Déclaration de M. Renaud Donnedieu de Vabres, ministre de la culture et de la communication, sur le rôle et la place de la diffusion de l'architecture et du patrimoine, Paris le 20 mars 2007.

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Circonstance : Visite inaugurale de la Cité de l'architecture et du patrimoine à Paris le 20 mars 2007

Texte intégral


Je suis très heureux de vous retrouver aujourd'hui dans l'aile Est du palais de Chaillot pour inaugurer la Cité de l'architecture et du patrimoine. Ce lieu est l'aboutissement d'un processus engagé depuis plusieurs années par le ministère de la culture et de la communication et destiné à donner à la France le grand établissement de valorisation et de diffusion de l'architecture et du patrimoine qui lui manquait.
Cette ouverture d'un nouvel établissement aux objectifs ambitieux sur les bords de la Seine, au pied de la Tour Eiffel, marque l'aboutissement d'un long et patient travail de reconnaissance et de consécration de la place et du rôle de l'architecture dans notre société, comme au sein du ministère de la Culture.
Ce projet est d'abord né de la volonté de Jacques Toubon en 1993 de créer un Centre national du patrimoine au Palais de Chaillot, projet porté par Maryvonne de Saint-Pulgent, directrice du patrimoine, et Jean-Marie Pérouse de Montclos.
Avec le retour de l'architecture au ministère de la culture en 1996 et la création de la direction de l'architecture et du patrimoine, le projet embrasse désormais un champ plus large : François Barré nouveau directeur, puis Wanda Diebolt, pilotent une mission de réflexion confiée à Jean-Louis Cohen qui propose la création d'une cité de l'architecture et du patrimoine. Le Musée des monuments français est fermé à la suite d'un incendie le 22 juillet 1997.
A partir de 2003, le projet, désormais conduit par Michel Clément, nouveau directeur de l'architecture et du patrimoine et Ann-José Arlot, directrice chargée de l'architecture, puis Jean Gautier, devient réalité par la création le 9 juillet 2004 de l'établissement public de la cité de l'architecture et du patrimoine.
Rassemblant trois départements constitutifs, le musée des monuments français, l'Institut français d'architecture et l'école de Chaillot, le nouvel établissement a vocation à assurer une mission nationale et internationale de diffusion de l'architecture et du patrimoine sur plus de 20 000 m².
Il a fallu du temps, de l'énergie, de la volonté pour que ce nouvel équipement culturel ouvre enfin ses portes à nos concitoyens.
Il est vrai que la conception et la mise en place d'un projet culturel d'une telle ampleur a besoin de temps pour mûrir, et ce temps de maturation a permis de l'enrichir, grâce au rôle croissant des questions d'architecture dans notre société, et nous pouvons nous en féliciter.
Je salue donc avec beaucoup d'émotion et de gratitude tous les acteurs de cette magnifique aventure, portée depuis quatorze ans par notre ministère, et en son sein par la direction de l'architecture et du patrimoine.
Cher François de Mazières, le destin de ce grand vaisseau vous est confié et il vous appartient désormais de le faire prospérer en vous appuyant, sur la compétence et l'engagement de l'ensemble de vos équipes et des directeurs de département Marie-Paule Arnaud, Francis Rambert, et Mireille Grubert, à qui j'exprime également ma confiance et ma reconnaissance.
Je veux également féliciter chaleureusement les architectes Jean-François Bodin et Jean-François Lagneau, architectes et maîtres d'oeuvre de l'opération, ainsi que le maître d'ouvrage délégué, l'Établissement public de maîtrise d'ouvrage des travaux culturels (EMOC). Durant des mois, ces professionnels, associant les savoir-faire les plus traditionnels et les techniques modernes ont oeuvré pour reconstituer et transformer l'architecture du Palais et redonner vie à l'ancien musée des monuments français, oeuvre de l'architecte Jean Carlu.
Le réaménagement intérieur et la restructuration des espaces muséographiques se poursuivront jusqu'en septembre 2007, date à laquelle le public pourra découvrir la totalité des 22 000 m² dédiés à l'architecture et au patrimoine.
