Déclaration de Mme Arlette Laguiller, porte-parole de Lutte ouvrière et candidate à l'élection présidentielle, sur les programmes des autres candidats en matière de chômage, d'emploi, de licenciements, de logements sociaux et de services publics, ainsi que sur ses propositions, Calais le 9 février 2007.

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Circonstance : Meeting électoral à Calais le 9 février 2007

Texte intégral

Travailleuses, travailleurs, camarades et amis
À ce qu'il paraît, nous saurons tout, dimanche qui vient, mais tout, tout, tout, du programme de Ségolène Royal ! Depuis trois mois, elle dit qu'elle « est à l'écoute des Français ». Mais, pour connaître son programme, c'est-à-dire ce qu'elle a à dire, elle, les curieux étaient conviés à attendre l'occasion solennelle du 11 février. Une occasion artificielle créée pour attirer journalistes et caméras. Quant aux micros, ils seront peut-être inutiles si elle en reste aux formules vagues, sans aucun engagement concret sur les problèmes majeurs pour les classes populaires que sont le chômage, le logement, la santé et le pouvoir d'achat des salariés et des retraités.
Cependant, Sarkozy n'a pas pu supporter que les dites caméras soient braquées, ne serait-ce qu'un jour, plus sur sa rivale que sur lui-même. Aussitôt connue la date de la présentation du programme de Royal, Sarkozy a inventé un cérémonial rival en convoquant la première réunion de son comité de soutien à la même date, à la Mutualité, à Paris.
Pour varier encore le spectacle télévisuel, même le couple Chirac s'y mettra, ce 11 février, en passant dans l'émission « Vivement Dimanche » de Michel Drucker. Allez savoir si c'est pour soutenir l'opération « Pièces jaunes » de son épouse, soutenir Sarkozy ou pour lui glisser des peaux de banane ?
Il faut croire que, dans cette montée en puissance du spectacle qui culminera le 6 mai prochain, à l'issue du second tour, lorsque apparaîtra à la télévision l'image du vainqueur, c'est la qualité de la mise en scène qui compte.
Le programme, Ségolène Royal a pu s'en passer jusqu'à présent. Avec Sarkozy, au contraire, les électeurs ont droit et à la mise en scène et au texte. Les classes populaires en tout cas sont averties de ce qui les attend !
Un nouveau contrat de travail qui donne aux patrons tout loisir de licencier quand ils veulent et comme ils veulent.
Un fonctionnaire sur deux non remplacé lorsqu'il partira en retraite -ce qui fera encore moins d'enseignants, encore moins de postiers, donc de bureaux de poste, moins d'infirmières, voire moins de lits d'hôpitaux.
Les enseignants, les postiers, les travailleurs de la fonction publique avaient raison de répondre massivement aux appels à la grève et aux manifestations d'hier. Ce n'est certainement pas l'élection présidentielle, quel qu'en soit le résultat, qui les protégera contre les suppression d'emploi, qui leur assurera des salaires correctes, et qui garantira aux services publics les moyens dont ils ont besoin.
Mais pour en revenir aux projets de Sarkozy : les chômeurs n'auront plus le droit de refuser qu'un seul emploi parmi les galères qu'on leur proposera. Le droit de grève sera limité peu à peu, avant d'être réduit à néant.
La TVA, l'impôt qui frappe durement les plus pauvres sur leurs besoins élémentaires, sera augmenté pour compenser le bouclier fiscal et les réductions d'impôts consenties aux plus riches.
Et en guise d'augmentation du pouvoir d'achat, il y aura seulement ce slogan « travailler plus pour gagner plus » ! Les chômeurs totaux ou partiels auront d'autant plus à se demander comment avoir du travail que les patrons embaucheront encore moins qu'actuellement, puisqu'ils seront encouragés à imposer des heures supplémentaires variables par des exonérations de charges sociales et fiscales.
