Conférence de presse de M. Philippe Bas, ministre délégué à la sécurité sociale, aux personnes âgées, aux personnes handicapées et à la famille, sur le plan bientraitance/maltraitance à l'égard des personnes âgées, Paris le 14 mars 2007.

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Circonstance : Conférence de presse sur le plan bientraitance/maltraitance à Paris le 14 mars 2007

Texte intégral

Mesdames, Messieurs,
Je veux vous présenter aujourd'hui un plan qui va nous permettre de mettre en oeuvre, dans toutes les maisons de retraite et les établissements de personnes handicapées, une véritable culture de la bientraitance, pour que toutes celles et ceux qui y sont accueillies le soient dans les meilleures conditions possibles, pour qu'ils se sentent presque comme chez eux.
Mais je veux aussi renforcer la lutte contre la maltraitance, ces drames inacceptables et profondément choquants. Les cas de maltraitance sont heureusement assez rares, et le dévouement des personnels est exemplaire, mais chaque cas est un cas de trop. Chaque cas est un démenti aux valeurs d'humanisme qui fondent notre société.
Il n'est pas normal que des personnes fragiles, vulnérables comme peuvent l'être des personnes très âgées ou handicapées, puissent être négligées pendant plusieurs heures.
Il n'est pas normal que des violences, morales, physiques ou sexuelles, puissent, encore aujourd'hui, survenir contre ces femmes et ces hommes âgés ou handicapés et qui ne peuvent se défendre.
Il n'est pas normal que les maisons de retraite ou les établissements d'accueil de personnes handicapées ne disposent pas de guides pour mettre vraiment en oeuvre des pratiques de bientraitance.
Il n'est pas normal que ces établissements n'aient pas les outils pour pouvoir évaluer leurs pratiques, l'accompagnement qu'ils offrent aux personnes âgées ou handicapées. Et qu'il n'existe pas encore d'Agence qui les aidera à s'auto-évaluer et leur permettra de faire certifier qu'ils offrent une réelle bientraitance.
Il n'est pas normal que le nombre des inspections, qui permettent de mettre à jour des situations à risque de maltraitance, reste très insuffisant.
Il n'est pas normal que des sanctions, nécessaires lorsqu'un fait de maltraitance est découvert et avéré, ne soient pas prises immédiatement.
C'est pourquoi j'ai voulu agir, après avoir travaillé avec les DDASS, les établissements et les professionnels depuis plusieurs mois. Il fallait donner à chacun les outils de la diffusion de véritables pratiques de bientraitance, les outils pour se former, les outils pour mieux contrôler, les moyens d'une grande mobilisation pour que plus jamais, on ne voit de cas de maltraitance dans nos maisons de retraite !
Alors, il est vrai que les actes de maltraitance revêtent bien des formes.
Il peut s'agir de maltraitance passive tissée de « petites » négligences quotidiennes : faire des toilettes trop rapides, ne pas répondre aux appels des personnes, servir des repas trop tôt, ne pas respecter les rythmes de chacun pour le lever ou le coucher, ne pas apporter aux soins ce supplément d'humanité sans lequel le sentiment de solitude ou d'abandon s'ajoute aux souffrances de la vieillesse ou du handicap.
Il peut s'agir aussi de phénomènes plus graves, la maltraitance active qui va des violences psychologiques ou morales jusqu'à des actes de maltraitance physique ou sexuelle.
Cette réalité est intolérable.
Je présidais il y a une heure le nouveau Comité national de vigilance et de lutte contre la maltraitance : je l'ai élargi aux personnes handicapées. Les professionnels ont désormais un guide pour les aider à détecter les risques de maltraitance. Il leur fournit un tableau de bord leur permettant de se poser systématiquement à partir d'une grille complète toutes les bonnes questions sur leurs pratiques et leur organisation. J'ai présenté au Comité, dans le détail, l'ensemble du Plan pour qu'ils accompagnent sa mise en oeuvre.
Ce plan, je vous le détaille maintenant.
Dans notre pays, ce sont environ 300 cas de maltraitance qui sont signalés chaque année. Si ce nombre reste faible, comparé aux 960 000 personnes âgées et handicapées prises en charge, chaque cas - je l'ai dit - est un cas de trop.
