Texte intégral
« Je veux faire de la France le pays de l'excellence environnementale »
Merci mes chers amis d'avoir passé près de deux heures à travailler et à écouter ; beaucoup de questions n'ont sans doute pas pu être posées par vous, mais faites-les moi parvenir, de même que vos témoignages et aspirations profondes.
Je veux en effet faire de la France le pays de l'excellence environnementale, parce que nous n'avons pas le choix, comme je l'ai dit tout à l'heure - il nous reste dix ans pour agir avant qu'il ne soit trop tard. Je veux que notre génération relève ce défi et puisse transmettre aux générations futures un monde en meilleure forme, en meilleure santé, en meilleur état, que celui que nous avons reçu.
C'est non seulement la condition de notre propre survie, ainsi qu'en témoignent les dérèglements climatiques, qui font des dégâts considérables et des drames humains insupportables à l'échelle de la planète, mais également, comme je l'ai dit précédemment, parce que là se situent les principaux foyers des conflits et des guerres de demain. Nous devons, chacun à notre place, agir. Encore faut-il que la politique, les lois, les règlements, les encouragements, poussent les citoyens à aller dans cette direction. Je crois que les Français ont toujours été en avance sur les responsables politiques sur ces questions. Leur attention se porte sur le cadre de vie, la disparition d'un certain nombre d'espèces, le souci de donner une alimentation saine à leurs enfants, les maladies, et notamment les maladies respiratoires, qui sont en augmentation très forte du fait de la pollution de l'air dans les villes. Il faut également souligner la tristesse de la disparition des paysages, des rivières, des mémoires de l'identité paysagère. J'évoquerai également ceux qui souffrent dans leur profession - les petits agriculteurs et les éleveurs qui font pourtant tant d'efforts pour garder une agriculture vivante, mais sont pénalisés lorsqu'ils font l'effort de produire en protégeant ce bien public qu'est la nature.
La protection de l'environnement est incompatible avec le libéralisme, avec la loi du marché. Celui-ci calcule à court terme ; il est par définition prédateur des valeurs collectives, lorsqu'on lui dit que l'eau, l'air ou les sols sont gratuits car ils appartiennent à la collectivité. Toute entreprise, toute activité humaine qui pollue l'air, l'eau ou les sols prélève un bien collectif et en fait une appropriation privée, pour augmenter son propre profit aux dépens de l'intérêt général, qui est en quelque sorte une victime de ce comportement. Il faut donc remettre les choses à l'endroit et faire en sorte que, dans le calcul du coût de toute activité économique soit intégrée la valeur collective du bien public qu'est la protection de l'environnement. C'est le principe pollueur-payeur ; mais il est encore préférable de ne pas polluer, selon le principe de prévention. Il en faut du courage, pour mettre en place la prévention ! Il s'agit cependant de la seule façon de lutter contre le réchauffement climatique et contre les maladies en amont, y compris le cancer. Je suis convaincue que la prévention sur les normes environnementales permettra de faire baisser le nombre de cancers, dès lors que la thérapeutique ne réalise que peu de progrès.
Enfin, c'est une question centrale d'égalité sociale. La dégradation de l'environnement - alimentation, air, bruit - frappe d'abord ceux qui ont le moins de revenus. Inversement, lorsque l'on progresse sur l'environnement, lorsque l'on équipe l'habitat et notamment l'habitat social, ces personnes en bénéficient directement puisque les charges sont diminuées. La protection de l'environnement est donc également un progrès social et contribue à la lutte contre la vie chère, puisque l'énergie renouvelable est nettement moins chère. Vous voyez donc qu'il existe une cohérence entre le développement économique, le progrès social et la protection de l'environnement. Il s'agit donc d'un enjeu majeur ; ce n'est pas un sujet accessoire : je veux le mettre à l'impératif, au coeur du projet présidentiel. Je n'ai pas commencé à abordé ces questions aujourd'hui ; je l'ai dit : la France doit être le pays de l'excellence environnementale. Nous avons pris trop de retard ; il y a eu trop de reculs ; il existe aujourd'hui trop d'écart entre les discours et les actes. Ceux qui nous promettent monts et merveilles dans le domaine de l'environnement, qu'ont-ils fait depuis cinq ans ? Ils ont drastiquement diminué les aides aux associations ; ils ont supprimé tous les emplois-jeunes qui aidaient les associations environnementales ; ils ont autorisé les entreprises à polluer d'avantage ; ils n'ont pas transcrit dans le droit français la prévention sur les OGM. Ils ont refusé d'inscrire dans la loi sur l'eau le principe pollueur-payeur. Enfin, ils ont reculé devant toutes les réformes concernant l'agriculture et se sont refusés à rétablir, ne serait-ce que marginalement, un peu de justice entre les aides données à l'agriculture durable et celles, massives, attribuées à l'agriculture intensive. Cela devra changer, car les citoyens que vous êtes sont en avance et attendent du changement sur ces questions.
Il est déjà tard et je ne voudrais pas être trop longue. Je veux que ce débat puisse se poursuivre sur mon site Désirs d'avenir, par courrier, par l'intermédiaire de vos élus, qui sont ici présents, par l'intermédiaire des associations, car je crois que c'est dans un mouvement citoyen que les pouvoirs publics ont l'obligation d'avancer et peuvent rendre des comptes. Les choses peuvent aller assez vite ; en outre, si la France fait des efforts, elle peut créer beaucoup d'emploi et d'activité dans le domaine de toutes les éco-activités et de toutes les éco-industries. Quelques jours après que Nicolas Hulot a annoncé qu'il ne serait pas candidat, je rappelle que je me suis engagé pour sa charte. Cet engagement n'est pas nouveau pour moi : il date de 1992, alors que j'étais Ministre de l'Environnement. Je remarque à cet égard que, sur certains points, la situation a très peu évolué depuis cette date. C'est dire l'urgence ; nous devons agir, comme je m'y suis engagé vis-à-vis de Nicolas Hulot ; je revendique le fait de reprendre ce flambeau, parce que je revendique la crédibilité de mon action dans ce domaine, les actions déjà conduites, les engagements et les combats déjà accomplis. Comme je m'y suis engagée, la structure gouvernementale que je mettrai en place si je suis élue comprendra en effet un Vice-premier ministre chargé du développement durable, pour veiller justement à renverser les rapports de force. Chaque fois que le ministère de l'Industrie ou de l'Agriculture sera tenté de céder aux lobbies, un échelon gouvernemental imposera des arbitrages, qui tiennent compte de la parole politique donnée et de l'excellence environnementale. Je veux en outre que les associations étendent leurs responsabilités, par la réforme du Conseil économique et social, qui intégrera un collège environnement, par le rôle joué par les associations de protection de l'environnement, qui seront reconnues comme je l'ai dit précédemment comme de véritables auxiliaires du service public, par l'intégration des associations de protection de l'environnement dans les comités d'entreprises.
