europe. L'histoire de ces cinquante dernières années le prouve, si qui que ce soit avait un doute. Et puis, j'ajouterai simplement qu'il y a des responsabilités d'Etat. Le président de la République et le gouvernement assument les leurs. Les élections sont devant nous et nous ferons notre travail jusqu'à ces élections, en conscience et en responsabilité. J'ai été interrogée au Parlement, hier, sur ce sujet précisément et j'ajouterai que les élections, c'est la vie d'une démocratie. C'est donc quelque chose de naturel et de positif. Et les problèmes commencent d'ailleurs quand il n'y a pas d'élections... Et depuis que j'ai pris mes fonctions, il y a 18 mois, j'ai vu 12 ou 13 ou 14 partenaires avoir des élections. Dans une Europe élargie à bientôt vingt-sept Etats membres, il y a des élections tout le temps. C'est la respiration des démocraties. Quand on est démocrate, voyons-le comme quelque chose de positif et pas comme quelque chose qui serait en soi un sujet de difficulté.
Q - Est-ce que tout de même selon l'issue de l'élection présidentielle il pourrait y avoir des propositions différentes?
R - Ne préjugeons pas, ni les uns ni les autres, du résultat des élections. Elles sont devant nous, et c'est le peuple français qui s'exprimera.
Q - Au cours de cette réunion avec le Portugal, il y a-t-il un dossier, une question sur laquelle la France a plus particulièrement insisté ?
R - Nos entretiens se poursuivront sur un certain nombre de sujets. Parmi ceux que nous n'avons pas encore cités devant vous, il faut qu'on parle des questions d'énergie. Elles font partie de ces politiques européennes qu'il va falloir créer. Les Vingt-cinq, il y a un an, ont décidé de mettre sur pied une politique européenne de l'énergie, qui n'existait pas encore. C'est l'intérêt de l'Europe : pour notre développement économique comme pour notre indépendance, au sens d'indépendance politique, en tant qu'Européens, il y a beaucoup d'enjeux. Et, là aussi, je crois que ces présidences qui s'inscrivent après les décisions de principe et après les premiers travaux à vingt-cinq auront à coeur de développer une véritable politique de l'énergie dans toutes ses composantes. Aussi bien sur le volet externe, c'est-à-dire la négociation avec nos partenaires, la sécurité des approvisionnements, que sur d'autres aspects internes à savoir notre bouquet énergétique, ou les interconnexions, et la troisième dimension à laquelle nous tenons - et le Portugal aussi, je le sais - qui est la dimension du changement climatique et du développement durable. Je crois comprendre que la Présidence portugaise - le ministre devrait vous répondre - mettra ce sujet dans ses priorités : comment être plus efficace et comment apporter, en tant qu'Européens, une contribution au développement durable, par des décisions internes, par des mécanismes d'encouragement et d'incitation ? Je vous remercie.Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 27 décembre 2006