En fait, le slogan de Sarkozy s'adresse aux patrons et leur dit « pour gagner plus, faites travailler plus vos salariés ». Mais cela, ils savaient le faire depuis longtemps.
Augmenter la durée du travail, après en avoir augmenté l'intensité, c'est user les travailleurs jusqu'à les rendre inaptes quel que soit leur âge.
Il est criminel d'imposer des heures supplémentaires à ceux qui ont du travail. Ce qu'il faut faire c'est empêcher le patronat de licencier ou de recourir aux contrats précaires. Il faut remplacer les heures supplémentaires par des emplois supplémentaires.
Alors, la « feuille de route » de Sarkozy est claire. Ce sera, en pire, la même politique que pendant les cinq ans écoulés. Augmentation des cotisations à l'assurance maladie et remboursements sans cesse diminués. Précarité généralisée. Recul de l'âge de la retraite et pensions diminuées pour la plupart des travailleurs. Et Sarkozy présente aujourd'hui les régimes spéciaux comme des injustices sous prétexte que les salariés de ces régimes partent à la retraite plus tôt que Balladur, ami de Sarkozy, a décidé de faire partir les salariés du régime général. Ces gens-là poussent d'abord la majeure partie des salariés vers le bas et crient ensuite à l'injustice à cause de ceux dont ils n'ont pas encore réussi à amputer les retraites.
Mais il y a au moins une catégorie qui échappe à la vindicte de Sarkozy et Balladur et qui garde son régime très spécial : les sous-officiers et les officiers de l'armée. Eux, ils peuvent partir, les uns après 15 ans, les autres après 25 ans, avec l'intégralité de leur pension.
Et qu'on ne nous dise pas qu'à cause de l'allongement de la durée de la vie, il y aura bientôt plus d'inactifs que d'actifs ! Moins d'actifs peut-être, mais depuis 1936, la productivité a été multipliée au moins par dix. Ce serait la moindre des choses que cela profite aussi aux salariés au lieu de profiter seulement aux possesseurs de capitaux.
Le Premier ministre Villepin a eu le culot de se vanter de la diminution du chômage en prétendant qu'il est à son niveau le plus bas depuis sept ans ! C'est un mensonge grossier. Le gouvernement se refuse à empêcher les patrons de licencier. Alors, il enlève à tour de bras des chômeurs des statistiques. Il n'y a jamais eu autant de radiations à l'ANPE.
Voilà l'avenir que voudrait nous réserver Sarkozy.
Mais est-ce que les travailleurs, les classes populaires, peuvent espérer mieux ou moins pire avec Ségolène Royal, comme le disent ceux qui ont gardé la faculté de rêver ?
Que fera-t-elle contre le chômage ? Que fera-t-elle contre la précarité ? Que fera-t-elle pour que les impôts ne diminuent pas que pour les plus riches, servent aux services publics et compensent un tant soit peu les inégalités du système économique ?
Pendant le quart de siècle écoulé, la gauche et la droite ont passé à peu près le même temps au pouvoir. Le niveau de vie des salariés n'a jamais cessé de se dégrader malgré les changements de majorité. On a du mal à se rappeler qui a porté tel ou tel coup contre le monde du travail. La droite et la gauche en ont porté toutes les deux, l'une après l'autre ou ensemble.
En dernier, c'est le gouvernement Jospin, dont Ségolène Royal était ministre, qui a tellement déçu le monde du travail que deux millions et demi d'électeurs de son propre électorat l'ont abandonné au premier tour de la présidentielle de 2002. Accessoirement, il a laissé un boulevard à Le Pen qui, sans que les votes en sa faveur aient significativement augmenté, a ainsi pu être présent au deuxième tour, par défaut peut-on dire.
La droite comme la gauche ont contribué à la régression sociale, aggravée par le recul des services publics : des services fermés dans de grands hôpitaux, des maternités ou des hôpitaux de proximité supprimés, des lignes locales de chemin de fer abandonnées, des bureaux de poste de village ou de quartier disparus.
