Texte intégral
Travailleuses, travailleurs, camarades et amis,
Eh bien oui, il serait possible de préserver les travailleurs et l'ensemble de la société de trois catastrophes majeures qui sont le chômage massif, la crise du logement et la dégradation du niveau de vie de la plus grande partie de la population !
Les mesures qu'il serait nécessaire de prendre sont des mesures radicales mais simples, claires et parfaitement réalisables, sans même qu'aucune n'implique l'expropriation du grand capital et la transformation de la propriété privée des grandes entreprises en propriété collective.
Quand j'ai avancé ces mesures pour la première fois, lors de l'élection présidentielle de 1995, il y a douze ans déjà, alors que la crise n'était pas encore si grave, j'étais bien seule à en populariser l'idée. Certaines d'entre elles sont reprises aujourd'hui par d'autres candidats d'extrême gauche, mais elles ne le sont pas, et je ne m'en étonne pas, par ceux qui ont une chance d'arriver au pouvoir.
Certes, je n'ai jamais eu la naïveté de penser que, sans y être contraint, un gouvernement les reprenne à son compte et, surtout, les applique.
Que la droite ne se soucie pas de l'inexorable descente vers la misère de tous ceux qui vivent et travaillent sans exploiter personne, est dans l'ordre des choses. La droite défend ouvertement les intérêts du grand patronat, et elle trouve normal que les riches s'enrichissent en appauvrissant les autres. Elle trouve normal que les grandes entreprises mettent à la porte des centaines ou des milliers de salariés simplement pour voir le cours de leurs actions en Bourse gagner quelques points.
Je n'ai jamais cru non plus que la gauche au pouvoir serait capable de prendre des mesures efficaces pour arrêter la dégradation des conditions d'existence des travailleurs.
Dès que j'ai avancé ce programme de défense des travailleurs, à l'époque sous le nom de « programme d'urgence » ou de « plan d'urgence », j'ai dit qu'on ne pouvait compter ni sur la droite, ouvertement au service du grand patronat, ni sur la gauche, hypocritement servile envers lui.
Il aurait fallu que ces mesures indispensables pour les travailleurs soient imposées, aussi bien au gouvernement qu'au grand patronat, par un puissant mouvement social susceptible de les faire reculer. Faut-il rappeler qu'en 1936 comme en 1968, ce sont les luttes sociales, les grèves, les occupations d'usines qui ont contraint le gouvernement en place à prendre des mesures qui reprenaient quelques-unes des revendications ouvrières, tout en les modérant, voire en les détournant ? En 1936, c'est un gouvernement de gauche, celui du Front populaire, qui dut s'exécuter. En 1968, ça a été un gouvernement de droite, sous la présidence de De Gaulle, un général réactionnaire !
Aucun mouvement de même ampleur ne s'est produit au cours des récentes années, même si 1995, l'année de la présidentielle précisément, s'est terminée sur la grève des cheminots, entraînant une partie des travailleurs de la Fonction publique. Assez puissant pour stopper momentanément l'attaque de Juppé contre les retraites dans la Fonction publique, le mouvement n'a pas été assez large pour stopper l'offensive du patronat et du gouvernement sur d'autres terrains.
En l'absence d'un coup d'arrêt assez puissant, la dégradation sociale n'a jamais cessé. Le patronat a bénéficié du chômage pour contenir, voire faire baisser les salaires, pour accroître le rythme du travail, pour licencier et faire faire plus de travail avec moins d'ouvriers, pour aggraver l'exploitation. Et le gouvernement Chirac-Villepin-Sarkozy, reprenant un plan préparé par Jospin, a finalement réussi à repousser l'âge de la retraite et a diminué les pensions pour à peu près tout le monde.
Les gouvernements, ceux de droite bien sûr, mais aussi le gouvernement de la Gauche plurielle dirigé par Jospin de 1997 à 2002, dont ont fait partie Dominique Voynet et Marie-George Buffet, ont exécuté servilement les exigences du grand patronat : la dégradation de tous les services publics dont les plus rentables ont été livrés au privé, la flexibilité du travail, la généralisation des contrats précaires. Il y a eu d'innombrables autres mesures touchant l'ensemble des travailleurs ou telle ou telle catégorie, souvent parmi les plus fragiles et qui avaient le plus de mal à se défendre.
Tout cela fait que, pour les travailleurs, si les choses ont changé depuis 1995, c'est en pire !
Au cours des douze dernières années, le pouvoir d'achat des salariés a reculé et le chômage n'a pas diminué malgré les manipulations statistiques et les mensonges de ceux qui nous gouvernent. Et, quant à la crise du logement, déjà importante en 1995, elle s'est considérablement aggravée au cours des dernières années en raison de la spéculation immobilière qui a fait s'envoler les prix au point qu'une fraction croissante des classes populaires est mal, très mal ou pas du tout logée. Les événements du début de cette année et l'action des « Enfants de Don Quichotte », après ceux de « Droit au Logement » ont attiré l'attention sur cette catégorie de travailleurs qui ont un emploi, parfois dans de grandes entreprises, voire dans des administrations publiques, et qui, pourtant, n'ont pas de quoi payer le loyer exigé par les propriétaires. Trop nombreux sont ceux qui, faute de logement, dorment sous les ponts ou peuplent les bords du boulevard périphérique à Paris !
Cette dégradation dans tous les domaines ne peut pas, ne doit pas se poursuivre indéfiniment ! Tôt ou tard, la colère éclatera et provoquera un mouvement revendicatif vaste, puissant, englobant tout le monde du travail. Et c'est pourquoi il est important que ce mouvement ne se trompe pas d'objectifs et ne prenne pas l'accessoire pour l'essentiel, et c'est l'un des buts de ma campagne.
Le programme sur lequel je demande aux électeurs populaires de se prononcer en votant pour ma candidature est un programme de défense des travailleurs pour empêcher qu'une fraction croissante de la principale classe productive de la société soit de plus en plus poussée vers la misère.
Ce programme, même s'il ne s'attaque pas à la propriété privée des entreprises, implique cependant que l'on impose une autre utilisation des profits gigantesques que réalisent depuis plusieurs années toutes les sociétés, en particulier les plus grandes entreprises. Et, au contraire de ce qu'ont fait tous les gouvernements de droite comme de gauche au cours des dernières années, ce programme implique qu'au lieu de privilégier les intérêts de la classe capitaliste, on cherche à rétablir un peu l'équilibre en prenant sur les privilèges économiques des propriétaires de capitaux pour améliorer le sort des classes populaires.
Il faut, en effet, financer les mesures favorables aux classes populaires par le budget de l'État alimenté par une augmentation sélective des impôts, une augmentation qui frappe plus fort les bénéfices des sociétés et les plus hauts revenus.
