Interview de M. Bernard Van Craeynest, président de la CFE CGC, à BFM le 5 février 2007, sur le syndicalisme d'adhésion, la représentativité syndicale et l'élection présidentielle de 2007.

Prononcé le

Média : BFM

Texte intégral


Hedwige Chevrillon : Bernard Van CRAEYNEST, vous êtes le président de la CFE-CGC. Une semaine sociale qui va s'annoncer peut-être assez chaude, comme l'on dit. Vous avez, ce matin, dans une tribune publiée par LA TRIBUNE justement, dit qu'il fallait mieux un syndicalisme d'adhésion qu'un syndicalisme d'élection. Alors, on sait qu'en ce moment, il y a des grandes négociations pour savoir qui est représentatif, actuellement, cinq confédérations sont considérées comme organisations syndicales, représentatives du moins. Est-ce que vous seriez pour l'ouverture à d'autres fédérations, notamment comme la FSU, le principal syndicat des enseignants ?
Bernard van Craeynest : Ecoutez, ce que j'observe, c'est que depuis la fin de la seconde guerre mondiale, où il y avait trois organisations syndicales, dont la nôtre, créée le 15 octobre 44, nous assistons à une multiplication du nombre d'organisations, en général, par scission au sein de l'existant, et c'est ce qui fait que nous avons effectivement beaucoup de monde qui frappe à la porte, sans pour autant que nous constations une augmentation du nombre d'adhérents à l'ensemble de ces organisations. Et c'est pourquoi nous disons que le problème de fond à l'heure où nous explique qu'il faudrait renforcer les corps intermédiaires et les structures appelées à négocier, il nous semble qu'il est urgent de se pencher sur les raisons pour lesquelles il n'y a qu'un faible taux de syndicalisation, et trouver les pistes et les solutions pour redorer l'image de marque du syndicalisme et pour faire en sorte que le plus grand nombre de dirigeants d'entreprise n'aient pas peur des syndicats, mais qu'au contraire, ils les encouragent parmi leurs salariés, ils encouragent les salariés à adhérer aux organisations pour faire en sorte d'avoir des interlocuteurs formés et efficaces.
HC : Mais peut-être aussi, c'est que simplement, vous, les cinq fédérations, on va rappeler qu'il s'agit de la CFDT -...
BVC : Confédérations...
HC : Confédérations - CFDT, CGT...
BVC : Force ouvrière, CFTC et CFE-CGC.
HC : Voilà, et CFE-CGC, dont vous êtes le président, Bernard Van CRAEYNEST. Peut-être que vous, vous n'êtes plus représentatif justement de ce que veulent les salariés français ?
BVC : Je crois que nous le sommes, et les salariés français savent nous trouver lorsqu'ils sont en difficulté. Simplement, on nous demande de plus en plus de choses, de siéger dans tout un tas d'organismes et de commissions, créés par les pouvoirs publics, de négocier au niveau national interprofessionnel, dans les branches, on assiste à un développement du dialogue social territorial suite aux lois de décentralisation. Il faut négocier également dans les entreprises, malheureusement, dans un petit nombre d'entreprises, même si ça concerne beaucoup de salariés, puisqu'on sait bien que sur les 2.400.000 entreprises, il y a une grande majorité qui sont des petites structures dans lesquelles, il est assez difficile d'organiser un dialogue social à proprement parler. Je pense que là, on a véritablement une difficulté, encore une fois, parce que l'image du syndicalisme en France a toujours été relativement négative du fait que notre histoire sociale s'est construite sur un modèle conflictuel, oppositionnel, alors qu'aujourd'hui, précisément, face aux mutations de la société, en général, il faudrait que nous soyons plus en capacité de dialoguer pour analyser ces évolutions du monde...
HC : Mais c'est peut-être aussi parce que les syndicats - alors, ce n'est pas particulièrement vrai pour votre syndicat, ça l'est peut-être plus pour les syndicats comme Force ouvrière et CGT - ils se sont concentrés sur des grands bastions comme la Fonction publique, les entreprises publiques, mais ils ne sont pas tellement allés dans le privé ?
BVC : Voilà. Alors, c'est vrai que la CFE-CGC a de tout temps une affiche qui est plutôt centrée sur le privé et l'économie concurrentielle, puisque notre première fédération est celle de la métallurgie, et que ça soit dans les banques, la chimie ou l'agroalimentaire, nous sommes bien présents, nous le sommes également, bien sûr, dans les Fonctions publiques, et heureusement, mais nous avons cette préoccupation de faire en sorte que notre économie se développe, les politiques parlent beaucoup de la relance de la croissance pour apporter des solutions aux maux que nous rencontrons. Nous sommes d'accord, mais encore faut-il que nous analysions la manière dont on va relancer cette croissance, et il est bien évident que c'est plutôt dans le domaine de l'économie de marché. Et nous, nous avons un point de vue très simple, qui est que pour qu'il y ait des salariés qui soient heureux d'aller au travail, bien rémunérés et avec une bonne protection sociale, il faut qu'il y ait des entreprises performantes qui réussissent et qui dégagent des profits. Mais pour autant, dans tout système organisé et dans toute démocratie, face à un pouvoir, il faut un contre-pouvoir pour justement faire en sorte qu'on tienne compte de tous les points de vue.