Et pour l'avenir, à quoi Ségolène Royal s'est-elle engagée jusqu'ici sur la vie des classes populaires ?
Elle veut porter le Smic à 1500 euros brut, c'est-à-dire 1200 euros net mais d'ici cinq ans. Mais d'ici là, combien de smicards seront dans la misère et ne pourront payer ni leur loyer ni le gaz ni l'électricité, ni les impôts et l'assurance locative?
Ségolène Royal promet de faire construire 600.000 logements sociaux d'ici cinq ans. Ne peut-elle vraiment pas faire mieux, c'est-à-dire le strict nécessaire ? Car rien que pour satisfaire ceux qui sont en liste d'attente, depuis des années, pour une HLM, souvent depuis des années, il faudrait 1.200.000 logements, c'est-à-dire le double. Au rythme de Ségolène Royal, il faudrait donc dix ans pour que chaque demandeur ait un logement. Que deviendront pendant ces dix ans ceux qui, aujourd'hui déjà, vivent dans des taudis ?
Quant à la fiscalité, à peine Hollande a-t-il proposé d'augmenter les impôts de ceux qui gagnent plus de 4.000 euros net par mois, c'est-à-dire plus de 26.000 francs, ce qui aurait été une bonne initiative, qu'il s'est fait taper sur les doigts par la candidate !
Mais le fond du problème n'est même pas là. Les dirigeants politiques, quand bien même ils promettent, ne peuvent jamais tenir leurs promesses. Car le véritable pouvoir ne leur appartient pas. On nous convie à élire un président de la République, puis des députés, en prétendant que c'est cela, la démocratie et qu'avec leurs bulletins de vote, les électeurs ont leur avenir entre leurs mains.
Mais c'est une fumisterie. Président et ministres ne font que gérer ce que leur demandent ceux qui possèdent les capitaux, les propriétaires des plus grosses entreprises qui assurent le véritable pouvoir dans ce pays et que personne, à part une minorité d'actionnaires, n'a élus.
Aussi je tiens à faire savoir, à affirmer, à convaincre le maximum d'électeurs des classes populaires dans cette campagne que, sans s'en prendre aux pouvoirs du grand patronat, on ne peut rien faire pour améliorer le sort des classes populaires, on ne peut même pas arrêter la dégradation de leurs conditions d'existence.
Derrière les dirigeants politiques et leurs discours mensongers, il y a le grand patronat des industries, de la grande distribution, des banques et des assurances et le système économique qu'ils dirigent et qui fonctionne à leur profit ou au profit de leurs mandataires, les financiers qui manipulent tous les capitaux.
Dans ce système économique, c'est la concurrence, c'est la recherche du profit qui déterminent tout, y compris le choix de ce qu'on produit et de ce qu'on ne produit pas. Même ce qui est nécessaire à une vie normale n'est fabriqué en quantité suffisante que si sa production rapporte du profit. Et lorsqu'elle n'en rapporte pas assez, on l'abandonne.
Les hommes politiques, les médias et jusqu'à l'enseignement contribuent à inculquer l'idée que le profit est indispensable pour faire tourner l'économie. On nous dit que les profits élevés signifieraient que les entreprises sont en bonne santé et que des entreprises en bonne santé, c'est bon pour toute la société !
C'est une contre-vérité, un mensonge cynique. La société n'a aucun contrôle sur ces profits et sur l'usage qui en est fait. Ils sont, pour une large part, dilapidés par les classes riches en dépenses de luxe, yachts, jets privés, résidences secondaires, pierres précieuses ou oeuvres d'art.
