Conférence de presse conjointe de M. Pierre Moscovici, ministre délégué aux affaires européennes, avec son homologue M. Günther Verheugen, et interview à RFI, sur le bilan du sommet de Petersberg, l'amorce d'un compromis franco-allemand dans la négociation de l'Agenda 2000 et de la réforme du financement de la PAC, l'option de la stabilisation des dépenses communautaires et le recul de l'idée du cofinancement de la politique agricole commune, Bonn le 4 mars 1999.

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Circonstance : Voyage de M. Moscovici à Bonn (Allemagne) le 4 mars 1999

Média : Radio France Internationale

Texte intégral

CONFERENCE DE PRESSE A BONN le 4 mars1999
Nous venons davoir un entretien tout à fait positif et amical. Je voudrais dabord dire - parce que cest le sentiment aussi bien du président de la République, du Premier ministre que du gouvernement - que nous avons beaucoup apprécié la façon dont sest tenu le Sommet du Petersberg. A la fois la manière dont il a été présidé et les résultats auxquels il est parvenu puisque nous sommes, je crois, sur une base de travail, celle de la stabilisation des dépenses, de toutes les dépenses, aussi bien les dépenses structurelles que les dépenses agricoles, qui rend possible lindispensable compromis.
La négociation reste difficile. Nous avons fait des propositions et jenregistre tout à fait avec satisfaction la manière dont le gouvernement allemand les prend au sérieux et considère quelles apportent une contribution positive. Nous avons parlé de la façon de les traiter, nous allons examiner les choses avec sérieux, près des chiffres, en essayant de nous mettre daccord sur des bases communes, bases communes techniques pour ensuite aller vers des bases communes politiques.
Je veux affirmer, pour terminer, notre volonté daboutir le 25 mars à Berlin à un succès sur lAgenda 2000.
Cest un succès qui est nécessaire pour lEurope, un succès qui est important pour la relation franco-allemande et justement parce que cette relation franco-allemande est imbriquée de façon tellement intime à la construction européenne, nous allons rechercher ensemble les voies dun accord. Nous souhaitons un bon accord, nous avons des intérêts à faire respecter comme dautres pays et nous voulons aider la présidence allemande à conclure. Nous le voulons très sincèrement. Nous ne ménagerons aucun effort pour y parvenir.
Q - (à propos des relations franco-allemandes)
R - Nous avons exprimé avant Petersberg, notamment à loccasion dun Conseil Agriculture, qui est - on le sait - toujours une manifestation assez virile, notre point de vue de façon franche par rapport à certains problèmes qui nous préoccupaient, notamment le cofinancement de la Politique agricole commune, qui nest pas pour nous une option souhaitable ni même possible. Et en même temps, nous navons jamais remis en cause lamitié franco-allemande.
Mais jajoute que depuis le Petersberg, nous sommes dans une autre phase de la négociation. La présidence allemande a fait des propositions, a pris une option, celle de la stabilisation des dépenses, qui est une option dans laquelle nous nous reconnaissons. Nous redémarrons sur cette base là. Je crois que nous avons échangé franchement nos points de vue, que maintenant nous nous comprenons, que nous savons très bien ce que les uns et les autres veulent, ce que les uns ou les autres acceptent ou refusent, et nous allons travailler dans lesprit daboutir ensemble.
Je répète la ferme volonté politique de la France daider lAllemagne à assurer un succès sur lAgenda 2000. Je crois, je le répète, que ce succès est indispensable et quil est maintenant possible.
Ces questions financières sont toujours très difficiles, elles sont importantes. Ce qui nous réunit est plus important que cela. Dabord la relation franco-allemande, ensuite des visions communes en Europe sur lemploi, sur la défense je lespère, sur lélargissement, sur la réforme des institutions européennes. Mettons maintenant un terme à ces négociations sur lAgenda 2000 de façon positive. Nous pourrons nous dégager lesprit pour de vastes perspectives./.
ENTRETIEN AVEC "RADIO FRANCE" le 4 mars 1999
Q - Est-ce que les différences entre la France et lAllemagne sur la PAC se sont aplanies aujourdhui avec votre visite et celle de Jean Glavany ?