Je réponds en passant à la question soulevée sur les maladies professionnelles. Voilà l'un des thèmes que je retiens ce soir et qui ne faisait pas partie des propositions que j'avais faites jusqu'à présent. Je dis cela pour montrer l'utilité de ces débats ; la question des maladies professionnelles, ou la réflexion sur le numerus clausus des médecins, n'avaient pas encore été intégrées à mon projet présidentiel. Je les intégrerai à la problématique environnementale, car je pense qu'il s'agit d'une entrée très importante et très intéressante.
En ce qui concerne les relations entre la santé et l'environnement, je veux que les industriels soient non seulement sanctionnés s'ils ne respectent pas les normes et incités à aller au-delà des normes imposées par les réglementations européennes, qui comme je le disais précédemment sont applicables dès le mois de mars 2007. Je veux également que nous mettions en place un programme national de réduction de l'usage des pesticides. Cette question est là encore très secrète et très difficile ; dans la propre région que je préside, j'ai posé plusieurs fois la question : combien y a-t-il de déversements de pesticides dans les cours d'eau de la région et dans les sols ? Personne ne dispose de ce chiffre. Pour bien agir, nous devons disposer de la transparence sur la réalité des choses, des bons chiffres sur ce qui existe, même si cela choque, même si cela perturbe, même si cela met en cause un certain nombre de comportements. C'est dans le secret des chiffres que se trouve l'inaction. Je veux mettre en place un programme national de réduction de l'usage des pesticides et donc oeuvrer à la publication de la densité des matières chimiques qui sont déversées dans les sols par les activités agricoles comme industrielles.
Enfin la loi sur l'eau sera refondée, puisque le principe pollueur-payeur en a été quasiment retiré. Le principe qui semble désormais prévaloir est celui du pollueur payé : on donne de l'argent aux entreprises pour les inciter à dépolluer ; quand ils ne dépolluent pas, le résultat n'est de toute façon pas atteint.
Enfin, il faudra réformer la fiscalité écologique - nous l'avons vu abondamment au cours de ce débat - ; pour le moment, la fiscalité va à rebours de ce qui est recherché. Tous les produits doivent intégrer le coût de la dégradation de l'environnement. Si nous voulons limiter les transports par camion, c'est-à-dire si nous voulons que les transports intègrent le coût de la dégradation de l'environnement, il faut que cela se passe au niveau européen, afin d'éviter les délocalisations d'entreprises de transport vers les camionneurs sous-payés de certains pays de l'Est de l'Europe. Il faudra imposer au niveau européen une fiscalité des transports qui encourage le transport par le train et qui décourage le transport par camion, parce qu'on aura calculé le coût collectif du transport par camion. Nous ne laisserons plus s'approprier des profits individuels par prélèvement sur la dégradation de l'environnement. C'est un combat difficile ; mais je pense que le contexte y est favorable. A un moment où l'Europe est en panne, tout le monde cherche le moyen de relancer l'Europe concrète, l'Europe par la preuve ; je pense que si l'Europe parvient à adopter un programme environnemental ambitieux, qui prenne en compte les angoisses et les inquiétudes des citoyens, et en particulier le lourd tribut payé par les riverains au transport par camion, sans parler des accidents, alors l'Europe, à nouveau, fera la preuve de son utilité auprès des citoyens. Enfin, parmi les mesures fiscales, nous devrons diminuer fortement les TVA ; nous parlions tout à l'heure des véhicules les plus polluants et des biocarburants, or la voiture électrique n'existe toujours pas aujourd'hui, ou bien est extrêmement chère. Le lobby pétrolier a fait son ouvrage depuis dix ans ; il est absolument incompréhensible que les recherches n'aient pas été plus actives sur les biocarburants, que nous savons fabriquer depuis vingt ans, voire plus. Les agriculteurs mettaient autrefois du biocarburant dans leurs tracteurs ; on commence seulement à remettre des presses à huile au colza dans les exploitations agricoles, alors qu'elles existaient déjà il y a 50 ans. Rendez-vous ainsi compte de la force du lobby pétrolier, dont l'oeuvre était facilitée un moment par le faible prix du pétrole. Nous devrons donc, à partir de la biomasse, valoriser à nouveau de nouvelles formes en agriculture, développer les biocarburants et exiger des constructeurs automobiles qu'ils investissent dans la recherche pour que les véhicules propres soient peu chers, qu'ils soient les moins chers, que des voitures populaires roulent aux biocarburants ou à l'énergie solaire. Les consommateurs sont très demandeurs et je suis convaincue qu'il y a là un marché fructueux et des créations d'emploi à conquérir. Si la France ne se dépêche pas, d'autres pays nous dépasseront. Les Japonais, en particulier, investissent massivement dans la voiture propre. Or nos marques sont connues dans le monde entier ; il est absolument incompréhensible que ces différentes marques ne s'associent pas pour investir ensemble dans la recherche d'un véhicule propre, qui pourrait en outre être exporté. Il s'agit là d'un levier très important pour la conquête de marchés sur la planète. J'ai rencontré tout à l'heure des ouvriers d'une usine menacée de Montluçon, qui produit des pièces pour Renault. Il est invraisemblable de supprimer des emplois dans le secteur automobile et de la sous-traitance automobile, alors qu'il existe un enjeu mondial sur la mise au point d'une automobile propre et bon marché, dont tous les pays ont aujourd'hui besoin. Le marché chinois, où je me rendais récemment, est aujourd'hui saturé par la voiture et la pollution. Les industriels de ce pays me disaient que, s'ils bénéficiaient de coopérations avec les industriels français pour construire des véhicules propres, les entreprises françaises disposeraient d'un marché d'exportation considérable, outre les partenariats industriels, ce qui créerait des emplois en France et en Chine. Demain, la puissance publique donnera une injonction aux entreprises, dans leur propre intérêt, et remettra à niveau la recherche, pour faire en sorte que les discours correspondent aux actes, pour la protection de l'environnement soit vraiment un levier du développement économique et de la création d'emplois.