Aujourd'hui, nous inaugurons deux expositions d'architecture : la première, « Avant-Après » ou l'architecture au fil du temps, située dans la galerie de l'ancien musée du cinéma, au dessus de la mythique Cinémathèque, nous entraine dans une déambulation imagée à travers l'architecture contemporaine - minérale ou végétale, bâtiment singulier ou quartier de ville, espace public ou jardin privé. Le cinéaste Patrick Boulet et le scénographe Patrick Bouchain immergent le spectateur dans un espace temps propre aux dimensions de l'architecture.
L'exposition consacrée à Christian de Portzamparc, grand prix national de l'architecture, nous livre sa réflexion sur la ville et nous dévoile ses réalisations récentes et ses projets en cours.
D'autre part, l'exposition Génération Europan retrace 20 ans de concours Europan, qui, depuis sa création, a fait émerger sur la scène européenne les talents de jeunes architectes dans les domaines de l'architecture et de l'aménagement.
En septembre, le public pourra découvrir l'ensemble des espaces de la Cité de l'architecture et du patrimoine, et tout d'abord, la galerie des moulages, dans laquelle nous sommes, qui présente les oeuvres du musée de Sculpture comparée, voulu par Viollet-le-Duc et présenté au public pour la première fois en 1882, puis entièrement rénové à l'occasion de l'Exposition universelle de 1937, pour prendre le nom de Musée des Monuments français. Toutes les oeuvres présentées dans la galerie des moulages sont des relevés à l'échelle « 1 » qui ont été réalisés selon la technique traditionnelle de l'estampage sur des édifices français, civils ou religieux. En 1937, un département de peintures murales vient compléter celui des moulages, pour répondre alors au souci de réhabiliter des peintures murales françaises, encore largement méconnues du public.
Vous découvrez la suite du parcours qui s'ouvre sur l'architecture moderne et contemporaine. L'ambition est la même que celle qui a prévalu initialement, faire connaître et reconnaître l'architecture aujourd'hui encore méconnue du grand public. Ce nouveau parcours est consacré à 150 ans d'architecture française, de 1850 à nos jours. Jamais l'évolution architecturale n'a été aussi importante qu'en ces quelques décennies, où l'architecte est amené à construire pour le plus grand nombre : mise au point de matériaux et de structures jusqu'alors inconnus, multiplication de programmes innovants, développement spectaculaire des villes et renouvellement des problématiques urbaines. Densité, mobilité, urbanité sont les trois concepts clés de cette période, marquée par une accélération des destructions et des reconstructions, propre à brouiller les repères traditionnels en matière d'architecture.
La Cité de l'architecture et du patrimoine répond à l'exigence de combler le déficit de connaissance de l'architecture auprès du grand public, en permettant à tous les publics de découvrir l'histoire de l'architecture, ainsi que les acteurs de l'architecture contemporaine.
Pour répondre à cet objectif, la Cité fonde sa création autour de quelques principes auxquels je suis personnellement attachés et qui demeurent des défis à relever pour demain :
Le premier principe, c'est l'accès à une culture architecturale de qualité. L'intervention des architectes est fondamentale dans l'évolution du cadre de vie et la reconnaissance de leurs savoir-faire est indispensable à l'amélioration de notre cadre de vie. La Cité n'est pas un équipement parisien mais un établissement national qui doit travailler avec tous les acteurs de notre pays : architectes, Conseils d'Architecture, d'Urbanisme et d'Environnement (CAUE), centre de diffusion, écoles, universités.
Ainsi, la réforme des études d'architecture est aujourd'hui entrée en vigueur et cette formation, qui s'inscrit désormais dans le système européen du LMD, bénéficie d'une meilleure reconnaissance de l'enseignement supérieur de l'architecture.
