Texte intégral
Q - Catherine Colonna, bonjour.
R - Bonjour.
Q - Merci infiniment d'être sur ce plateau, vous êtes la ministre déléguée aux Affaires européennes, en 2009 l'Europe devra avoir trouvé une solution définitive à sa crise ?
R - Définitive peut-être pas, mais avoir trouver une solution pour sortir du blocage institutionnel dans lequel nous sommes depuis deux ans. Il faut prendre acte de ce qui s'est passé en France et aux Pays-bas, et puis en Europe où beaucoup de nos partenaires ont suspendu le processus de ratification. Maintenant il faut en sortir, il faut repartir. Tout ne dépend pas des institutions, mais il faut aussi de bonnes institutions pour faire de bonnes politiques.
Q - Alors trouver une solution, cela veut dire quoi dans votre esprit, dans l'esprit de vos partenaires européens ? C'est un nouveau traité ? C'est revenir en arrière ? C'est un traité a minima comme cela peut-être proposé en France ?
R - Certainement pas revenir en arrière ! Nous avons besoin d'aller de l'avant et d'y aller peut-être avec plus de coeur et de conviction que ces derniers temps. Donc un nouveau traité, oui, un nouveau traité qui sera plus simple. Soyons pragmatiques, il faut maintenant sortir de cette impasse. Comment ? En partant de la base du traité qui a été signé par tous et en regardant tranquillement, pragmatiquement, mais rapidement, ce que l'on peut garder et ce que l'on remettra à plus tard.
Q - Vous dites effectivement un traité plus simple. Qu'est ce que l'on retire ?
R - Je crois qu'il faut plutôt se demander : que veut-on y mettre ? Et ce que l'on veut y mettre, par priorité, ce sont de nouveaux mécanismes de décision, des mécanismes rénovés. L'Europe à 27 a du mal à prendre des décisions, tout simplement parce que dans un certain nombre de sujets l'unanimité est un facteur de blocage. Or nous devons prendre des décisions qui permettent à l'Europe d'être efficace, qui lui permettent d'assumer sa vocation et d'être comprise des citoyens européens. Donc, en priorité, je crois que c'est cela. Si nous pouvons faire davantage, nous le ferons, sinon nous ferons les choses en deux temps. Depuis plusieurs mois, je suis arrivée à la conclusion que c'est une démarche pragmatique, en deux temps, qui nous permettra de tenir le mieux notre objectif de 2009.
Q - Il y a quand même, Catherine Colonna, une triste ironie du sort à célébrer aujourd'hui le 25 mars 1957 alors que l'Europe est quand même vraiment en panne, l'Europe est en crise.
R - Je crois que cet anniversaire, au contraire, nous offre une occasion formidable, celle d'écarter ce qui est éphémère et de regarder ce qui est essentiel. L'occasion de se souvenir de ce que l'Europe nous a apporté : la paix, la démocratie, la sécurité, un cadre pour notre développement économique et social. Et l'occasion de trouver là dedans la force de vouloir aller plus loin. Quelque part - je vais être très directe -, il est temps de savoir ce que l'on veut. Que veut-on ? Quel est notre intérêt ? Rester au milieu du gué ? Ou avoir une Europe efficace ? Si on le veut, faisons-le, et faisons-le résolument et positivement, avec coeur.
Q - Les valeurs communes existent, vous l'avez dit, elles vont être rappelées ce week-end. Mais finalement c'est la mise en musique, c'est la mise en oeuvre qui est complexe. Vous n'avez pas tout à fait répondu à ma question, vous savez dire ce que vous voulez mettre dans ce traité constitutionnel, mais vous n'osez pas dire ce qu'il faut retirer. Est-ce que ce n'est pas tout simplement parce qu'il y a encore des sujets cruciaux qui fâchent en Europe ?
R - Il y a des sujets difficiles, la déclaration de Berlin apportera sa contribution pour une relance de l'Europe, j'en suis convaincue, je pense que cela restera une date importante dans l'histoire de l'Europe. Ce que l'on y trouvera, c'est le rappel de ce que nous donne l'Europe et c'est sans égal : ce sont nos valeurs, les principes sur lesquels l'action est fondée et ce sont nos ambitions. Alors, vous me demandez des exemples, je ne vais pas vous dévoiler la déclaration de dimanche, mais je peux vous dire qu'elle permettra, de façon simple et compréhensible, de montrer que nous avons besoin de l'Europe qui est notre avenir commun, quoi que l'on en pense. C'est notre avenir commun, à nous de le prendre en main. Je vais vous donner deux ou trois exemples : aucun des grands défis du monde d'aujourd'hui ne peut être résolu par un Etat seul, aussi puissant soit-il. Nous avons besoin de l'Europe pour cela, nous avons besoin de réponses collectives. Le défi énergétique, la lutte contre le changement climatique, les inégalités de développement entre le Nord et le Sud qui sont redoutables de dangers et scandaleuses, notre sécurité, les migrations, les efforts supplémentaires qu'il nous faudra faire pour investir massivement dans la recherche et dans l'innovation. Veut-on relever ces défis ou non ? Réponse dimanche, mais vous verrez, la réponse sera "oui".