Je ne reviens pas sur les propositions concernant les agriculteurs, que nous avons évoquées au cours du débat - Etats Généraux de l'Agriculture, transformation et réforme des aides de la Politique Agricole Commune, moratoire sur les OGM et ouverture d'un débat sur ce sujet. Enfin, sur la question de la politique énergétique, qui est l'une des plus urgentes, nous devrons d'abord lancer un plan national pour l'isolation des logements anciens. Savez-vous que 40 % de l'énergie d'une habitation est dispersée à l'extérieur. Sur 100 unités d'énergie consommées, seules 60 sont utiles en moyenne - le gaspillage varie de 20 à 80 - ; le chantier de l'isolation des bâtiments déjà construits est donc considérable. L'isolation peut en outre être effectuée avec des biomatériaux - je pense notamment au chanvre. Un chantier de 400 000 logements créerait 100 000 emplois et permettrait en outre de développer des filières industrielles ; les biomatériaux donnent des débouchés à l'agriculture. L'on se rend compte par là que la défense de l'environnement est un cercle vertueux, qui améliore la qualité de vie, crée des emplois et produit des débouchés pour les productions agricoles locales.
Concernant les constructions neuves, je pense qu'aucun permis de construire ne doit plus être délivré s'il n'intègre pas les énergies renouvelables, y compris pour les logements sociaux, ce qui permet de diviser par deux, voire trois, le prix des charges locatives.
Enfin, j'ai évoqué le sujet des économies d'énergie dans les transports, ainsi que le programme national de développement des énergies renouvelables. Il faut se fixer des objectifs, avancer à marche forcée sur cette question.
Il faudra en outre se poser la question de l'énergie nucléaire, sujet tabou. Je me souviens que, Ministre de l'Environnement, j'avais dit aux dirigeants d'EDF que s'ils investissaient ne serait-ce que 10 % des résultats dans les énergies renouvelables - cela n'a pas été fait, naturellement -, la France serait le premier pays au monde pour les technologies des énergies renouvelables. Si cette politique avait été mise en oeuvre, nous aurions créé sans doute plusieurs centaines de milliers d'emplois. Aujourd'hui, il n'existe pas sur le territoire national une seule usine de fabrication de panneaux solaires : tous sont importés ; nous devons absolument rattraper ce retard, et je compterai sur les présidents de régions, qui sont chargé du développement économique, pour faire en sorte que soient créés en France les emplois liés à la fabrication de photos voltaïques, de matériel géothermique et d'énergie éolienne. Nous sommes aujourd'hui en train d'être dépassés par l'Allemagne, l'Espagne et les continents émergents, mais avons toute notre place à prendre. C'est souvent faute d'avoir anticipé, faute d'être visionnaire, que l'on est confronté à des problèmes : on découvre par la suite que l'on a perdu des opportunités. Il faut aujourd'hui être visionnaire, anticiper les situations sur la question du nucléaire et ne pas penser que nous n'avons pas à préparer l'après-pétrole sous prétexte que nous sommes une puissance nucléaire. La France ne pourra pas se passer du nucléaire, mais nous devons en premier lieu limiter la place du nucléaire dans la consommation énergétique - il faut bien penser que notre premier devoir consiste dans les économies d'énergies : en économisant l'énergie et en montant en puissance sur les énergies renouvelables, nous devons baisser la part du nucléaire dans la consommation. Nous connaissons en outre les risques de dissémination nucléaire ; nous ne devons pas entrer dans cette logique. Nous devons montrer aux pays qui revendiquent le nucléaire civil, pour pouvoir ensuite accéder au nucléaire militaire, que nous pouvons diminuer la part du nucléaire et qu'il existe d'autres solutions. Par ailleurs, le problème du déchet nucléaire n'est pas résolu ; les déchets sont radioactifs pendant plusieurs dizaines de milliers d'années et sont laissés sur nos sols, enfouis dans le sous-sol, ce à quoi je suis totalement opposée, car ils y seront oubliés. Je veux donc que la recherche se poursuive sur la question des déchets nucléaires. Enfin, je pense qu'il faut avoir le courage de programmer une action d'extinction progressive des centrales les plus anciennes et les plus dangereuses. Je l'ai dit pour celle de Fessenheim, ce qui a provoqué des réactions ; je maintiens mes propos, car c'est souvent lorsque le responsable politique manque de courage qu'il est ensuite confronté à des problèmes ou à des difficultés. Il est toujours possible de dire que ces questions ne se poseront qu'à un horizon de dix ou quinze ans et qu'elles ne nous concernent pas ; je le conteste. Les questions environnementales doivent toujours être traitées sur le long terme. Si l'on conçoit aujourd'hui l'extinction des centrales les plus anciennes et qui deviendront donc les plus dangereuses, nous créerons des emplois, puisque le démantèlement de centrales crée dans un premier temps des emplois, et nous donne le temps d'anticiper la fermeture d'une centrale, dont le processus dure en général quatre à cinq ans - les emplois n'étant donc pas supprimés immédiatement. Nous pouvons alors, en contrepartie, former dès maintenant des salariés pour créer une industrie de substitution, par exemple de construction de panneaux photovoltaïques, d'éoliennes, de nouveaux matériaux et de nouvelles technologies qui ne manqueront pas d'être inventés. Le mouvement continue ; nous ne raisonnons pas à recherche constante ; des progrès considérables seront encore effectués sur les énergies renouvelables.
