Interview de Mme Christine Lagarde, ministre déléguée au commerce extérieur, sur I-Télévision le 15 décembre 2006, sur la candidature éventuelle de M. Alliot-Marie lors des primaires au sein de l'UMP, sur la pression fiscale en France, sur la décentralisation, sur la circulation à Paris.

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Média : I-télévision

Texte intégral

Samuel ETIENNE - Avec ce soir la ministre au Commerce extérieur Christine LAGARDE, bienvenue madame la Ministre.
Christine LAGARDE - Merci bonsoir.
Samuel ETIENNE - C'est la deuxième fois parmi nous, donc re-bienvenue.
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Samuel ETIENNE - Alors je pose la question à Christine LAGARDE, cirque ou pas ?
Christine LAGARDE - Non, moi ce que j'observe c'est qu'il y a un débat qui vit au sein de l'UMP depuis un certain temps, il y a toute une série de consultations de l'ensemble des adhérents de l'UMP, il y a eu des campagnes par Internet. Il y a un site qui est en constante ébullition, donc ce débat là il existe, il est très fort au sein de l'UMP, ça, ça vient en complément et c'est un tout petit peu plus délicat que les débats au sein du parti Socialiste parce qu'ici Michèle ALLIOT-MARIE laisse entendre qu'elle sera peut-être candidate, ce n'est pas encore très certain.
Samuel ETIENNE - Dedans ou en dehors et ça non plus ce n'est pas très clair. Et vous regrettez cette position ?
Christine LAGARDE - Ce que j'espère en tout cas c'est que la clarté se fera très vite.
Samuel ETIENNE - Et vous regrettez cette position un peu floue de Michèle ALLIOT-MARIE ?
Christine LAGARDE - Personnellement oui parce que je trouve qu'il faut que les choses se fassent ou ne se fassent pas.
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Muriel GREMILLET, journaliste LIBERATION - J'ai l'impression que Nicolas SARKOZY, en fait ça l'affaiblit finalement ces débats là, ça l'affaiblit au sens où on a l'impression qu'il ne tient pas sa maison.
Christine LAGARDE - Je ne vais pas vous laisser dire que c'est un parti où il n'y a pas de débat parce que renseignez-vous, examinez la façon dont les choses se passent, il y a un vrai débat, avec les adhérents, avec les militants, avec la faculté pour les uns et pour les autres de statuer sur un certain nombre de dossiers, de questions de fond comme l'Europe, comme les entreprises, comme le rôle de l'économie, comme l'emploi qui sont des questions qui intéressent les Français.
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Samuel ETIENNE - Christine LAGARDE, moi je me rappelle de Jacques CHIRAC claquant la porte à un sommet européen, c'était à Bruxelles parce qu'Ernest Antoine SEILLIERE avait parlé en anglais à la tribune, donc c'est important ?
Christine LAGARDE - Oui c'est vrai que lorsqu'un Français s'exprime en représentation internationale, qu'il utilise sa langue nationale d'abord c'est important, maintenant que le futur secrétaire général des Nations Unies maîtrise déjà trois langues, c'est bien. On sait qu'aujourd'hui il apprend le Français.
Samuel ETIENNE - Il prend des cours.
Christine LAGARDE - Il prend des cours, je trouve ça excellent qu'à son âge il le fasse et disposant de la pratique de trois langues, il n'y a aucun doute qu'il pratiquera le français, et qu'il puisse comprendre le français. Il ne faut pas rêver, il ne faut pas penser qu'on peut travailler dans trois, quatre, cinq langues, quand on travaille déjà dans sa langue, c'est bien, quand on travaille dans deux langues, c'est exceptionnel, qu'il arrive à comprendre le français, ce serait formidable et il s'y est engagé, c'est vraiment le sens de ce qu'il a dit.
Samuel ETIENNE - Et pour vous ce n'est pas le signe comme le disait Muriel d'un affaiblissement de la France sur la scène internationale ?
Christine LAGARDE - Pas du tout, pas du tout.
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Samuel ETIENNE - Un mail à l'instant, mais je ne sais pas si vous avez la réponse, c'est Phil qui s'interroge, soyons clair, la France perd de son influence, la faute à qui ? Vaste débat, on n'aura peut-être pas le temps ce soir.
Christine LAGARDE - Si je peux dire bien souvent la faute aux Français parce qu'il faudrait une fois pour toutes que les Français aient conscience de l'importance qu'ils jouent, enfin du rôle qu'ils jouent dans le monde, de la place qu'a la France, de la réputation qu'a la France, de l'importance du made in France, je suis désolée d'utiliser de l'anglicisme exprès, mais on se flagelle à longueur de temps quand de l'autre côté de nos frontières l'ensemble des non Français disent, non d'un chien, que c'est beau la France, qu'il y fait bon vivre. Est-ce que les Français sont parfois intelligents ?