Le budget de l'État joue de moins en moins un rôle de compensation des inégalités de revenus. C'est même l'inverse. Depuis plusieurs années, il donne bien plus aux groupes industriels et financiers que ce qu'il en reçoit en impôts. Qu'il soit seulement dit que, dans la même année 2005, le montant total de l'impôt sur les sociétés a rapporté au budget la somme de 53 milliards d'euros, alors que rien que les aides publiques directes aux entreprises se sont montées à 65 milliards d'euros, et encore bien plus aujourd'hui !
Il n'y a aucune nécessité économique ou sociale d'avoir fait baisser l'impôt sur les bénéfices des sociétés des 50 % qu'il était sous Giscard, il y a trente ans, aux 33 % qu'il est actuellement ! Cette diminution n'a fait que contribuer à l'explosion des profits et à diminuer les ressources de l'Etat au détriment de tous les services publics utiles à la population. L'impôt sur les bénéfices pourrait et devrait être immédiatement ramené aux 50 % qu'il était auparavant. Aucune société n'est morte, à l'époque, de ce taux d'impôt à 50 % des bénéfices, et il n'y avait même pas de bousculades à la frontière de la Suisse pour y mettre à l'abri les coffres-forts des entreprises !
Rien que pour ce qui est des sociétés du CAC 40, cette augmentation du taux de l'imposition permettrait à l'Etat de récupérer 17 milliards d'euros de plus. C'est une somme qui représente près du triple du déficit de la Sécurité sociale en 2006 ! Et ce sont 10 milliards supplémentaires que représenterait pour les entreprises autres que celles du CAC 40 le rétablissement de l'impôt sur les bénéfices à 50 %, soit la récupération de27 milliards d'euros au total.
Par ailleurs, l'impôt sur le revenu des personnes physiques doit être modifié. Il est injuste que les revenus les plus élevés soient proportionnellement les moins imposés à cause de la réduction du nombre des tranches et de la limitation des tranches supérieures de l'impôt, limitation à laquelle ont contribué tous les gouvernements.
Donc, pour que le budget de l'État permette de rétablir le rôle des services publics et de construire les logements sociaux nécessaires, il faut d'abord rétablir l'impôt sur les bénéfices et les tranches supérieures supprimées de l'impôt sur le revenu.
De plus, les plus riches bénéficient d'une multitude de dégrèvements d'impôt, pour l'emploi de personnel domestique, pour des investissements dans l'immobilier locatif, pour l'achat de navires de plaisance, pour les placements dans les DOM-TOM, d'une multitude de niches fiscales. L'ensemble de ces niches fiscales représenterait 40 milliards de manque à gagner pour les caisses de l'État. Il n'est que justice qu'elles soient supprimées !
«Prendre sur le profit » signifie simplement qu'on contraigne les plus riches à participer à l'effort nécessaire pour faire face à la crise sociale dramatique que représentent le chômage de masse, les bas salaires et la situation du logement populaire.
« L'État, c'est moi », affirmait, en son temps, Louis XIV. La guillotine qui coupa la tête d'un de ses successeurs allait montrer les limites historiques de cette prétention.
Mais, aujourd'hui, chaque patron déclare « L'entreprise, c'est moi ». Mais si l'entreprise est créatrice de richesses, comme aiment à nous le rappeler les économistes - en général pour nier les droits des travailleurs -, ce n'est pas grâce aux propriétaires, mais grâce à ceux qui y travaillent, grâce à ceux qui font tourner les chaînes de l'industrie automobile, qui font couler le béton pour les constructions ; grâce aux manoeuvres ou aux chercheurs, grâce aux caissières de supermarchés et aux employés des banques.
C'est pour cela qu'un programme de défense des travailleurs signifie nécessairement qu'il faut que les travailleurs, les salariés en général, puissent contrôler ce qui se passe dans leur propre entreprise, celle dont ils assurent collectivement le fonctionnement. Et, étant donné l'importance sociale de certaines entreprises qui jouent un rôle majeur dans l'économie, il faut que les consommateurs, que la population, participent à ce contrôle et aient accès à toutes les informations concernant ces entreprises.
La première mesure à prendre pour permettre un tel contrôle est donc de supprimer les lois sur le secret commercial, bancaire et industriel.
Que les employés, les comptables, les secrétaires, les ouvriers, les magasiniers, puissent dire si ce que les dirigeants des entreprises déclarent est vrai ou faux et qu'ils puissent vérifier si ce qu'on leur fait faire dans leurs entreprises correspond bien à ce qui est utile à la société.
Cette mesure n'est compliquée que pour ceux qui craignent que le contrôle par la population mette en évidence non seulement leurs profits, mais surtout la manière dont ils les obtiennent et, plus encore sans doute, le choix de leur utilisation.
Je ne parle pas seulement des détournements frauduleux. Encore que l'inculpation récente, mais à retardement, du PDG de Total a levé un petit coin du voile sur la caisse noire de cette entreprise qui sert à acheter, dans les pays producteurs de pétrole, des ministres, voire des chefs d'État et leur entourage.
Ce dont je parle, c'est du contrôle de la comptabilité ordinaire, quotidienne, aussi bien des recettes que des dépenses et de leur nature. Le contrôle de qui sont les fournisseurs d'une entreprise et pourquoi on les choisit. Qu'achète-t-on à un sous-traitant et à quel prix ?
Au détriment de quelles autres dépenses prélève-t-on les pourboires généreux que le grand capital sait distribuer à ses serviteurs de haut vol ? 8,4 millions d'euros pour Forgeard, ex-dirigeant d'Airbus. 8,2 millions pour Tchuruk, d'Alcatel, alors même que ces entreprises licencient. Mais il ne faut pas que l'arbre de ces « parachutes dorés » cache la forêt du fonctionnement capitaliste de l'économie et que l'on nous amuse avec ces exemples, car si scandaleux qu'ils soient, ils ne sont rien auprès des profits réalisés, et si les actionnaires acceptent cela, c'est qu'ils en reçoivent bien plus. Et ces injustices ne sont rien auprès des dégâts économiques que provoque la spéculation improductive issue de ces profits.
Il est à la mode dans les grandes entreprises d'externaliser telle production ou tel service. Il faut pouvoir contrôler pourquoi. A qui cela profite-t-il et au détriment de qui ? Et dans le cadre du grand commerce, il faut contrôler quels sont les prix payés aux producteurs de viande, de légumes, de fruits, surtout aux petits producteurs. Quelle est la marge du grand commerce sur les produits de consommation courante non industrielle ?
Et à quoi sert le profit dégagé ? Les défenseurs en tout genre de l'ordre capitaliste nous expliquent que le profit, c'est nécessaire parce que, suivant leur slogan d'il y a quelques années, « les profits d'aujourd'hui sont les investissements de demain et les emplois d'après-demain » ! Eh bien, c'est un mensonge !