R - On a abordé depuis le Sommet du Petersberg, la semaine dernière, une nouvelle phase dans la négociation de lAgenda 2000. Cest vrai quavant nous avons eu des explications franches parce que nous avions limpression, peut-être, que lAllemagne privilégiait la piste du cofinancement qui pour nous ne pouvait pas faire laffaire. Doù des explications franches mais toujours amicales, parce que nous avons toujours eu lidée que laccord franco-allemand était la base dun accord possible sur lAgenda 2000.
Au Sommet de Petersberg, la présidence allemande a choisi une option qui me paraît positive :
celle de la stabilisation des dépenses, stabilisation des dépenses agricoles et stabilisation de la dépense structurelle. Et sur cette base là, dans cette nouvelle phase, nous voulons absolument aider la présidence allemande à conclure un bon accord. Je crois quon sest expliqué et que lamitié franco-allemande sort indemne de cet incident.
Q - Est-ce que lAllemagne a retiré cette idée de cofinancement de la PAC ?
R - Elle ne la pas formellement retirée. Le cofinancement est peut-être encore dans certaines têtes mais je constate quil recule chaque fois. Il a reculé au Sommet Petersberg, cest évident. Il nest pas aujourdhui sur la table du Conseil Agriculture. Les Allemands ont bien compris que pour nous, ce nétait pas possible, que nous le souhaitions pas, que nous nacceptions pas une renationalisation de la PAC et donc je crois quils réfléchissent. Mais il faut aussi leur laisser leur rôle de président. Ils réfléchissent à des formules de compromis qui permettent de résoudre les différents défis de lAgenda 2000.
Q - Est-ce que vous pensez quun accord en mars à Berlin est possible ?
R - Laccord est vraiment plus que souhaitable, indispensable pour lUnion européenne, parce que bien sûr ce ne serait pas une bonne chose dans la perspective de lélargissement, de lapprofondissement de ne pas aboutir. Il est aussi tout à fait souhaitable pour les relations franco-allemandes. Dailleurs, il ny a pas que les Français et les Allemands dans cette affaire, il y a bien dautres pays aussi et cest pourquoi nous voulons absolument que laccord franco-allemand soit la base dun accord à Berlin. Jajoute que cet accord est aujourdhui possible.
Je crois queffectivement, si on arrive à décliner de façon intelligente loption de la stabilisation des dépenses, alors, à Berlin, nous pourrons trouver un accord. Nous le souhaitons. Nous voulons maintenant aider la présidence allemande, par des contacts approfondis et nombreux, à conclure le 25 mars à Berlin. Jespère que lEurope aura fini avec lAgenda 2000 et quelle pourra se tourner vers les tâches de demain : le Pacte européen pour lemploi, lEurope de la défense, lélargissement, la réforme des institutions, parce que après tout, cest vrai que cest un sujet difficile, mais qui nest pas forcément le sujet qui concerne le plus lavenir de lEurope.
Q - Un dernier mot. Est-ce que les élections européennes ne pèsent pas lourdement sur cette réforme des financements de lEurope ?
R - Il faut reconnaître que choisir un Conseil européen spécial sur le sujet qui est celui qui attise le plus les intérêts nationaux, le 25 mars à trois mois dune élection, cétait une gageure, un pari. Nous lavons fait. Nous lavons fait ensemble. Maintenant, il faut avoir le courage de conclure. Il ne faut pas avoir darrière pensée tactique. Nous nen avons pas, nous voulons vraiment conclure en mars. Je ne vois pas dailleurs en quoi un nouveau délai aiderait puisque maintenant toutes les données sont sur la table, cela ne risquerait dailleurs quà accroître la pression. Sincèrement, nous navons aucune préoccupation dordre électoral et je crois que personne ne doit en avoir. Les élections sont une chose, elles se passeront dans un climat dautant plus serein que lAgenda 2000 aura été conclu et bien conclu./.
