Déclaration de M. Thierry Breton, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, sur les conséquences positives de la croissance économique mondiale pour la croissance économique de la France, La Défense le 23 janvier 2007.

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Circonstance : 11ème colloque Risque-Pays Coface au CNIT La Défense le 23 janvier 2007

Texte intégral

Monsieur le Président (cher François),
Mesdames et Messieurs,
Je voudrais remercier le Président de Coface, Monsieur François David, pour son invitation à ce 11e Colloque Risque-Pays à laquelle j'ai répondu avec plaisir. Je connais en effet l'importance de cette rencontre pour tous ceux, chefs d'entreprises, directeurs export, chefs économistes, banquiers, qui sont concernés par le commerce international.
Je ne vais pas vous parler du risque-pays et de ses conséquences pour vos entreprises, de brillants experts le feront aujourd'hui bien mieux que moi. Mais à trois mois d'échéances électorales déterminantes pour l'avenir de notre pays, je souhaite plutôt aborder avec vous l'une des questions majeures de la campagne présidentielle qui s'engage : quelle place pour la croissance de la France dans la croissance mondiale ? Voilà le vrai enjeu, car si l'on parle tant de la Chine, de l'Inde, du Brésil ou de la Russie, c'est bien à cause de leur immense capacité de croissance économique qui change la donne planétaire.
La France n'a pas à rougir, elle a pleinement réussi son insertion dans la compétition économique mondiale. Elle est 5e exportateur mondial de marchandises, 4e exportateur de services, 1ère destination d'accueil des investissements directs étrangers de la zone Euro en 2006, loin devant l'Allemagne. Les entreprises étrangères ont confiance dans la France : elles y réalisent 30 % de notre production industrielle, et surtout y emploient plus de 1,9 millions de salariés.
Et pourtant les Français doutent. Plus de 60 % d'entre eux se disent inquiets face à la mondialisation. Et la vérité, en effet, est que la France, à 2,2 % de croissance potentielle en moyenne depuis 1981, n'a pas un avenir à la hauteur des ambitions que nous avons pour elle en termes de niveau de vie, de solidarité sociale, de place dans le concert des nations. Le message que je souhaite porter, en cette période électorale, est simple : la France peut et doit rester dans le « top 5 » de l'économie mondiale à l'horizon 2030 ; elle ne pourra y parvenir qu'en changeant de braquet, en portant sa croissance économique potentielle entre 3 % et 4 %.
1- Le premier enjeu, pour tenir cette ambition, est de nous mettre en mesure de devenir d'ici 10 ans l'économie la plus dynamique des grands pays européens.
La France ne manque pas d'atouts, comme en témoigne l'excellente nouvelle de ce début d'année : la France vient de revenir à un taux de fécondité de 2 enfants par femme, niveau qu'elle n'avait pas connu depuis 30 ans. La France est désormais le pays le plus fécond d'Europe !
Le Gouvernement auquel j'appartiens s'est attaché, sous l'autorité du Président de la République, à poser des jalons dans la bonne direction. Nos réformes fiscales ont visé à libérer les énergies : baisse de l'impôt sur le revenu, réforme de la taxe professionnelle, bouclier fiscal à hauteur de 60 % des revenus des particuliers. Nous avons assoupli la loi sur les 35 heures, ce contresens historique, et créé le contrat nouvelle embauche. Enfin, nous avons mis en place une véritable politique en faveur de la recherche et de l'innovation avec les pôles de compétitivité, l'Agence nationale pour la recherche (ANR) et l'Agence pour l'innovation industrielle (AII). Ces efforts devront être poursuivis.
Il faut aussi faire évoluer l'État et la dépense publique. Grâce à l'important travail de la commission dirigée par Michel Pébereau, que j'ai mise en place en 2005, un effort sans précédent a été conduit. Le conseil des ministres européens devrait le reconnaître le 30 janvier prochain en abrogeant définitivement la procédure pour déficit excessif. En 2006, notre déficit budgétaire devrait être inférieur à 2,7 % du PIB ; je suis également confiant dans la réalisation de l'objectif fixé d'une baisse de 2 % du PIB de l'endettement public.
