Déclaration de Mme Ségolène Royal, députée PS et candidate à l'élection présidentielle 2007, sur la construction de son projet présidentiel par une campagne participative, son programme pour les jeunes en difficulté à la recherche d'un emploi, Toulon le 17 janvier 2007?.

Prononcé le

Intervenant(s) : 

Texte intégral

Chers amis, chers camarades
Merci à toi Michel, Robert, merci à tous les amis d'être présents, tous les candidats aux élections législatives, merci à tous les jeunes d'être si nombreux, le MJS, la Ségosphère.
J'entends la droite dire qu'il y aurait comme un trou d'air dans notre campagne, moi ce que je vois ce soir surtout c'est un souffle d'air extraordinaire qui va nous porter vers la victoire de 2007.
Vous êtes là si nombreux, si divers et en même temps si unis, avec votre énergie de la France qui a envie d'un changement profond et qui attend désespérément un pays qui va mieux.
C'est grâce à vous que, dans cette élection majeure pour l'avenir de la France, je peux garder le cap, rester moi-même, continuer à gravir la montagne avec vous, la droite à la puissance de l'argent, nous nous devons mobiliser en profondeur l'intelligence du peuple français.
Nous devons regarder les choses en face, parler vrai, avoir une parole libre, écouter les Français pour imaginer avec eux d'autres possibles et pour redonner à la puissance publique le rôle qui doit être le sien dans le temps qui est le nôtre.
Cette campagne, Michel le rappelait, je l'ai voulue avec vous, participative, avec vous je suis entrain de construire mon projet présidentiel. Pour mieux répondre aux inquiétudes et aux attentes des Français, pour en finir avec ce gâchis humain et ces énergies entravées qui minent le moral des Français et du pays, qui lui font douter de lui-même, qui le tirent vers le bas et l'incitent au repli.
C'est ainsi qu'en mille lieux, et même plus, dans les grandes villes comme dans les petites communes du milieu rural, nous faisons une chose dont beaucoup avaient perdu l'habitude et dont d'autres n'ont jamais eu l'expérience : nous nous écoutons, nous nous parlons, nous bâtissons, nous construisons un diagnostic partagé des difficultés que vivent les Français, pour parler juste et ensuite pour agir juste pour redresser la France, pour vivre mieux les uns avec les autres et, disons le mot, pour assumer notre responsabilité collective, et en premier lieu à l'égard de toutes celles et tous ceux qui, comme Arthur Rimbaud à 17 ans, peuvent aujourd'hui pousser ce cri : « je suis jeune, alors qu'on me tende la main ! »
Certains ont ironisé : ce parti pris participatif, c'est donc qu'elle n'a pas d'idées... L'expertise, c'est l'affaire des spécialistes, pas des citoyens ordinaires ... Nous savons bien, nous dont c'est le métier, ce qui est bon pour les gens et, le cas échéant, ce qu'ils veulent...Ces forums, ces débats, c'est du temps perdu, et il ne s'en dégagera jamais quelque intérêt général...
Mais je vous le dis, cette exigence démocratique c'est une sorte de révolution démocratique, qui rend à chaque citoyen qui le souhaite ce qui lui est dû : la parole, bien sûr, mais aussi le pouvoir de proposer, à égalité avec tous, je veux élever la voix de chaque citoyen, je veux arriver avec vous au pouvoir pour vous le rendre, car si aujourd'hui dans cette campagne, on donne la parole à chacun, alors on ne pourra jamais vous la reprendre. Et c'est cela la nouvelle république que je veux construire avec vous, parce qu'elle est garante demain de la crédibilité de l'action politique. Elle est garante, cette façon de faire, de l'exigence politique, elle est garante de la parole tenue, elle est garante tout simplement du progrès pour tous et du respect pour chacun.
Les Français en ont assez des discours politiques de mensonges tenus au plus haut niveau, de ceux qui sont au pouvoir et qui promettent demain ce qu'ils ne font pas aujourd'hui alors qu'ils en ont la responsabilité. Ca c'est un déni de responsabilité.
