Texte intégral
Madame, Messieurs les Présidents,
Je suis ravi de vous retrouver aujourd'hui après notre rendez-vous manqué le 14 septembre dernier. Mais vous vous souvenez, j'avais de bonnes raisons, puisque j'accompagnais le Premier Ministre à Amiens, où il a annoncé l'affectation au Centre des Monuments Nationaux de 25 % du produit de l'impôt sur les droits de mutations, soit 70 Meuros annuels, destinés à financer des travaux de restauration sur des monuments de l'Etat. Je dois dire que je suis particulièrement heureux du soutien de mes collègues du gouvernement, à commencer par le premier d'entre eux, et de celui du Premier Ministre, qui nous a permis progressivement de maintenir, puis de conforter voire d'améliorer les perspectives de financement des monuments nationaux. La situation des monuments n'appartenant pas à l'Etat s'en trouvera également améliorée et les récentes mesures adoptées dans le cadre du projet de loi de finances pour 2007 ouvrent là aussi des perspectives prometteuses. Cela a été un long travail et une aventure collective, où chacun à son niveau, a eu un rôle à jouer. Je me réjouis de l'important travail de coordination de la Direction de l'architecture et du patrimoine en direction des services déconcentrés du Ministère et des acteurs de terrain que vous représentez. Les rendez-vous réguliers, et le dialogue que vous entretenez avec ce ministère sont à cet égard du plus grand intérêt et je tenais à vous le redire.
Vous le savez, dès mon arrivée au ministère de la Culture et de la Communication, j'ai manifesté un intérêt très fort pour l'ensemble des questions liées au patrimoine. Je me suis attaché à nouer et à entretenir des relations solides, durables et fécondes avec toutes celles et tous ceux qui oeuvrent chaque jour, sur tout notre territoire, pour préserver et faire vivre ce patrimoine. Et l'un de mes premiers objectifs a été d'associer davantage les collectivités publiques et les acteurs privés par un meilleur partage de responsabilités, qui tienne compte des réalités du terrain.
Notre patrimoine, c'est la mémoire, l'âme de nos villes et de nos régions. Etroitement lié à la diversité de nos paysages, il porte la force, l'identité, la singularité de chacun de nos territoires, de ses traditions, du tempérament, de l'histoire, de la vie et des espoirs des hommes qui l'ont habité, et l'habitent aujourd'hui encore. La restauration, la conservation, et la mise en valeur du patrimoine répondent bien évidemment à des objectifs culturels, de connaissance, de transmission et de partage. Mais elles portent également des enjeux économiques, puisqu'elles constituent de véritables filières, des sources d'emplois, de dynamisme et de richesses, à part entière, en aval des décisions de politique culturelle. Oui, la culture est un capital d'avenir, qu'il convient non seulement d'identifier, mais surtout de mieux valoriser dans la compétition internationale, notamment parce qu'elle participe pleinement à la stratégie d'attractivité globale de la France.
C'est pourquoi, dans ce domaine comme dans les autres, je crois profondément en l'addition des énergies.
J'ai donc tenu à ce que les associations nationales reconnues d'utilité publique soient associées de près à tous ces débats, dans le cadre de cette instance de concertation, dont je salue le travail. Grâce à vous, nous avons pu aboutir à un accord de fond sur plusieurs sujets importants. J'ai également veillé à une meilleure représentation des associations sur le terrain, notamment au sein des différentes commissions, dont la commission régionale du patrimoine et des sites (CRPS), ainsi que la commission nationale des monuments historiques (CNMH). Je sais que c'est un point auquel vous êtes particulièrement sensible.
L'heure n'est pas encore au bilan, mais néanmoins, en quelques mots, je souhaitais rappeler quelques unes des avancées les plus significatives de ces dernières années.
Un premier ensemble de réformes a pour objet l'entretien et la restauration des monuments (1), d'autres actions concernent les abords et les paysages (2).
1. L'entretien et la restauration des monuments
Le point de départ de toutes les réformes que nous avons menées à bien dans ce domaine essentiel a été de considérer le propriétaire comme le maître d'ouvrage naturel de la restauration de son monument. Partant de ce principe, il était légitime qu'il puisse choisir son architecte et que ses rapports avec l'administration soient simplifiés. C'est ce que nous avons proposé par l'ordonnance du 8 septembre 2005 sur laquelle vous avez, je le sais, beaucoup travaillé. Nous en sommes aujourd'hui à la rédaction des décrets, le travail avance, mais je ne développerai pas davantage parce que nous en avons déjà beaucoup parlé. Je reste à votre écoute, bien entendu, pour traiter tel ou tel point particulier si vous le souhaitez.
