Texte intégral
Q. Le combat contre la dette est l'une des grandes priorités de François Bayrou. Que proposez-vous ?
R. Une des priorités est la réduction des déficits publics. Aussi François Bayrou propose-t-il d'inscrire, dans la nouvelle Constitution, l'interdiction du déficit budgétaire de fonctionnement de l'Etat, sauf circonstances graves. Deuxième axiome : toute baisse des prélèvements obligatoires doit être compensée par des économies. Troisième axiome : la structure publique doit être remise à plat. Avec la décentralisation, on a empilé des collectivités les unes sur les autres -communes, communautés d'agglomérations, pays, départements, régions, Etat- avec, dans chaque structure, des services qui font la même chose.
Conséquence: en l'espace de vingt-cinq ans, la décentralisation a amené la création de 500.000 emplois dans la fonction publique territoriale. Tout cela a créé de la complexité, de l'inefficacité et coûte très cher. Nous voulons une simplification du système et la fusion des départements et régions. Le sommet doit aussi montrer l'exemple. François Bayrou propose un gouvernement de moins de vingt ministres, comme dans toutes les démocraties occidentales, et une réduction du budget de l'Elysée de 20 %.
Q. Avez-vous chiffré les programmes de Sarkozy et de Royal ?
R. Selon nos chiffrages, celui de Nicolas Sarkozy coûte environ 60 milliards d'euros. Nicolas Sarkozy propose de baisser de quatre points le niveau des prélèvements obligatoires, ce qui, dans l'histoire de l'économie moderne, n'est jamais arrivé. Même à la plus forte période du Thatchérisme ou du monétarisme le plus pur de l'ère Reagan, on n'a jamais baissé les prélèvements obligatoires de plus de deux points, sur l'équivalent d'un mandat. Je ne vois pas pourquoi Sarkozy arriverait à faire plus que Thatcher ou Reagan ! De plus, il y a un tour de passe-passe dans le projet de Nicolas Sarkozy. Il annonce à la fois une baisse de quatre points des prélèvements obligatoires et une augmentation de la fiscalité environnementale de 45 milliards d'euros. ! Soit plus de 2 points ! Quant à Ségolène Royal, elle plaint la France pour son déficit mais n'annonce dans son projet que des dépenses sans aucune recette. Nous estimons ces dépenses à environ à 60 milliards, c'est-à-dire autant que les recettes de l'impôt sur le revenu.
Q. Combien coûte votre projet ?
R. François Bayrou a fait évaluer son projet par Charles de Courson. Il est fondé sur une idée de base simple : des dépenses nouvelles doivent être équilibrées par des économies. La France souffre d'un endettement de 1180 mds d'Euros. La charge de la dette, ce n'est pas seulement criminel pour nos enfants, c'est aussi un vrai handicap pour la croissance du pouvoir d'achat.
Q. Détaillons votre projet. Que proposez-vous sur l'emploi ?
R. Le problème de la France ne porte pas sur la demande et la consommation, mais sur l'investissement et le travail. Laissons aux acteurs économiques le fruit de leur travail, leur capacité à investir. Ne continuons pas, comme l'ont fait les gouvernements Raffarin et Villepin, à augmenter sans cesse les prélèvements obligatoires. Il faut mener une politique de l'offre. Notre pays souffre d'un handicap de compétitivité. Un seul chiffre : nous avons un déficit commercial de 30 milliards d'euros sur l'année 2006, quand les Allemands font 30 milliards d'euros d'excédent par mois ! L'un de nos principaux problèmes est la faible quantité de travail. La France est le pays qui travaille le moins de tous les pays européens et les Français paieront encore longtemps les 35 heures.
Q. Proposez-vous d'abroger les 35 heures ?
R. Non. L'action pourrait passer en deux temps. Tout d'abord, nous proposons un pacte gagnant-gagnant prévoyant à la fois une bonification des heures supplémentaires de 35% à partir de la 35 ème heure, quelle que soit la taille de l'entreprise, et une réduction à due proportion des cotisations sociales sur ces heures supplémentaires. Ainsi le salarié peut améliorer son pouvoir d'achat et l'entreprise ne voit pas la charge augmentée. Nous proposons cela depuis 2002. A l'époque, le ministre des Affaires sociales, François Fillon, nous expliquait que ce n'était pas possible...mais cette idée a été reprise dans le programme de Sarkozy, avec en revanche quelque chose de totalement extravagant : l'exonération d'impôt sur le revenu sur les heures supplémentaires, ce qui est totalement contraire à la Constitution et au principe d'égalité !
