Déclaration de M. Bernard Kouchner, ministre délégué à la santé, sur les actions menées en faveur des enfants atteints d'un trouble spécifique du langage, Paris le 21 mars 2001.

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Circonstance : Plan d'action pour les enfants atteints d'un trouble spécifique du langage, à Paris le 21 mars 2001

Texte intégral

Monsieur le Ministre,
Madame la Secrétaire d'Etat,
Madame Florence Veber,
Monsieur Jean Charles Ringard,
Mesdames, Messieurs,
Félicitons nous tout d'abord de cette présentation commune, fruit d'un travail interministériel, long, ardu autour d'un problème peu connu jusque là.
Comme l'a rappelé Jack Lang, c'est en effet la première fois que le gouvernement prend de manière coordonnée les mesures nécessaires à ce que ce problème, priorité reconnue de santé publique, soit prise en charge à sa juste mesure.
C'est en mars 1999 que le Haut Comité de santé publique, en posant la question "les troubles d'apprentissage de l'enfant, un problème de santé publique ?" révélait l'ampleur du problème. Il montrait que des enfants d'intelligence normale ou supérieure étaient en situation d'échec scolaire du fait de l'absence de diagnostic et donc de prise en charge adaptée des troubles d'apprentissage dont ils étaient l'objet.
Le Haut Comité de santé publique préconisait une approche globale, conjointe permettant de mettre en place les mesures nécessaires tant dans le secteur de l'éducation que dans notre système de santé.
Deux ans après, et grâce à la volonté sans cesse réaffirmée de nos deux ministères, aux travaux des nombreux experts et professionnels sollicités et surtout à la mobilisation des associations, un plan d'action ambitieux va permettre de répondre à l'attente des enfants et de leurs familles afin que leur souffrance, trop souvent cachée jusque là, car incomprise, voire rejetée, puisse être prise en considération.
Des actions de prévention dès la petite enfance jusqu'aux actions de dépistage, de diagnostic et de prise en charge, l'ensemble des professionnels de l'éducation nationale et des professionnels de la santé seront associés, afin qu'avec la familles, des réponses graduées, pédagogiques ou médicales, adaptées à l'importance du trouble de chaque enfant, soient proposées.
En effet, la frontière est étroite entre d'un côté la volonté de bien faire, avec le risque de stigmatiser à tort un enfant et de l'autre l'ignorance de son trouble, avec la persistance de cette attitude consistant encore trop souvent à considérer l'enfant au mieux comme lent ou paresseux, au pire comme caractériel ou attardé mental
C'est pour éviter cet éventuel écueil qu'une approche conjointe éducation - santé, en lien très étroit avec les familles, sous-tend l'ensemble des actions de ce plan.
Reconnaissons cependant que la France a pris beaucoup de retard dans la reconnaissance de ces troubles par rapport à ses voisins.
Des querelles de spécialistes entre les tenants d'une approche purement psychologique, et les partisans d'une vision très biologique, nous ont fait perdre de vue que quelle que soit la raison initiale, la souffrance de l'enfant, et de sa famille, doit être pris en compte et que le fatalisme ne peut être de mise.
Nous devons tout mettre en uvre sur le plan du traitement et de la recherche pour améliorer notre compréhension et nos résultats.
Mais pour traiter, il faut savoir reconnaître. Si le repérage de difficultés revient de fait à la famille et à l'enseignant, c'est bien au professionnel de santé que revient la responsabilité d'un diagnostic qui doit écarter d'autres pathologies pour conclure à ce que nous avons convenu d'appeler les troubles spécifiques du langage.
Et pour savoir reconnaître, il faut former les professionnels.
Le réflexe " dyslexie ", le réflexe " dysphasie " n'existe pas aujourd'hui, ou encore trop peu parmi les pédiatres, les pédopsychiatres et les généralistes.
C'est pourtant vers eux bien souvent que la famille se tourne.
