Déclaration de M. Thierry Breton, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, sur le grand chantier de planification du désendettement d'ici 2010, et sur les enjeux électoraux de la fiscalité et de la croissance, Paris le 18 janvier 2007.

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Circonstance : Voeux à la presse à Paris le 18 janvier 2007

Texte intégral

Chère Françoise CROUIGNEAU,
Mesdames et messieurs,
Merci beaucoup d'abord pour ces voeux chaleureux que vous venez de nous adresser, chère Françoise. A mon tour, c'est avec beaucoup de plaisir que je vous adresse à toutes et à tous mes meilleurs voeux pour la nouvelle année 2007. Jean-François COPE, Christine LAGARDE et François LOOS, qui n'a pu être présent parmi nous ce matin, s'associent à moi pour vous souhaiter avant tout une excellente année, tant sur le plan personnel que sur le plan professionnel.
Je le fais avec d'autant plus de sincérité que j'ai toujours considéré - ceux parmi vous qui me connaissent le savent depuis longtemps - votre rôle comme absolument essentiel dans une économie moderne. Et, à 3 mois d'échéances électorales majeures pour notre pays, je mesure plus que jamais la responsabilité et l'importance de la tâche qui vous attend.
A cet égard, je voudrais tout particulièrement saluer le travail des agences de presse et de leurs collaborateurs qui suivent les questions économique, AFP, Bloomberg, Dow-Jones, Reuters et d'autres ... Je sais que vous serez tous d'accord, journalistes de presse écrite et audiovisuelle, pour vous joindre à moi dans ces remerciements.
A. VOTRE RÔLE DANS LA PRISE DE CONSCIENCE DES FRANÇAIS SUR L'ENDETTEMENT PUBLIC A ÉTÉ DÉTERMINANT
1. Vous me permettrez d'aller au-delà de remerciements un peu... conventionnels, en les illustrant très précisément à travers : le thème de l'endettement public.
Grâce à vous, le rapport de Michel PEBEREAU et de la Commission trans-partisane qu'il a dirigé a eu un impact immense auprès des Français fin 2005 et début 2006 et ce travail d'explication et d'analyse a été déterminant dans la réalisation des avancées majeures qu'a accomplies le Gouvernement en 2006 : première Conférence nationale des finances publiques ; engagement national de désendettement pour ramener d'ici 2010 les comptes publics à l'équilibre et l'endettement public sous 60 % du PIB ; exécution exemplaire de nos finances publiques 2006.
2. Mais le plus important pour moi aujourd'hui, c'est que tout ce travail a permis d'enclencher une dynamique vertueuse, et nous avons encore devant nous plusieurs grands rendez-vous médiatiques en matière de finances publiques :
- Dans les jours qui viennent, nous pourrons vous communiquer les résultats précis définitifs sur l'exécution budgétaire de l'Etat sur 2006. Ce que je peux vous dire, c'est que la dépense budgétaire a bien été exécutée conformément à l'autorisation parlementaire c'est-à-dire en ligne avec l'inflation ; par ailleurs, il apparaît que les plus values fiscales ont atteint environ 10 Mdeuros. Je rappelle que ces plus values ont été intégralement affectées à la réduction du déficit, qui devrait donc atteindre, Jean-François, environ 36,5 Mdeuros, et à la réduction de l'endettement.
- Ensuite, l'Ecofin du 30 janvier devrait voir le Conseil des Ministres européens des Finances abroger définitivement la procédure pour déficit excessif : voilà un acquis majeur qui nous permet d'être le premier des grands pays européens à revenir dans les clous de Maastricht, avant l'Allemagne, l'Italie et le Royaume-Uni.
- Le 12 février, le Premier Ministre, Dominique de VILLEPIN présidera la 2e Conférence nationale des finances publiques. Elle permettra de faire le point sur les objectifs de mi-parcours de notre programme quinquennal de désendettement et d'évoquer de nouvelles pistes en matière de gouvernance d'ensemble de nos finances publiques.