Un des aspects majeurs de la crise économique dans sa phase actuelle est que, si les profits sont élevés, voire sans précédent, ils ne servent pas aux véritables investissements, c'est-à-dire à construire de nouvelles usines, à fabriquer de nouvelles machines, à lancer de nouvelles productions et, donc, à créer de nouveaux emplois.
Ce que les financiers et les bilans comptables appellent aujourd'hui les investissements, c'est seulement le fait de racheter tout ou partie d'une autre entreprise, concurrente ou pas, avec pour objectif principal de racheter son marché. Cette opération ne se traduit pas par la création de nouvelles forces productives, mais seulement par une concentration financière. Elle ne se traduit pas par la création de nouveaux emplois, mais au contraire par des restructurations, par l'élimination de prétendus doublons et par des licenciements.
La fusion récente de deux grandes entreprises en équipements de télécommunication, Alcatel et Lucent, en fournit l'illustration. La collectivité n'y a rien gagné, les usines sont les mêmes, mais plus de 12.000 personnes à l'échelle mondiale se retrouvent sur le pavé, dont 1.500 en France.
En passant, je rappelle que j'ai eu, bien souvent, l'occasion de dire à l'intention de ceux qui prétendent que le chômage est un problème de formation : qu'Alcatel-Lucent comme Airbus licencient des chercheurs, des ingénieurs, des techniciens, c'est-à-dire des travailleurs hautement qualifiés, qu'aucun diplôme ne protège du chômage et que, pour le patronat, un ingénieur est tout autant une unité comptable qu'un ouvrier sur chaîne, qu'il jette à la porte, sans état d'âme, lorsqu'il n'en espère plus le profit escompté !
Et j'en profite pour dire : prenons-en de la graine. Tout corporatisme, toute illusion que c'est en se cramponnant aux intérêts de sa catégorie que l'on se défend le mieux, est nuisible à nos propres intérêts. Par delà les catégories, par delà les barrières artificielles qu'on dresse entre travailleurs, c'est seulement ensemble que nous pouvons nous défendre !
Pour en revenir au contrôle sur les comptabilités, élément essentiel d'un programme de défense de la population travailleuse, il faut aussi se donner les moyens de connaître les projets à court et à long terme de l'entreprise. Il est, par exemple, inadmissible que sa direction puisse préparer un plan de licenciements un an à l'avance, voire plus, et que les travailleurs n'en soient avertis que lorsque le couperet tombe.
Mais je ne pense pas seulement aux licenciements, je pense aussi à tous les projets qui contiennent des menaces pour l'environnement. Il faut que les associations qui militent sur ce terrain puissent participer au contrôle, comme il faut que le puissent également les associations de consommateurs.
Sur le plan technique, tout cela ne pose aucun problème, il n'y a que la loi à changer. Il faut que les salariés ne soient plus assujettis au secret professionnel afin qu'ils puissent dire ce qu'ils savent.
Le contrôle exige aussi qu'on puisse rendre publics, c'est-à-dire accessibles à tous, les revenus, les avoirs et les biens de tous les grands patrons, de leurs alliés, de leurs hommes de paille. Le contrôle est indispensable pour pouvoir imposer au patronat les mesures d'urgence destinées à résorber le chômage.
Ce n'est ni exproprier, ni nationaliser les entreprises privées mais simplement les rendre transparentes en permanence pour la population.
C'est seulement ainsi que les travailleurs, les consommateurs, c'est-à-dire la population, pourront réellement contrôler les bénéfices et les profits, et s'opposer aux mauvais coups de ceux qui possèdent et dominent l'économie. C'est seulement ainsi qu'ils peuvent juger les décisions politiques de ceux qui défendent mieux les intérêts du capital que ceux du travail.
Ce contrôle est aussi de l'intérêt des autres classes populaires, les petits paysans, les petits pêcheurs, écrasés par les grandes chaînes de distribution et les artisans étranglés par les banques.
Ce sont les grandes entreprises qui ont une responsabilité majeure dans la gravité du chômage. A lire la liste des plans sociaux annoncés, ceux qui sont déjà en cours, comme chez Airbus, Alcatel-Lucent, Kodak ou Nestlé, ou ceux qui sont prévus, comme chez Michelin ou Peugeot-Citroën, on voit défiler le nom de toutes les entreprises du CAC 40, ou presque toutes ! Ce sont ces mêmes entreprises dont les dirigeants se vantent de profits exceptionnels. Et les rares sociétés qui ont fait moins de profits que l'année précédente en ont fait quand même d'importants !
C'est le contrôle étroit, quotidien, par les travailleurs et la population concernée qui permettra de vérifier que les licenciements collectifs ne sont jamais justifiés et qui permettra de s'y opposer. Le contrôle des comptabilités permettra de vérifier que l'on peut maintenir les emplois en prenant sur les bénéfices, soit ceux de l'année, soit sur ceux qui ont été accumulés dans les années précédentes.
Il faut les 35 heures sans dérogation. Il faut les généraliser à toutes les entreprises, interdire les heures supplémentaires et remplacer celles qui seraient nécessaires par des embauches supplémentaires.
Il faut remplacer tous les contrats précaires par des CDI et, pour éviter les temps partiels imposés, ne pas autoriser qu'un salaire puisse être inférieur au Smic même si le temps de travail est inférieur à 35 heures.
D'abord, parce que les entreprises qui, du fait de la nature de leurs productions ou de leurs services, ont intérêt à délocaliser, peuvent le faire actuellement, et le font déjà. Mais ces délocalisations sont loin d'être la cause principale du chômage actuel car elles sont marginales, et ce ne sont pas elles qui ont créé les trois millions de chômeurs ou tous les emplois précaires.
Ensuite, parce que la grande industrie, avec ses structures complexes intégrées dans tout un tissu industriel ici, aurait bien plus de mal à déménager. Comme auraient du mal à délocaliser les grandes chaînes commerciales tout simplement parce que le marché, parce que l'argent et le pouvoir d'achat, au moins des catégories aisées, sont ici, et pas dans les pays pauvres.
Auchan ou Carrefour ouvrent quelques supermarchés en Chine, mais ils ne déménageront pas tous leurs magasins dans ce pays, même si la main-d'oeuvre y coûte moins cher. Et, d'ailleurs, il n'est pas dit que les impôts y soient inférieurs. Et Total a beau extraire le pétrole au Gabon ou au Nigéria, il ne déplacera jamais en Afrique toutes ses pompes de distribution d'essence !