Je tiens en revanche à bien préciser à nouveau notre situation budgétaire et à tenter une présentation claire des chiffres, après les décisions importantes qui ont été prises et qui aboutissent à un nouveau mode de financement des monuments de l'Etat.
J'insiste sur deux points importants :
1. je l'ai dit et répété : le niveau de consommation des crédits est resté constant tout au long de ces quatre dernières années : soit environ 320 Meuros par an pour quelque 4000 chantiers.
2. Entre la loi de finances initiale 2006 et la réalité des crédits consommés, il y a eu un différentiel de 43 Meuros supplémentaires, preuve s'il en est de la bataille que nous avons menée pour obtenir des dégels de crédits et des ajustements en cours d'année.
Après quelques épisodes houleux, nous avons ainsi réussi à maintenir le cap et à éviter des catastrophes. La ténacité et l'acharnement dont
nous avons tous fait preuve a permis une prise de conscience de l'importance de la protection et de la valorisation de notre patrimoine, non pas seulement à des fins culturelles, mais aussi à des fins économiques, puisque le patrimoine, je le rappelle, génère un peu plus de 500 000 emplois directs et indirects au plan national.
Pour 2007, le montant des crédits dédiés à l'action 1.1 du programme patrimoine est de 378 Meuros : soit 220 Meuros de crédits de paiement, 18 Meuros de fonds de concours et 140 Meuros affectés au Centre des monuments nationaux. On atteint là un niveau qui devient satisfaisant et dont la structuration au plan budgétaire, notamment par l'affectation de crédits au Centre des monuments nationaux, devrait nous garantir une certaine pérennité.
Monsieur de Lambertye, vous aviez procédé à une enquête auprès de vos membres et des DRAC qui concluait que le montant des subventions de l'Etat pour l'année 2003 avoisinait les 8%, soit 21 Meuros. Nous serons bientôt en mesure, grâce à la mise en place d'un nouveau logiciel, de permettre une lecture plus fine de nos financements et de distinguer les travaux effectués par catégorie de propriétaires. Sur cette base, je m'engage, pour ma part, à tendre vers les 10% du budget attribué aux directions régionales des affaires culturelles en faveur des propriétaires privés.
Pour en terminer avec la question des moyens et avant d'aborder la deuxième partie de mon propos, je voulais rappeler qu'ont été votées en faveur des propriétaires privés un certain nombre de mesures fiscales, avec, dernier succès en date, l'extension du régime fiscal du mécénat aux dépenses de conservation et d'entretien des monuments privés. C'est une belle victoire qui, je l'espère, donnera lieu à de beaux projets.
Enfin, la possibilité d'avoir recours à des publicités sur les échafaudages, à l'instar de ce qui se pratique en Italie, devrait aussi lever des financements supplémentaires pour la restauration des monuments, sur autorisation de la DRAC et sous réserve de certaines conditions, que j'ai demandé à mes services de présenter de façon claire.
La richesse du patrimoine, c'est aussi ce capital humain d'entrepreneurs, d'artisans, et de professionnels du bâtiment, dont il faut absolument préserver les savoir-faire, transmis de générations en générations. Nous oeuvrons en ce sens, et nous avons obtenu que soit créé un baccalauréat professionnel d'intervention sur le patrimoine bâti, qui, je l'espère, suscitera de nombreuses vocations. Nous avons bien entendu d'autres projets en matière de formation professionnelle, dont je vous parlerai lorsqu'ils auront abouti.
Dans le même ordre d'idée, Monsieur Fontaine, je sais que ces sujets vous tiennent à coeur, nous avons, dans le cadre de la loi relative au développement des territoires ruraux, obtenu la réouverture des petites carrières. L'arsenal réglementaire est enfin arrivé à son terme et je sais que vous avez suivi de très près la préparation des mesures législatives et réglementaires nécessaires à sa mise en oeuvre.