Le pire, c'est la guerre que se livrent les grandes entreprises pour assurer le maximum de profits à leurs actionnaires, qui se traduit par un immense gâchis des ressources et du travail humain. Le pire, c'est que ce soit la Bourse et ses fluctuations, la spéculation financière, qui rythment la vie de la société et qui fait à un pôle la fortune extravagante de quelques-uns et à l'autre pôle ruine la vie de milliers d'autres.
La société n'exerce aucun contrôle sur les conseils d'administration des grandes compagnies industrielles et financières. Ni directement ni par l'intermédiaire de l'État. Les conseils d'administration ont les mains libres de mener ce que par ce qu'on appelle la concurrence, mais qui est en réalité une guerre économique. Et peu importe à ceux qui dirigent la société que cette guerre économique soit menée, comme toutes les guerres, avec la peau de la population ! Peu leur importe que le duel entre deux grandes entreprises pour gagner l'une sur l'autre des parts de marché se traduit par des fermetures d'usines.
Et le drame, c'est que ceux qui détiennent le pouvoir économique, n'utilisent pas leurs énormes profits pour des investissements productifs créateurs d'emplois. Ils appellent « investissements » le fait de se racheter les uns les autres. Mais ces rachats, ces OPA, ne représentent pas une force productive supplémentaire pour la société. Ils ne créent pas d'emplois, ils se traduisent même, le plus souvent, par des licenciements.
Qu'est-ce que la société a gagné à ce que la fusion entre Alcatel et l'américain Lucent ait donné naissance au numéro deux mondial des équipements en télécommunications ?
9.000 suppressions d'emplois annoncés au moment de la fusion qui sont devenues 12.500 aujourd'hui ! Et il n'est même pas dit que ce soit tout...
Et les dirigeants politiques osent nous expliquer que, s'il y a le chômage, c'est la faute à l'insuffisance de la formation. Mais ceux qui seront mis à la porte de chez Alcatel-Lucent sont des techniciens, des ingénieurs on ne peut plus formés ! Comme le sont les ingénieurs et les techniciens qui, dans les mois qui viennent, seront victimes des suppressions d'emplois chez Airbus. Eh bien, tout super-qualifiés qu'ils soient, ils se retrouveront dans la même situation que les travailleurs sur chaîne de l'industrie automobile où on prévoit 16.000 suppressions d'emplois en quatre ans !
Mais tant que ce sont ces gens-là, ceux qui dirigent Alcatel-Lucent, Airbus, Peugeot ou Renault, qui décident de notre sort, seuls, sans contrôle, la société ira droit vers l'abîme.
On ne peut pas les laisser faire ! On ne peut pas laisser aux mains des dirigeants des grandes sociétés la direction du pays et le sort des populations.
Il faut imposer que la société, la collectivité, puissent avoir un contrôle sur les comptabilités de toutes les grandes sociétés, et cela au jour le jour. Il ne s'agit pas seulement de donner le bilan qu'elles donnent aux comités d'entreprise, il s'agit d'élargir les moyens des comités d'entreprise, leur droit de contrôler les comptabilités au jour le jour, de désigner des comptables et des experts indépendants qui contrôlent ces géants qui dominent la société, mais aussi les comptes en banque de ceux de leurs dirigeants, de leurs principaux actionnaires et de leurs proches.
Il faut supprimer le secret professionnel pour que tout cela soit public, que la collectivité, la société civile, puissent jeter un oeil sur ce qui se passe dans les conseils d'administration, sur leurs projets à court terme ou à long terme qui peuvent concerner toute la population.
Je prends les comités d'entreprise comme exemple. Mais il faudrait que soient enlevées toutes les barrières inventées dès la création des CE et aggravées au fil du temps qui réduisent leur rôle à un cérémonial annuel où les patrons leur livrent une fois par an des chiffres mélangés et incompréhensibles.
Il faut revenir sur les récentes lois qui les font élire une fois tous les quatre ans, ce qui les éloigne des travailleurs et les subordonne aux patrons. Il faut qu'ils soient élus chaque année, voire révocables en cours de mandat.