Toutes les entreprises industrielles ont un intérêt économique majeur là où est leur principal marché. On ne peut pas véritablement produire des camions en Chine pour les vendre en Europe. Bien des marques japonaises d'automobiles ont racheté ou construit des usines aux États-Unis, en Grande-Bretagne, en Allemagne ou en France pour éviter d'avoir à les transporter.
Mais il n'y a pas que les mesures en direction des grandes entreprises. L'État lui-même a supprimé, au fil du temps, des centaines de milliers de postes dans les services publics ou dans l'administration, emplois qui contribuaient à la vie quotidienne des classes populaires.
Les augmentations sélectives de l'impôt sur les bénéfices des sociétés et de l'impôt sur les hauts revenus dont j'ai parlé tout à l'heure devraient servir à inverser le mouvement et à créer des emplois utiles dans les services publics.
En réformant l'impôt, l'État peut et doit embaucher immédiatement du personnel dans les hôpitaux, à La Poste, dans l'Education nationale. Le personnel hospitalier travaille à la limite de ses possibilités. Les heures supplémentaires, en principe récupérables, ne sont jamais récupérées. Bien des hôpitaux ne pourraient tout simplement pas fonctionner s'ils n'imposaient pas au personnel des horaires de travail usants. Et, malgré les sacrifices imposés au personnel hospitalier, on ferme des salles dans les grands hôpitaux des grandes villes. On ferme aussi des petits hôpitaux en province ou des maternités, obligeant les malades ou les futures mères à faire des dizaines de kilomètres.
Et puis, il faut aussi embaucher à La Poste. Les fermetures de bureaux de poste dans les villages non seulement gâchent la vie, celle en particulier des personnes âgées ou qui ont du mal à se déplacer, mais contribuent à la décomposition de toute la vie sociale. Dans les grandes villes, le facteur qui passait deux fois par jour, fait partie de lointains souvenirs. Se rendre dans un bureau de poste en ville, même pour une opération simple et quotidienne, devient une épreuve, tant les files d'attente sont longues et le personnel débordé.
Il faut embaucher dans les transports en commun urbains et à la SNCF. Il faut embaucher et former des instituteurs, des professeurs, du personnel technique et médical dans l'Education nationale.
Et puis, il faut embaucher dans un nouveau service public à créer, un office national du logement, qui prendrait en main la construction des logements HLM qui manquent. Car la situation du logement populaire dans ce pays constitue une véritable catastrophe sociale. Les chiffres sont aujourd'hui largement connus. Selon la Fondation Abbé-Pierre, il y a un million trois cent mille familles inscrites sur les listes d'attente des HLM, trois millions de personnes sont mal logées.
La gravité de la crise est évidente. Il est inacceptable, il est scandaleux qu'au XXIe siècle, dans un des pays les plus riches de la planète, trois millions de personnes soient obligées de vivre dans des hôtels vétustes, dans des logements délabrés, dans des taudis infects, voire dans des caravanes, alors qu'il est possible, tout aussi bien sur le plan technique que sur le plan du financement, de construire le nombre de logements nécessaire pour résorber la crise du logement en trois ans !
En 2005, les entreprises ont bénéficié de 65 milliards d'aides publiques directes, et depuis, cela a encore augmenté. En outre, il y a plus de 35 milliards par an d'aides indirectes passant par le biais de surfacturations de produits et de services achetés par l'État, de terrains viabilisés offerts aux entreprises qui daignent s'installer quelque part ou encore par le biais de multiples avantages par lesquels l'État favorise les entreprises. Cela fait au bas mot 100 milliards par an qui sont donnés à fonds perdus aux entreprises, c'est-à-dire à leurs propriétaires, sans que ce soit utile en quoi que ce soit à la collectivité sans que le chômage cesse d'augmenter.
Et on continue à dépenser ainsi l'argent public, année après année, sous tous les gouvernements, alors que la crise du logement populaire est telle qu'elle devrait être une priorité nationale !
Avec ces 100 milliards annuels, il est possible de construire un million de logements à 100.000 euros l'unité. Et si l'État embauche lui-même sans que les bétonneurs à la Bouygues prélèvent leur part de profit, il est probable que la construction coûte moins cher encore. En trois ans, le problème actuel du logement populaire pourrait être réglé, en ayant non seulement satisfait les besoins immédiats, mais en les ayant dépassés en prévision de l'avenir pour faire aussi, par contrecoup, baisser les loyers du privé.
En ce qui concerne le foncier, l'État ne doit pas accepter pour ses projets la hausse spéculative des dernières années. Il faut réquisitionner à prix zéro les immeubles, les hôtels et les taudis que les marchands de sommeil mettent en location. Les propriétaires ont suffisamment gagné d'argent en louant depuis des années leurs taudis à des prix prohibitifs.
Et si c'est un office public qui centralise la gestion de la construction, il est possible de planifier de façon à éviter les ghettos, et de disperser les logements populaires en en construisant aussi dans les centres-villes.
Au cours des dernières années, le niveau de vie des classes populaires a considérablement reculé. Et là, je ne parle pas seulement des chômeurs ou des précaires, dont le pouvoir d'achat s'est véritablement effondré.
La baisse du pouvoir d'achat concerne même ceux qui ont conservé pendant tout ce temps un emploi stable, depuis le blocage des salaires, décidé pour la première fois par le gouvernement du socialiste Mauroy. Les salaires augmentent plus lentement que les prix et, surtout, les gouvernements successifs ont ajouté des prélèvements, comme la CSG ou le RDS, la hausse du forfait hospitalier, le non-remboursement ou le remboursement seulement partiel des médicaments ou des consultations médicales. Tout cela pèse sur le pouvoir d'achat.
Il est indispensable d'augmenter tous les salaires de 300 euros net, rien que pour retrouver le pouvoir d'achat volé au fil des ans. Aucun salaire ne doit être inférieur à 1500 euros net par mois, pas plus qu'aucune retraite ou allocation pour handicapé. 1500 euros, c'est un minimum pour vivre aujourd'hui !
Voilà le programme absolument nécessaire pour arrêter la dégradation des conditions d'existence des classes populaires.
Ce n'est bien sûr pas celui de Sarkozy, mais ce n'est pas non plus celui de Ségolène Royal. Et si Sarkozy peut aggraver encore les choses, Ségolène Royal ne pourra absolument pas les améliorer car elle laissera les mains entièrement libres au grand capital.
Ce programme exige des mesures autoritaires. L'État bourgeois lui-même sait, en temps de guerre, prendre de telles mesures. Eh bien, la lutte contre le chômage, contre la misère exige une politique au moins aussi autoritaire car c'est une question de survie de toute la population.