Dès 2001, le nouveau programme du deuxième cycle des études médicales introduira des notions sur ce sujet auprès de futurs médecins. La formation plus professionnelle du troisième cycle se verra elle aussi renforcée.
Le Comité Français d'Education pour la Santé, à qui nous confions la responsabilité de développer un véritable programme de communication, participera également à sensibiliser sur ces problèmes les familles et l'ensemble des professionnels : enseignants, éducateurs, professionnels de santé mais aussi assistantes maternelles, personnel des crèches.
Les travaux de l'ANAES, très précieux pour les professionnels de santé, seront largement diffusés : ceux de 1997 sur les indications de l'orthophonie dans les troubles spécifiques du développement du langage écrit et ceux que l'ANAES doit publier dans les tous prochains mois sur les troubles du langage oral.
La recherche clinique, essentielle à la progression de la prise en charge, actuellement tout à fait insuffisante, sera développée, d'une part grâce au Programme Hospitalier de Recherche Clinique (PHRC), et d'autre part grâce au Fonds d'Aide à la Qualités des soins de ville (FAQSV).
Dès cette année plusieurs projets seront retenus et financés.
Nous allons recenser, identifier et soutenir un certain nombre d'équipes hospitalières pour qu'elles soient reconnues comme centre référent, c'est-à-dire centre de compétences où des équipes pluridisciplinaires - associant au minimum psychologue, orthophoniste et médecin - pourront préciser le diagnostic et proposer le type de prise en charge la plus adaptée tout en veillant à développer des évaluations et des recherches.
Ces équipes seront soutenues et un budget de 10 MF/an sera fléché pendant trois ans. Dès cette année, une dizaine de centres seront créés.
Pour répondre à cette nouvelle demande, nous allons augmenter de 50 places le nombre d'étudiants en orthophonie, augmentant ainsi de plus de 10 % le quota actuel. (on passe de 451 à 501). Ces professionnels, tout à fait essentiels dans la prise en charge de ces troubles spécifiques, majoritairement installés en ville, seront incités à travailler en réseau, ce qui permettra une meilleure prise en compte des temps de coordination avec les autres professionnels et les familles.
Je voudrais à mon tour remercier tout particulièrement Florence Veber et Jean Charles Ringard d'avoir pu mener à bien ce travail semé d'embûches, difficile et d'avoir fait en sorte que la volonté politique des Ministres rejoigne de façon tout à fait opérationnelle et concrète l'attente légitime des parents et des associations.
Que ces dernières continuent à se mobiliser. Elle seront régulièrement consultées et tenues informées par le comité interministériel de suivi que nous allons installer dans les prochains jours.
Avant de passer la parole à Dominique Gillot, à qui je veux rendre hommage pour ce travail qu'elle a soutenu de manière tout à fait déterminée depuis le début, je souhaite rappeler que ce plan participe pleinement à la volonté du gouvernement de réduire les inégalités et de prévenir les difficultés d'accès à la prévention et aux soins encore trop souvent constatées.
Même si, comme on l'a vu, les troubles spécifiques du langage peuvent toucher tous les enfants indifféremment de leur origine sociale ou culturelle, la reconnaissance de ces troubles, et leur prise en charge sont, nous le savons tous, d'autant plus aisés qu'ils surviennent chez un enfant appartenant à ce que l'on appelle un milieu favorisé.
Aussi, la mise en uvre des mesures tant pédagogiques que médicales de ce plan, permettront de repérer, de diagnostiquer et de prendre en charge ces troubles chez tous les enfants le nécessitant. Les actions que l'on mène de concert avec Jack Lang, dans les quartiers les plus difficiles, visent justement à faire en sorte qu'aucun enfant repéré comme porteur d'un trouble spécifique du langage ne soit laissé sans accompagnement lui permettant d'avoir accès à des soins et à un suivi de qualité.
Je vous remercie


(source http://www.sante.gouv.fr, le 22 mars 2001)