Pour moi la durée du travail pourrait, sur le long terme, être fixée par les partenaires sociaux dans le cadre des branches. Les conditions de travail dans la métallurgie, le tourisme ou l'agriculture ne sont pas les mêmes. La même règle pour tous me semble contre productif pour tout le monde, salariés comme entreprises. Tentons de voir avec les partenaires sociaux si la France ne pourrait pas s'engager dans cette voie, en confiant à la loi l'ordre public social et les grandes règles de protection et le reste à la négociation collective. Quoiqu'il arrive, cette évolution, à mon sens nécessaire, ne peut intervenir que si les règles de représentativité des syndicats sont revues.
Q. Comment stimuler l'embauche ?
R. Le principal frein est le poids des cotisations sociales. Nous proposons que chaque entreprise puisse créer deux emplois nouveaux supplémentaires, avec 10% de charges sociales seulement, quels que soient les niveaux de qualification et de formation, en CDI, sur une durée de cinq ans. Cette mesure pourrait intervenir très rapidement pour créer un vaste mouvement de créations d'emplois et redonner de l'optimisme et dynamisme au pays. Dans un second temps, mais c'est une réforme à plus long terme, il faut engager le transfert massif des cotisations sociales sur d'autres sources de financement, après discussions avec les partenaires sociaux et les experts. L'idée est de trouver une autre assiette pour les cotisations sociales concernant la maladie et la famille. Les retraites et les accidents du travail resteraient assurées par les cotisations.
Q. Vous pensez à la TVA sociale ?
R. Compte tenu des volumes et des masses financières, il faut envisager plusieurs assiettes : TVA sociale, CSG, fiscalité environnementale avec une taxe carbone, nous semblent les trois pistes les plus sérieuses.
Q. Concernant les PME, quelles sont vos propositions ?
R. François Bayrou défend l'idée d'un « small business act » à la française. Depuis 1953, les Américains ont créé un « small business act », une loi pour les très petites et moyennes entreprises. C'est là où se crée l'emploi dans un pays.
Ce « small business act » prévoirait quatre mesures importantes. Premièrement, la simplification de l'environnement juridique de ces entreprises, qui n'ont pas, les conseils, ni des grands groupes... Deuxièmement, un environnement fiscal plus favorable. On pourrait imaginer un système dégressif où l'on passe de l'absence d'imposition pendant les premières années et une montée en puissance ensuite. Troisièmement, la réduction des délais de paiement. Ils sont en France à 70 jours, là où la plupart des pays européens sont à une vingtaine de jours. Enfin, l'accès aux marchés publics. 30 % des commandes publiques devront être réservés aux PME.
Q. Faut-il maintenir ou abroger le CNE ?
R. La loi prévoit de faire un bilan de l'expérimentation. Attendons ce bilan pour voir s'il faut maintenir ce dispositif et regardons dans les entreprises si ce nouveau contrat a permis de réelles créations d'emplois. Toutefois, deux éléments sont choquants dans le CNE : l'absence de motivation et le délai de 24 mois.
Q. Faut-il quand même remettre sur la table le débat sur le contrat de travail ?
R. La France souffre d'abord d'une instabilité juridique aberrante sur les règles du contrat. La loi change en permanence ! Les règles sur l'apprentissage ont changé six fois depuis 2002. L'autre souci est une hyper-judiciarisation des relations du travail et le traumatisme que représentent les Prud'hommes pour les petits patrons et les artisans. Tentons de régler le problème par une discussion entre les partenaires sociaux. Ne peut-on pas imaginer un deal gagnant-gagnant qui permettrait de protéger les personnes quand elles perdent leur emploi par une amélioration de l'indemnité de chômage, un accompagnement personnalisé très performant et éviter en même temps l'enfer judiciaire ?
Q. Etes-vous favorable au contrat de travail unique prôné par Sarkozy ?
R. Non, ce n'est pas la solution et personne ne le demande, même pas le Medef. Il faut garder différents types de contrats correspondant à des situations économiques différentes. Le CDI doit rester le contrat de Droit commun.