Q - Nous serons là et nous en parlerons dans notre journal de lundi ! Mais parlons des choses joyeuses. Vous avez mis d'une certaine manière, et passez moi l'expression, "le paquet" pour cette commémoration, avec un euro frappé spécialement pour l'occasion. Et l'Europe quinquagénaire est également présente désormais dans l'univers virtuel de "Second Life", c'est une première ! Nous sentons bien tout de même, malgré ces initiatives, Catherine Colonna, qu'il est difficile de faire connaître, aimer, adopter, en France l'identité européenne.
R - Il est vrai qu'il est difficile de parler d'Europe. L'essentiel c'est le fond, c'est le sommet de Berlin dimanche. Mais nous avons fait un certain nombre d'opérations spéciales pour que tous les Français s'approprient cette Europe qui est la leur et dont l'avenir dépend de l'énergie qu'ils mettront à la construire conformément à leurs voeux. Je crois qu'il y a beaucoup d'attentes, et il faut se donner du mal, les uns et les autres, pour que cela marche. D'où "Second Life" et, pour s'adresser aux jeunes, il y a eu des concours de reportages dans les lycées, des kits pédagogiques qui ont été diffusés dans les écoles. Il y a aussi un timbre qui commémore le Traité de Rome, avec les signatures en filigrane : nous avons vu tout à l'heure les images d'archives du 25 mars 1957 avec, aux côtés du chancelier Adenauer, Maurice Faure. Maurice Faure qui est signataire français du Traité, qui est encore avec nous, et qui sera d'ailleurs à Berlin, invité par le président de la République et Mme Merkel. Ce sont des occasions de s'arrêter un instant, de s'écarter du brouhaha des choses, ou des impatiences, et de se demander : Où en sommes-nous ? Que voulons-nous ? Quel est notre intérêt ?
Q - Les dirigeants européens, en tout cas, sont impatients de voir qui sera le futur président ou la future présidente en mai 2007, nous sommes maintenant à 30 jours du premier tour, beaucoup de voix s'élèvent pour déplorer le fait que l'on ne parle pas assez d'Europe dans cette campagne et je suis sûre que vous serez d'accord, Catherine Colonna, pourtant les candidats ont tous un volet européen dans leur programme. L'Europe vue par les candidats, un dossier préparé pour nous par Patrick Jean-Pierre.
- Reportage -
La vraie question est celle-ci : faut-il un référendum pour ce nouveau traité ou une simple ratification parlementaire ?
R - Je dirais deux choses, rapidement. Premièrement, il faut parler d'Europe. Il faut parler d'Europe parce que notre avenir en dépend et parce que je souhaite que les Françaises et les Français puissent exercer leur choix démocratique en connaissance de cause. Deuxièmement, parler d'un référendum aujourd'hui est une erreur, cela n'a pas de sens. Notre priorité doit être de faire un nouveau texte, et de forger un nouveau consensus. Le président de la République qui sera en fonction au moment où il faudra le faire ratifier prendra sa décision, à ce moment là.
Q - Dernière question, Catherine Colonna, il n'aura pas été trop difficile d'être, précisément, la ministre en charge des Affaires européennes après le référendum de 2005 ? Finalement, vous n'avez pas eu la tâche facile ces derniers mois !
R - C'est une situation inédite, au sens propre. Aucun ministre français ne s'était occupé des affaires européennes après un référendum négatif... et je souhaite que ce soit une situation qui reste inédite et que mon cas reste un cas unique. Ce n'était pas facile, mais la France a tenu son rang, elle a fait ce qu'il fallait et maintenant il faut repartir d'un meilleur pied, en assumant ce que l'on fait, en ayant la fierté de faire l'Europe.
Q - Merci beaucoup Catherine Colonna d'avoir été l'invitée de ce journal.
R - Merci.Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 27 mars 2007