Quand on a la chance d'être dépositaire du pouvoir du peuple français, alors on passe à l'action et l'on ne promet pas pour des lendemains des choses que l'on n'est pas capable d'accomplir aujourd'hui.
C'est ce que j'appelle la morale de l'action, je suis la candidate de la morale de l'action.
Et puis il y a aussi la vérité des mots et des concepts. Et lorsqu'ils ne correspondent à rien, ou lorsqu'ils ne recouvrent pas la vérité, alors ils ne tiennent pas la distance. Et c'est pourquoi la droite ne parle plus de rupture, forcément, par définition, le candidat de droite est le candidat sortant, il est celui de la continuité, et dès lors les masques sont tombés. Non, la droite ne peut pas accomplir la rupture puisqu'elle s'inscrit dans ce qu'elle a défait depuis maintenant cinq ans.
La rupture c'est la gauche qui l'incarne, le changement profond c'est la gauche qui l'incarne, et c'est pourquoi, en écoutant les Français, on met les mots justes sur la réalité, on ne peut pas raconter d'histoires, on ne peut pas s'attribuer des valeurs auxquelles on ne correspond pas.
Et je vous le dis ici, non seulement je revendique d'être la candidate de la morale de l'action, mais je suis parce que j'écoute les Français, que je prends ce temps et que je le prendrais comme je l'ai décidé, je suis aussi la candidate de la vérité de la parole, parce que cette parole, c'est la vôtre.
Je suis venu vous dire ici à Toulon les raisons auxquelles je tiens, celles pour lesquelles nous avons envie de croire en la France. Je la sais capable notre France de puiser dans ses valeurs, dans son histoire, dans sa passion de l'égalité, dans ses talents, l'énergie du redressement que tous les Français appellent de leurs voeux, et qu'ils attendent, parfois désespérément.
Ici, à Toulon et dans ce département du Var, on sait bien, et ça a été dit avant moi, que la République est un combat, souvent gagné, parfois perdu quand la vigilance se relâche ou quand les ressentiments s'accumulent.
Ici, nous nous souvenons de ce bataillon de Provence qui, en 1792, se porta au secours de la patrie en danger. Son chant devint notre hymne et bien des peuples de par le monde s'emparèrent à leur tour de notre Marseillaise pour clamer, chacun dans sa langue, leur volonté d'émancipation.
François Mitterrand avait raison de le dire : « quand la France rencontre une grande idée, alors elles font ensemble le tour du monde ».
Et c'est cela que nous avons à refonder ensemble. La liberté, l'égalité et la fraternité, on meurt encore pour elles aujourd'hui.
Ils étaient jeunes, pour la plupart, ces soldats de l'An II.
Mal équipés, pauvrement habillés, mais portés par une immense espérance.
Les puissances coalisées de l'Ancien Régime et leurs troupes mercenaires pensaient leur passer aisément sur le corps.
Mais c'est à lui, le peuple en armes, qu'alla la victoire.
« Quand la lutte s'engage d'ailleurs entre le peuple et la Bastille, c'est toujours la Bastille qui finit par avoir tort ».
Alors mes chers amis, des Bastilles, il en reste à emporter pour instaurer un ordre juste et des sécurités durables dans notre vie politique, économique et sociale.
Avec vous, j'ai confiance, et cet ordre juste et ces sécurités durables, nous avons le devoir de gagner pour les construire.
Et d'abord parce que cela ne peut plus durer.
Tant de pauvreté dans un pays si riche, à qui la faute si ce n'est à la droite.
Tant de salariés qui n'arrivent plus à joindre les deux bouts.
Tant d'inégalités qui défont la France en tribus étrangères les unes aux autres.
Tant de précarités qui deviennent la norme.
Tant de fragilités, du travail au logement, qui déstabilisent les familles et les parcours scolaires des enfants.
Tant d'insécurités sociales qui distillent la peur, le repli sur soi, et parfois la haine de l'autre.
Et tant d'insécurités et de violence au quotidien dans les quartiers, parce que la police de proximité a disparu.
Alors les valeurs de la République, Liberté, égalité, fraternité : qu'en reste-t il dans ces conditions ?
