Interview de M. Jean-Marie Le Pen, président du Front national et candidat à l'élection présidentielle de 2007, à "LCI" le 9 février 2007, sur ses rapports avec Bruno Mégret, l'immigration, ainsi que sur la proposition de Nicolas Sarkozy de créer une Union méditerranéenne.

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Média : La Chaîne Info

Texte intégral

Q- J. Chirac semble se diriger vers l'annonce de sa retraite, en êtes-vous convaincu ou pensez-vous qu'il cache son jeu ?
R- Non, je crois que J. Chirac ne pourrait se présenter que dans le cas d'une crise internationale grave qui est latente au Moyen-Orient, qui peut se déclencher d'un moment à l'autre et cela constituerait pour lui une fenêtre de tir électoral, si vous voulez. Si cette circonstance ne se produit pas, je pense que J. Chirac ne se représentera pas. En revanche, si d'ici le mois de mars, il y avait quelque chose, il n'est pas du tout impossible - c'est un opportuniste - qu'il profite de l'occasion.
Q- Vous êtes plus âgé que lui, vous ne faites pas le combat de trop vous ?
R- Non, pourquoi ? Ce n'est pas une question d'âge, vous avez des gens qui ont de l'Alzheimer à 55 ans, la nature est tout à fait inégale, vous le savez bien.
Q- Et si vous n'êtes pas élu président le 6 mai, est-ce que vous prendrez votre retraite à ce moment ?
R- Ce n'est pas sûr. Moi je n'ai pas une profession politique, j'ai une mission politique, par conséquent je me bats pour mes idées tant que j'en ai la force. Quand je n'en aurai plus la force, je pense que je suis suffisamment sage pour me rendre compte qu'il faudra que je me retire.
Q- Partagez-vous les critiques de F. Bayrou sur l'émission de TF1, "J'ai une question à vous poser ?" où N. Sarkozy s'est illustré lundi ?
R- Non, je sais que c'est difficile de faire des émissions de ce style et il est toujours difficile d'échapper à la critique. Mais voilà, les stations s'efforcent de faire du nouveau, de trouver l'occasion d'attirer l'attention de leurs téléspectateurs. Je ne sais pas, je vous dirai ça lundi soir.
Q- Donc vous irez répondre aux Français ?
R- Oui absolument. On ne m'offre pas si souvent l'occasion de m'exprimer pour que je rate une occasion de le faire, surtout de cette importance.
Q- B. Mégret, lui, est très discret après son ralliement spectaculaire à votre candidature. Est-ce qu'il fait campagne à vos côtés ou est-ce que vous l'avez mis au placard ?
R- Pas du tout, je ne l'ai pas mis au placard. B. Mégret est maître chez lui, il préside un mouvement et il mène sa campagne dans son propre mouvement.
Q- Chez lui, ce n'est pas chez vous, vous croyez qu'il devait y avoir une union des patriotes ?
R- Cette "Union des patriotes" c'est une étiquette électorale qui relie en quelque sorte des gens qui vont se battre pour le même candidat, qui est en l'occurrence moi-même. Mais ce n'est pas une fusion de mouvements ni un regroupement de mouvements, du tout.
Q- Vous confirmez qu'il ne vous a apporté que sept signatures d'élus et non pas cent trente ?
R- Non, maintenant dix, mais j'espère qu'il en apportera plus et je pense
qu'il fait effort pour le faire.
Q- P. de Villiers, lui, prône la fierté d'être français, J. Bompart, ancien du Front national, dit que vous êtes trop frileux et soutient Villiers. Vous craignez d'être vampirisé ?
R- Non pas du tout, pour l'instant M. de Villiers est à 1 % dans les sondages. Il est assez curieux qu'on le fasse se revendiquer comme le grand leader du "non" à la Constitution européenne, alors qu'il a été battu sur le "non" dans ses propres circonscriptions de Vendée. C'est assez curieux.
Q- N. Sarkozy lui, dit que si vous ne tenez pas le haut du pavé cette année dans la présidentielle, c'est parce que la droite républicaine, c'est-à-dire, lui-même fait enfin son travail.
R- Je crois que Sarkozy s'efforce d'avoir le plus d'électeurs possibles, c'est normal, c'est la règle du jeu. Mais je pense qu'il laboure mon terrain mais c'est moi qui récolterai. Parce qu'en effet, il dit des choses que j'ai dites depuis de nombreuses années et les gens se disent : mais après tout Le Pen avait raison.
Q- Oui mais ils peuvent se dire, Sarkozy lui, le fera mieux parce qu'il est plus jeune, parce qu'il a l'expérience du ministère.
R- Ils penseront ce que je pense, à savoir : comment ces gens là pourront ils faire demain ce qu'ils n'ont ni su ni voulu ni pu faire hier ? Car monsieur Sarkozy n'est pas un poulet de l'année, il est dans la politique française depuis trente ans et il soutient depuis trente ans la politique de l'UNR, de l'UMP, etc., dont il est un des personnages éminents, un des responsables éminents. Il est un des responsables de la situation dans laquelle se trouve le pays. Il a beau dire qu'il est pour la rupture, il a beau battre sa coulpe, il n'en reste pas moins qu'il est un responsable.