- Enfin, le 30 mars, l'Insee notifiera à Bruxelles les résultats officiels des finances publiques de la France pour 2006 :
- en matière de déficit de l'ensemble des finances publiques, vous savez que notre objectif était jusqu'à présent un déficit public à -2,7 % en 2006. Compte tenu des informations dont je viens de vous faire part sur l'exécution budgétaire de l'Etat, ces résultats me permettent même d'espérer faire mieux ;
- en matière de dette publique, grâce à la réduction du déficit public mais aussi grâce aux efforts importants sur la gestion de notre trésorerie et sur l'affectation des recettes de privatisations, je suis également très confiant dans la réalisation de l'objectif fixé d'une baisse de l'endettement de 2 % du PIB l'an dernier. Selon l'Agence France Trésor, je vous indique déjà que l'Etat a réalisé à lui seul une diminution de la dette négociable de l'Etat d'environ 2 % du PIB. Le chiffre final devra encore intégrer la variation de l'endettement des collectivités locales et de la Sécurité sociale.
3. Puisque nous en sommes aux temps des résolutions et des leçons à tirer, l'enseignement que je retire pour ma part de ces 2 années d'expérience de la gestion des finances publiques de notre pays, sous l'autorité du Président de la République, Jacques CHIRAC, c'est que, finalement, comme en tant d'autres domaines, quand on se fixe un objectif - si ambitieux soit-il - on finit toujours par le dépasser, pour peu que l'on agisse avec rigueur, détermination... et sans se laisser distraire du cap fixé :
- Regardez sur l'exercice 2005 : l'objectif de déficit était de 3 %, on a fini à 2,89 %, faisant de la France le premier des grands pays européens à revenir sous les 3 % de déficit !
- Regardez sur l'exercice 2006 : l'objectif initial de déficit était à 2,9 %, puis à 2,8 %, puis à 2,7 %... aujourd'hui, j'espère même que nous ferons mieux !
- Regardez sur la maîtrise de la dépense publique : pendant 4 ans de 2003 à 2006, nous avons stabilisé la dépense de l'Etat en volume alors que tout le monde pensait que nous n'y arriverions jamais... le résultat, c'est que nous sommes désormais en position de réduire la dépense de l'Etat en volume et de viser progressivement une stabilisation en valeur : une première étape en ce sens est inscrite dans le budget 2007 !
- Regardez sur l'endettement : l'objectif était de réduire le ratio dette / PIB de 2 % en 2006... nous allons peut-être faire mieux !
- Et, au milieu de ces efforts collectifs de l'ensemble des administrations, j'ai voulu que Bercy soit exemplaire, avec en 2007, le non remplacement de 2 départs à la retraite sur 3 et la stabilisation en valeur de notre dépense.
Au total, vous savez combien j'en suis convaincu, en matière de finances publiques, comme finalement souvent dans la vie : le progrès appelle toujours le progrès, les résultats appellent toujours les résultats. C'est pourquoi je vous le dis, la France a la capacité de réaliser le plan de désendettement que nous avons défini d'ici 2010, tout en dégageant chaque année des marges de manoeuvre pour financer des mesures nouvelles qui seraient décidées par la prochaine majorité.
B. LA FISCALITÉ : UN ENJEU MAJEUR DE LA CAMPAGNE
Mais je ne peux pas parler de finances publiques sans dire un mot bien sûr sur la fiscalité. Alors , je ne vais pas en rajouter sur les débats internes qui déchirent le Parti Socialiste.