HC : Alors, jeudi 08 février, il y a une grande journée des fonctionnaires justement sur le salaire, sur l'emploi, il y a aussi les syndicats des impôts qui se joignent à cette manifestation. Est-ce que vous y serez, vous, la CFE-CGC ?
BVC : Non, nous avons indiqué - plus exactement, notre fédération des Fonctions publiques, qui était effectivement partie prenante des mouvements qui ont eu lieu sur la fin de l'année 2006 - que, à ce stade, nous considérons que le gouvernement a fait quelques efforts significatifs, d'une part -...
HC : Faisons un geste en direction des salariés, des fonctionnaires...
BVC : Voilà - d'une part, quantitatifs, parce que, au lieu de 0,5, il y a une revalorisation de 0,8 au 1er février, et d'autre part aussi, parce que nous sommes parvenus à négocier des accords importants, notamment un accord sur la formation dans les Fonctions publiques, et que nous continuons à négocier pour faire en sorte d'adapter le statut des fonctionnaires, vous savez qu'il y a une très grande réforme qui est en cours pour diminuer le nombre de corps et aller vers des gestions par métier, et nous pensons que précisément, plutôt que de descendre...
HC : Cette modernisation est plutôt positive, oui...
BVC : Plutôt que de descendre tous les quatre matins dans la rue, il faut, au contraire, poursuivre cette négociation pour aller jusqu'au bout. Nous, CFE-CGC, nous avons un point de vue qui n'a jamais changé, qui est que la grève est un ultime recours, quand on a épuisé toutes les voies du dialogue.
HC : Est-ce que vous allez prendre position à un moment ou à un autre dans cette campagne présidentielle, Bernard Van CRAEYNEST ?
BVC : Nous avons demain matin un comité directeur confédéral au cours duquel nous allons examiner et valider les questions que nous allons poser aux candidats à cette élection présidentielle, et donc dès la fin de cette semaine, nous allons adresser aux principaux candidats, vous savez...
HC : Ce n'est pas le pacte écologique, mais c'est le pacte syndical...
BVC : Vous savez, j'ai reçu Nicolas HULOT le 11 janvier justement pour examiner les grandes pistes qu'il met en exergue, et notamment la création d'une organisation mondiale de l'environnement, parce que nous sommes soucieux de l'avenir de notre planète, mais parce que nous sommes soucieux également que la France ne soit pas le seul pays vertueux à la surface du globe, et qu'on tienne compte également d'un certain nombre de réalités industrielles. Nous sommes très attachés au développement de notre industrie. Donc nous allons interroger les candidats, et nous ferons part de leurs réponses. Nous interrogeons ces candidats pour qu'ils nous éclairent sur la manière précisément dont ils pensent relancer notre économie et dont ils pensent faire en sorte de motiver celles et ceux qui sont les locomotives de nos entreprises...
HC : Mais est-ce qu'on peut imaginer que vous allez prendre position en disant : oui, la CFE-CGC appelle à voter François BAYROU, Ségolène ROYAL...
BVC : Non, non...Ça nous interdit par nos statuts, nous sommes totalement indépendants des partis politiques, simplement, nous apportons notre pierre à l'édifice, nous prenons notre part dans ce débat, et nous n'allons pas manquer de communiquer sur les réponses que nous obtiendrons aux questions précises que nous posons à ces candidats.
HC : Oui. Demain, le président de PSA PEUGEOT CITROËN change, Christian STREIFF arrive, Jean-Martin FOLZ s'en va. Par ailleurs, on a appris les mauvais résultats de NISSAN, donc les difficultés de RENAULT NISSAN ; est-ce que vous êtes inquiet pour l'avenir de notre secteur automobile français ?
BVC : Il traverse une passe difficile, vous savez que nous sommes sur un marché dit de remplacement, c'est-à-dire que, on ne peut pas imaginer qu'il va croître considérablement. C'est ce qui pose quelques difficultés pour nos deux champions nationaux que sont PSA et RENAULT...
HC : Mais vous vous attendez - pour parler crûment - est-ce que vous vous attendez à des restructurations drastiques en France, dans l'hexagone ?
BVC : Je pense qu'il va y avoir des évolutions, mais qui ne vont pas spécialement toucher que nos grands constructeurs, et qui ont déjà commencé à atteindre surtout les équipementiers automobiles. Et ce que nous souhaitons, bien entendu, c'est que, on ne démolisse pas ce que l'on a patiemment construit depuis des décennies, et que cette industrie, qui a montré sa capacité à poursuivre sa voie en France, je vous rappelle qu'il y a une dizaine, quinzaine d'années, on nous disait qu'il ne resterait plus que quatre grands constructeurs dans le monde, et on laissait sous-entendre que les deux français disparaîtraient....
HC : Qu'il n'y aurait pas de français...
BVC : Ils sont toujours là, ils traversent des difficultés, c'est indéniable, ils sont sur un modèle de croissance pourtant...
HC : Rapidement, rapidement, oui...
BVC : Oui, et je pense qu'on va arriver, par la négociation, à faire en sorte de trouver les solutions qui préservent l'outil.
HC : Voilà, ça sera votre mot de conclusion. Merci Bernard Van CRAEYNEST. Je rappelle donc que vous êtes le président du syndicat CFE-CGC. Source http://www.cfecgc.org, le 13 février 2007