Texte intégral
Merci, Altesse. Je suis très heureux d'être venu aujourd'hui en Arabie saoudite à la demande du président de la République, Jacques Chirac. Vous savez combien la France et l'Arabie saoudite entretiennent des relations de confiance et un dialogue régulier sur les grands sujets d'intérêt commun et ceux-ci, comme vous le savez, sont très nombreux.
Je me suis très longuement entretenu avec mon homologue, le Prince Saoud al-Faysal, de tous ces sujets - il les a évoqués, je ne vais pas les reprendre -, mais, tout particulièrement, de la meilleure façon d'aider le Liban et le gouvernement libanais à surmonter la crise politique dans laquelle, aujourd'hui, les Libanais sont plongés.
Nous avons pu, je crois, vérifier la très profonde convergence de nos vues sur la région et sur le Liban en particulier. Aider le Liban, c'est conforter sa souveraineté et son indépendance à l'abri de toute ingérence extérieure. Le Liban doit redevenir un pays indépendant, souverain, et ne plus jamais être l'otage de conflits d'intérêts qui lui sont étrangers.
Nous devons favoriser la recherche d'une solution à la crise politique en poursuivant la mise en oeuvre de la résolution 1701 et par un dialogue respectant à la fois la capacité du gouvernement à gouverner et la possibilité pour tous les Libanais d'obtenir la justice pour les crimes et les attentats commis. Enfin, nous devons oeuvrer pour le succès de la conférence de Paris III, essentielle à la reconstruction, au développement ainsi qu'à la stabilité du Liban.
Altesse, comme vous venez de le dire, on peut souligner qu'une grande convergence de vues s'est également vérifiée sur les autres sujets que nous avons abordés ensemble.
L'Irak, bien sûr, au sujet duquel nous partageons la nécessité de réinventer, de ré-enclencher un processus politique véritablement inclusif, qui permette de rétablir la stabilité et de prévenir l'éclatement du pays.
L'Iran, dont nous espérons qu'il répondra aux demandes de la communauté internationale sur la question nucléaire, qu'il jouera un rôle positif, à la demande de la communauté internationale, qu'il ne s'isolera pas et qu'il saura comprendre ce que, de manière unanime et ferme, la communauté internationale lui a demandé.
Enfin, la situation dans les Territoires palestiniens où nous pensons qu'il est temps de passer des paroles aux actes : qu'Israël tienne les engagements récemment pris, et que les Palestiniens se mettent, enfin, d'accord entre eux.
Q - Comment la Conférence de Paris III peut-elle réaliser ses objectifs dans un contexte de division complète entre les parties libanaises ?
R - Notre entretien m'a montré la pleine convergence que nous avons sur les attentes de la Conférence de Paris III. C'est aussi sur les enjeux centraux des réformes et de la reconstruction, compte tenu, vous le comprendrez, de leurs évidentes implications sociales et politiques, que se joue, en effet, l'affirmation par l'Etat libanais de sa souveraineté, à travers l'action de l'ensemble du gouvernement légitime de Fouad Siniora, que nous soutenons totalement.
Parallèlement, comme l'Arabie saoudite, la France appuie, par principe, les efforts destinés à résoudre la crise politique en cours. Nous suivons avec la plus grande attention les efforts de médiation qui sont menés par la Ligue arabe et, en particulier, par son Secrétaire général, M. Amr Moussa. Encore une fois, une conférence internationale sur la reconstruction est l'occasion de dire au gouvernement légitime de Fouad Siniora : continuez les réformes !
Q - Est-ce que vous avez senti une influence de cette crise et de sa prolongation sur les engagements qui devraient être pris à la conférence de Paris, surtout en ce qui concerne les aides financières ?
R - Il est évident qu'il y a une crise politique. Il est aussi évident que la Conférence de Paris III est l'occasion de montrer notre appui au gouvernement de Fouad Siniora, qui, je le répète, est un gouvernement légitime, issu d'une majorité elle-même issue d'élections. Par conséquent, il est tout à fait souhaitable de donner des perspectives de reconstruction, à moyen et long terme, et également d'encourager le gouvernement dans ses réformes économiques. A ma connaissance, la crise actuelle n'induit absolument aucune remise en cause de la participation de la communauté internationale ni du montant de l'aide à la reconstruction.
Q - Le président Chirac a critiqué la politique américaine en Irak et a rappelé le point important que la souveraineté appartient aux Irakiens. Est-ce que vous avez une idée de la manière dont on va rétablir cette souveraineté ? Est-ce que vous appelez au retrait américain d'Irak dans les circonstances présentes et quel est votre commentaire sur la pénétration iranienne dans les affaires irakiennes ?
R - D'abord, concernant l'Irak, aujourd'hui il y a malheureusement entre cent et cent trente morts, quotidiennement. Le Haut Comité aux Réfugiés souligne qu'il y aurait 1,6 millions de déplacés à l'intérieur de l'Irak et qu'au moins deux à trois mille Irakiens quittent le pays chaque jour. La dégradation est donc extrêmement préoccupante, tant pour la cohésion de ce pays, que pour la stabilité de la région, qui est déjà, vous en conviendrez, affectée de très nombreuses incertitudes. Cette escalade de la violence, ce sont aussi la montée du sectarisme, le fossé grandissant entre les communautés, le risque de rupture du tissu social et l'exportation du terrorisme au-delà des frontières de l'Irak qui sont inquiétants.
Je crois qu'il faut relancer une politique de cohésion, de réconciliation nationale, d'inclusivité, qui permette à toutes les composantes de la société de participer au gouvernement et à la bonne marche du pays. C'est ainsi que les groupes extrémistes pourront être marginalisés. Pour sortir de la crise, l'Irak doit, avant tout, miser sur ses propres atouts : la profonde aspiration de son peuple à vivre dans la paix et la sécurité et les moyens financiers que ses richesses naturelles lui permettent de dégager pour sa reconstruction.
Aujourd'hui, nous avons souligné qu'il était nécessaire d'associer l'ensemble des pays de la région, dès lors qu'ils manifestaient une volonté de contribuer à la stabilité de l'Irak. Ces pays ont leur place dans le dialogue entre l'Irak et ses voisins. La France n'a jamais appelé à un retrait immédiat des forces étrangères d'Irak, disposant actuellement d'un mandat des Nations unies qui a été renouvelé, le 28 novembre dernier, à travers la résolution 1723. La France a voté en faveur de cette résolution qui intègre pour la première fois, explicitement, la perspective d'un horizon de retrait de la force multinationale. Comme l'a rappelé le président Chirac, la mise en exergue d'un tel horizon permet d'adresser le message de l'objectif de la communauté internationale, qui est bien celui que vous avez souligné vous-même, le retour à une pleine souveraineté irakienne. La France est donc tout à fait disposée à aider les Irakiens, totalement.Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 9 janvier 2007