Il faut qu'ils puissent demander des comptes à la hiérarchie des entreprises, à n'importe quel moment.
Il faut que leur mode de désignation soit bien plus large afin que non seulement les salariés des entreprises mais aussi les consommateurs et toute la population puissent participer à ce contrôle.
On nous opposera le secret commercial, mais ce secret commercial est une fumisterie. Il n'y a pas de secret commercial entre les cadres des grandes sociétés, comme il n'y a pas entre elles de secret bancaire.
Le dirigeant d'une entreprise connaît tout sur les revenus de ses salariés. La justice, c'est que les salariés connaissent tout sur les revenus de leur patron, et pas seulement sa paie théorique.
Un plan de licenciement ou un plan de délocalisation sont étudiés des mois avant d'être annoncés. Et lorsqu'ils sont annoncés, c'est au dernier moment, lorsque les futurs licenciés n'ont plus que leurs yeux pour pleurer et qu'ils ne peuvent plus réagir efficacement.
Eh bien, il faut que les travailleurs, que la population, soient avertis dès qu'une hypothèse de ce genre-là est évoquée, ne serait-ce que pour pouvoir s'organiser et se défendre.
Mais si ce contrôle existe, ils peuvent faire plus.
Si l'on vérifie d'où vient l'argent, par où il passe, et où il va, vérifier la valeur ajoutée, vérifier si les investissements qui figurent au bilan ne sont pas de simples rachats d'autres entreprises sans créer de force productive nouvelle, on verra qu'on peut satisfaire bien des revendications indispensables au monde du travail et, plus généralement, à la population.
On verrait qu'au lieu d'utiliser les profits à des rachats spéculatifs d'autres entreprises, on peut les utiliser à des investissements qui créeraient des emplois dans des domaines indispensables à la société. On verrait aussi qu'on peut largement augmenter les salaires et les cotisations sociales du patronat. Les cotisations sociales font partie intégrante du salaire et il n'y a aucune raison de les diminuer.
Voilà les principales revendications indispensables au monde du travail.
Mes autres objectifs découlent de ce qui précède. On peut et on doit augmenter les retraites. On peut et on doit imposer le droit à un accès gratuit à la totalité des soins.
Un des problèmes majeurs pour les classes populaires est la question du logement. Cent mille personnes sans domicile. Un million qui n'ont pas de logement à elles et qui vivent dans des caravanes, des campings ou qui sont hébergées par des tiers. Plus de trois millions d'autres qui sont mal logées, obligées de vivre dans des logements dépourvus de salle d'eau, de WC ou de système de chauffage - voilà le bilan du « mal-logement » donné par la fondation de l'abbé Pierre. Et comme je l'ai dit tout à l'heure, un million deux cent mille personnes sont sur des listes d'attente de HLM.
C'est une situation dramatique pour toutes les familles concernées. Elle exige une réponse immédiate. Elle est à portée de main. Les bras ne manquent pas pour construire. L'Etat pourrait prendre en charge un vaste programme de construction en réquisitionnant les terrains nécessaires, en créant lui-même un office national pour embaucher directement des architectes, des maçons, des plombiers, des électriciens, sans passer par les promoteurs immobiliers ou des bétonneurs à la Bouygues, sans qu'ils s'enrichissent sur la collectivité.
Quant au financement, la solution est tout aussi à portée de main. Toute la presse a fait écho récemment à cette information d'un rapport officiel qui chiffre le montant total des « aides publiques aux entreprises » à 65 milliards d'euros. Cela représente tous les dégrèvements de charges sociales, toutes les réductions fiscales consenties aux entreprises, c'est-à-dire à leurs propriétaires et actionnaires. 65 milliards, cela représente plus que le budget de l'Education nationale et plus de six fois le trou de la Sécurité sociale.
Si cette somme était consacrée à construire des logements sociaux, en deux ans, toutes les demandes de HLM pourraient être satisfaites !