Pour aider nos concitoyens à mieux maîtriser les rouages de cette nouvelle économie, plus immatérielle, plus mondialisée, j'ai installé en septembre dernier le Conseil pour la diffusion de la culture économique (le Codice). Je salue aussi l'initiative de Christine Lagarde, ministre déléguée au Commerce extérieur, qui a mis en place des outils pédagogiques sur la mondialisation à destination des jeunes.
Enfin, et c'est un sujet qui m'est cher, nous devons réussir l'entrée de plain-pied dans l'économie de l'immatériel et de la connaissance. C'est désormais la capacité à innover, à créer des concepts, qui est devenu l'avantage compétitif essentiel. C'est pour cela que j'ai demandé à Maurice Levy et Jean-Pierre Jouyet de produire ce rapport sur l'économie de l'immatériel qu'ils m'ont remis en décembre dernier et qui comporte de très nombreuses propositions de réformes. Je veux en faire une véritable « boîte à idées » pour la campagne électorale.
2- Mais il faudra aussi, pour renforcer la croissance française, aller chercher de la croissance sur les marchés étrangers.
2-1- Renforcer nos entreprises exportatrices.
Vous avez raison d'insister sur ce point Monsieur le Président (cher François), la situation de notre commerce extérieur n'est pas si alarmiste. Comme Christine Lagarde devrait l'annoncer le 9 février quand les statistiques annuelles de notre commerce extérieur seront connues, nos exportations se portent bien : elles ont augmenté sur les 11 premiers mois de 2006 de plus de 9,4 %. Jamais la France n'a autant exporté ! Nos exportations connaissent des progressions spectaculaires sur la Chine (+38,9 %), l'Inde (+33,6 %), la Russie (+40,8 %), ou encore le Mercosur (+19,5 %). Nos ventes vers la zone Euro se portent également bien, profitant de la reprise européenne.
Mais nous aurons aussi à nouveau, malheureusement, un solde commercial déficitaire record en 2006 [probablement très légèrement en dessous de 30 milliards d'euros]. Ce solde négatif s'explique avant tout par le coût élevé de l'énergie importée. Notre facture énergétique aura en effet atteint, en 2006, le niveau record de 46 milliards d'euros. Je vous le dis aujourd'hui, hors énergie, notre solde commercial est positif.
Mais on peut mieux faire, incontestablement. Les faiblesses structurelles de nos exportations sont connues : trop peu d'entreprises exportatrices, près de 4 % du total contre plus de 11 % des entreprises allemandes ; trop peu de PME ayant atteint une taille critique ; des exportations trop concentrées sur quelques secteurs et pays.
Nous avons voulu, avec Christine Lagarde, nous attaquer de front à ces faiblesses en lançant le plan Cap Export il y a un peu plus d'un an. Nous avons concentré nos moyens sur quelques pays et secteurs prioritaires, en particulier cinq pays pilotes (États-Unis, Chine, Inde, Russie, Japon). Nous avons incité les entreprises à se renforcer et à jouer collectif à l'export avec le crédit d'impôt-export et la déduction de l'impôt sur le revenu pour les cadres export. Nous avons rénové la procédure du volontariat international en entreprise (VIE), si vivement appréciée des entreprises et des jeunes, et renforcé Ubifrance comme l'élément central du dispositif public d'appui à l'exportation. Les résultats, que Christine Lagarde détaillera prochainement, sont au rendez-vous, comme l'illustre le dynamisme retrouvé de nos exportations.
À l'écoute des attentes des entreprises, en particulier des PME, nous avons aussi conduit un réel effort de modernisation des procédures publiques d'appui à l'exportation gérées pour le compte de l'État par COFAC. Un comité clients a été mis en place. Une charte éthique devrait prochainement être adoptée. L'assurance prospection a été renforcée sur les cinq pays pilotes. Pour aider les petites entreprises qui peinent à financer leur développement export, nous avons mis en place une garantie des cautions bancaires et, plus récemment, une garantie des crédits de préfinancement.