Je ne veux pas que la France ferme les yeux ; je ne veux pas que l'on dise que la France a des tabous. Je veux que nous puissions anticiper ; car faute d'anticiper, l'on perd du potentiel. Je veux une France qui soit celle de l'excellence environnementale, qui le courage d'anticiper, qui dise les choses telles qu'elles sont, qui ne se laisse pas intimider, influencer, sous le poids des habitudes de pensée, sous le poids des intérêts financiers, sous le poids de tel ou tel lobby ou de tel ou tel rapport de forces. Ce que je veux mettre au coeur de tout et en avant de tout, c'est la protection des citoyens, de leur santé, de leur cadre de vie, de leur qualité de vie, de leur qualité alimentaire, de la façon de se déplacer, de produire et d'habiter, afin que nous puissions finalement régler ces problèmes de biodiversité, de protection de la planète, mais également ces questions essentielles de protection de la santé au quotidien et de protection de la génération qui vient, par rapport à la qualité de l'alimentation, à la qualité de l'air, à la qualité de l'eau, et à la réduction des inégalités entre les pays riches et les pays pauvres. Car si nous imposons aux pays pauvres le mode de développement par l'énergie fossile que nous avons adopté, nous les faisons courir à leur perte et nous à la notre.
Enfin, je terminerai par la question des jeunes, car elle est liée d'une certaines façon aux autres, en ce qu'elle engage la vision, le regard que l'on porte sur une société et les valeurs que l'on porte. L'on pourrait penser que la question des discriminations est éloignée de celle de l'environnement ; il n'en est rien. Je pense que le même type d'éthique est engagé, qui consiste à s'interroger toujours sur les valeurs collectives qui nous font avancer. Je veux dire à tous ces jeunes qui subissent les discriminations et qui subissent un taux de chômage deux fois plus important que les autres - bien que le chômage touche tous les jeunes, hélas - qu'ils sont non seulement nos enfants, mais qu'ils sont notre chance. Il est insupportable que le potentiel des jeunes soit gaspillé, que cette énergie soit mise de côté ; ces discriminations nous font honte, et je veux que tous les jeunes se sentent chez eux dans cette terre de France, parce qu'ils sont Français, ainsi que vous l'avez à juste titre rappelé. Je ne veux plus que ces chances soient gaspillées. Je ne veux plus que l'on parle de Français de première, deuxième ou troisième génération ; je l'ai dit souvent et je le redis, car c'est une belle formule : comme s'il y avait des Français de souche et d'autres de branchage ou de feuillage... Non, tous ces jeunes sont Français, et trop de jeunes sont aujourd'hui gaspillés, quelle que soit leur origine. Quand dans un milieu rural, quand dans une cité populaire, un jeune diplômé est au chômage, ce sont tous les enfants qui perdent le goût de l'effort. Une situation dans laquelle le grand frère ou la grande soeur ont bien travaillé et possèdent un diplôme, mais se trouvent malgré cela au chômage, est destructrice ; cela ronge une société. Je me suis engagée à ce que les jeunes ne restent pas plus de six mois au chômage ; nous en avons la possibilité. J'ai réuni ce matin tous les présidents de région, puis nous avons la responsabilité de l'emploi et de la formation professionnelle et que l'Etat n'assume plus les siennes - il a même supprimé les emplois jeunes, que nous recréerons sous la forme des emplois tremplins. Nous donnerons une formation professionnelle aux jeunes qui n'en disposent pas ; nous demanderons aux entreprises de faire un effort, en les aidant à assumer une forme de tutorat pour des jeunes en apprentissages et rémunérés. C'est à un mouvement de mobilisation nationale auquel j'appellerai les entreprises, parce qu'il en va aussi de leur intérêt. Si elles gaspillent des jeunes alors que le taux de chômage est déjà le plus élevé pour les plus de cinquante ans, alors que les femmes, notamment, sont brutalement licenciées des filières industrielles en perdition, si donc nous ne tendons pas la main aux jeunes lorsqu'ils sortent de leurs formations, lorsqu'ils souhaitent faire leurs preuves, notre pays va à la dérive. Aujourd'hui la France va à la dérive, car elle laisse trop de jeunes sur le carreau. Je veux remettre la France debout, dans ce que j'appelle l'ordre juste, qui consiste à donner à un jeune qui a fait l'effort de suivre une formation professionnelle, l'occasion de travailler, de faire ses preuves. Nous avons par ailleurs la responsabilité de donner une formation professionnelle aux jeunes qui n'en disposent pas encore. Nous devons faire en sorte que ces formations correspondent bien aux besoins des entreprises : il n'est plus tolérable que d'une part certaines entreprises cherchent à embaucher et n'y parviennent pas, tandis que d'autre part des jeunes disposent de formations qui ne correspondent pas aux besoins des entreprises. Nous devrons rapprocher ces acteurs, pour que l'argent public soit bien dépensé et soit utilement dépensé.
Je perçois toute l'énergie que vous donnez par votre présence ici ce soir, par vos questions - celles qui ont été posées comme celles que vous gardez dans vos esprits et que je sens par vos regards attentifs. Je voulais vous dire que je n'ai pas de doute sur cette démarche que j'ai entreprise, ce temps passé à l'écoute, au dialogue, à la préparation - je dois travailler avant de venir vers vous, j'approfondis les dossiers, j'apprends beaucoup pour être à la hauteur de votre attente et des questions qui me sont posées. Je ne viens pas le nez au vent, mais en ayant beaucoup approfondi les sujets et rencontré beaucoup de spécialistes. Je vous remercie d'avoir apporté ce soir votre pierre à mon édifice, que vous pensiez dès à présent voter pour moi ou non ; je pense en effet qu'il existe une certaine diversité dans cette salle : certains sont simplement « venus voir ». Je veux rassembler le plus grand nombre de Français, parce que je les aurai écoutés. Lorsque je m'exprimerai sur la vision que j'ai de la France, le désir d'avenir que je veux construire avec vous, je serai plus forte, parce que l'écho de vos voix résonnera en moi. Je sais donc que je devrai être à la hauteur du temps que vous avez pris, de la patience que vous avez eue, de la parole que vous avez exprimé ; cette parole continuera à résonner en moi ; elle va me porter, elle va m'élever ; cela est très important, parce qu'avec votre parole, je veux élever la France. Merci de m'avoir fait franchir ce soir une nouvelle marche. Je vous dis à bientôt ; j'ai envie avec vous de gagner pour la France en 2007.
