Déclaration de M. Renaud Donnedieu de Vabres, ministre de la culture et de la communication, sur l'enseignement artistique et culturel, notamment les démarches d'évaluation, Paris le 10 janvier 2007.

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Circonstance : Ouverture du symposium européen et international de recherche sur les effets de l'éducation artistique et culturelle à Paris le 10 janvier 2007

Texte intégral


Monsieur le Président du Centre national d'art et de culture Georges Pompidou, Président du Haut Conseil de l'éducation artistique et culturelle, cher Bruno Racine,
Monsieur le Président du comité scientifique du symposium, cher Emmanuel Fraisse,
Madame le Professeur, chère Anne Bamford,
Mesdames, Messieurs, Chers Amis,
Je vous souhaite à tous une très bonne année. Je suis très heureux que vous soyez aussi nombreux, par votre présence ici aujourd'hui, à l'avoir placée d'emblée sous le signe de l'éducation artistique et culturelle et de son évaluation. C'est un enjeu international et vous êtes venus de toute l'Europe et du monde entier ; un enjeu de société, un enjeu politique au sens le plus large de ce terme ; c'est aussi un enjeu scientifique et vous êtes des experts de ce domaine.
Je tiens à vous remercier, Monsieur le Président, cher Bruno Racine, de nous accueillir dans ce haut lieu de culture, à vocation internationale, qui est aussi un espace privilégié d'accueil, de découverte et d'initiation aux arts, pour tous les publics, toutes les générations.
Oui, l'éducation artistique et culturelle est un impératif, une urgence de notre temps, et l'année qui vient de s'écouler a été marquée en France, par plusieurs faits significatifs de notre volonté commune d'avancer, avec nos partenaires du ministère de l'Education nationale, sur cette priorité.
L'éducation artistique et culturelle pour tous est désormais inscrite dans le Socle Commun, par le décret du 11 juillet 2006. Des groupes de travail ont été mis en place, dès la rentrée 2006, au ministère de l'Éducation nationale, pour décliner les sept « piliers » du socle commun. Ils définiront précisément l'éducation culturelle commune à tous les élèves, et prendront en compte la dimension culturelle et artistique de tous les enseignements et de toutes les disciplines.
C'est la première fois dans notre pays que l'éducation artistique et culturelle fait l'objet d'un texte réglementaire, d'un décret, qui a une importance capitale pour la fixation des contenus mêmes de l'enseignement, et représente un texte d'orientation fondamental pour l'avenir des programmes.
Le 9 octobre dernier a été signée la circulaire sur les emplois aidés conjointement par les services du ministère de la Culture et de la Communication, et ceux du ministère de l'Emploi, de la Cohésion sociale et du Logement. Cette circulaire s'inscrit dans le cadre du plan d'urgence pour l'emploi. Elle a pour objectif prioritaire de développer les emplois de médiation dans les structures culturelles, et de contribuer ainsi à renforcer leurs relations avec les établissements scolaires situés dans leur proximité immédiate.
J'ai eu le plaisir de signer, le 5 décembre dernier, une convention avec le Ministre de l'Éducation nationale et le Président de l'Ordre des architectes, qui permettra à ces derniers d'intervenir progressivement, aux côtés des enseignants, afin de donner aux futurs citoyens des clés pour mieux comprendre leur environnement et leur cadre de vie. Les collèges « Ambition Réussite » en seront les premiers bénéficiaires.
Par ailleurs, nous avons oeuvré, avec Gilles de Robien, pour que les priorités définies ensemble se concrétisent, les 22 et 23 janvier 2007, par un séminaire national de formation destiné à mobiliser et à sensibiliser les cadres de l'éducation nationale et de la culture à ces problématiques. Ce séminaire constituera ainsi un corps de doctrine qui pourra servir à la formation des futurs cadres et futurs enseignants, de façon pérenne.