Je tiens ici à rendre hommage à François David et ses équipes pour les efforts qu'ils ont déployés dans la période récente pour mettre en oeuvre ces changements. Le magazine Trade Finance, qui a récemment classé COFACE meilleure agence de crédit à l'exportation, a salué cet effort de modernisation des procédures publiques.
2-2- Au niveau européen, encourager une politique commerciale moins idéologique et plus pragmatique, qui aide nos entreprises à gagner des marchés.
Les négociations de l'Organisation mondiale du commerce (OMC), après plusieurs mois de blocage face à l'intransigeance des États-Unis, sont à un stade décisif. L'Europe a déjà montré sa bonne volonté, avec la grande réforme de la Politique agricole commune (PAC) de 2003 et l'ouverture quasi-totale de son marché aux produits des pays les plus pauvres. Mais je m'inquiète de ne pas voir de progrès sur les négociations industrielles et de services, alors que les échanges agricoles ne représentent que 8 % des échanges mondiaux de marchandises. Nous resterons très vigilants, avec Christine Lagarde, à ce que ces négociations ouvrent réellement de nouveaux marchés à nos entreprises industrielles et de services.
Il faudra aussi veiller, alors que les experts anticipent pour les décennies à venir une croissance démographique mondiale plus forte que celle des terres agricoles et de leur rendement, à ne pas fragiliser notre sécurité alimentaire. Il s'agit-là, sans nul doute, d'un des deux grands enjeux du XXIe siècle avec la sécurité énergétique.
Le multilatéralisme reste bien sûr l'objectif prioritaire, car c'est la meilleure façon d'obtenir des règles claires et de faire participer le plus grand nombre de pays à la mondialisation et aux perspectives de croissance qui en découlent. Mais négocier des accords bilatéraux avec nos principaux partenaires, ceux où nos entreprises ont des intérêts majeurs, n'est pas contradictoire. En tous cas, vous ne pouvez laisser les États-Unis conclure des accords avec tous les grands marchés de la planète et nous, de notre côté, rester passifs. C'est pourquoi nous soutenons la relance des négociations commerciales bilatérales proposée par Bruxelles, en particulier avec la Corée, l'Inde et l'Association des pays du Sud-Est asiatique (ASEAN).
La lutte contre les contrefaçons et le piratage sont au autre souci majeur pour la France et l'économie mondiale. Comme je l'ai annoncé en décembre dernier, je vais prochainement proposer à mes homologues, en particulier ceux du G8, la mise en place d'une véritable structure internationale en charge d'organiser de manière permanente la coopération dans la lutte contre la contrefaçon, sur le modèle éprouvé du Gafi, initiative française d'il y a quelques années pour lutter contre les circuits financiers occultes et le financement du terrorisme. Cela pourrait compléter fort utilement le projet de traité international proposé par les États-Unis et le Japon, et que soutient la France.
Enfin, j'appuie pleinement les efforts de Christine Lagarde visant à améliorer l'accès des PME aux marchés publics, qui atteignent 1 500 Md euros par an en Europe. A l'image du fameux « Small Business Act » aux États-Unis, il y a là un puissant moyen d'aider les PME à croître. Avec une majorité d'États membres, la France presse la Commission européenne de négocier une dérogation à l'OMC, à l'instar du Japon, des États-Unis ou du Canada, rendant possible l'adoption de mesures pro-PME dans les marchés publics. Plus généralement, nous veillerons, dans les négociations commerciales, à ce qu'il y ait réciprocité entre l'ouverture à nos entreprises des marchés publics de nos partenaires et celle des marchés publics européens.
Vous le voyez, la croissance de la France a tout à gagner de la croissance mondiale. Mais il nous appartient, en cette année électorale, de fixer maintenant le cap qui permettra à la France de répondre présente dans les années à venir. Et un des enseignements que je retiens de ces deux années d'expérience gouvernementale, c'est que, finalement, quand on se fixe un objectif - si ambitieux soit-il - on finit toujours par le dépasser, pour peu que l'on agisse avec rigueur, constance et détermination. Je vous remercie de votre attention et vous souhaite une fructueuse fin de journée, en informations, rencontres et contacts !Source http://www.minefi.gouv.fr, le 24 janvier 2007