Merci mes chers amis d'avoir passé près de deux heures à travailler et à écouter ; beaucoup de questions n'ont sans doute pas pu être posées par vous, mais faites-les moi parvenir, de même que vos témoignages et aspirations profondes.
Je veux en effet faire de la France le pays de l'excellence environnementale, parce que nous n'avons pas le choix, comme je l'ai dit tout à l'heure - il nous reste dix ans pour agir avant qu'il ne soit trop tard. Je veux que notre génération relève ce défi et puisse transmettre aux générations futures un monde en meilleure forme, en meilleure santé, en meilleur état, que celui que nous avons reçu.
C'est non seulement la condition de notre propre survie, ainsi qu'en témoignent les dérèglements climatiques, qui font des dégâts considérables et des drames humains insupportables à l'échelle de la planète, mais également, comme je l'ai dit précédemment, parce que là se situent les principaux foyers des conflits et des guerres de demain. Nous devons, chacun à notre place, agir. Encore faut-il que la politique, les lois, les règlements, les encouragements, poussent les citoyens à aller dans cette direction. Je crois que les Français ont toujours été en avance sur les responsables politiques sur ces questions. Leur attention se porte sur le cadre de vie, la disparition d'un certain nombre d'espèces, le souci de donner une alimentation saine à leurs enfants, les maladies, et notamment les maladies respiratoires, qui sont en augmentation très forte du fait de la pollution de l'air dans les villes. Il faut également souligner la tristesse de la disparition des paysages, des rivières, des mémoires de l'identité paysagère. J'évoquerai également ceux qui souffrent dans leur profession - les petits agriculteurs et les éleveurs qui font pourtant tant d'efforts pour garder une agriculture vivante, mais sont pénalisés lorsqu'ils font l'effort de produire en protégeant ce bien public qu'est la nature.
La protection de l'environnement est incompatible avec le libéralisme, avec la loi du marché. Celui-ci calcule à court terme ; il est par définition prédateur des valeurs collectives, lorsqu'on lui dit que l'eau, l'air ou les sols sont gratuits car ils appartiennent à la collectivité. Toute entreprise, toute activité humaine qui pollue l'air, l'eau ou les sols prélève un bien collectif et en fait une appropriation privée, pour augmenter son propre profit aux dépens de l'intérêt général, qui est en quelque sorte une victime de ce comportement. Il faut donc remettre les choses à l'endroit et faire en sorte que, dans le calcul du coût de toute activité économique soit intégrée la valeur collective du bien public qu'est la protection de l'environnement. C'est le principe pollueur-payeur ; mais il est encore préférable de ne pas polluer, selon le principe de prévention. Il en faut du courage, pour mettre en place la prévention ! Il s'agit cependant de la seule façon de lutter contre le réchauffement climatique et contre les maladies en amont, y compris le cancer. Je suis convaincue que la prévention sur les normes environnementales permettra de faire baisser le nombre de cancers, dès lors que la thérapeutique ne réalise que peu de progrès.
Enfin, c'est une question centrale d'égalité sociale. La dégradation de l'environnement - alimentation, air, bruit - frappe d'abord ceux qui ont le moins de revenus. Inversement, lorsque l'on progresse sur l'environnement, lorsque l'on équipe l'habitat et notamment l'habitat social, ces personnes en bénéficient directement puisque les charges sont diminuées. La protection de l'environnement est donc également un progrès social et contribue à la lutte contre la vie chère, puisque l'énergie renouvelable est nettement moins chère. Vous voyez donc qu'il existe une cohérence entre le développement économique, le progrès social et la protection de l'environnement. Il s'agit donc d'un enjeu majeur ; ce n'est pas un sujet accessoire : je veux le mettre à l'impératif, au coeur du projet présidentiel. Je n'ai pas commencé à abordé ces questions aujourd'hui ; je l'ai dit : la France doit être le pays de l'excellence environnementale. Nous avons pris trop de retard ; il y a eu trop de reculs ; il existe aujourd'hui trop d'écart entre les discours et les actes. Ceux qui nous promettent monts et merveilles dans le domaine de l'environnement, qu'ont-ils fait depuis cinq ans ? Ils ont drastiquement diminué les aides aux associations ; ils ont supprimé tous les emplois-jeunes qui aidaient les associations environnementales ; ils ont autorisé les entreprises à polluer d'avantage ; ils n'ont pas transcrit dans le droit français la prévention sur les OGM. Ils ont refusé d'inscrire dans la loi sur l'eau le principe pollueur-payeur. Enfin, ils ont reculé devant toutes les réformes concernant l'agriculture et se sont refusés à rétablir, ne serait-ce que marginalement, un peu de justice entre les aides données à l'agriculture durable et celles, massives, attribuées à l'agriculture intensive. Cela devra changer, car les citoyens que vous êtes sont en avance et attendent du changement sur ces questions.
Il est déjà tard et je ne voudrais pas être trop longue. Je veux que ce débat puisse se poursuivre sur mon site Désirs d'avenir, par courrier, par l'intermédiaire de vos élus, qui sont ici présents, par l'intermédiaire des associations, car je crois que c'est dans un mouvement citoyen que les pouvoirs publics ont l'obligation d'avancer et peuvent rendre des comptes. Les choses peuvent aller assez vite ; en outre, si la France fait des efforts, elle peut créer beaucoup d'emploi et d'activité dans le domaine de toutes les éco-activités et de toutes les éco-industries. Quelques jours après que Nicolas Hulot a annoncé qu'il ne serait pas candidat, je rappelle que je me suis engagé pour sa charte. Cet engagement n'est pas nouveau pour moi : il date de 1992, alors que j'étais Ministre de l'Environnement. Je remarque à cet égard que, sur certains points, la situation a très peu évolué depuis cette date. C'est dire l'urgence ; nous devons agir, comme je m'y suis engagé vis-à-vis de Nicolas Hulot ; je revendique le fait de reprendre ce flambeau, parce que je revendique la crédibilité de mon action dans ce domaine, les actions déjà conduites, les engagements et les combats déjà accomplis. Comme je m'y suis engagée, la structure gouvernementale que je mettrai en place si je suis élue comprendra en effet un Vice-premier ministre chargé du développement durable, pour veiller justement à renverser les rapports de force. Chaque fois que le ministère de l'Industrie ou de l'Agriculture sera tenté de céder aux lobbies, un échelon gouvernemental imposera des arbitrages, qui tiennent compte de la parole politique donnée et de l'excellence environnementale. Je veux en outre que les associations étendent leurs responsabilités, par la réforme du Conseil économique et social, qui intégrera un collège environnement, par le rôle joué par les associations de protection de l'environnement, qui seront reconnues comme je l'ai dit précédemment comme de véritables auxiliaires du service public, par l'intégration des associations de protection de l'environnement dans les comités d'entreprises.
