Interview de M. François Bayrou, président de l'UDF, à France 2 le 11 janvier 2007, sur la question des retraites.

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Média : France 2

Texte intégral

QUESTION : Aujourd'hui, le Conseil d'orientation des Retraites va remettre son rapport à D. de Villepin. C'est un rapport qui met les pieds dans le plat. Il devrait notamment préconiser la fin de ce qu'on appelle les régimes spéciaux de retraite qui favorisent certaines professions. Si vous étiez élu président de la République, est-ce que vous supprimeriez ces régimes spéciaux ?
François BAYROU : Je ferais une réforme générale et globale des retraites qui engloberait bien entendu les régimes spéciaux.
QUESTION : Ils seraient supprimés ?
François BAYROU : Parce qu'on ne peut pas continuer à vivre avec cette épée de Damoclès au-dessus de la tête, qui fait que tous les Français, tous ceux qui nous regardent, ont des inquiétudes pour leurs retraites. Soit qu'ils soient déjà retraités et songez en particulier aux petites retraites, dont on ne parle pas et qui sont vraiment un souci, une source de grande difficulté
pour ceux et celles qui les reçoivent. Et on ne peut pas continuer non
plus avec la crainte des salariés qui ne savent pas ce que sera leur
retraite. Il faut trouver un équilibre.
QUESTION : S'il fallait un référendum, la question du référendum, ça serait quoi ?
François BAYROU : J'ai dit en effet que je ferais un référendum sur la réforme définitive des retraites, parce qu'il faut que chacun des Français sachent que cette réforme, si je suis élu président de la République, ne se fera pas dans son dos. Il faut que chaque Français sache qu'on ne va pas subrepticement, sans rien dire, trancher de quelque chose qui est très important pour lui et qui est l'équilibre de sa vie à partir de la retraite. Il faut que chaque Français soit assuré que les décisions qui vont être prises, qui sont nécessaires...
QUESTION : Qui sont douloureuses aussi...
François BAYROU : ... auxquelles on ne peut pas échapper, ces décisions seront prises avec lui ou elle, pour qu'ils soient assurés - les Français - qu'ils seront codécideurs de la réforme des retraites.
QUESTION : Ce que le rapport semble préconiser, ce serait l'allongement de la durée de la vie de travail : on passerait de 40 à 41 ans. Est-ce que ça, ça fait partie des mesures que vous pourriez appliquer ?
François BAYROU : Je pense qu'il faut avoir une démarche beaucoup plus globale encore. Il faut que chacun puisse décider de l'âge de son départ à la retraite en fonction de la pension qu'il touchera. Il faut qu'au cours de la vie, chacun puisse savoir combien de droits il a acquis : durée du travail, pénibilité du travail et puis peut-être un certain nombre d'activités annexes au service de la société, tout ça doit donner des droits. Vous savez bien que les régimes de retraite complémentaires sont des régimes par points. Je pense qu'il faut que cette idée des points, c'est dire des droits qu'on a acquis au cours de sa vie, qu'on peut à chaque instant contrôler, dont chacun peut à chaque instant savoir ce qu'ils sont et chacun doit savoir à chaque instant quelle pension va être la sienne, doit permettre à chacun et chacune de décider de l'âge du départ à la retraite.
QUESTION : Il n'y aurait plus d'âge de la retraite obligatoire à 60 ans ?
François BAYROU : Il y a un âge de départ...
QUESTION : On garde la retraite à 60 ans ?
François BAYROU : Et puis après, chacun décide, en fonction de la pension qu'il souhaite toucher, et de sa possibilité éventuellement de continuer à travailler, l'âge de départ à la retraite qui sera le sien. Il y a des gens...
QUESTION : La possibilité de partir à 60 ans resterait ?
François BAYROU : Je pense qu'il faut laisser la possibilité de partir en sachant, qu'évidemment si on part plus tôt, la pension sera plus faible, si on part plus tard, la pension sera plus importante. Chacun a sa vie. Il y a des gens qui peuvent, ou qui envisagent, de pouvoir partir plus tôt, y compris avec des pensions plus faibles. Il y a des gens qui, au contraire, peut-être parce qu'ils ont des enfants jeunes, souhaitent avoir une pension plus importante. Chacun pourra, dans mon esprit, dans le plan qui est le mien, moduler, décider pour lui-même de l'âge du départ à la retraite. En tout état de cause, il faut avoir le courage de dire aux Français, qu'il n'est pas imaginable qu'il y ait de plus en plus de retraités dont la pension est assurée par de moins en moins de travailleurs actifs. Parce que, sur les épaules des travailleurs actifs, va reposer une charge qui va être si lourde, qu'ils ne vont pas pouvoir faire face. Et pire encore, non seulement ils ne vont pas pouvoir faire face, mais si la charge est trop lourde, les emplois vont partir à l'étranger...