Et pour lutter contre la maltraitance, il faut aussi agir avant que se produisent les faits de maltraitance. C'est pourquoi je veux inscrire la bientraitance au coeur de la prise en charge des personnes vulnérables : que dans tous les établissements, il y ait un état d'esprit, des démarches visant à veiller à ce bien-être légitime auquel peuvent prétendre tous les résidents.
Il y a en France plus d'un million de personnes de plus de 85 ans. Elles seront deux millions dans dix ans. Après avoir ajouté des années à la vie, notre ambition doit être d'ajouter de la vie aux années.
C'est d'abord par la bientraitance que je veux prévenir la maltraitance, Cela suppose, bien évidemment, d'augmenter les effectifs dans les établissements.
* C'est que j'ai fait en lançant et en mettant en oeuvre le Plan Solidarité Grand - Âge.
Ce Plan représente un effort de 2,3 milliards d'euros sur cinq ans pour répondre à la révolution démographique que connaît notre pays, en réformant tout notre dispositif de prise en charge des personnes âgées à domicile, à l'hôpital et en établissement.
Des moyens importants ont été engagés dès 2006 et en 2007 pour recruter davantage.
Pour la seule année 2007, 23 400 personnes vont être recrutées, dont 18 000 dans les établissements et services pour personnes âgées et 5 400 dans les structures pour personnes handicapées. C'est la première étape du plan solidarité grand âge.
Le nombre de soignants auprès des personnes âgées est en train d'augmenter au rythme nécessaire pour atteindre nos objectifs. Dans les établissements qui accueillent les personnes âgées les plus malades et les plus dépendantes, il y aura 1 professionnel pour 1 résident à l'issue de la montée en régime du plan solidarité grand âge. Et pour les autres, deux professionnels pour trois résidents.
* A présent, je veux développer aussi cette culture de la bientraitance dans les établissements grâce à de nouveaux instruments.
D'abord en installant une véritable agence de la bientraitance, l'Agence nationale d'évaluation sociale et médico-sociale.
Il existait bien un Comité d'évaluation. Mais ce Comité était dépourvu de moyens. Sur le modèle de l'accréditation des hôpitaux, mise en oeuvre par Jacques Barrot, les établissements et services médico-sociaux seront désormais évalués régulièrement. L'Agence mettra à leur disposition des guides de bonnes pratiques pour développer et généraliser la démarche qualité.
J'avais annoncé la création de cette Agence lors de la présentation du Plan Solidarité Grand - Âge. Je l'inaugurerai la semaine prochaine, le 21 mars, dans ses locaux à Saint-Denis.
Je veux enclencher une démarche qualité dynamique dans tous les établissements.
Désormais, chaque établissement devra procéder à une auto-évaluation de ses pratiques tous les 5 ans en se référant aux recommandations de l'Agence. Et dans les 2 ans qui suivront chaque auto-évaluation, un organisme habilité par l'Agence procédera à un contrôle externe de cette démarche pour l'améliorer.
Bien sûr, développer une culture de la bientraitance suppose aussi de sensibiliser et de former les personnels.
Les plans de formation obligatoires dans chaque établissement incluront désormais des modules de formation sur la prévention de la maltraitance.
Un soutien psychologique est parfois nécessaire pour les personnels éprouvés par la difficulté des situations auxquelles ils ont à faire face. Une expérimentation d'un service d'écoute confidentiel sera menée dès le mois prochain en Corse et en Franche-Comté. Elle permettra aux professionnels de bénéficier d'un accompagnement en cas de besoin.
Il faut également valoriser les métiers, favoriser les passerelles entre les diplômes et les évolutions de carrière.
C'est pourquoi j'ai ouvert en 2006 la plupart des métiers de la filière sanitaire et sociale à la validation des acquis de l'expérience (éducateurs techniques spécialisés, techniciens de l'intervention sociale et familiale, assistants familiaux).
Cette année 2007, le certificat d'aptitude à la fonction de directeur d'établissement social pourra aussi être attribué grâce aux acquis de l'expérience, comme le diplôme de moniteurs-éducateurs.
Et cette année encore, j'organise une campagne d'information à destination des jeunes sur les professions du secteur médico-social : c'est la Semaine des métiers du grand âge, qui se déroulera du 19 au 26 mars prochain.
Enfin, je veux poursuivre la modernisation et l'humanisation des établissements.