Je réponds en passant à la question soulevée sur les maladies professionnelles. Voilà l'un des thèmes que je retiens ce soir et qui ne faisait pas partie des propositions que j'avais faites jusqu'à présent. Je dis cela pour montrer l'utilité de ces débats ; la question des maladies professionnelles, ou la réflexion sur le numerus clausus des médecins, n'avaient pas encore été intégrées à mon projet présidentiel. Je les intégrerai à la problématique environnementale, car je pense qu'il s'agit d'une entrée très importante et très intéressante.
En ce qui concerne les relations entre la santé et l'environnement, je veux que les industriels soient non seulement sanctionnés s'ils ne respectent pas les normes et incités à aller au-delà des normes imposées par les réglementations européennes, qui comme je le disais précédemment sont applicables dès le mois de mars 2007. Je veux également que nous mettions en place un programme national de réduction de l'usage des pesticides. Cette question est là encore très secrète et très difficile ; dans la propre région que je préside, j'ai posé plusieurs fois la question : combien y a-t-il de déversements de pesticides dans les cours d'eau de la région et dans les sols ? Personne ne dispose de ce chiffre. Pour bien agir, nous devons disposer de la transparence sur la réalité des choses, des bons chiffres sur ce qui existe, même si cela choque, même si cela perturbe, même si cela met en cause un certain nombre de comportements. C'est dans le secret des chiffres que se trouve l'inaction. Je veux mettre en place un programme national de réduction de l'usage des pesticides et donc oeuvrer à la publication de la densité des matières chimiques qui sont déversées dans les sols par les activités agricoles comme industrielles.
Enfin la loi sur l'eau sera refondée, puisque le principe pollueur-payeur en a été quasiment retiré. Le principe qui semble désormais prévaloir est celui du pollueur payé : on donne de l'argent aux entreprises pour les inciter à dépolluer ; quand ils ne dépolluent pas, le résultat n'est de toute façon pas atteint.
Enfin, il faudra réformer la fiscalité écologique - nous l'avons vu abondamment au cours de ce débat - ; pour le moment, la fiscalité va à rebours de ce qui est recherché. Tous les produits doivent intégrer le coût de la dégradation de l'environnement. Si nous voulons limiter les transports par camion, c'est-à-dire si nous voulons que les transports intègrent le coût de la dégradation de l'environnement, il faut que cela se passe au niveau européen, afin d'éviter les délocalisations d'entreprises de transport vers les camionneurs sous-payés de certains pays de l'Est de l'Europe. Il faudra imposer au niveau européen une fiscalité des transports qui encourage le transport par le train et qui décourage le transport par camion, parce qu'on aura calculé le coût collectif du transport par camion. Nous ne laisserons plus s'approprier des profits individuels par prélèvement sur la dégradation de l'environnement. C'est un combat difficile ; mais je pense que le contexte y est favorable. A un moment où l'Europe est en panne, tout le monde cherche le moyen de relancer l'Europe concrète, l'Europe par la preuve ; je pense que si l'Europe parvient à adopter un programme environnemental ambitieux, qui prenne en compte les angoisses et les inquiétudes des citoyens, et en particulier le lourd tribut payé par les riverains au transport par camion, sans parler des accidents, alors l'Europe, à nouveau, fera la preuve de son utilité auprès des citoyens. Enfin, parmi les mesures fiscales, nous devrons diminuer fortement les TVA ; nous parlions tout à l'heure des véhicules les plus polluants et des biocarburants, or la voiture électrique n'existe toujours pas aujourd'hui, ou bien est extrêmement chère. Le lobby pétrolier a fait son ouvrage depuis dix ans ; il est absolument incompréhensible que les recherches n'aient pas été plus actives sur les biocarburants, que nous savons fabriquer depuis vingt ans, voire plus. Les agriculteurs mettaient autrefois du biocarburant dans leurs tracteurs ; on commence seulement à remettre des presses à huile au colza dans les exploitations agricoles, alors qu'elles existaient déjà il y a 50 ans. Rendez-vous ainsi compte de la force du lobby pétrolier, dont l'oeuvre était facilitée un moment par le faible prix du pétrole. Nous devrons donc, à partir de la biomasse, valoriser à nouveau de nouvelles formes en agriculture, développer les biocarburants et exiger des constructeurs automobiles qu'ils investissent dans la recherche pour que les véhicules propres soient peu chers, qu'ils soient les moins chers, que des voitures populaires roulent aux biocarburants ou à l'énergie solaire. Les consommateurs sont très demandeurs et je suis convaincue qu'il y a là un marché fructueux et des créations d'emploi à conquérir. Si la France ne se dépêche pas, d'autres pays nous dépasseront. Les Japonais, en particulier, investissent massivement dans la voiture propre. Or nos marques sont connues dans le monde entier ; il est absolument incompréhensible que ces différentes marques ne s'associent pas pour investir ensemble dans la recherche d'un véhicule propre, qui pourrait en outre être exporté. Il s'agit là d'un levier très important pour la conquête de marchés sur la planète. J'ai rencontré tout à l'heure des ouvriers d'une usine menacée de Montluçon, qui produit des pièces pour Renault. Il est invraisemblable de supprimer des emplois dans le secteur automobile et de la sous-traitance automobile, alors qu'il existe un enjeu mondial sur la mise au point d'une automobile propre et bon marché, dont tous les pays ont aujourd'hui besoin. Le marché chinois, où je me rendais récemment, est aujourd'hui saturé par la voiture et la pollution. Les industriels de ce pays me disaient que, s'ils bénéficiaient de coopérations avec les industriels français pour construire des véhicules propres, les entreprises françaises disposeraient d'un marché d'exportation considérable, outre les partenariats industriels, ce qui créerait des emplois en France et en Chine. Demain, la puissance publique donnera une injonction aux entreprises, dans leur propre intérêt, et remettra à niveau la recherche, pour faire en sorte que les discours correspondent aux actes, pour la protection de l'environnement soit vraiment un levier du développement économique et de la création d'emplois.