La liberté d'abord.
Bien sûr, chez nous, on ne persécute pas les opposants, les journaux paraissent, Internet fonctionne jour et nuit, ce qui n'est pas le cas dans tous les pays de la planète et, si imparfaite soit-elle à nos yeux, notre démocratie est appréciable.
Mais cette liberté chèrement conquise et reconquise au fil de notre histoire, qu'en reste-t-il quand, à 20 ans, l'avenir semble irrémédiablement bouché pour certains jeunes, quand, à 30 ans, on rouille sans pouvoir faire de projet, quand, à 50 ans, on est brutalement débarqué dans des plans sociaux, quand, après un congé parental, on ne peut pas retrouver de travail, quand on aborde la vieillesse avec une si petite retraite et qu'on ne fait plus un repas par jour, et qu'on a l'angoisse de ne pas se faire soigner. Et quand, même lorsque l'on n'est pas dans ces situations, on vit dans la hantise d'y tomber ? Alors oui, la liberté, cette première valeur de la République, il va falloir à nouveau lui donner tout son sens, en répondant à ces problèmes.
L'égalité, ensuite, et là aussi le chantier est immense. Bien sûr nous sommes égaux en droit, devant la loi, quoique certains plus que d'autres. Mais qui croit encore vraiment à cette égalité des chances ?
Qui ne sait que l'origine sociale, les ressources des familles, les conditions de logement, pèsent lourdement, malgré de remarquables réussites, sur les résultats et l'orientation scolaires ? Et sur l'accès et plus encore la réussite à l'université ? Sans même parler des grandes écoles qui comptent toujours aussi peu d'enfants d'ouvriers et d'employés depuis 50 ans et peut-être moins aujourd'hui qu'hier. Qui ne sait que la sectorisation scolaire, au lieu de favoriser la mixité, renforce les effets de la ségrégation urbaine ?
Qui ignore que, quand les uns doivent quitter leur entreprise, ils perdent tout alors que d'autres touchent le jackpot d'un parachute doré ?
Qui ne connaît les écarts de rémunération entre les hommes et les femmes, les plafonds de verre qui persistent ? Quand un métier se féminise, on murmure même que la fonction se dégrade...
Qui ignore qu'une adresse, une couleur de peau, un prénom peuvent, dans la France d'aujourd'hui, handicaper à ce point qu'on en vient à préconiser des CV anonymes et à promouvoir des cabinets spécialisés dans le placement des diplômés dont les parents sont venus d'ailleurs ? Alors oui, l'égalité, il nous faudra la refonder et apporter toutes les solutions qui lui donneront encore du sens dans la république d'aujourd'hui.
Et la fraternité ?
Bien sûr, elle est inscrite au fronton de nos écoles et fait partie de notre devise. À un moment ou à un autre, nous en avons fait l'expérience. Mais aussi de son contraire: le mépris, le déni, la discrimination, la mise à l'écart. On le sait, sans l'égalité, la fraternité est un leurre. Et sans la fraternité, la liberté et l'égalité se désaccordent. Et c'est pourquoi notre pacte républicain est aujourd'hui affaibli et parfois même frontalement remis en cause.
Chez nous, la République mise à mal, on le sait cela veut dire la nation qui doute d'elle-même. Et je ne veux pas d'une France impuissante à maîtriser son destin dans un monde qui s'est profondément transformé et qui change à vive allure. Je veux, avec vous, que la France reprenne la main et construise son destin pour donner à chacun un véritable désir d'avenir.
Il va nous falloir reconquérir sur le désordre des choses la marge de manoeuvre, d'invention et d'action qui nous permettra de choisir dans quel pays nous voulons vivre, avec quelles valeurs, quelles règles communes et quels résultats à la clef, et au fond, c'est tout ça le sens de ma candidature, de mon combat. Jamais nous n'avons eu autant besoin de volonté politique et d'efficacité de l'état pour organiser le présent et civiliser l'avenir.