Dans le cadre de la convention qui nous lie à l'association française de normalisation, l'AFNOR, nous nous efforçons de faire entendre la spécificité du patrimoine bâti ancien. Il y a là des enjeux très importants pour l'avenir de la restauration en France, dans un monde de plus en plus concurrentiel, où il nous faut demeurer extrêmement vigilants sur toute tentative de banalisation d'un secteur très spécifique.
2. Les abords et les paysages
Pour tout ce qui relève de la politique des abords et des paysages au sens large, nous disposons actuellement de trois niveaux de gestion des espaces protégés dans notre pays : les périmètres de protection adaptés ou modifiés, les ZPPAUP (Zones de Protection du Patrimoine Architectural, Urbain et Paysager) et les secteurs sauvegardés.
La logique d'intervention dans ce secteur veut que les acteurs locaux puissent prendre leurs responsabilités et disposer de davantage de latitude pour agir. C'est le sens des réformes que nous avons accomplies en ce domaine.
C'est désormais au maire qu'il revient de créer des ZPPAUP avec l'accord des Préfets. Concernant les secteurs sauvegardés, il convient d'en relancer la dynamique en créant des conditions d'association plus étroites entre les communes et l'Etat. Déjà et en accord avec le ministère de l'équipement, le plan de sauvegarde et de mise en valeur sera conjointement élaboré par l'Etat et la collectivité concernée. C'est aux services départementaux de l'architecture et du patrimoine, sous l'autorité de la DRAC, et en lien avec les Préfets de départements, qu'il appartient de suivre tout le processus de création et d'y apporter leur expertise.
Enfin, nous avons assoupli le dispositif de définition des périmètres de protection, afin qu'il puisse s'adapter plus finement à la réalité des situations.
Sur tous ces sujets, nous travaillons étroitement, bien sûr, avec le ministère chargé de l'équipement, mais l'urbanisme étant une compétence décentralisée, les collectivités territoriales jouent désormais un rôle essentiel pour la mise en oeuvre de ces dispositifs.
Sur la question des abords et des paysages, nous nous situons dans le cadre d'un travail interministériel. Il en est ainsi de la question des éoliennes, qui est du ressort du ministère de l'écologie et du développement durable. Je rappelle que le protocole de Kyoto engage la France, qui a joué un rôle précurseur dans ce domaine, sous l'impulsion du Président de la République, à respecter ses engagements internationaux en matière de développement des énergies renouvelables. Je suis conscient des limites des dispositions juridiques du code du patrimoine pour certains projets d'éoliennes situés aux abords de monuments. Le Sénateur Ambroise Dupont a rédigé un rapport tout à fait pertinent et utile sur cette question. Je tiens à ce que les services départementaux de l'architecture et du patrimoine soient particulièrement attentifs à l'instruction de ces dossiers et qu'ils accompagnent les collectivités locales qui ont désormais l'initiative de la définition des zones de développement éolien. Les situations sont à examiner au cas par cas, je suis intervenu personnellement dans certaines situations critiques auprès des préfets de département. Dans un proche avenir, le ministère de la culture pourrait proposer, en lien avec le ministère de l'écologie et le ministère de l'équipement, d'intégrer dans la procédure de création des éoliennes le souci du paysage par la prise en compte de cônes de visibilité dans l'élaboration des documents d'urbanisme. J'ai d'ores et déjà demandé à mes services de faire des propositions en ce sens.
Enfin pour en terminer et sans avoir eu le temps d'aborder l'ensemble des sujets, mais nous pourrons en débattre, je souhaitais revenir sur un point, sur lequel vous m'avez personnellement saisi, qui concerne l'avenir de l'ancien magasin aux vivres de la marine de la ville de Rochefort-sur-Mer. Je suis heureux de vous annoncer que la Commission régionale du patrimoine et des sites a statué favorablement en faveur de la protection du bâtiment. Il appartient au Préfet de prendre désormais un arrêté de protection correspondant. Aucun permis de construire n'a été déposé à ce jour, l'architecte des bâtiments de France reste très vigilant sur cette affaire.
Avant de vous céder la parole, je tiens à vous exprimer une nouvelle fois mes remerciements pour le travail que vous accomplissez. Oui, j'en suis convaincu, c'est tous ensemble, pouvoirs publics, associations, collectivités, que nous ferons avancer les questions relatives à cette richesse essentielle à l'avenir de notre pays, à ce capital de culture et d'attractivité, notre patrimoine.
Je vous remercie.Source http://www.culture.gouv.fr, le 4 janvier 2007