Q. Sur la réforme des retraites, quelle est votre position ?
R. La question est incontournable, après 2007. Une petite partie du chemin a été effectuée avec la réforme Fillon, que nous avons votée en dépit de ses insuffisances. Notre principe est simple : l'égalité des Français devant les retraites, avec deux exceptions, la pénibilité du travail et l'espérance de vie. Pour nous, cette égalité s'applique aux régimes spéciaux avec, comme idée simple, qu'il faut avoir un système progressif où ceux qui sont dans ces entreprises conservent le droit acquis à partir à la retraite plus tôt et ceux qui y entrent rentrent dans le cadre commun de tous les Français.
Q. Sur GDF, François Bayrou s'est battu contre la privatisation. A-t-il l'intention de renationaliser ?
R. Pour l'instant, la privatisation n'est pas faite. Nous considérons que les pouvoirs publics doivent pouvoir conserver la main sur la politique énergétique du pays.
Q. Quelles pistes proposez-vous sur la fiscalité ?
R. Avant tout, il faut revenir à l'équilibre budgétaire. Donc on ne va pas commencer à faire des cadeaux fiscaux qui sont des chèques en bois. Ensuite, un certain nombre de mesures ponctuelles s'avèrent nécessaires. François Bayrou propose par exemple de défiscaliser les revenus liés aux brevets, en s'inspirant de ce que font d'autres pays, pour attirer l'innovation et l'intelligence. On peut aussi instaurer un régime qui favorise les « business angels ». Cela ne peut se faire que si l'on revoit la structure de l'impôt sur le revenu qui cumule déjà plus de 40 milliards d'euros de niches fiscales !
Q. Vous souhaitez supprimer les niches fiscales ?
R. On ne peut les supprimer que progressivement. Mais la problématique de l'impôt sur les revenus n'est pas la bonne. Nous avons contesté et refusé de voter la réforme de l'impôt sur le revenu de Dominique de Villepin parce que le problème n'est pas l'imposition sur le revenu mais celui des cotisations sociales et parce que la réforme n'était pas juste. Quant au taux moyen d'imposition, il n'est pas si élevé - autour de 20% - compte tenu du niveau des niches fiscales. Je prends un exemple réel : un cadre supérieur très bien payé gagnant 400.000 euros et jouant à fond les niches fiscales a un taux d'imposition moyen de 20 %. Est-ce choquant ? A mon sens, non. Cet exemple prouve bien que la progressivité soi-disant extraordinaire de l'impôt sur le revenu est plus un mythe qu'une réalité et que le taux moyen d'imposition n'est pas aussi élevé qu'on veut bien nous le raconter !
Q. Que pensez-vous des propositions de Sarkozy sur la baisse des droits de succession ?
R. Supprimer les droits de succession, c'est à la limite de la démagogie. En termes de marketing politique, c'est formidable ! Mais peut-on considérer qu'on est favorable à l'ascenseur social et à l'égalité des chances et, en même temps, favoriser celles et ceux qui ont eu la chance de naître avec une cuillère en argent dans la bouche? Cette proposition n'est pas juste. De plus, il existe déjà des moyens de transmettre les très petites successions, avec les exonérations existantes... Peut-être y a-t-il encore quelques chose à faire pour les petites successions compte tenu du prix de l'immobilier... c'est à voir. Enfin, s'il fallait faire quelque chose, il faudrait encourager la succession entre vifs pour favoriser la mobilité du capital qui profiterait à la consommation et à l'investissement.
Q. Et l'ISF, faut-il le supprimer?
R. Non. Que ceux qui ont le plus paient un peu plus pour l'ensemble du pays n'a rien de choquant. Mais il faut trouver un équilibre car c'est idiot d'enrichir les belges. La proposition de François Bayrou est de réaménager l'ISF en lui donnant un taux très faible et une base très large. Nous avons estimé qu'environ 4000 milliards d'euros sont taxables. Avec un taux unique de 1 pour 1.000, à partir de 1 million d'euros, cela rapporte 4 milliards d'euros, c'est-à-dire autant que l'ISF actuel. Et je ne vois pas un Français quitter notre pays en sachant que le taux d'imposition sur son patrimoine est de 1 pour 1.000, et qu'a priori, il lui rapporte beaucoup plus.