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Samuel ETIENNE - Christine LAGARDE, je cite votre collègue de la justice, le garde des Sceaux, Pascal CLEMENT, je résume la position de la cour de cassation, les éléments nouveaux n'étaient pas nouveaux, inutile de vous dire que ce n'était pas mon point de vue, c'est le ministre qui parle, ministre CLEMENT qui dit clairement que selon lui la cour de révision aurait du annuler la condamnation. Il le dit clairement.
Christine LAGARDE - Je crois que la Cour de cassation est suprême et le dernier degré de juridiction a fait son travail. On disait autrefois vous savez que quand la politique entre au prétoire la justice en sort. Quand l'émotion...
Samuel ETIENNE - Mais ce n'est pas un peu ce que fait Pascal CLEMENT ?
Christine LAGARDE - Quand l'émotion entre au prétoire, la justice en sort. Une fois que la Cour de cassation, organe suprême en la matière a rendu sa décision, alors on s'incline.
Francis SZPINER - Il est assez motivé...
Christine LAGARDE - Il y a 40 pages...
Francis SZPINER - Ce n'est pas une décision griffonnée sur un coin de table.
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Samuel ETIENNE - Thème suivant, madame LAGARDE je suis content de vous avoir parmi nous ce soir...
Christine LAGARDE - Mais je suis ravie d'être là aussi.
Samuel ETIENNE - J'aimerais bien avoir votre avis sur le projet de Johnny HALLIDAY de s'installer en Suisse pour échapper à l'impôt français. (...) Quel est votre avis madame la Ministre ?
Christine LAGARDE - Ca ne me surprend pas outre mesure d'abord parce que c'était dans l'air depuis un certain temps.
Samuel ETIENNE - Que Johnny s'en aille ?
Christine LAGARDE - Oui, il y avait déjà ces propositions de la Belgique, puis la Suisse etc., je crois qu'il y avait un planning fiscal qui était en cours.
Samuel ETIENNE - Ca ne vous surprend pas, est-ce que ça vous désole ?
Christine LAGARDE - Ca me désole parce que c'est un grand artiste et que quand on est un grand artiste et qu'on vit en France, on peut aussi être un contribuable en France et je ne doute pas qu'il revienne régulièrement en France, y compris pour y bénéficier d'un certain nombre de bonnes choses de la France. Par exemple notre système de santé, notre système d'éducation...
Samuel ETIENNE - Donner des concerts aussi.
Christine LAGARDE - Tout un tas de choses qui sont tout à fait agréables en France, mais ça ne me surprend pas beaucoup parce que je crois qu'il y a une pression fiscale en France à laquelle il faut s'attaquer et il faut s'y attaquer de manière raisonnable et lucide. Et je crois que le bouclier fiscal qu'on a mis en place est déjà...
Samuel ETIENNE - Dominique de VILLEPIN a dit qu'il ne trouvait pas que la pression fiscale était trop forte et il ne pouvait pas expliquer ce genre de comportement.
Christine LAGARDE - Vous savez, moi je suis tout le temps à l'étranger pour le compte de la France et des entreprises françaises, pour attirer des investissements en France y compris de personnes qui sont très fortunées, et un des reproches qu'on nous fait, c'est celui du manque de flexibilité dans certains domaines, et de l'excès de taxes dans d'autres. Donc il faut s'y attaquer de manière raisonnable.
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Christine LAGARDE - Le problème, c'est que la France se regarde le nombril en ce moment et ce qu'il faut regarder aujourd'hui ...
Muriel GREMILLET - Mais non la France ne se regarde pas le nombril.
Christine LAGARDE - Mais je vous assure que si, regardez les systèmes fiscaux dans leur ensemble, regardez l'attractivité des territoires et vous verrez très vite que la pression fiscale française est un obstacle à l'implantation des sociétés et des hauts revenus en France, c'est tout à fait mathématique.
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Samuel ETIENNE - Christine LAGARDE ?
Christine LAGARDE - Je crois que quand on retravaille un système fiscal et c'est vrai qu'aujourd'hui notre système fiscal est compliqué, qu'il comporte un certain nombre de niches dont beaucoup de parlementaires souhaitent les supprimer d'ailleurs. Mais quand on refonde un système fiscal, il faut le faire à la lumière de ce qui se passe dans les autres territoires du monde parce qu'aujourd'hui les économies, les lieux de résidence se décident en fonction des opportunités, il ne faut pas se le cacher. Et pour pouvoir garder des emplois ou créer des emplois en France, il faut attirer des investisseurs et des employeurs, il faut commencer par cela.
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Samuel ETIENNE - Justement la direction de TF1 qui dit qu'elle ne ferait jamais ça parce que ça mélangerait les codes de la fiction et de la réalité et de l'information... Christine LAGARDE ?
Christine LAGARDE - Moi je suis assez contente que ça se soit passé, parce que finalement les organes de presse qui ont pour vocation à priori de dire la vérité tout d'un coup transgressent, ils sortent de la vérité pour dans une émission qui aurait l'air vrai n'est plus vraie puisqu'on rentre dans la fiction. Et je pense que c'est une excellente façon de dire attention, il y a un pouvoir considérable des médias en général et on a, nous, les consommateurs de ces médias un devoir de distance et un devoir d'interrogation, je trouve cela assez salutaire.
