Déclaration de M. Philippe Douste-Blazy, ministre des affaires étrangères, lors de la conférence de presse conjointe avec M. Vuk Draskovic, ministre serbe des affaires étrangères, sur le projet de statut du Kosovo préparé par l'émissaire spécial de l'ONU Martti Ahtisaari et les relations de la Serbie avec l'Union européenne, Belgrade le 22 mars 2007.

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Circonstance : Voyage de Ph. Douste-Blazy dans les Balkans les 22 et 23 mars 2007 : entretien avec Vuk Draskovic le 22 à Belgrade

Texte intégral

Cher Ami, je suis heureux de vous retrouver ici à Belgrade, où j'étais déjà venu en décembre 2005. Vous connaissez les liens d'amitié profonde qui existent entre nos deux pays. C'est dans cet esprit d'amitié, de franchise, d'ouverture vers un avenir européen commun, que j'ai entrepris cette visite aujourd'hui. Je reviens à Belgrade malheureusement aussi à un moment où l'on voit que les négociations entre Belgrade et Pristina n'ont pas véritablement avancé - concernant bien sûr la question du Kosovo - et dans la période où le Conseil de sécurité des Nations unies va s'emparer de ce dossier.
Je me suis entretenu avec le Premier ministre sortant, M. Kostunica, et mon homologue et ami, M. Draskovic, et je rencontrerais ce soir le président Boris Tadic. La question du Kosovo est naturellement au centre de nos discussions.
Mes interlocuteurs m'ont confirmé que la Serbie ne souhaitait pas que le statut préparé par Martti Ahtisaari, avec l'appui étroit de la communauté internationale, soit appliqué. Pour ma part, je suis convaincu que ce projet de statut est une opportunité pour la stabilité de l'ensemble de la région. C'est une solution qui concilie, d'une part, d'importantes garanties offertes à la communauté serbe, dont le respect sera d'ailleurs assuré par une présence civile et militaire internationale - et la France est également prête à garantir cela -, et, d'autre part, les aspirations de la majorité de la population du Kosovo.
Le projet de M. Ahtisaari permettra, en particulier, à la communauté serbe de disposer de ses propres municipalités, avec des compétences très étendues et des liens maintenus avec la Serbie. Ses droits seront garantis par une forte présence civile et militaire internationale. C'est la plus importante mission de police et de justice jamais menée par l'Union européenne. L'Eglise orthodoxe serbe disposera au Kosovo d'un statut exemplaire.
Nous avons enfin évoqué les relations de la Serbie avec l'Union européenne. J'ai rappelé à mes interlocuteurs que la Serbie restait pour la France le pays de référence pour les Balkans et pour la stabilité régionale. Je me réjouis des progrès accomplis par la Serbie depuis octobre 2000, mais j'ai également conscience que ma visite intervient, je le redis, à un moment délicat pour la Serbie.
Nous attendons la formation rapide d'un gouvernement proeuropéen permettant à la Serbie d'avancer sur la voie des réformes institutionnelles et du développement économique qui facilitera, bien sûr, les rapports entre la Serbie et l'Union européenne.
Q - Selon vous, la résolution de l'ONU est-elle attendue avant juillet ?
R - Sur ce point, comme vous le savez, le calendrier n'est pas encore totalement établi. M. Martti Ahtisaari est sur le point de transmettre le projet de statut du Kosovo au Conseil de sécurité des Nations unies. Je ne peux absolument pas préjuger du temps qui sera nécessaire à l'adoption d'une nouvelle résolution, mais je souhaite, dans l'intérêt de tous les habitants du Kosovo, que l'on trouve une solution de compromis.
Q - Est ce que la France et les Etats-Unis préparent ensemble une résolution sur le Kosovo ?
R - Nous sommes, avec les Etats-Unis, membres permanents du Conseil de sécurité des Nations unies et nous avons par conséquent l'habitude de travailler ensemble au sein de cette instance. Pour aboutir à un consensus, il faut un accord des différents membres du Conseil et nous travaillons actuellement avec nos partenaires, tous nos partenaires, membres permanents et non permanents du Conseil de sécurité.
Q - Est-ce que vous croyez que l'adoption d'une résolution basée sur le projet de statut de M. Ahtisaari pour le Kosovo déstabiliserait la région ?
R - Je crois que les deux parties de la question sont totalement liées. Pourquoi ? Parce que c'est une des dernières questions qui est posée ouvertement sur la stabilité des Balkans. Il est nécessaire d'avoir un cadre juridique qui permette une fois pour toutes - je l'ai dit à Pristina tout à l'heure - de respecter la communauté serbe, qui est minoritaire mais qui a un patrimoine culturel, un patrimoine cultuel, et qui a besoin, aussi, d'avoir une véritable décentralisation avec un lien direct avec Belgrade sur le plan financier ; une décentralisation profonde, mais qui respecte également les différentes cultures, les différentes religions, les différentes communautés.
Q - Avez-vous un commentaire sur la position de la Russie et sur son idée de changer le négociateur et d'avoir quelqu'un d'autre à la place de M. Ahtisaari ?
R - Martti Ahtisaari a conduit une négociation qui a duré près d'un an. Toutes les parties ont eu tout à fait le temps nécessaire pour exprimer leurs positions respectives. L'Envoyé spécial des Nations unies a été visiblement à l'écoute de l'ensemble des parties. Nous ne voyons pas, en l'état actuel des choses, d'éléments nouveaux, significatifs, qui viendraient subitement faire évoluer le dossier et justifier une reprise des négociations entre les parties.Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 26 mars 2007