Un gouvernement qui aurait pour préoccupation d'arrêter la dégradation du sort des classes populaires pourrait appliquer ce programme qui est, sur le fond, fort modéré. Mais il faudrait pour cela être décidé à affronter la bourgeoisie pour l'obliger à renoncer à une partie des privilèges qu'elle s'est appropriés au cours des vingt-cinq dernières années, au détriment des classes laborieuses.
Et pourtant, aucun gouvernement de droite ou de gauche ne le fera naturellement car aucun d'entre eux ne voudrait toucher un tant soit peu aux intérêts et aux privilèges de la classe riche.
Cela va de soi pour Sarkozy ou pour Bayrou, sa copie conforme sur le plan social. Je ne discuterai pas leur programme, ici : le simple fait, de la part de Sarkozy, de n'avoir rien d'autre à dire à ceux qui ont de plus en plus de mal à boucler les fins de mois que : « travailler plus pour gagner plus », alors que près de trois millions de personnes n'ont pas de travail du tout et qu'à peu près autant des précaires voudraient bien travailler plus, témoigne du cynisme de cet homme et de son mépris des classes populaires.
Sur cette question, Le Pen, de Villiers, Sarkozy, ont tous le même programme, et Bayrou ne se distingue que dans les formulations. Et puis la droite vient de passer cinq ans au pouvoir, on a pu mesurer tous les dégâts de sa politique pour le monde du travail.
Mais on a pu mesurer aussi auparavant que la gauche au gouvernement ne valait guère mieux.
Le gouvernement Jospin a pris un certain nombre de mesures, comme le PACS ou la CMU qui représentent des avancées non négligeables mais pour des minorités, et des avancées qui ne coûtent rien à un patronat intouchable. Mais pas plus que la droite ne l'a voulu, la gauche n'a osé prendre des mesures qui pouvaient toucher si peu que ce soit aux privilèges exorbitants de la grande bourgeoisie.
Et il suffit encore de voir la campagne de Ségolène Royal qui se garde bien de prendre des engagements et qui pourraient, dès maintenant, fâcher le patronat. Elle préfère ne pas être élue que faire ce choix.
Même le Smic à 1500 euros, elle en parle de moins en moins. Et pourtant, il s'agit, pour elle, de 1500 euros bruts, c'est-à-dire 1254 euros net seulement, et pas dès son arrivée à la présidence, mais seulement « dès que c'est possible » ou à la fin de la législature ! Ce qui veut dire que, d'ici là, un tel Smic ne représentera pas plus de pouvoir d'achat, et plutôt moins, que celui d'aujourd'hui.
Et pour les autres salaires, il n'y a que cette promesse vague de demander à ceux qu'elle appelle les « partenaires sociaux » d'entamer des négociations. On sait en quoi consistent les négociations entre les patrons et les syndicats de salariés : les patrons disent non et les syndicats enregistrent. L'expression même de « partenaires sociaux » est un mensonge : patrons et travailleurs ne sont pas des partenaires car les premiers sont ceux qui détiennent le pouvoir et ils sont des ennemis pour les travailleurs !
Quant au chômage, à part les emplois-tremplins, si bien nommés pour dire qu'ils seront des sauts dans l'inconnu, il y a sa nouvelle trouvaille, le CPCE (Contrat Première Chance pour l'Emploi), qui est le frère jumeau du Contrat Première Embauche que Villepin a essayé d'imposer sans succès grâce à la mobilisation de la jeunesse. Ce contrat déborde même le CPE sur son côté pro-patronal : on ne se contente plus de supprimer les charges pour les patrons, mais l'Etat paie aussi les salaires à leur place ! Quel est le petit patron qui ne va pas se débarrasser du plus vieux de ses salariés ou du dernier embauché pour engager un jeune à ce tarif-là ?
Du côté du logement, la promesse de construire 120 000 logements par an, que contiennent les « cent propositions » de Ségolène Royal, ne permettrait à tous ceux qui sont sur les listes d'attente des HLM d'avoir un toit que d'ici dix ans. Et entre temps, il y en aura bien d'autres à s'inscrire sur les listes, sans même parler des deux autres millions de mal logés.
À ce qu'il paraît, devant les sondages qui donnent Ségolène Royal de plus en plus en retard sur Nicolas Sarkozy, certains de ses conseillers lui recommandent de gauchir son langage. « Il faut concentrer nos forces à gauche », proclame Henri Emmanuelli, recommandant au PS de retourner vers son électorat naturel.
Mais gauchir son langage, qu'est-ce que cela veut dire ? Si cela signifie prendre des engagements vis-à-vis des classes populaires sur leurs problèmes réels et urgents, Ségolène Royal ne le fera pas.
Si Ségolène Royal est élue, elle défendra, comme tous ses prédécesseurs de gauche comme de droite, les intérêts du grand capital. Mais ce faisant, elle ne pourra résoudre aucun des problèmes des classes populaires. Elle ne pourra rien pour résorber le chômage. Elle ne fera rien pour arrêter l'effondrement du pouvoir d'achat. Elle ne fera rien pour régler la crise du logement populaire.
Si elle peut difficilement faire pire que ce qu'ont fait, pendant cinq ans, le président et le gouvernement de droite, elle ne fera guère mieux, à part quelques gestes -si elle en trouve- qui ne coûtent rien au patronat.
Avec elle au pouvoir, les classes populaires ne seront pas protégées contre l'avidité du grand capital. Avec elle à la présidence, comme avec n'importe qui d'autre, la classe ouvrière n'aura que ce qu'elle sera capable d'imposer elle-même.
Mais il est vrai que, jusqu'à maintenant, même dans son vocabulaire et ses propos, Ségolène Royal a plus cherché à s'aligner sur Sarkozy qu'à s'en différencier. Comme Sarkozy, elle s'est élevée contre « la société d'assistanat ». Elle s'est faite la défenseure du profit et de l'esprit d'entreprise. Elle s'est engouffrée dans le faux débat sur l'identité nationale engagé par Sarkozy. Pendant que Sarkozy, les yeux fixés sur l'électorat du Front national, court derrière Le Pen -à moins que ce soit au devant-, Ségolène Royal, elle, court derrière Sarkozy.
Je ne sais pas si le fait de courir derrière l'électorat lepéniste sera payant pour les ambitions présidentielles de Sarkozy ou pas. Je suis certaine, en revanche, qu'à reprendre à son compte des thèmes de la droite, Ségolène Royal ne gagnera pas sur sa droite des électeurs supplémentaires. Tout cela représente un glissement à droite de l'ensemble. Ce qui finit par surnager dans tout ce concert, ce sont les idées réactionnaires formulées parfois de la pire des façons.
Et si, contrairement à 2002, Le Pen ne sera pas présent au deuxième tour, ses idées réactionnaires, ses slogans rétrogrades, auront marqué toute la campagne électorale.