RENCONTRE AVEC LA PRESSE FRANCAISE A BONN le 4 mars 1999
Je viens davoir des entretiens avec M. Verheugen, ministre délégué chargé des Affaires européennes, M. Hombach, chef de la Chancellerie et M. Fleisbeck, secrétaire dEtat auprès du ministre des Finances au sujet de lAgenda 2000, avec le souci à la fois de dissiper certains malentendus et surtout dessayer de voir comment on pouvait avancer, puisque nous avons lidée commune que cest autour dun accord franco-allemand que peut se régler lAgenda 2000. Nous avons eu des entretiens amicaux. Je crois que lon est dans une autre phase de la négociation avec des idées qui circulent. La négociation a été calée par le Sommet de Petersberg. Il y a une option qui a été choisie par la présidence allemande de la stabilisation des dépenses, une bonne option et donc maintenant il faut approfondir tout cela. Il y a au moins une chose, cest le recul de lidée du cofinancement.
En ce qui concerne les discussions agricoles, jai eu la sensation aussi bien au cours des discussions avec M. Verheugen quavec M. Hombach, quon avait compris quil sagissait pour nous dune question très importante quils cherchaient des alternatives. Je ne veux pas les citer, mais le cofinancement ne me parait plus une hypothèse à privilégier ou à évoquer sérieusement.
Q - Avez-vous le sentiment que le cofinancement est réellement abandonné par lAllemagne ? Ne risque-t-il pas de revenir à la fin de la négociation ?
R - Avant le Sommet de Petersberg il y a eu une phase où lon sest dit des choses de part et dautre, sans remettre en cause lamitié franco-allemande. Nous avions limpression que les Allemands privilégiaient une piste qui était le cofinancement et une politique, la PAC, et ils avaient peut-être limpression que nous ne souhaitions pas conclure. On on donc a vécu une semaine un peu compliquée entre le Conseil Affaires générales et le Conseil Agriculture - je ny reviens pas. Ce qui devait être dit à lépoque a été dit. Et puis, en même temps ces messages ont peut-être été mal ressentis mais ont été utiles parce quau final, ce qui est sorti au Sommet de Petersberg, cest une position calée sur la stabilisation de la dépense. Ce nétait pas la même position que celle qui était sur la table quelques jours auparavant. Ce nétait pas non plus la position qui était celle du Conseil Agriculture. Maintenant nous travaillons sur cette qui cette base là me parait pouvoir être la base dun succès. Nous sommes en train de travailler pour parvenir à un accord franco-allemand qui doit être la base dun accord sur lAgenda 2000.
Q - Va-t-on assister à un accord franco-allemand que vous essaierez dimposer aux autres partenaires ?
R - Je nen sais rien. Ce nest pas nous qui assurons la présidence. Ce nest pas exactement comme cela que ça va se passer, je crois.
On ne peut pas faire comme sil ny avait que la France et lAllemagne dans cette affaire. On est obligé, y compris dans la manière dont on traite le dossier densemble, de trouver un compromis qui soit satisfaisant pour tout le monde. Cela ne peut donc pas être une démarche du type « ça passe ou ça casse ». Cest forcément une démarche de conviction qui intègre cette préoccupation globale.
Q - Le gouvernement allemand précédent avait parlé dune réduction de la contribution nette allemande de 14 milliards de marks. Depuis il ny a plus eu de chiffre. Quen pensez-vous ?
R - Encore une fois, je ne peux pas parler à leur place. Jai limpression quils souhaitent donner un signal significatif, une tendance. Ils savent très bien que les chiffres comme 14 milliards nont rien à voir avec la réalité.
Q - Est-ce que vous avez limpression quils pourraient se contenter dune décision qui impliquerait une tendance à la baisse de leur contribution nette ?
R - Je peux bien parler pour moi, mais je ne peux pas parler pour eux. La tendance doit se traduire par un chiffre concret, cohérent. Il y a deux choses, il peut y avoir un chiffre pour la période 2000-2006, et il y a la tendance. Et puis aussi le fait que tout cela peut se répartir dans le temps, on peut démarrer avec un mécanisme qui prendra ensuite plein effet.
Q - Dans quel ordre de grandeur ? Des chiffres de 2 à 3 milliards deuros ont circulé dans les cercles français, à Bonn dans les cercles allemands, ce sont des chiffres plus faibles ?
R - Cela sexplique par un problème technique, qui est un problème de base. Cela peut être x milliards de moins que les propositions de lAgenda 2000 qui aboutiraient à augmenter la contribution allemande, ou bien x milliards de moins que lactuelle contribution allemande. On peut imaginer que les chiffres bas sont des chiffres de diminution globale, nets.