Propos recueillis par Delphine Girardsource http://www.bayrou.fr, le 20 février 2007
R. Une des priorités est la réduction des déficits publics. Aussi François Bayrou propose-t-il d'inscrire, dans la nouvelle Constitution, l'interdiction du déficit budgétaire de fonctionnement de l'Etat, sauf circonstances graves. Deuxième axiome : toute baisse des prélèvements obligatoires doit être compensée par des économies. Troisième axiome : la structure publique doit être remise à plat. Avec la décentralisation, on a empilé des collectivités les unes sur les autres -communes, communautés d'agglomérations, pays, départements, régions, Etat- avec, dans chaque structure, des services qui font la même chose.
Conséquence: en l'espace de vingt-cinq ans, la décentralisation a amené la création de 500.000 emplois dans la fonction publique territoriale. Tout cela a créé de la complexité, de l'inefficacité et coûte très cher. Nous voulons une simplification du système et la fusion des départements et régions. Le sommet doit aussi montrer l'exemple. François Bayrou propose un gouvernement de moins de vingt ministres, comme dans toutes les démocraties occidentales, et une réduction du budget de l'Elysée de 20 %.
Q. Avez-vous chiffré les programmes de Sarkozy et de Royal ?
R. Selon nos chiffrages, celui de Nicolas Sarkozy coûte environ 60 milliards d'euros. Nicolas Sarkozy propose de baisser de quatre points le niveau des prélèvements obligatoires, ce qui, dans l'histoire de l'économie moderne, n'est jamais arrivé. Même à la plus forte période du Thatchérisme ou du monétarisme le plus pur de l'ère Reagan, on n'a jamais baissé les prélèvements obligatoires de plus de deux points, sur l'équivalent d'un mandat. Je ne vois pas pourquoi Sarkozy arriverait à faire plus que Thatcher ou Reagan ! De plus, il y a un tour de passe-passe dans le projet de Nicolas Sarkozy. Il annonce à la fois une baisse de quatre points des prélèvements obligatoires et une augmentation de la fiscalité environnementale de 45 milliards d'euros. ! Soit plus de 2 points ! Quant à Ségolène Royal, elle plaint la France pour son déficit mais n'annonce dans son projet que des dépenses sans aucune recette. Nous estimons ces dépenses à environ à 60 milliards, c'est-à-dire autant que les recettes de l'impôt sur le revenu.
Q. Combien coûte votre projet ?
R. François Bayrou a fait évaluer son projet par Charles de Courson. Il est fondé sur une idée de base simple : des dépenses nouvelles doivent être équilibrées par des économies. La France souffre d'un endettement de 1180 mds d'Euros. La charge de la dette, ce n'est pas seulement criminel pour nos enfants, c'est aussi un vrai handicap pour la croissance du pouvoir d'achat.
Q. Détaillons votre projet. Que proposez-vous sur l'emploi ?
R. Le problème de la France ne porte pas sur la demande et la consommation, mais sur l'investissement et le travail. Laissons aux acteurs économiques le fruit de leur travail, leur capacité à investir. Ne continuons pas, comme l'ont fait les gouvernements Raffarin et Villepin, à augmenter sans cesse les prélèvements obligatoires. Il faut mener une politique de l'offre. Notre pays souffre d'un handicap de compétitivité. Un seul chiffre : nous avons un déficit commercial de 30 milliards d'euros sur l'année 2006, quand les Allemands font 30 milliards d'euros d'excédent par mois ! L'un de nos principaux problèmes est la faible quantité de travail. La France est le pays qui travaille le moins de tous les pays européens et les Français paieront encore longtemps les 35 heures.
Q. Proposez-vous d'abroger les 35 heures ?
R. Non. L'action pourrait passer en deux temps. Tout d'abord, nous proposons un pacte gagnant-gagnant prévoyant à la fois une bonification des heures supplémentaires de 35% à partir de la 35 ème heure, quelle que soit la taille de l'entreprise, et une réduction à due proportion des cotisations sociales sur ces heures supplémentaires. Ainsi le salarié peut améliorer son pouvoir d'achat et l'entreprise ne voit pas la charge augmentée. Nous proposons cela depuis 2002. A l'époque, le ministre des Affaires sociales, François Fillon, nous expliquait que ce n'était pas possible...mais cette idée a été reprise dans le programme de Sarkozy, avec en revanche quelque chose de totalement extravagant : l'exonération d'impôt sur le revenu sur les heures supplémentaires, ce qui est totalement contraire à la Constitution et au principe d'égalité !