Et qu'il soit dit en passant : le crédit budgétaire pour un million de rmistes représente 5 milliards d'Euro. Un treizième de ce qui est consacré, à fonds perdu, au patronat ! Et on ose crier à « l'assistanat » pour s'en prendre aux rmistes. Mais les premiers « assistés », ceux qui coûtent le plus cher au budget, et de loin, ce sont ces soi-disant « libéraux », les patrons et derrière eux les actionnaires !
Alors, si je me présente, c'est pour dire aux miens, au monde du travail, qu'il ne faut pas être dupe des marionnettes politiques qui occupent le devant de la scène et qui nous jouent la comédie du pouvoir, alors que, derrière la scène, c'est le grand patronat qui tire les ficelles, quelle que soit la couleur des marionnettes.
Sarkozy, et la droite qu'il représente, est plus près du coeur et du porte-monnaie de la grande bourgeoisie parce qu'il se présente, drapeau déployé, comme son meilleur représentant. Mais Ségolène Royal a beau « gauchir » depuis son langage ; elle a beau évoquer les « puissances de l'argent », « le profit facile » ou les « profits fainéants » la bourgeoisie sait d'expérience qu'elle n'a rien à craindre et qu'en cas de désaveu de Sarkozy par l'électorat, la candidate du Parti socialiste n'est pas dangereuse et représente une alternative politique valable.
Marie-George Buffet, elle, se veut sur la gauche du PS tout en s'en prenant à ceux qui se revendiquent de l'extrême gauche et dont elle traite la candidature de « candidatures de témoignage ». Elle formule quelques objectifs comme 10 % de hausse des salaires dans la Fonction publique ou encore le Smic à 1500 euros dès le lendemain des élections.
Mais elle tient à dire et à répéter que c'est par l'intermédiaire d'un gouvernement de gauche, c'est-à-dire dirigé par le Parti socialiste, que les objectifs qu'elle annonce pourront se réaliser. Ce qui veut dire que la réalisation même des quelques promesses de Marie-George Buffet qui vont plus loin que celles de Ségolène Royal dépend de... Ségolène Royal !
Dans ces conditions, la candidature de Marie-George Buffet n'est même pas une candidature de témoignage. Elle ne dit pas ce qui serait nécessaire aux classes populaires mais seulement ce qu'elle proposera à Ségolène Royal en disant que ce n'est pas sa faute si celle-ci ne l'a pas suivie. Voter pour Marie-George Buffet, ce n'est que voter par procuration pour Ségolène Royal et la politique de cette dernière.
Quant à José Bové qui a annoncé sa candidature cette semaine, je tiens tout d'abord à protester contre l'ignominie de sa condamnation. Quoi qu'on pense de son combat, le condamner pour avoir utilisé une méthode illégale pour empêcher la culture des OGM en plein champ, est aussi injuste qu'hypocrite.
Comment peut-on s'opposer aux agissements des trusts chimiques ou agroalimentaires qui commercialisent sans contrôle des produits dont l'innocuité n'est pas certaine ? Faut-il attendre des années que la justice s'émeuve ou le Parlement agisse ?
Les méthodes de José Bové sont sans doute le seul recours contre les actions néfastes des trusts agroalimentaires.
Je ne sais pas si cette condamnation à quatre mois de prison ferme rendra sa campagne plus difficile. Mais il a des choses à dire, et il faut qu'il puisse les dire.
Je ne me sens pas du tout en concurrence avec lui car mon combat ne se situe pas sur le même terrain. Mon combat ne se limite pas aux trusts de l'agroalimentaire, mais s'étend à toute l'organisation économique qui permet à ces trusts-là et à leurs semblables de la métallurgie, du pétrole, de la chimie, des banques et des assurances, de dominer l'économie et pousser la société vers la catastrophe !