Je ne reviens pas sur les propositions concernant les agriculteurs, que nous avons évoquées au cours du débat - Etats Généraux de l'Agriculture, transformation et réforme des aides de la Politique Agricole Commune, moratoire sur les OGM et ouverture d'un débat sur ce sujet. Enfin, sur la question de la politique énergétique, qui est l'une des plus urgentes, nous devrons d'abord lancer un plan national pour l'isolation des logements anciens. Savez-vous que 40 % de l'énergie d'une habitation est dispersée à l'extérieur. Sur 100 unités d'énergie consommées, seules 60 sont utiles en moyenne - le gaspillage varie de 20 à 80 - ; le chantier de l'isolation des bâtiments déjà construits est donc considérable. L'isolation peut en outre être effectuée avec des biomatériaux - je pense notamment au chanvre. Un chantier de 400 000 logements créerait 100 000 emplois et permettrait en outre de développer des filières industrielles ; les biomatériaux donnent des débouchés à l'agriculture. L'on se rend compte par là que la défense de l'environnement est un cercle vertueux, qui améliore la qualité de vie, crée des emplois et produit des débouchés pour les productions agricoles locales.
Concernant les constructions neuves, je pense qu'aucun permis de construire ne doit plus être délivré s'il n'intègre pas les énergies renouvelables, y compris pour les logements sociaux, ce qui permet de diviser par deux, voire trois, le prix des charges locatives.
Enfin, j'ai évoqué le sujet des économies d'énergie dans les transports, ainsi que le programme national de développement des énergies renouvelables. Il faut se fixer des objectifs, avancer à marche forcée sur cette question.
Il faudra en outre se poser la question de l'énergie nucléaire, sujet tabou. Je me souviens que, Ministre de l'Environnement, j'avais dit aux dirigeants d'EDF que s'ils investissaient ne serait-ce que 10 % des résultats dans les énergies renouvelables - cela n'a pas été fait, naturellement -, la France serait le premier pays au monde pour les technologies des énergies renouvelables. Si cette politique avait été mise en oeuvre, nous aurions créé sans doute plusieurs centaines de milliers d'emplois. Aujourd'hui, il n'existe pas sur le territoire national une seule usine de fabrication de panneaux solaires : tous sont importés ; nous devons absolument rattraper ce retard, et je compterai sur les présidents de régions, qui sont chargé du développement économique, pour faire en sorte que soient créés en France les emplois liés à la fabrication de photos voltaïques, de matériel géothermique et d'énergie éolienne. Nous sommes aujourd'hui en train d'être dépassés par l'Allemagne, l'Espagne et les continents émergents, mais avons toute notre place à prendre. C'est souvent faute d'avoir anticipé, faute d'être visionnaire, que l'on est confronté à des problèmes : on découvre par la suite que l'on a perdu des opportunités. Il faut aujourd'hui être visionnaire, anticiper les situations sur la question du nucléaire et ne pas penser que nous n'avons pas à préparer l'après-pétrole sous prétexte que nous sommes une puissance nucléaire. La France ne pourra pas se passer du nucléaire, mais nous devons en premier lieu limiter la place du nucléaire dans la consommation énergétique - il faut bien penser que notre premier devoir consiste dans les économies d'énergies : en économisant l'énergie et en montant en puissance sur les énergies renouvelables, nous devons baisser la part du nucléaire dans la consommation. Nous connaissons en outre les risques de dissémination nucléaire ; nous ne devons pas entrer dans cette logique. Nous devons montrer aux pays qui revendiquent le nucléaire civil, pour pouvoir ensuite accéder au nucléaire militaire, que nous pouvons diminuer la part du nucléaire et qu'il existe d'autres solutions. Par ailleurs, le problème du déchet nucléaire n'est pas résolu ; les déchets sont radioactifs pendant plusieurs dizaines de milliers d'années et sont laissés sur nos sols, enfouis dans le sous-sol, ce à quoi je suis totalement opposée, car ils y seront oubliés. Je veux donc que la recherche se poursuive sur la question des déchets nucléaires. Enfin, je pense qu'il faut avoir le courage de programmer une action d'extinction progressive des centrales les plus anciennes et les plus dangereuses. Je l'ai dit pour celle de Fessenheim, ce qui a provoqué des réactions ; je maintiens mes propos, car c'est souvent lorsque le responsable politique manque de courage qu'il est ensuite confronté à des problèmes ou à des difficultés. Il est toujours possible de dire que ces questions ne se poseront qu'à un horizon de dix ou quinze ans et qu'elles ne nous concernent pas ; je le conteste. Les questions environnementales doivent toujours être traitées sur le long terme. Si l'on conçoit aujourd'hui l'extinction des centrales les plus anciennes et qui deviendront donc les plus dangereuses, nous créerons des emplois, puisque le démantèlement de centrales crée dans un premier temps des emplois, et nous donne le temps d'anticiper la fermeture d'une centrale, dont le processus dure en général quatre à cinq ans - les emplois n'étant donc pas supprimés immédiatement. Nous pouvons alors, en contrepartie, former dès maintenant des salariés pour créer une industrie de substitution, par exemple de construction de panneaux photovoltaïques, d'éoliennes, de nouveaux matériaux et de nouvelles technologies qui ne manqueront pas d'être inventés. Le mouvement continue ; nous ne raisonnons pas à recherche constante ; des progrès considérables seront encore effectués sur les énergies renouvelables.