Je tiens enfin à saluer la qualité du travail du Haut Conseil de l'éducation artistique et culturelle, installé fin 2005, qui a rendu compte de l'état d'avancement de ses travaux au mois de juin dernier à ses deux présidents, le Ministre de l'Éducation nationale et moi-même. Il nous a fait déjà plusieurs propositions, et doit remettre son premier rapport dans quelques semaines, en mars 2007.
Vous pouvez le constater, notre politique en faveur de l'éducation artistique et culturelle avance à grand pas, et de façon très concrète. Le symposium qui nous réunit aujourd'hui marque une nouvelle étape décisive pour l'avenir de ces actions. La société civile et les parlementaires attendent bien évidemment que le gouvernement rende compte de la façon dont l'argent public est utilisé. Cette attente légitime nous a conduit à adopter en 2001 une loi modifiant en profondeur l'organisation de notre budget. Le budget de l'État est désormais construit par programmes d'actions et par objectifs. A chaque objectif est associé un indicateur. La mesure de l'écart entre les résultats atteints chaque année et les objectifs que nous nous sommes fixés, est devenue un outil majeur de pilotage des politiques publiques. L'évaluation est désormais un impératif national.
Toutes les politiques éducatives, à travers le monde, font une place aux arts, comme l'a montré la première conférence mondiale organisée par l'UNESCO sur l'éducation artistique en mars 2006, à Lisbonne. Mais il existe bien un gouffre, selon le terme utilisé par le professeur Anne Bamford dans son intervention d'ouverture, entre les déclarations d'intention, ce qu'elle appelle joliment « the lip service », et leur mise en oeuvre concrète, dans les écoles et les autres structures éducatives. Si la question de l'évaluation de l'éducation artistique et culturelle est désormais posée avec autant d'intensité, c'est bien pour combler cet écart.
Mieux appuyer nos arguments en faveur de l'éducation artistique et culturelle, par des travaux scientifiques, peut contribuer à renforcer sa place dans le système éducatif et à assurer la continuité des politiques dans ce domaine. C'est cette ambition qui nous a conduit à organiser ce symposium aujourd'hui. Je tiens à remercier le professeur Emmanuel Fraisse, et les universitaires qui ont constitué autour de lui le comité scientifique, d'avoir consacré une partie de leur temps à sa préparation. Je tiens également à remercier le professeur Anne Bamford pour sa participation précieuse à l'élaboration de cette rencontre. Mes remerciements vont enfin, cher Bruno Racine, au Centre Pompidou, et en particulier à Véronique Hahn, Charlotte Fesneau et Nathalie Tramieux, les chevilles ouvrières de cette manifestation.
Très peu d'initiatives ont été prises en France jusqu'à présent en matière d'évaluation dans le champ de l'éducation artistique et culturelle. Les quelques études disponibles portent d'ailleurs moins sur l'évaluation des politiques publiques que sur l'observation des effets de dispositifs d'éducation artistique sur de petits groupes d'enfants, dans le cadre scolaire.
La très forte représentation des chercheurs anglo-saxons, et notamment des Etats-Unis et de Grande Bretagne, montre que nous avons pris du retard dans ce domaine. Nous ne sommes pas les seuls, puisque cela semble être une caractéristique commune, en Europe, à l'ensemble des pays latins.
Le recensement que le professeur Anne Bamford a mené, pour le compte de l'UNESCO, des travaux de recherche sur l'impact de l'éducation artistique a été, comme elle l'a elle-même observé, pour nous comme pour d'autres pays, un révélateur de nos propres manques en la matière. Il a sonné comme un rappel de la nécessité de progresser dans notre effort de recherche. Ce premier symposium mondial consacré à l'évaluation des effets de l'éducation artistique et culturelle sur les enfants et les jeunes constitue la première réponse à cette interpellation.
Il déterminera les axes prioritaires auxquels la recherche devra s'atteler.