Une droite historiquement à bout de souffle n'a rien d'autre à proposer que soigner le mal par le mal : soigner le chômage par plus de précarité encore, l'école à deux vitesses par plus d'inégalité scolaire, le mal logement par moins de solidarité urbaine, la pauvreté au travail par les heures supplémentaires défiscalisées,
L'insécurité publique par le désespoir social, la stigmatisation, la suppression de la police de proximité et l'injuste répartition des forces de police selon les quartiers,
Notre retard dans la préparation de l'après-pétrole par des politiques environnementales inexistantes,
L'archaïsme des relations sociales par la remise en cause, et encore récemment, du droit de grève. Des années de promesses non tenues et de pouvoir mal utilisé ne l'empêchent pas d'assurer avec aplomb qu'elle fera demain ce qu'elle n'a pas fait jusqu'à aujourd'hui et que si la France a pris du retard, c'est parce que les Français sont paresseux et sont rétifs au changement.
Et bien moi je pense tout le contraire, je crois que la France mérite beaucoup mieux que ce qu'elle a aujourd'hui. Il est temps, en particulier, de redonner au travail toute sa valeur. Car, exactement, c'est nous le travail. Car ce qui a détruit la valeur travail c'est la droite par la précarité généralisée, la vie chère, qui ronge le quotidien, c'est le manque de revalorisation des salaires, ce sont les discriminations à l'embauche, ce sont les inégalités persistantes entre les hommes et les femmes, c'est tout cela qui dévalorise la valeur du travail dans l'entreprise.
Ce sont les perspectives d'évolution professionnelle bloquées, c'est l'inquiétude du lendemain qui dévalorise le travail, c'est ce gouffre financier croissant qui sépare les revenus des hauts dirigeants des salaires des ouvriers, des employés et des cadres, c'est le cynisme du capitalisme financier, c'est le choix de la rente contre l'investissement, c'est la mauvaise qualité des relations de travail et du dialogue social, c'est le niveau scandaleux des accidents et des maladies professionnelles dans notre pays, c'est l'échec à répétition des négociations sur la pénibilité du travail que le MEDEF vient une nouvelle fois d'interrompre, c'est la formation qui va toujours à ceux qui en ont le moins besoin, et c'est la déconnection du mérite et de la sécurité professionnelle.
Alors moi je crois que tout se tient : la France peut se retirer vers le haut si nous réinstallons des sécurités durables et si nous considérons que c'est bien la sécurité au travail qui fait aussi l'efficacité sociale et la performance économique et environnementale. Le travailleur jetable et le détricotage du Code du Travail, ce n'est pas un projet de société. C'est à cela qu'il faut dire non pour construire un projet alternatif.
Réhabiliter la valeur travail, ce n'est pas offrir comme seule perspective toujours plus d'heures supplémentaires exonérées et toujours plus de flexibilité sans filet de sécurité. Dans un monde où les entreprises doivent s'adapter en permanence, la France doit être capable d'anticiper les mutations en investissant massivement dans la qualification des salariés, dans la sécurisation des parcours professionnels pour accompagner efficacement les transitions d'un emploi à un autre.
Et je vous le dis ici car cela sera au coeur de mon projet présidentiel : pas un jeune ne restera au chômage pendant plus de 6 mois. Les jeunes auront un droit d'accès au premier emploi ou au premier stage rémunéré. Il seront remis en formation professionnelle si leur chômage est dû à une formation inadaptée au marché du travail. Il n'y aura plus de jeunes étudiants dans des situations de paupérisation parce que nous ferons l'allocation d'économie pour les jeunes. Je veux que les jeunes retrouvent la dignité dans notre pays et qu'ils y trouvent toute leur place parce que c'est pour eux que nous construisons la société de demain.
C'est cela la vraie modernité.
Et comme les régions socialistes l'ont fait, nous démultiplierons les emplois tremplins pour les jeunes. Je me suis engagé sur la durée du quinquennat à mettre en place 500 000 emplois tremplins pour les jeunes, rien que dans nos régions socialistes nous approchons déjà les 50 000 emplois tremplins au cours des quelques mois qui nous ont été donnés pour mettre en place ce dispositif.
Et je me suis engagé également pour qu'à l'âge de 18 ans tous les jeunes puissent bénéficier d'un crédit gratuit de 10 000 euros pour lui permettre de réaliser son premier projet de vie.