En accordant une aide à la modernisation de 500 millions d'euros, nous avons fait 10 fois plus en 2006 que le total des cinq années précédentes. 41 000 établissements ont ainsi pu être modernisés et humanisés. J'ai voulu que cette aide à la modernisation soit poursuivie en 2007 par un nouvel effort exceptionnel : 150 millions sont consacrés à cette action.
Depuis un an, j'ai aussi voulu inciter les établissements à but non lucratif à se moderniser grâce à un taux de TVA réduit pour leurs travaux de rénovation : auparavant, ils devaient acquitter une TVA 19,6%. Depuis mars 2006, ce taux a été abaissé à 5,5%. Et depuis quelques jours, grâce à la loi - je pense en particulier aux maisons d'accueil spécialisé -, tous les établissements accueillant des personnes handicapées bénéficient également de ce taux réduit.
Parallèlement à ces actions pour la bientraitance, je veux accentuer très fortement la prévention et la sanction de la maltraitance active.
La maltraitance active reste un phénomène rare, contrairement à ce que disent certains ouvrages démagogiques et racoleurs. J'ai visité moi-même plus d'une centaine d'établissements au cours de mes nombreux déplacements sur le terrain. Dans la très grande majorité des cas, je veux témoigner de ce que les personnels exercent leur métier avec un professionnalisme et une humanité extraordinaires. Je tiens à saluer le travail remarquable qu'ils accomplissent jour après jour auprès des personnes fragiles. Ces mises en cause sont une caricature de leur métier et une injure à leur dévouement.
Raison de plus pour que, dans les situations exceptionnelles où un individu se livre à des actes de maltraitance psychologique, physique ou sexuelle, nous soyons très sévères. C'est ce que je fais à chaque fois que des cas me sont signalés. Nous devons être intraitables. C'est le sens de ce Plan.
Pour combattre ces agissements, je veux d'abord faciliter les signalements parce qu'il faut rompre le silence qui entoure trop souvent des situations intolérables.
Aujourd'hui, 45 départements sont encore dépourvus d'une antenne téléphonique qui recueille les signalements et déclenche auprès des responsables locaux de l'Etat les interventions nécessaires.
Je veux donc généraliser le réseau spécialisé ALMA et le faire connaître du grand public. Une grande campagne d'information va être menée à l'automne pour que le numéro d'appel national - 0 892 680 118 - soit connu de tous. Cette année, nous ouvrons 12 antennes téléphoniques. Avant la fin 2009, tous les départements disposeront d'une antenne locale. D'ici là, les bénévoles qui reçoivent les appels auront été recrutés et formés.
Autre mesure, un correspondant « maltraitance » sera désigné dans chaque DDASS d'ici le 2 mai 2007. C'est important parce qu'il faut qu'il y ait un responsable unique qui coordonne l'action de l'État contre la maltraitance. Il faut qu'il y ait un responsable unique qui assure le suivi des plaintes.
J'ai décidé aussi de doubler les inspections sur le terrain. Sur les 3 dernières années, 2 240 inspections ont été effectuées. Dès cette année, leur nombre passera de 750 à 1 500 par an.
Et il faut que les sanctions soient automatiques pour les auteurs d'actes de maltraitance avérés.
En cas d'urgence, j'ai voulu que le préfet exerce son pouvoir de fermeture immédiate sans mise en demeure préalable. Par l'ordonnance du 1er décembre 2005, nous lui avons donné ce pouvoir. Les préfets ont reçu instruction de s'en servir quand les injonctions du Directeur départemental des affaires sanitaires et sociales ou du Président du Conseil général ne sont pas respectées.
De la même façon, en cas de faute grave, les personnes incriminées doivent être immédiatement mises à pied. Si l'établissement se montre récalcitrant, les DDASS ont reçu instruction d'ordonner, indépendamment de toute action judiciaire, la suspension immédiate de personnes mises en cause pour des faits de maltraitance.
Voilà les mesures que je voulais détailler devant vous.
C'est à ces conditions que nous pourrons impulser une véritable culture de la bientraitance des personnes âgées et des personnes handicapées dans nos établissements. C'est à ces conditions que nous pourrons mieux accueillir dans nos structures les membres les plus fragiles de notre société. C'est un enjeu essentiel pour notre société : tout simplement celui du respect et du bien-être des personnes âgées et des personnes handicapées.Source http://www.personnes-agees.gouv.fr, le 19 mars 2007