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Samuel ETIENNE - Ce soir beaucoup, beaucoup de mails, des mails pour vous madame LAGARDE, et sympathiques. Vous connaissez Jérôme CHEVELET (phon) ou pas ?
Christine LAGARDE - Non.
Samuel ETIENNE - Ce n'est pas quelqu'un... parce que quand même, alors Jérôme CHAVELET, revenant d'une mission en Inde il y a une semaine, je tiens à souligner tout le travail effectué par notre ministre Christine LAGARDE, jamais aucun officiel français n'a autant défendu les intérêts des PME françaises à l'étranger. Elle est vraiment extraordinaire, c'est elle qui devrait devenir notre prochaine présidente. Jérôme CHEVELET, vous le connaissez, non ?
Christine LAGARDE - Pas du tout.
Samuel ETIENNE - Un autre mail de Gabriel de la Bourdonnais, madame LAGARDE, pourquoi ne vous présentez-vous pas à la primaire de l'UMP ? Bonne question, pourquoi, vous n'avez pas d'ambition de ce type ?
Christine LAGARDE - Non, non moi je suis sur une autre mission.
Samuel ETIENNE - Qui est ?
Christine LAGARDE - oeuvrer pour les entreprises de France à l'international.
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Samuel ETIENNE - Christine LAGARDE, Ségolène ROYAL propose notamment la généralisation des réalisations et expériences qui marchent en région pour tirer le pays vers le haut. Ca semble assez pratique, concret.
Christine LAGARDE - Moi ce que je considère si vous voulez dans cette régionalisation qui est, on l'a dit, décentralisation d'abord par Gaston DEFFERRE et puis un mouvement qui a été vraiment voulu par Jean-Pierre RAFFARIN avec la loi d'août 2004, moi je pense qu'il y a vraiment un échelon national où les choses fondamentales, stratégiques pour le pays doivent être décidées, organisées avec la représentation parlementaire, et puis il y a au niveau national ce rôle de péréquation et de solidarité entre les régions parce qu'entre le Limousin par exemple et l'Ile de France, ce sont deux niveaux de mode opératoire différent. Mais il y a un niveau d'exécution, il faut au niveau le plus propice que l'exécution puisse être mise en oeuvre par les régions. Aujourd'hui moi ce que je constate par exemple dans le commerce extérieur, c'est qu'on a délégué un certain nombre de programmes d'aides aux régions avec les sous qui vont avec, avec la capacité de mettre en oeuvre les programmes. Certaines régions l'ont adopté, le mettent en oeuvre, ça fonctionne, on travaille en assez bonnes relations les uns avec les autres, d'autres régions et j'observe que la région Poitou Charente notamment n'a pas voulu...
Samuel ETIENNE - Au hasard...
Christine LAGARDE - ... utiliser ce mécanisme et fait une espèce de résistance agressive qui n'est pas très efficace.
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Christine LAGARDE - Mais entre nous le droit de veto, ça c'est une aberration.
Samuel ETIENNE - Je précise, un droit de veto qu'auraient les régions quand on leur propose une délégation de compétence, c'est ça, mais qu'on ne donnerait pas les finances qui vont avec.
Christine LAGARDE - Parce que vous instaurez à ce moment là des régimes complètement différents selon les régions, il y un texte qui est voté et qui prévoirait vous aviez raison la répartition des compétences, la nature des compétences, les organes qui subsistent et ceux qui disparaissent, mais une fois que ça c'est en marche, ça fonctionne. On ne peut pas s'amuser à faire des trucs à deux vitesses.
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Samuel ETIENNE - Christine LAGARDE ?
Christine LAGARDE - Tout ce qui va pouvoir améliorer la diminution des travaux dans Paris en ce moment et l'alimentation des zones des salons et congrès, ça sera bien pour Paris et on en a sacrément besoin parce qu'il faut mettre les acteurs ensembles pour faire de Paris la place qu'elle était et qu'elle doit être, une place brillante, une place qui attire les foires, les salons, les congrès, les expositions et où les gens aient envie de venir et de circuler.
Samuel ETIENNE - Donc vous desservez donc un bon point à Bertrand DELANOË sur le tramway.
Christine LAGARDE - Non, non, non. Le tramway très bien mais le reste de sa politique de la circulation en ville non.
Samuel ETIENNE - Notamment ?
Christine LAGARDE - Notamment les multiples chantiers dans tous les coins de Paris, notamment des espèces de couloirs...
Muriel GREMILLET
Oui c'est très bien pour les vélos.
Christine LAGARDE - Mais je circule en vélo moi, mais je ne me sens pas du tout protégée dans les couloirs actuellement.
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Samuel ETIENNE - Merci à vous quatre en tout cas, merci à tous et puis bon week-end, madame LAGARDE à très bientôt.
Source http://www.exporter.gouv.fr, le 28 décembre 2006