Il ne s'agit pas seulement de nourrir notre curiosité intellectuelle ou de justifier la place que selon nous, l'éducation artistique et culturelle doit avoir dans la formation de la personnalité. Après tout, alors que tous les systèmes éducatifs font une place importante à l'enseignement des mathématiques, nous nous interrogeons rarement au sujet de leur impact sur la formation des enfants et des jeunes, ou sur le rôle que jouent les mathématiques en tant qu'instrument majeur de la sélection à l'école.
L'objectif essentiel des démarches d'évaluation est de construire des grilles d'observation des pratiques d'éducation artistique et culturelle, et de mettre en évidence les « bonnes pratiques », notamment en ce qui concerne le partenariat entre les enseignants et les artistes ou les professionnels de la culture. La recherche en matière d'évaluation doit mettre en évidence les approches de l'éducation artistique et culturelle qui obtiennent les meilleurs impacts. Il ne s'agit pas pour autant de construire des normes de conduite auxquelles les enseignants et leurs partenaires devraient se conformer. Il n'est évidemment pas question de remettre en cause la liberté pédagogique - elle est au coeur des démarches de projet - mais de demander à la recherche d'aider les praticiens de l'éducation à prendre du recul par rapport à leurs pratiques.
La recherche en matière d'évaluation est aussi, pour le ministère de la Culture et de la Communication, un outil majeur d'accompagnement des institutions culturelles partenaires de l'école. Dans le cadre de la mise en place en 2005 d'un plan de relance de l'éducation artistique et culturelle, j'ai souhaité que, désormais, toutes les structures artistiques et culturelles subventionnées par le ministère de la Culture et de la Communication mettent en oeuvre un projet éducatif. Mais il y a bien des façons de remplir cette obligation, qui est encore trop souvent considérée comme un objectif secondaire, voire comme une concession faite à une mission qui incomberait essentiellement, voire exclusivement à l'Éducation nationale. Le partenariat entre écoles et institutions culturelles n'est pas simplement bénéfique pour les élèves, il l'est aussi pour nos institutions. Il permet de replacer la question des publics au coeur de l'acte de création et de diffusion, et d'en faire le socle des politiques de conservation et de valorisation de notre patrimoine. Nous attendons des démarches d'évaluation qu'elles nous aident, grâce à un examen critique des pratiques, à faire de l'éducation artistique et culturelle une dimension essentielle des missions des institutions culturelles.
Les décisions politiques, si elles peuvent être éclairées par les résultats de la recherche, sont d'abord fondées sur l'affirmation d'un certain nombre de valeurs. La recherche ne doit pas être utilisée, de façon abusive, pour justifier ces décisions politiques.
Le choix de renforcer la place de l'éducation artistique et culturelle dans la formation des enfants est certes un choix raisonné, et qui sera éclairé par vos travaux, mais c'est aussi, et d'abord, un choix politique, que j'assume pleinement comme tel.
Face à la crise de la transmission, à la perte de repères de nos sociétés confrontées à des bouleversements technologiques et économiques sans précédent, je suis en effet convaincu que l'éducation artistique et culturelle apporte une réponse indispensable, riche en promesses, parce qu'elle est une réponse tournée vers notre avenir.
L'éducation artistique et culturelle doit en effet transmettre, au-delà de la connaissance des oeuvres et des pratiques artistiques, les valeurs mêmes au fondement de notre société, au premier rang desquelles le dialogue et l'ouverture à l'autre. Oui, l'éducation, dans son sens le plus noble, est bien un cheminement vers la citoyenneté, la responsabilité, la liberté et l'intelligence, et ce chemin passe par la culture. Car qu'est-ce qu'éduquer si ce n'est donner les clés pour comprendre le monde qui nous entoure, pour agir en lui et le transformer, pour comprendre l'autre, également, pour respecter, connaître et aimer ses différences ? Chaque oeuvre de l'esprit, de l'imagination, de tous les époques et de toutes les cultures, recèle une vision du monde, une clé pour l'appréhender. Je souhaite que nous trouvions, ensemble, la meilleure façon de faire prendre conscience de cette richesse à chaque élève de nos établissements.
Je vous remercie.Source http://www.culture.gouv.fr, le 15 janvier 2007