Rien que pour revenir en arrière sur la régression sociale des dernières années, il faudra que les travailleurs imposent un certain nombre de revendications. Interdire les licenciements dans toutes les entreprises, à commencer par celles qui font du profit pour stopper la progression du chômage réel et de la précarité. Augmenter tous les salaires d'au moins 300 euros. Imposer un salaire minimum de 1500 euros net et qu'aucun salaire ne puisse y être inférieur quel que soit l'horaire. Transformer tous les contrats précaires en CDI.
Comme il faut imposer la suppression de toutes les mesures contre la retraite et les retraités prises par Balladur, maintenues par Jospin et aggravées par Raffarin, avec une pension qui soit au minimum égale au Smic réévalué.
Il faut aussi annuler toutes les privatisations dans les secteurs qui ont été des services publics ou transformer en services publics la construction des logements sociaux et aussi la fourniture de l'eau et de l'énergie.
Pour financer l'amélioration indispensable des services publics, pour donner l'argent nécessaire aux écoles des quartiers populaires, aux hôpitaux, aux transports publics pour permettre à tous, y compris aux plus pauvres, d'accéder à une éducation convenable, à des soins de qualité, à des garanties sociales en cas de maladie, il faut augmenter les impôts sur les profits et sur les revenus des plus riches. Les impôts sur le revenu doivent être fortement progressifs et sans aucun « bouclier fiscal ». Il faut imposer très fortement les profits boursiers et tous les profits spéculatifs, ceux en particulier tirés de la spéculation immobilière. Il faut rétablir l'impôt sur les bénéfices au moins à ce qu'il était sous Giscard, c'est-à-dire à 50 alors qu'il n'est plus qu'à 33 % des bénéfices, et supprimer toutes les niches fiscales. Il faut rétablir les droits de succession au-dessus d'un certain seuil.
Mais, en revanche, il faut supprimer ou au moins réduire notablement la TVA sur les produits consommés par les classes populaires. Il faut réduire les taxes sur les carburants. Il faut faire prendre en charge par l'État les dépenses qu'il impose aux collectivités locales mais en donnant à ces dernières une liberté totale.
Ce ne sont nullement des revendications révolutionnaires, loin de là. Ce ne sont que les mesures indispensables pour que les travailleurs retrouvent leurs conditions d'existence d'il y a trente ans, où pourtant, déjà, la vie n'était pas rose pour le monde du travail. Mais même face à ces exigences pourtant de première nécessité, le patronat comme les dirigeants de l'État, quelle que soit leur étiquette, nous diront que tout cela, ce n'est pas possible.
Eh bien, il est indispensable que les travailleurs, que les consommateurs, que la population, aient les moyens de vérifier leurs dires. Pour vérifier ce qu'il est possible de faire ou pas, il faut contrôler le fonctionnement des entreprises, surtout leurs finances et leurs stratégies.
Sans soumettre au contrôle ceux qui possèdent et dirigent à leur profit toute l'économie, on ne peut pas empêcher les licenciements, on ne peut pas empêcher les délocalisations, on ne peut pas diminuer, voire supprimer, le chômage. Sans cela, on ne peut pas résoudre les problèmes de la jeunesse. On ne peut disposer de crèches puis de maternelles et d'écoles primaires en nombre suffisant et, surtout, d'enseignants en nombre voulu pour donner un enseignement adapté à chacun.
Je sais que nombreux sont dans les classes populaires celles et ceux qui veulent avant tout que Sarkozy ne soit pas élu. Je sais que ce qui leur apparaît le plus urgent, c'est de se débarrasser du pouvoir de la droite.
Et moi-même, je peux affirmer que si, après le deuxième tour, Sarkozy était obligé de remballer sa morgue et sa hargne contre les classes populaires, cela me ferait bien plaisir.
Mais ce plaisir ne suffit pas. Ce n'est pas avec cela qu'on pourra payer son loyer, assurer l'éducation des enfants, se soigner ou trouver un travail ou un logement quand on n'en a pas.