Je veux quand même prendre un peu la défense de François HOLLANDE , accusé d'un seul coup de tous les maux au sein du PS. Evidemment, je suis en désaccord profond avec ses propositions fiscales, ça ce n'est pas un scoop. En revanche, je comprends qu'il ait voulu s'exprimer sur la fiscalité, sujet majeur, alors que Ségolène ROYAL ne disait rien depuis des mois. Il a dû se dire que ce silence ne pouvait pas durer et que c'était une question de crédibilité. Mais au final, le plus gênant pour les Socialistes dans cette histoire, c'est que la France entière ait découvert qu'à 3 mois des élections, sa candidate n'a aucune idée, mais vraiment aucune, sur la fiscalité . Aucune idée au point de charger Dominique STRAUSS-KAHN - en urgence - de lui fabriquer un projet fiscal qui visiblement, lui, échappe à la démarche participative !
[Ceci illustre une fois de plus , et de manière criante, les silences de Ségolène ROYAL, sur des sujets pourtant essentiels : la fiscalité : pas d'idées ; l'adhésion de la Turquie : « je ferai comme les Français voudront » ; le financement des propositions : « on verra plus tard » ; les problèmes de la Corse : je ne parle pas des « sujets qui fâchent » etc ...]
Alors, comme un programme ne peut être fait que de silences et que les Français ont besoin d'un vrai débat, je fais une proposition concrète : dès que Dominique STRAUSS-KAHN aura rendu les conclusions de sa mission pour Ségolène ROYAL, je lui propose de débattre publiquement avec lui de ses préconisations, où il voudra, quand il voudra.
C. SECOND POINT DE CLIVAGE : LA PLACE DE LA CROISSANCE
Pour terminer, je voudrais dire bien sûr un mot sur la croissance, car je crois qu'après le débat sur la fiscalité, le débat sur la croissance dans cette campagne présidentielle devrait être le second point de clivage important entre la droite et la gauche.
1. Vous le savez, pour ma part, je ne travaille qu'avec des fourchettes de croissance. Parce que, ce qui m'intéresse vraiment, derrière ces fourchettes et ces rythmes de croissance, c'est la croissance potentielle de notre économie.
2. Ce que je souhaite, c'est profiter de ce grand rendez-vous démocratique et citoyen qu'est la campagne électorale pour mettre au coeur de nos choix collectifs la question de notre croissance. Ce dont la France doit d'abord débattre aujourd'hui, ce n'est pas de son modèle social somme toute largement consensuel ; ce dont elle doit débattre, c'est d'abord de son modèle de croissance :
Une des grandes questions qui fera la différence dans cette campagne présidentielle, c'est au fond : quelle est la place de la croissance de la France dans la croissance mondiale ? Voilà le vrai enjeu. Car si l'on parle tant de la Chine , de l'Inde, du Brésil ou de l'Indonésie, c'est bien à cause de leur immense capacité de croissance économique qui change la donne planétaire !
3. Or, le message que je souhaite porter aux côtés de Nicolas SARKOZY, il est simple : la France ne peut plus se contenter d'une croissance potentielle de l'ordre de 2,2 %, sa moyenne depuis 1981 .
La simple vérité, c'est de dire clairement qu'à 2,2 % de croissance, la France n'a pas un avenir à la hauteur des ambitions que nous avons pour elle, en termes de niveau de vie, de solidarité sociale, de bien être collectif et de place dans le concert des nations. Et de cette vérité, notre devoir est de tirer toutes les conséquences pour les exposer clairement à nos compatriotes à la veille d'un rendez-vous décisif pour leur avenir.
Nous devons avoir une vision claire pour notre pays, un cap. Cette vision, ce cap, je les ai exprimés pour ma part à travers une ambition : la France doit rester dans le « top 5 » des économies mondiales à l'horizon 2030, malgré la montée des économies émergentes.
Cet objectif est à notre portée. Il suppose cependant un acquis décisif : changer de braquet sur notre croissance potentielle en la portant entre 3 % et 4 %. Ce sont les réponses à ce défi collectif qui doivent être au coeur de la campagne.