Et enfin pour les jeunes qui sont dans les premiers échelons des qualifications, ceux qui viennent des familles populaires, et qui ont accès au CAP, je veux dire ici que je généraliserais à l'échelle nationale ce que je fais dans la région Poitou Charente, lorsque je vois des jeunes qui ont besoin de passer leur permis de conduire pour aller travailler, et notamment dans les métiers du bâtiment, que les entreprises recherchent souvent, et que ces jeunes ne peuvent même pas aller travailler parce qu'ils ne peuvent pas accéder à ce coûteux droit fondamental. Je leur dis ici que pour ces jeunes, qui font partie de ce premier échelon des qualifications dans les métiers manuels, et bien la République leur paiera leur permis de conduire.
J'ai confiance dans le potentiel de notre pays et dans l'intelligence des territoires, pour relancer la machine économique et pour libérer les énergies, je veux un Etat qui assume ses responsabilités et des Régions qui aient les moyens de régler efficacement les problèmes des Français parce que c'est là qu'elles sont le mieux placées pour le faire.
Je veux une régionalisation et un pacte de confiance entre les différents échelons de la puissance publique parce que c'est comme cela aussi que l'on pourra lutter contre toutes les formes de gaspillage.
Je ne veux plus d'un Etat qui se désengage et d'une paupérisation des services publics, facteur d'inégalité sociale et territoriale, et de démoralisation des personnels.
Il nous faudra, et je le ferais, remettre l'éducation au centre de tout, parce que c'est considérer que cet investissement est une des priorités de la nation. Parce que l'échec scolaire n'est pas une fatalité, ni en primaire, ni en secondaire, ni à l'Université. L'éducation nationale aura les moyens humains et matériels d'assumer sa mission et notamment elle apportera à chaque élève le soutien individualisé gratuit dont il peut avoir besoin au cours de sa scolarité.
Je veux un pays qui prépare l'avenir, qui mise sur sa matière grise, qui investisse massivement dans la recherche, dans l'innovation, dans l'excellence environnementale car les activités et les emplois de demain en découlent. J'ai rencontré et je vais rencontrer à nouveau des chercheurs de toutes les disciplines scientifiques. Tous me disent la même chose : l'extrême misère des laboratoires, l'abandon de la recherche fondamentale, la précarité des jeunes chercheurs, le départ de ceux qui ne trouvent pas ici les moyens de travailler correctement. Notre pays perd sa matière grise. Je veux en finir avec cette politique qui affaiblit le pays et je veux associer l'ensemble de la communauté scientifique à la définition des orientations que nous mettrons tous ensemble en oeuvre. Je veux que l'une de mes premières décisions se soit de redonner les moyens à la recherche, pour que non seulement nos jeunes chercheurs restent en France, mais que la France devienne un pays attractif pour la matière grise à l'échelle de l'Europe, et même à l'échelle de la planète. Nous en avons le potentiel, nous en aurons la volonté politique.
Nous avons en effet les talents, les atouts, mais ceux-ci sont trop bridés de rigidités, de fragilités et d'insécurités. Je veux une France affranchie des bureaucraties tatillonnes et qui saisisse toutes ses chances.
Une France forte de sa culture, savante et populaire, qui ne considère pas ses artistes comme un supplément d'âme facultatif mais comme une partie intégrante d'une créativité collective qui redonne à notre pays une fierté sans arrogance et ce goût des autres qui est le propre d'une nation assurée d'elle-même.
Je veux une France qui accepte ce qu'elle est devenue - plurielle, diverse, colorée - , et qui sache s'en réjouir et en tirer parti. Je veux une France qui reconnaisse comme ses enfants légitimes tous ceux dont les familles sont venues d'ailleurs et qui sont aujourd'hui des Français à part entière quoique toujours en bute aux discriminations.
Je le leur dis du fond du coeur : la France a besoin de vous parce que vous êtes une chance pour le pays. Vous n'êtes pas un problème, vous êtes une grande partie de la solution ! Je veux un pays où l'on s'écoute, un pays où l'on se comprennent, un pays où l'on s'épaule dans ce que chacun entreprend.