Même si Ségolène Royal est élue, il faut qu'elle sache que les exigences des classes populaires restent entières et qu'elles ne se considéreront pas quitte avec le changement de personnel à l'Élysée.
Il faut qu'elle sache que ce que les classes populaires ont voulu signifier à la droite en rejetant Sarkozy par le bulletin de vote, c'est surtout le rejet de sa politique et qu'elles sauront le signifier aussi à la nouvelle présidente, même si c'est par d'autres moyens.
Il faut qu'elle sache que, de la part d'une partie en tout cas du monde du travail, le vote qu'elle aura recueilli n'est pas un vote de confiance mais un vote par élimination et qu'elle n'aura peut-être pas cinq ans pour décevoir à son tour ses électeurs. La sanction contre Jospin pour avoir mené pendant cinq ans une politique de droite a été purement électorale, mais elle ne le sera pas toujours. On ne peut pas, d'alternance en alternance, ne laisser à l'électorat populaire que la liberté de changer les équipes dirigeants mais qui poursuivraient, toutes, la même politique.
Il ne suffit pas de chasser les hommes de droite de la présidence de la République ou du gouvernement pour que la politique de droite en soit chassée pour autant. Car qui que ce soit le président ou la présidente, le grand patronat conservera sa puissance économique et donc, les moyens d'imposer sa politique. Et quelle que soit la sauce avec laquelle elle sera servie, elle visera à réduire la part des salariés pour accroître celle des possesseurs de capitaux.
Je me présente dans cette campagne pour que les travailleurs, c'est-à-dire les ouvriers, les employés, les enseignants, les techniciens, les chômeurs, les retraités et bien d'autres, puissent dire qu'ils ne se laisseront pas tromper par la droite, bien sûr, mais pas plus par ceux qui se disent de gauche. Il faut que les travailleurs puissent affirmer par leurs votes qu'ils ne se font aucune illusion sur les dirigeants politiques, qu'ils n'en attendent pas de solution à leurs véritables problèmes.
Je sais, bien sûr, que je ne peux pas être élue. Ne peuvent être élus dans le cadre des lois électorales que ceux qui sont appuyés par le grand capital, son argent, ses appareils politiques, son influence sur les chaînes de télévision.
Une candidate qui combat leur système n'a qu'une seule chance d'être élue : être portée par une très puissante lutte sociale, des grèves, des manifestations, par l'action collective de millions d'exploités.
Mais, même élue dans ce genre de circonstances exceptionnelles, je ne pourrais rien faire sans que l'action de la classe ouvrière se prolonge bien au-delà des élections.
Nous ne sommes pas dans cette situation aujourd'hui. Mais je me présente pour indiquer au monde du travail cette voie, la seule pour renverser le mur de l'argent et tous ceux qui le protègent.
Plus il y aura de votes contestataires sur mon nom, plus cela redonnera confiance à tous ceux qui en ont assez de recevoir des coups et qui ont envie de les rendre.
Aidez-nous à faire en sorte que nombreux soient ceux qui, dans les classes populaires, en votant pour ma candidature, montrent qu'ils partagent les idées que je viens de défendre. Qu'ils montrent que, s'ils rejettent la droite, porte-parole et serviteur attitré du grand patronat, ils ne font pas pour autant confiance à la gauche qui a toujours trahi ceux qui l'ont élue par refus de toucher au grand capital et à ses intérêts.
Et, surtout, il faut que les votes en ma faveur et qui contestent l'ordre social soient suffisamment nombreux pour que le grand patronat et ses serviteurs s'inquiètent de l'évolution de l'état d'esprit des classes populaires. Il faut qu'ils aient des raisons d'y entrevoir le mouvement social indispensable pour changer notre avenir à tous !
Source http://www.lutte-ouvriere.org, le 12 février 2007