Heureusement, en économie, rien n'est jamais perdu, comme en témoigne par exemple l'excellente nouvelle de ce début d'année : la France vient de revenir à un taux de fécondité de 2 enfants par femme, niveau qu'elle n'avait pas connu depuis 30 ans. La France est désormais le pays le plus fécond en Europe. Oui, la France possède de nombreux atouts et le montant des investissements étrangers en France le démontre : la France est le premier pays d'Europe continentale en termes d'accueil des investissements étrangers.
Ce changement de braquet, je suis convaincu qu'il réside avant tout dans la revalorisation du travail et de sa compétitivité qui doivent redevenir des valeurs centrales de notre société et de notre projet économique et social. A juste titre, il est au coeur du programme de Nicolas SARKOZY et je ferai tout pour développer ce thème à ses cotés.
De ce point de vue, sur la compétitivité du coût du travail et le système de prélèvements obligatoires, nous devons être attentifs à ce qui se passe actuellement en Allemagne, où le Gouvernement - outre les nombreuses réformes structurelles qu'il a mises en oeuvre, notamment l'allongement de la durée du travail, sujet sur lequel vous connaissez ma position - a décidé d'abaisser la pression fiscale sur le travail, en réduisant les charges sociales, et de financer cette mesure par un surcroît de taxation de la consommation - au cas particulier, via 3 points de TVA.
J'ai demandé à mes services d'évaluer de très près les premiers enseignements de l'expérience allemande, notamment quant à son impact sur la consommation et le pouvoir d'achat - auquel je suis très attentif - et quant à son effet concret sur la compétitivité du travail. J'aurai l'occasion de préciser mes réflexions à ce sujet très prochainement au sein de ma famille politique, puis devant vous.
Le changement de braquet de notre croissance potentielle réside bien sûr également de manière décisive dans la réussite de notre entrée dans l'économie de l'immatériel. C'est pour cela que j'ai demandé à Maurice LEVY et à Jean-Pierre JOUYET de produire le rapport qu'ils m'ont remis en décembre. Ce rapport comporte de très nombreuses propositions pour que nous soyons prêts à cette « économie d'après » : sur la fiscalité, sur l'enseignement supérieur, sur la formation tout au long de la vie, sur la recherche et développement... Nous ne devons pas hésiter à nous approprier un grand nombre des préconisations de ce rapport, issu d'une commission a-politique : je veux en faire une véritable « boîte à idées » pour la campagne électorale.
4. Il y a le fond. Il y a aussi la méthode, et vous savez mieux que quiconque qu'ils sont tous deux aussi importants. Car ce que nous devons réinventer, ce n'est pas simplement notre sentier de croissance, c'est aussi la façon de faire adhérer les Français à un projet ambitieux pour la croissance de notre pays. De ce point de vue, nous devons proposer aux Français une nouvelle façon de faire avancer simultanément et concrètement réforme économique et progrès social.
J'ai de nombreuses idées sur cette question. Cette réflexion, je la conduis à Bercy depuis mon arrivée et je vous indique aujourd'hui que je la rendrai publique très prochainement sous la forme d'un ensemble de propositions pour la croissance et la confiance.
Voilà les quelques mots que je voulais vous dire ce matin. Vous savez que je pourrais continuer longtemps sur l'actualité des dossiers économiques sur lesquels je travaille activement en ce moment, comme la loi sur la consommation par exemple dont vous savez que le Parlement l'examinera courant février et qu'il apportera, j'en suis certain un certain nombre de réponses aux préoccupations légitimes de nos concitoyens sur le pouvoir d'achat.
Mais je vais m'arrêter là. Vous pouvez comptez sur moi et l'ensemble de mon cabinet pour continuer à vous informer et à vous expliquer, si besoin est, les différentes mesures de politique économique sur lesquelles je m'exprimerai dans les semaines et mois qui viennent. Je vous donne en particulier rendez-vous à l'occasion des prochains rendez-vous trimestriels... que j'ai décidé, comme vous le savez, de rendre mensuels !
Merci à tous. Je vous invite maintenant à passer à côté pour trinquer ensemble à cette nouvelle année !