Un pays qui entende ce que lui dit Diam's dans « Ma France à moi » : « y faut pas croire qu'on la déteste mais elle nous ment (...). Ma France à moi leur tiendra tête jusqu'à ce qu'ils nous respectent ».
Je ne veux plus entendre parler de 2è, 3è ou 4è génération pour certains descendants d'immigrés alors qu'on ne le fait jamais pour ceux dont les parents sont originaires d'Europe.
Je ne veux plus entendre parler d'intégration comme s'il vous fallait toujours administrer la preuve que l'on n'est pas moins français que les autres alors que ce qui fait obstacle sur le chemin, c'est le déficit d'égalité.
Je veux une France qui assume avec lucidité une histoire partagée, respectueuse de toutes les mémoires et accueillante à tous les siens.
Une France fière de sa République et de sa laïcité qui ne dresse pas les Français les uns contre les autres parce que ses valeurs correspondent aux valeurs universelles qui nous permettent de dialoguer avec le monde sans que de vieux relents de « mission civilisatrice » fassent leur retour dans nos mots et dans nos attitudes.
Ni amnésie, ni repentance, je veux une France capable de porter un regard apaisé et de poser des mots justes sur son histoire. Capable de reconnaître l'esclavage pour ce qu'il fut : un crime contre l'humanité. Capable de reconnaître la colonisation pour ce qu'elle fit : dominer et spolier. Capable de reconnaître la part prise par la police de Vichy dans la rafle du Vel' d'Hiv' et la déportation des Juifs français.
Je veux que les enfants des harkis et ceux des militants du FLN, ceux qui vont à la synagogue, à la mosquée, au temple, à l'église et ceux qui n'y vont pas fassent vivre entre eux cette valeur de fraternité qui est le plus beau message de la République, en refusant tous les communautarismes.
Aimer la France et son histoire, y puiser de fortes références pour les combats d'aujourd'hui, ce n'est pas non plus tout confondre : l'Ancien Régime et la Révolution ce n'est pas pareil, les Croisades et Valmy non plus.
C'est savoir ce que nous sommes, certes, le fruit de cette longue durée mais savoir aussi qu'il est des combats plus justes que d'autres et des moments fondateurs où le peuple de France s'est arraché à l'ordre établi parce qu'il avait l'espérance d'un ordre juste et émancipateur. Et qu'en particulier ce sont les combats de la classe ouvrière qui ont forgé le droit social d'aujourd'hui.
La morale de l'histoire, ce n'est pas que tout se vaut et s'équivaut, c'est qu'il faut accepter « la loi du choix, du parti pris ». Sans sectarisme mais dans la clarté et la fidélité à nos valeurs. Et ne pas tomber dans des synthèses molles qui permettent tous les renoncements et tous les opportunismes.
La République, pour nous socialistes, c'est le terreau fertile sur lequel nous ferons germer notre projet social enraciné dans un esprit de justice et qui s'adressera à tous. Nous avons besoin de ses outils pour pouvoir transformer par l'action résolue, le monde tel que nous le désapprouvons et en particulier les innombrables inégalités entre les pays riches et les pays pauvres qui ne font que se creuser. Il faudra le remodeler, pour qu'enfin ce monde soit celui de tous.
Les Français ne veulent pas une République incantatoire. Ils veulent, et moi avec eux, une République de tous les jours, concrète, du quotidien, qui leur appartienne, comme une sorte de maison de leur espérance commune.
Et Léon Gambetta, ce jeune avocat, qui avait fait trembler le Second Empire, avait dit cette phrase extraordinaire, c'est la nôtre, ne l'oublions pas, je vous la propose comme feuille de route. "Ce qui constitue une vraie démocratie, ce n'est pas de reconnaître des égaux, mais d'en faire réellement".
Alors oui les idées peuvent devenir des batailles, elles doivent même le devenir, et celle que je vous propose pour la République a déjà commencé et c'est ensemble que nous allons la gagner. Source http://www.desirsdavenir.org, le 22 janvier 2007