Q - Comment sentez-vous le chancelier allemand ? Avec une volonté de compromis réel ou très à cheval sur la facture allemande ?
R - Je ne suis pas sûr que ce soit fromage ou dessert. Pour moi, il a une volonté daboutir. Je crois que chacun le veut, cest le cas pour lAllemagne et cest le cas pour la France. Cest pour cela que lon nest plus dans la phase où lon échange des petites phrases ou bien où lon montre ses muscles. On est dans la phase où lon travaille, on travaille positivement et chacun mesure que la réussite du Sommet de Berlin est importante. Elle est importante pour lEurope, elle est importante pour lAllemagne, elle est importante pour la relation franco-allemande et puis elle a aussi une importance politique dans la configuration que vous connaissez en Europe, donc il y a une volonté de conclure. Je crois que le chancelier joue une partie importante et que nous la jouons avec lui.
Q - Ce matin, M. Verheugen a fait état dune nouvelle proposition française. Quen est-il exactement concernant les grandes lignes de force de la stabilisation des dépenses ?
R - Il y a en effet des propositions agricoles qui sont sur la table et qui devront être examinées, mais si vous voulez, la base de laccord, cest la stabilisation des dépenses dabord, la réforme des ressources propres, nécessaire, la réforme de la Politique agricole commune que nous acceptons sur la base, à notre sens, de la dégressivité. A lintérieur de ce cadre financier densemble, que chacun affiche un peu ses priorités. Il faut être capable de répondre par rapport à cela, aux problèmes qui sont posés au Portugal, aux problèmes liés aux fonds de cohésion, aux questoins irlandaise, suédoise...
Donc on voit, si lon prend sérieusement ce qui a été décidé à Petersberg, on a un scénario central autour duquel il faut répondre aux problèmes des uns et des autres. Et pas uniquement dans le domaine agricole, je le répète - cest important - ; lAgenda 2000 nest pas une négociation agricole ou plutôt nest pas quune négociation agricole. LAgenda 2000 ce nest ni un dialogue franco-allemand, ni une seule, une simple négociation agricole, cest une négociation qui implique 15 pays, qui ont chacun des demandes.
Q - (inaudible)
R - Personne nobtiendra tout ce quil demande, nous non plus. Nous acceptons la réforme de la PAC, nous acceptons des baisses de prix, nous nacceptons pas les baisses de prix prévues par la Commission et donc, à mon avis ce nest pas un tort mais cest un effort de cohérence que nous avons fait. Nos propositions sont déjà sur la table. Nous savons par rapport à cette position, y compris par rapport à ce que lon peut demander sur telle ou telle prime ou tel ou tel sujet, que nous naurons pas lintégralité. Nous avons accepté une réforme de la PAC qui ne correspond pas trait pour trait aux intérêts nationaux. Nous allons laccepter. Ce que nous refusons, cest le démantèlement de la Politique agricole commune, le cofinancement, des baisses de prix excessives et enfin la réforme du lait. Nous estimons quil y a des incohérences à faire la réforme du lait maintenant ; on ne peut pas à la fois vouloir faire des économies et commencer par faire une réforme qui est extrêmement coûteuse. La non-réforme du lait crée des économies tout à fait substantielles par rapport aux propositions de lAgenda 2000.
Q - Et pour ça, M. Verheugen est daccord ? Il tient à la réforme du lait, non ?
R - Si on était tout à fait daccord, on laurait vu ce matin. Honnêtement, il fallait se parler pour comprendre deux ou trois petites choses. La première cest que la volonté commune est de conclure, quil ny ait pas darrière-pensées, ni dun côté, ni de lautre. Cela jen suis convaincu. Et puis il fallait aussi sexpliquer sur les deux, trois sujets névralgiques. La stabilisation des dépenses, nous la souhaitons tous les deux maintenant, cest clair. Le cofinancement, pour moi ce nest plus une idée centrale dans les négociations, je préférerais que ce soit un ministre allemand qui vous le dise. Mon sentiment, après avoir vu M. Hombach, cest que le cofinancement nest plus là. Donc, si vous voulez, la base du compromis franco-allemand cest cela, cest une stabilisation réelle qui touche aussi lagriculture./.
(Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 8 mars 1999)