Je ne veux pas que la France ferme les yeux ; je ne veux pas que l'on dise que la France a des tabous. Je veux que nous puissions anticiper ; car faute d'anticiper, l'on perd du potentiel. Je veux une France qui soit celle de l'excellence environnementale, qui le courage d'anticiper, qui dise les choses telles qu'elles sont, qui ne se laisse pas intimider, influencer, sous le poids des habitudes de pensée, sous le poids des intérêts financiers, sous le poids de tel ou tel lobby ou de tel ou tel rapport de forces. Ce que je veux mettre au coeur de tout et en avant de tout, c'est la protection des citoyens, de leur santé, de leur cadre de vie, de leur qualité de vie, de leur qualité alimentaire, de la façon de se déplacer, de produire et d'habiter, afin que nous puissions finalement régler ces problèmes de biodiversité, de protection de la planète, mais également ces questions essentielles de protection de la santé au quotidien et de protection de la génération qui vient, par rapport à la qualité de l'alimentation, à la qualité de l'air, à la qualité de l'eau, et à la réduction des inégalités entre les pays riches et les pays pauvres. Car si nous imposons aux pays pauvres le mode de développement par l'énergie fossile que nous avons adopté, nous les faisons courir à leur perte et nous à la notre.
Enfin, je terminerai par la question des jeunes, car elle est liée d'une certaines façon aux autres, en ce qu'elle engage la vision, le regard que l'on porte sur une société et les valeurs que l'on porte. L'on pourrait penser que la question des discriminations est éloignée de celle de l'environnement ; il n'en est rien. Je pense que le même type d'éthique est engagé, qui consiste à s'interroger toujours sur les valeurs collectives qui nous font avancer. Je veux dire à tous ces jeunes qui subissent les discriminations et qui subissent un taux de chômage deux fois plus important que les autres - bien que le chômage touche tous les jeunes, hélas - qu'ils sont non seulement nos enfants, mais qu'ils sont notre chance. Il est insupportable que le potentiel des jeunes soit gaspillé, que cette énergie soit mise de côté ; ces discriminations nous font honte, et je veux que tous les jeunes se sentent chez eux dans cette terre de France, parce qu'ils sont Français, ainsi que vous l'avez à juste titre rappelé. Je ne veux plus que ces chances soient gaspillées. Je ne veux plus que l'on parle de Français de première, deuxième ou troisième génération ; je l'ai dit souvent et je le redis, car c'est une belle formule : comme s'il y avait des Français de souche et d'autres de branchage ou de feuillage... Non, tous ces jeunes sont Français, et trop de jeunes sont aujourd'hui gaspillés, quelle que soit leur origine. Quand dans un milieu rural, quand dans une cité populaire, un jeune diplômé est au chômage, ce sont tous les enfants qui perdent le goût de l'effort. Une situation dans laquelle le grand frère ou la grande soeur ont bien travaillé et possèdent un diplôme, mais se trouvent malgré cela au chômage, est destructrice ; cela ronge une société. Je me suis engagée à ce que les jeunes ne restent pas plus de six mois au chômage ; nous en avons la possibilité. J'ai réuni ce matin tous les présidents de région, puis nous avons la responsabilité de l'emploi et de la formation professionnelle et que l'Etat n'assume plus les siennes - il a même supprimé les emplois jeunes, que nous recréerons sous la forme des emplois tremplins. Nous donnerons une formation professionnelle aux jeunes qui n'en disposent pas ; nous demanderons aux entreprises de faire un effort, en les aidant à assumer une forme de tutorat pour des jeunes en apprentissages et rémunérés. C'est à un mouvement de mobilisation nationale auquel j'appellerai les entreprises, parce qu'il en va aussi de leur intérêt. Si elles gaspillent des jeunes alors que le taux de chômage est déjà le plus élevé pour les plus de cinquante ans, alors que les femmes, notamment, sont brutalement licenciées des filières industrielles en perdition, si donc nous ne tendons pas la main aux jeunes lorsqu'ils sortent de leurs formations, lorsqu'ils souhaitent faire leurs preuves, notre pays va à la dérive. Aujourd'hui la France va à la dérive, car elle laisse trop de jeunes sur le carreau. Je veux remettre la France debout, dans ce que j'appelle l'ordre juste, qui consiste à donner à un jeune qui a fait l'effort de suivre une formation professionnelle, l'occasion de travailler, de faire ses preuves. Nous avons par ailleurs la responsabilité de donner une formation professionnelle aux jeunes qui n'en disposent pas encore. Nous devons faire en sorte que ces formations correspondent bien aux besoins des entreprises : il n'est plus tolérable que d'une part certaines entreprises cherchent à embaucher et n'y parviennent pas, tandis que d'autre part des jeunes disposent de formations qui ne correspondent pas aux besoins des entreprises. Nous devrons rapprocher ces acteurs, pour que l'argent public soit bien dépensé et soit utilement dépensé.
Je perçois toute l'énergie que vous donnez par votre présence ici ce soir, par vos questions - celles qui ont été posées comme celles que vous gardez dans vos esprits et que je sens par vos regards attentifs. Je voulais vous dire que je n'ai pas de doute sur cette démarche que j'ai entreprise, ce temps passé à l'écoute, au dialogue, à la préparation - je dois travailler avant de venir vers vous, j'approfondis les dossiers, j'apprends beaucoup pour être à la hauteur de votre attente et des questions qui me sont posées. Je ne viens pas le nez au vent, mais en ayant beaucoup approfondi les sujets et rencontré beaucoup de spécialistes. Je vous remercie d'avoir apporté ce soir votre pierre à mon édifice, que vous pensiez dès à présent voter pour moi ou non ; je pense en effet qu'il existe une certaine diversité dans cette salle : certains sont simplement « venus voir ». Je veux rassembler le plus grand nombre de Français, parce que je les aurai écoutés. Lorsque je m'exprimerai sur la vision que j'ai de la France, le désir d'avenir que je veux construire avec vous, je serai plus forte, parce que l'écho de vos voix résonnera en moi. Je sais donc que je devrai être à la hauteur du temps que vous avez pris, de la patience que vous avez eue, de la parole que vous avez exprimé ; cette parole continuera à résonner en moi ; elle va me porter, elle va m'élever ; cela est très important, parce qu'avec votre parole, je veux élever la France. Merci de m'avoir fait franchir ce soir une nouvelle marche. Je vous dis à bientôt ; j'ai envie avec vous de gagner pour la France en 2007.