Pour moi la durée du travail pourrait, sur le long terme, être fixée par les partenaires sociaux dans le cadre des branches. Les conditions de travail dans la métallurgie, le tourisme ou l'agriculture ne sont pas les mêmes. La même règle pour tous me semble contre productif pour tout le monde, salariés comme entreprises. Tentons de voir avec les partenaires sociaux si la France ne pourrait pas s'engager dans cette voie, en confiant à la loi l'ordre public social et les grandes règles de protection et le reste à la négociation collective. Quoiqu'il arrive, cette évolution, à mon sens nécessaire, ne peut intervenir que si les règles de représentativité des syndicats sont revues.
Q. Comment stimuler l'embauche ?
R. Le principal frein est le poids des cotisations sociales. Nous proposons que chaque entreprise puisse créer deux emplois nouveaux supplémentaires, avec 10% de charges sociales seulement, quels que soient les niveaux de qualification et de formation, en CDI, sur une durée de cinq ans. Cette mesure pourrait intervenir très rapidement pour créer un vaste mouvement de créations d'emplois et redonner de l'optimisme et dynamisme au pays. Dans un second temps, mais c'est une réforme à plus long terme, il faut engager le transfert massif des cotisations sociales sur d'autres sources de financement, après discussions avec les partenaires sociaux et les experts. L'idée est de trouver une autre assiette pour les cotisations sociales concernant la maladie et la famille. Les retraites et les accidents du travail resteraient assurées par les cotisations.
Q. Vous pensez à la TVA sociale ?
R. Compte tenu des volumes et des masses financières, il faut envisager plusieurs assiettes : TVA sociale, CSG, fiscalité environnementale avec une taxe carbone, nous semblent les trois pistes les plus sérieuses.
Q. Concernant les PME, quelles sont vos propositions ?
R. François Bayrou défend l'idée d'un « small business act » à la française. Depuis 1953, les Américains ont créé un « small business act », une loi pour les très petites et moyennes entreprises. C'est là où se crée l'emploi dans un pays.
Ce « small business act » prévoirait quatre mesures importantes. Premièrement, la simplification de l'environnement juridique de ces entreprises, qui n'ont pas, les conseils, ni des grands groupes... Deuxièmement, un environnement fiscal plus favorable. On pourrait imaginer un système dégressif où l'on passe de l'absence d'imposition pendant les premières années et une montée en puissance ensuite. Troisièmement, la réduction des délais de paiement. Ils sont en France à 70 jours, là où la plupart des pays européens sont à une vingtaine de jours. Enfin, l'accès aux marchés publics. 30 % des commandes publiques devront être réservés aux PME.
Q. Faut-il maintenir ou abroger le CNE ?
R. La loi prévoit de faire un bilan de l'expérimentation. Attendons ce bilan pour voir s'il faut maintenir ce dispositif et regardons dans les entreprises si ce nouveau contrat a permis de réelles créations d'emplois. Toutefois, deux éléments sont choquants dans le CNE : l'absence de motivation et le délai de 24 mois.
Q. Faut-il quand même remettre sur la table le débat sur le contrat de travail ?
R. La France souffre d'abord d'une instabilité juridique aberrante sur les règles du contrat. La loi change en permanence ! Les règles sur l'apprentissage ont changé six fois depuis 2002. L'autre souci est une hyper-judiciarisation des relations du travail et le traumatisme que représentent les Prud'hommes pour les petits patrons et les artisans. Tentons de régler le problème par une discussion entre les partenaires sociaux. Ne peut-on pas imaginer un deal gagnant-gagnant qui permettrait de protéger les personnes quand elles perdent leur emploi par une amélioration de l'indemnité de chômage, un accompagnement personnalisé très performant et éviter en même temps l'enfer judiciaire ?
Q. Etes-vous favorable au contrat de travail unique prôné par Sarkozy ?
R. Non, ce n'est pas la solution et personne ne le demande, même pas le Medef. Il faut garder différents types de contrats correspondant à des situations économiques différentes. Le CDI doit rester le contrat de Droit commun.