Je voudrais revenir sur le débat à propos des drapeaux, de La Marseillaise et de l'identité nationale. De la droite jusqu'à la gauche, PC compris, on a entendu une surenchère de discours, la droite affirmant qu'il ne fallait pas laisser ce terrain à l'extrême droite, et la gauche qu'il ne fallait pas le laisser à la droite.
Gauche oblige, le PS comme le PC se sont justifiés en rappelant les origines révolutionnaires du drapeau tricolore.
Oh oui, au moment de la bataille de Valmy en 1792, le drapeau tricolore était le drapeau de la révolution ! Et il est resté pendant des décennies le symbole de la Révolution française de 1789 aux yeux de bien des peuples.
Mais, depuis que la France bourgeoise est devenue la France impérialiste, c'est sous ce drapeau que les troupes françaises ont massacré aux quatre coins du monde. c'est sous ce drapeau qu'on a massacré lors de la conquête de l'Algérie, de Madagascar, de l'Indochine, puis qu'on a assassiné ceux qui osaient remettre en cause la domination coloniale française. Dans tous ces pays, le drapeau français n'est pas le symbole de la liberté, mais, au contraire, celui de l'oppression et des oppresseurs.
Et puis, en France même, c'est sous ce drapeau qu'on a massacré les Communards et qu'on a tiré sur bien des grévistes et des manifestants, il n'y a pas si longtemps encore.
Mais, au fond, il n'y a pas à s'étonner que Ségolène Royal se l'approprie car son parti, le PS, a été celui qui a mené sous ce drapeau, pendant plusieurs années, la sale guerre d'Algérie qui a fait près d'un million de morts !
Eh bien, pour notre part, nous ne reconnaissons pas ce drapeau comme le nôtre. C'est le drapeau des fusilleurs, et nous, nous sommes du côté des fusillés. Et notre drapeau n'est pas le drapeau tricolore, mais le drapeau rouge, le drapeau des ouvriers, le drapeau de la révolution depuis que c'est la classe ouvrière qui incarne l'émancipation future de la société !
Et notre chant n'est pas La Marseillaise, que Ségolène Royal fait chanter à la fin de ses meetings, mais L'Internationale.
Le côté cocasse dans ce lamentable concert nationaliste, c'est qu'au même moment, les dirigeants politiques commémoraient le 50ème anniversaire du début du Marché commun et, donc, de ce qu'ils appellent la « construction européenne ». Qu'au bout de cinquante ans, on en soit encore à brandir les drapeaux nationaux est bien à l'image de leur Union européenne, qui n'est qu'une juxtaposition de nationalismes anachroniques et qui n'est unifiée tant bien que mal que pour les affaires, pour le marché, pour les capitaux.
Pour ma part, je réaffirme que l'avenir, ce n'est pas les repliements nationaux, ni dans la réalité, ni dans les têtes. L'avenir, c'est la suppression complète des frontières, c'est une Europe unie dont feront partie tous les peuples qui le désirent, sans rejeter quiconque.
Tout en reprenant en partie leur vocabulaire, c'est pourtant en brandissant conjointement le « danger Le Pen » et la nécessité de battre Sarkozy que le PS en appelle au vote prétendument utile, c'est-à-dire au vote en faveur de Ségolène Royal dès le premier tour.
En somme, dans le langage des dirigeants du PS, vaincre la droite et l'extrême droite, c'est faire taire tout ce qui est sur la gauche du PS, l'extrême gauche bien sûr, mais même l'allié de demain, le PC.
Eh bien non, il faut que l'opposition à la politique de Ségolène Royal ne vienne pas seulement de sa droite, mais aussi de sa gauche. Il faut surtout que se manifeste dans cette élection un courant qui n'abdique pas devant le camp patronal, représenté aussi bien par Sarkozy, Bayrou que par Royal.
Je ne sais pas, bien sûr, si Ségolène Royal sera élue ou pas à l'issue du deuxième tour. Toute la presse prétend, sur la base des sondage, que jamais depuis 1969 les intentions de vote en faveur de la gauche, toutes tendances confondues, n'ont été aussi basses. Si c'est le cas, les dirigeants de la gauche réformiste y sont pour beaucoup, aussi bien par leur politique au gouvernement dans le passé que par leur alignement sur la droite dans la campagne présente, et, surtout, par leur refus de s'engager sur des objectifs susceptibles de changer la vie des classes populaires.
Et puis, ne l'oublions jamais, si la droite est pour ainsi dire tout le temps majoritaire dans l'électorat, c'est parce qu'une partie importante du monde du travail, les travailleurs immigrés, sont écartés du droit de vote. La gauche avait pourtant promis de donner ce droit de vote au moins dans certaines élections, et elle en agite la promesse lorsqu'elle est dans l'opposition mais, au gouvernement, elle ne l'a jamais fait.
Alors, bien sûr, je suis pour que le droit de vote soit accordé aux millions de travailleurs qui vivent et qui travaillent dans ce pays, et à toutes les élections. Ce sera non seulement un geste démocratique élémentaire, mais aussi un renforcement politique du monde du travail et, surtout, des plus exploités.
Mais même si les travailleurs immigrés avaient ce droit, cela ne leur suffirait pas pour se défendre efficacement, pas plus que cela ne le suffit aux travailleurs qui ont déjà une carte d'électeur en poche. Car, si les élections permettent d'exprimer une opinion, elles ne permettent pas de changer la vie et de changer la société.
Mon camarade qui a parlé de la grève à Citroën n'a pas dit, et je le comprends, combien, parmi les grévistes, ont leur carte d'identité française et combien ne l'ont pas, combien sont d'origine française et combien sont d'origine maghrébine, africaine, turque ou de l'une de cette quarantaine de nationalités que compte l'entreprise. Ils ont pourtant, pendant plus d'un mois, attiré la sympathie de l'opinion publique ouvrière, contribué à populariser des revendications qui correspondent aux besoins de l'ensemble des travailleurs. Eh bien, ce n'était pas avec des bulletins de vote, mais par leur grève !
Et, demain, dans les luttes que les travailleurs seront obligés de mener pour imposer les objectifs susceptibles de changer réellement leur situation, il n'y aura pas de différence entre ceux qui ont une carte d'électeur et ceux qui n'en ont pas. Quelle que soit nos origines, on constitue une seule et même classe ouvrière dont le patronat est le seul adversaire, et ensemble dans la lutte, nous aurons le poids pour imposer une politique qui tiendra compte de nos intérêts !
Depuis que la société capitaliste existe, avec ses injustices, ses oppressions, il y a toujours eu un courant pour se battre contre tout cela, avec pour perspective l'émancipation sociale de la classe ouvrière.