Pour le jeune public, plusieurs programmes de sensibilisation des scolaires à l'architecture et à l'urbanisme ont été mis en oeuvre en liaison avec les DRAC et les rectorats. J'attache beaucoup d'importance à ces actions. L'éducation à l'architecture doit faire partie de l'éducation artistique et culturelle. J'encourage la réflexion sur les « Repères pédagogiques en architecture pour le jeune public », qui sera prochainement publiée avec le ministère de l'éducation nationale, afin de mieux prendre en compte l'ensemble des programmes scolaires quelques notions d'architecture, indispensables à une véritable culture urbaine et architecturale, afin de permettre aux jeunes Français d'exercer pleinement leurs responsabilités de citoyens.
Le second principe fondateur est la nécessité d'un dialogue permanent entre patrimoine et création architecturale. La Cité offre à l'architecture contemporaine et historique un espace partagé entre collections historiques et expositions novatrices d'architectes, lieu de partage et d'échanges d'expériences. Cet établissement doit devenir le lieu où le visiteur est sans cesse confronté à une multiplicité de propositions et où la création architecturale la plus novatrice côtoiera les portails des plus belles cathédrales et des plus prestigieux hôtels de l'époque médiévale et de la Renaissance. Parce que c'est en montrant de quelle manière la création s'inscrit dans une perspective historique que le patrimoine devient l'outil de compréhension de l'architecture contemporaine.
Cette ouverture traduit les actions du ministère menées en matière de qualité architecturale, de préservation des centres historiques des villes et des paysages culturels. Notre exigence commune doit être de maintenir la continuité avec le passé et de susciter la création architecturale au coeur de la fabrication des espaces.
Nous devons faire de l'architecture une culture partagée, une culture du vivre ensemble, et du cadre de vie, à l'instar de la 3e édition de « Vivre les villes », qui s'est déroulée sur l'ensemble du territoire. Des réalisations architecturales, urbaines et paysagères exemplaires, montrées et commentées par le biais de visites, animées par des professionnels, incitent tous les Français à découvrir leurs villes.
Un dernier principe pour cette cité, c'est l'ouverture et l'échange entre la France et l'étranger, entre le grand public et les professionnels. Il s'agit à la fois de favoriser le rayonnement de l'architecture française à l'étranger et de l'ouvrir aux expériences et réalisations étrangères, afin qu'elle puisse s'enrichir et s'affirmer sous diverses formes.
Les 26 écoles nationales supérieures d'architecture, les conseils d'architecture, d'urbanisme et de l'environnement, les maisons de l'architecture et les villes et pays d'art et d'histoire constituent les lieux de diffusion et de valorisation de l'architecture contemporaine, dont l'ampleur et la diversité sont encore aujourd'hui assez mal connues. La nouvelle Cité doit contribuer à l'action de ces réseaux locaux, nationaux et internationaux de diffusion, de préservation et de valorisation de la culture architecturale et patrimoniale, pour favoriser leur développement, la promotion de l'architecture contemporaine et de la qualité de la création française.
Les architectes, les maîtres d'ouvrage, les urbanistes et les paysagistes sont les acteurs de la qualité de vie de nos villes. Aujourd'hui, le dialogue est une nécessité, pour que la diffusion de la culture architecturale et urbaine auprès du public soit un facteur d'enrichissement et de progrès, et non d'incompréhension et de conflit. C'est l'ambition de la nouvelle « école de la maîtrise d'ouvrage », qui élargit la formation des commanditaires aux problématiques liées à la nécessaire prise en compte du patrimoine et du paysage dans les projets de développement et d'aménagement de nos territoires.
Au moment où tous nos concitoyens s'interrogent sur leur cadre de vie, je suis très fier de contribuer à ouvrir 22 000 m² à l'architecture, pour offrir à cette discipline un lieu d'échanges et de dialogue avec le public afin qu'elle puisse se rendre accessible à tous .
Je souhaite tous les voeux de réussite à la Cité de l'architecture et du patrimoine pour inscrire la modernité au coeur de la capitale, et contribuer à instaurer un rapport nouveau entre l'architecture et la ville.
Je vous remercie.Source http://www.culture.gouv.fr, le 21 mars 2007