Q. Sur la réforme des retraites, quelle est votre position ?
R. La question est incontournable, après 2007. Une petite partie du chemin a été effectuée avec la réforme Fillon, que nous avons votée en dépit de ses insuffisances. Notre principe est simple : l'égalité des Français devant les retraites, avec deux exceptions, la pénibilité du travail et l'espérance de vie. Pour nous, cette égalité s'applique aux régimes spéciaux avec, comme idée simple, qu'il faut avoir un système progressif où ceux qui sont dans ces entreprises conservent le droit acquis à partir à la retraite plus tôt et ceux qui y entrent rentrent dans le cadre commun de tous les Français.
Q. Sur GDF, François Bayrou s'est battu contre la privatisation. A-t-il l'intention de renationaliser ?
R. Pour l'instant, la privatisation n'est pas faite. Nous considérons que les pouvoirs publics doivent pouvoir conserver la main sur la politique énergétique du pays.
Q. Quelles pistes proposez-vous sur la fiscalité ?
R. Avant tout, il faut revenir à l'équilibre budgétaire. Donc on ne va pas commencer à faire des cadeaux fiscaux qui sont des chèques en bois. Ensuite, un certain nombre de mesures ponctuelles s'avèrent nécessaires. François Bayrou propose par exemple de défiscaliser les revenus liés aux brevets, en s'inspirant de ce que font d'autres pays, pour attirer l'innovation et l'intelligence. On peut aussi instaurer un régime qui favorise les « business angels ». Cela ne peut se faire que si l'on revoit la structure de l'impôt sur le revenu qui cumule déjà plus de 40 milliards d'euros de niches fiscales !
Q. Vous souhaitez supprimer les niches fiscales ?
R. On ne peut les supprimer que progressivement. Mais la problématique de l'impôt sur les revenus n'est pas la bonne. Nous avons contesté et refusé de voter la réforme de l'impôt sur le revenu de Dominique de Villepin parce que le problème n'est pas l'imposition sur le revenu mais celui des cotisations sociales et parce que la réforme n'était pas juste. Quant au taux moyen d'imposition, il n'est pas si élevé - autour de 20% - compte tenu du niveau des niches fiscales. Je prends un exemple réel : un cadre supérieur très bien payé gagnant 400.000 euros et jouant à fond les niches fiscales a un taux d'imposition moyen de 20 %. Est-ce choquant ? A mon sens, non. Cet exemple prouve bien que la progressivité soi-disant extraordinaire de l'impôt sur le revenu est plus un mythe qu'une réalité et que le taux moyen d'imposition n'est pas aussi élevé qu'on veut bien nous le raconter !
Q. Que pensez-vous des propositions de Sarkozy sur la baisse des droits de succession ?
R. Supprimer les droits de succession, c'est à la limite de la démagogie. En termes de marketing politique, c'est formidable ! Mais peut-on considérer qu'on est favorable à l'ascenseur social et à l'égalité des chances et, en même temps, favoriser celles et ceux qui ont eu la chance de naître avec une cuillère en argent dans la bouche? Cette proposition n'est pas juste. De plus, il existe déjà des moyens de transmettre les très petites successions, avec les exonérations existantes... Peut-être y a-t-il encore quelques chose à faire pour les petites successions compte tenu du prix de l'immobilier... c'est à voir. Enfin, s'il fallait faire quelque chose, il faudrait encourager la succession entre vifs pour favoriser la mobilité du capital qui profiterait à la consommation et à l'investissement.
Q. Et l'ISF, faut-il le supprimer?
R. Non. Que ceux qui ont le plus paient un peu plus pour l'ensemble du pays n'a rien de choquant. Mais il faut trouver un équilibre car c'est idiot d'enrichir les belges. La proposition de François Bayrou est de réaménager l'ISF en lui donnant un taux très faible et une base très large. Nous avons estimé qu'environ 4000 milliards d'euros sont taxables. Avec un taux unique de 1 pour 1.000, à partir de 1 million d'euros, cela rapporte 4 milliards d'euros, c'est-à-dire autant que l'ISF actuel. Et je ne vois pas un Français quitter notre pays en sachant que le taux d'imposition sur son patrimoine est de 1 pour 1.000, et qu'a priori, il lui rapporte beaucoup plus.
Propos recueillis par Delphine Girardsource http://www.bayrou.fr, le 20 février 2007