Car c'est tout le fonctionnement de l'économie qu'il faut changer radicalement. Cette économie où on produit en fonction du profit est une économie folle, une économie où c'est le marché aveugle et stupide qui commande et pas la conscience des hommes. Une économie qui reproduit sans cesse l'inégalité sociale en creusant en même temps l'écart entre un petit nombre de pays industriels et le reste du monde, condamné à la pauvreté.
Alors, oui, notre conviction est que l'avenir appartient à une organisation sociale différente de celle d'aujourd'hui, sans exploiteurs, sans exploités et sans exploitation, où la production et la répartition seraient organisées non pas en fonction des espoirs de profits de quelques-uns mais en fonction de la satisfaction des besoins de tous.
Mais aujourd'hui, il ne s'agit que d'une élection, qui n'a pas le pouvoir ou la possibilité de changer les structures de la société. Il ne s'agit pas d'agir, mais d'exprimer une opinion. Il ne s'agit pas de se prononcer sur l'avenir de la société, mais sur l'urgence immédiate, sur un programme de survie du monde du travail.
C'est sur ce programme que je demande aux électeurs de se prononcer en votant pour ma candidature.
Je sais bien qu'une grande partie de l'électorat populaire attend de cette présidentielle que Sarkozy soit écarté de la présidence. Ce souhait, je le comprends.
Mais, au premier tour, ce n'est pas de cela qu'il s'agit.
En votant pour ma candidature, vous voterez, bien sûr, contre Sarkozy et tout ce qu'il représente de soumission au grand patronat, de cynisme vis-à-vis des classes populaires.
Vous voterez aussi, bien sûr, contre Le Pen et son ombre, de Villiers. Il faut que, face à l'électorat qui s'exprime sur le nom de ce millionnaire réactionnaire, xénophobe et anti-ouvrier, s'affirme un électorat qui défende fièrement les intérêts politiques et les valeurs de la classe ouvrière.
Mais vous voterez aussi contre la politique que défend Ségolène Royal et qu'elle essaie de faire passer pour la seule politique opposable à la droite, alors qu'elle lui ressemble de plus en plus.
Au premier tour, il faut avertir Ségolène Royal que, si elle est élue, elle n'a pas un chèque en blanc et que les travailleurs, les classes populaires, ne la laisseraient pas mener la politique de la droite sans réagir.
En votant pour ma candidature, vous voterez pour que, face au camp patronal représenté aussi bien par les principaux candidats de la droite que par la candidate de la gauche, s'affirme le camp des travailleurs !
En votant pour ma candidature, vous voterez pour que les objectifs que j'ai développés deviennent ceux des luttes à venir de tous les travailleurs.
Camarades et amis, il nous reste une semaine de campagne, je sais que je peux compter sur vous pour la mener avec moi !
Source http://www.lutte-ouvriere.org, le 16 avril 2007
Eh bien oui, il serait possible de préserver les travailleurs et l'ensemble de la société de trois catastrophes majeures qui sont le chômage massif, la crise du logement et la dégradation du niveau de vie de la plus grande partie de la population !
Les mesures qu'il serait nécessaire de prendre sont des mesures radicales mais simples, claires et parfaitement réalisables, sans même qu'aucune n'implique l'expropriation du grand capital et la transformation de la propriété privée des grandes entreprises en propriété collective.
Quand j'ai avancé ces mesures pour la première fois, lors de l'élection présidentielle de 1995, il y a douze ans déjà, alors que la crise n'était pas encore si grave, j'étais bien seule à en populariser l'idée. Certaines d'entre elles sont reprises aujourd'hui par d'autres candidats d'extrême gauche, mais elles ne le sont pas, et je ne m'en étonne pas, par ceux qui ont une chance d'arriver au pouvoir.
Certes, je n'ai jamais eu la naïveté de penser que, sans y être contraint, un gouvernement les reprenne à son compte et, surtout, les applique.
Que la droite ne se soucie pas de l'inexorable descente vers la misère de tous ceux qui vivent et travaillent sans exploiter personne, est dans l'ordre des choses. La droite défend ouvertement les intérêts du grand patronat, et elle trouve normal que les riches s'enrichissent en appauvrissant les autres. Elle trouve normal que les grandes entreprises mettent à la porte des centaines ou des milliers de salariés simplement pour voir le cours de leurs actions en Bourse gagner quelques points.
Je n'ai jamais cru non plus que la gauche au pouvoir serait capable de prendre des mesures efficaces pour arrêter la dégradation des conditions d'existence des travailleurs.
Dès que j'ai avancé ce programme de défense des travailleurs, à l'époque sous le nom de « programme d'urgence » ou de « plan d'urgence », j'ai dit qu'on ne pouvait compter ni sur la droite, ouvertement au service du grand patronat, ni sur la gauche, hypocritement servile envers lui.
Il aurait fallu que ces mesures indispensables pour les travailleurs soient imposées, aussi bien au gouvernement qu'au grand patronat, par un puissant mouvement social susceptible de les faire reculer. Faut-il rappeler qu'en 1936 comme en 1968, ce sont les luttes sociales, les grèves, les occupations d'usines qui ont contraint le gouvernement en place à prendre des mesures qui reprenaient quelques-unes des revendications ouvrières, tout en les modérant, voire en les détournant ? En 1936, c'est un gouvernement de gauche, celui du Front populaire, qui dut s'exécuter. En 1968, ça a été un gouvernement de droite, sous la présidence de De Gaulle, un général réactionnaire !
Aucun mouvement de même ampleur ne s'est produit au cours des récentes années, même si 1995, l'année de la présidentielle précisément, s'est terminée sur la grève des cheminots, entraînant une partie des travailleurs de la Fonction publique. Assez puissant pour stopper momentanément l'attaque de Juppé contre les retraites dans la Fonction publique, le mouvement n'a pas été assez large pour stopper l'offensive du patronat et du gouvernement sur d'autres terrains.
En l'absence d'un coup d'arrêt assez puissant, la dégradation sociale n'a jamais cessé. Le patronat a bénéficié du chômage pour contenir, voire faire baisser les salaires, pour accroître le rythme du travail, pour licencier et faire faire plus de travail avec moins d'ouvriers, pour aggraver l'exploitation. Et le gouvernement Chirac-Villepin-Sarkozy, reprenant un plan préparé par Jospin, a finalement réussi à repousser l'âge de la retraite et a diminué les pensions pour à peu près tout le monde.
Les gouvernements, ceux de droite bien sûr, mais aussi le gouvernement de la Gauche plurielle dirigé par Jospin de 1997 à 2002, dont ont fait partie Dominique Voynet et Marie-George Buffet, ont exécuté servilement les exigences du grand patronat : la dégradation de tous les services publics dont les plus rentables ont été livrés au privé, la flexibilité du travail, la généralisation des contrats précaires. Il y a eu d'innombrables autres mesures touchant l'ensemble des travailleurs ou telle ou telle catégorie, souvent parmi les plus fragiles et qui avaient le plus de mal à se défendre.