Q- Il va se rendre en banlieue prochainement, est-ce que vous aussi on vous verra à Argenteuil, à Clichy ?
R- Ecoutez, je crois qu'il a préparé son terrain puisqu'il doit aller à Argenteuil. Du coup, on a inculpé deux policiers, pour faire plaisir à la banlieue, n'est-ce pas ?
Q- Vous contestez cette inculpation alors qu'il s'agit de mettre en examen pour...
R- Je trouve étonnant qu'elle ait lieu au bout de deux ans, quelques jours avant que M. Sarkozy aille à Aubervilliers. Je crois qu'il y a quand même là un tempo qui est respecté.
Q- Vous irez vous dans ce type de quartier dit "difficile" ?
R- Je ne sais pas, si j'y suis invité, oui. Je peux aller sur des marchés, je ne crains pas d'aller en banlieue.
Q- N. Sarkozy veut créer une Union méditerranéenne avec la Turquie comme pivot, est-ce que c'est une idée qui vous plaît ?
R- Je crois qu'il était déjà partisan de l'Union atlantique, maintenant il est partisan de l'Union européenne, on le sait puisqu'il veut faire repasser la Constitution rejetée par les Français par les couloirs de l'Assemblée nationale et du Sénat et maintenant il est pour l'Union méditerranéenne. Il ne lui manque plus que l'Union boréale en quelque sorte, avec l'Union "pingouine", comme ça il aura les quatre coins de l'horizon.
Q- Vous voulez encourager les immigrés à rentrer chez eux. Comment ? Seriez-vous prêt à leur donner de l'argent pour qu'ils se réinstallent, qu'il y ait une sorte d'aide au retour ?
R- On a plusieurs fois tenté de le faire. Je crois qu'il est plus sage d'avouer que nous ne sommes plus du tout en mesure de pratiquer la politique de folle générosité que nous avons pratiquée pendant trente ans à l'égard de millions d'immigrés, ce qui en a attiré de plus en plus et continue d'en attirer puisqu'il entre encore 3 à 400.000 immigrés nouveaux par
an.
Q- Alors comment on les incite à retourner dans leur pays ?
R- Je sais bien qu'on fait 180.000 naturalisations pour dégonfler apparemment le stock, mais il n'en reste pas moins que le flux continue et continuera, à moins que l'on en coupe les pompes aspirantes, c'est-à-dire que les gens qui viennent de l'extérieur sachent qu'en arrivant chez nous, ils ne peuvent être accueillis que s'ils réussissent à assurer leur propre subsistance.
Q- Et pour ceux que vous voulez renvoyer, comment faire ? On finance leur retour dans leur pays ?
R- Je ne sais pas, je n'ai pas besoin de les renvoyer, je pense que les gens qui ne trouveront plus ici des avantages indus dont ils bénéficiaient, tout naturellement retourneront chez eux. Encore que la situation dans leur pays respectifs est généralement si tragique dans le cadre des indépendances qui durent maintenant depuis quarante ans, qu'on peut craindre en effet qu'il faille les encourager à repartir.
Q- S. Royal veut régulariser les sans-papiers mais sur critères. N'est-ce pas un juste milieu entre la fermeté et la générosité.
R- Non, je ne crois pas du tout à la bonne volonté de Mme Royal qui oscille d'ailleurs tantôt entre l'attitude de Blanche-Neige et celle de la mauvaise fée. Je crois qu'elle va maintenant être obligée de défendre le programme du Parti socialiste, de la gauche et qu'elle va se réduire progressivement. Vous savez, c'est très simple, le rapport gauche droite en France est actuellement de 60-40. C'est ces 40 que Mme S. Royal doit partager avec six autres candidats et si elle est aux alentours de 20 au moment où se passera le combat décisif, cela ne m'étonnera pas.
Q- F. Bayrou veut installer des sous-préfets dans les quartiers difficiles issus de ces quartiers, c'est une bonne idée ?
R- Je crois que c'est une pente naturelle des gens qui ont gouverné et qui ont tout essayé de tenter de régler les problèmes soit par la loi, ou le règlement, soit par des découpages administratifs nouveaux. Il faut s'en prendre aux causes et non pas aux effets. Tous ces hommes et femmes, que ce soit Bayrou, Sarkozy ou Mme Royal, qui sont encore une fois des responsables de la politique qui a été suivie par la France depuis des années, qui ont échoué, ne trouveront pas de solution s'ils ne se rattachent aux miennes, c'est-à-dire s'en prendre aux causes : il faut faire cesser le flux migratoire et prendre pour cela les décisions nécessaires.
Q- J. Bové a été condamné à quatre mois de prison c'est confirmé. Est-ce qu'il faut l'incarcérer ?
R- Ce n'est pas mon problème, c'est le problème de la justice. Mais comme il est candidat, je pense que ça serait d'assez mauvaise grâce de le priver de sa candidature. Et on peut toujours l'arrêter plus tard. Je crois que ça n'est pas essentiel ça.
Source:premier-ministre, Service d'information du gouvernement, le 9 février 2007