QUESTION : Ce que dit aussi le rapport c'est qu'en France, les 55-64 ans travaillent beaucoup moins que dans les autres pays, c'est moins de 38 %. Est-ce que là dessus, vous avez des propositions ?
François BAYROU : En France, tout le monde travaille beaucoup moins que dans les autres pays : les jeunes travaillent moins que dans les autres pays, les plus de 50 ans travaillent moins que dans les autres pays. C'est d'ailleurs un scandale et ils en souffrent horriblement parce qu'ils ont le sentiment, alors qu'ils sont dans la pleine force de l'âge, qu'on les pousse insensiblement vers le bord de la route...
QUESTION : Mais ça c'est l'entreprise qui le fait ?
François BAYROU : Oui, c'est l'entreprise qui le fait parce que les charges sont très importantes, parce que, lorsqu'on est avancé au-delà de 50 ans, on a des salaires plus importants que des jeunes et c'est normal, donc il y a de la part des entreprises, en tout cas de celles qui n'ont pas cette préoccupation qu'elles devraient avoir, il y a un choix. C'est aussi la raison pour laquelle je pense qu'il faut s'attaquer à la question de ces emplois qui sont écartés parce qu'ils coûtent trop chers. Je propose, vous le savez, que chaque entreprise française puisse créer deux emplois nouveaux sans charges. Cela s'adresse évidemment d'abord aux petites entreprises, dans lesquelles les plus de 50 ans et aussi les jeunes diplômés vont pouvoir trouver ainsi une possibilité d'emploi qu'ils n'ont pas aujourd'hui.
QUESTION : Sur un dossier que vous connaissez bien qui est l'éducation, on appris hier que 5.000 postes allaient être supprimés. Comment réagissez-vous ?
François BAYROU : Je pense que cette perpétuelle guéguerre qui consiste à voir l'Etat qui supprime des postes et les enseignants qui sont évidemment en situation d'inquiétude et de protestation, ce n'est pas la stratégie qu'il faut choisir pour l'Education nationale dans le long terme.
QUESTION : Il ne faut pas supprimer de postes ?
François BAYROU : Il faut un contrat entre l'école et la nation qui dise : "Vous êtes la prunelle de nos yeux, vous, éducateurs qui vous occupez de nos, enfants, vous vous occupez de ce que nous avons de plus précieux et de plus important. Alors on va faire un contrat avec vous : d'un côté on va vous garantir les moyens humains qui vous permettront de vous occuper des enfants". Sur le long terme, l'éducation nationale doit être assurée sur cinq ans, dix ans, des moyens qui vont être les siens. Et en échange, contrat : je donne et en même temps nous avons une exigence, cette exigence est que les résultats du système éducatif français s'améliorent considérablement. Que le résultat de l'éducation monte. Alors c'est très difficile, ça demande un effort de la part de chacun mais c'est, me semble-t-il, plus équilibré que la guerre annuelle qui consiste à dire qu'on supprime des postes et naturellement, il y a en face les protestations que nous savons.
QUESTION : Sur la campagne électorale, hier on a connu les chiffres de la délinquance, ils sont bons...
François BAYROU : [Rires]. Vous êtes vraiment...
QUESTION : Non, ils ne sont pas bons ?
François BAYROU : Tout le monde a dit aujourd'hui que les résultats étaient mitigés, pour le moins que l'on puisse dire, pour une raison que tout le monde sait, le chiffre des petites infractions baisse mais les atteintes aux personnes, les agressions contre les personnes, les violences faites aux personnes augmentent considérablement de plus de 5 % par an.
QUESTION : Donc pour vous, le bilan de N. Sarkozy n'est pas bon ?
François BAYROU : Le bilan est mitigé. Je n'ai jamais cru aux miracles, je n'ai jamais cru que l'on pouvait d'un seul coup... Vous vous souvenez, il y a cinq ans, si je pouvais vous repasser l'extrait...
QUESTION : On n'aura pas le temps.
François BAYROU : On disait "Tolérance zéro !" On disait qu'il n'y aurait plus de zones de non droit. Et tout ça évidemment ne s'est pas réalisé. Je crois que la sécurité c'est un effort de longue durée et qui demande l'engagement de tous. Aujourd'hui, les résultats sont mitigés, cela provoque l'inquiétude de beaucoup de Français, j'espère que demain ils seront meilleurs si tout le monde s'y met.Source:premier-ministre, Service d'information du gouvernement, le 12 janvier 2007