Tout cela fait que, pour les travailleurs, si les choses ont changé depuis 1995, c'est en pire !
Au cours des douze dernières années, le pouvoir d'achat des salariés a reculé et le chômage n'a pas diminué malgré les manipulations statistiques et les mensonges de ceux qui nous gouvernent. Et, quant à la crise du logement, déjà importante en 1995, elle s'est considérablement aggravée au cours des dernières années en raison de la spéculation immobilière qui a fait s'envoler les prix au point qu'une fraction croissante des classes populaires est mal, très mal ou pas du tout logée. Les événements du début de cette année et l'action des « Enfants de Don Quichotte », après ceux de « Droit au Logement » ont attiré l'attention sur cette catégorie de travailleurs qui ont un emploi, parfois dans de grandes entreprises, voire dans des administrations publiques, et qui, pourtant, n'ont pas de quoi payer le loyer exigé par les propriétaires. Trop nombreux sont ceux qui, faute de logement, dorment sous les ponts ou peuplent les bords du boulevard périphérique à Paris !
Cette dégradation dans tous les domaines ne peut pas, ne doit pas se poursuivre indéfiniment ! Tôt ou tard, la colère éclatera et provoquera un mouvement revendicatif vaste, puissant, englobant tout le monde du travail. Et c'est pourquoi il est important que ce mouvement ne se trompe pas d'objectifs et ne prenne pas l'accessoire pour l'essentiel, et c'est l'un des buts de ma campagne.
Le programme sur lequel je demande aux électeurs populaires de se prononcer en votant pour ma candidature est un programme de défense des travailleurs pour empêcher qu'une fraction croissante de la principale classe productive de la société soit de plus en plus poussée vers la misère.
Ce programme, même s'il ne s'attaque pas à la propriété privée des entreprises, implique cependant que l'on impose une autre utilisation des profits gigantesques que réalisent depuis plusieurs années toutes les sociétés, en particulier les plus grandes entreprises. Et, au contraire de ce qu'ont fait tous les gouvernements de droite comme de gauche au cours des dernières années, ce programme implique qu'au lieu de privilégier les intérêts de la classe capitaliste, on cherche à rétablir un peu l'équilibre en prenant sur les privilèges économiques des propriétaires de capitaux pour améliorer le sort des classes populaires.
Il faut, en effet, financer les mesures favorables aux classes populaires par le budget de l'État alimenté par une augmentation sélective des impôts, une augmentation qui frappe plus fort les bénéfices des sociétés et les plus hauts revenus.
Le budget de l'État joue de moins en moins un rôle de compensation des inégalités de revenus. C'est même l'inverse. Depuis plusieurs années, il donne bien plus aux groupes industriels et financiers que ce qu'il en reçoit en impôts. Qu'il soit seulement dit que, dans la même année 2005, le montant total de l'impôt sur les sociétés a rapporté au budget la somme de 53 milliards d'euros, alors que rien que les aides publiques directes aux entreprises se sont montées à 65 milliards d'euros, et encore bien plus aujourd'hui !
Il n'y a aucune nécessité économique ou sociale d'avoir fait baisser l'impôt sur les bénéfices des sociétés des 50 % qu'il était sous Giscard, il y a trente ans, aux 33 % qu'il est actuellement ! Cette diminution n'a fait que contribuer à l'explosion des profits et à diminuer les ressources de l'Etat au détriment de tous les services publics utiles à la population. L'impôt sur les bénéfices pourrait et devrait être immédiatement ramené aux 50 % qu'il était auparavant. Aucune société n'est morte, à l'époque, de ce taux d'impôt à 50 % des bénéfices, et il n'y avait même pas de bousculades à la frontière de la Suisse pour y mettre à l'abri les coffres-forts des entreprises !
Rien que pour ce qui est des sociétés du CAC 40, cette augmentation du taux de l'imposition permettrait à l'Etat de récupérer 17 milliards d'euros de plus. C'est une somme qui représente près du triple du déficit de la Sécurité sociale en 2006 ! Et ce sont 10 milliards supplémentaires que représenterait pour les entreprises autres que celles du CAC 40 le rétablissement de l'impôt sur les bénéfices à 50 %, soit la récupération de27 milliards d'euros au total.
Par ailleurs, l'impôt sur le revenu des personnes physiques doit être modifié. Il est injuste que les revenus les plus élevés soient proportionnellement les moins imposés à cause de la réduction du nombre des tranches et de la limitation des tranches supérieures de l'impôt, limitation à laquelle ont contribué tous les gouvernements.
Donc, pour que le budget de l'État permette de rétablir le rôle des services publics et de construire les logements sociaux nécessaires, il faut d'abord rétablir l'impôt sur les bénéfices et les tranches supérieures supprimées de l'impôt sur le revenu.
De plus, les plus riches bénéficient d'une multitude de dégrèvements d'impôt, pour l'emploi de personnel domestique, pour des investissements dans l'immobilier locatif, pour l'achat de navires de plaisance, pour les placements dans les DOM-TOM, d'une multitude de niches fiscales. L'ensemble de ces niches fiscales représenterait 40 milliards de manque à gagner pour les caisses de l'État. Il n'est que justice qu'elles soient supprimées !
«Prendre sur le profit » signifie simplement qu'on contraigne les plus riches à participer à l'effort nécessaire pour faire face à la crise sociale dramatique que représentent le chômage de masse, les bas salaires et la situation du logement populaire.
« L'État, c'est moi », affirmait, en son temps, Louis XIV. La guillotine qui coupa la tête d'un de ses successeurs allait montrer les limites historiques de cette prétention.
Mais, aujourd'hui, chaque patron déclare « L'entreprise, c'est moi ». Mais si l'entreprise est créatrice de richesses, comme aiment à nous le rappeler les économistes - en général pour nier les droits des travailleurs -, ce n'est pas grâce aux propriétaires, mais grâce à ceux qui y travaillent, grâce à ceux qui font tourner les chaînes de l'industrie automobile, qui font couler le béton pour les constructions ; grâce aux manoeuvres ou aux chercheurs, grâce aux caissières de supermarchés et aux employés des banques.
C'est pour cela qu'un programme de défense des travailleurs signifie nécessairement qu'il faut que les travailleurs, les salariés en général, puissent contrôler ce qui se passe dans leur propre entreprise, celle dont ils assurent collectivement le fonctionnement. Et, étant donné l'importance sociale de certaines entreprises qui jouent un rôle majeur dans l'économie, il faut que les consommateurs, que la population, participent à ce contrôle et aient accès à toutes les informations concernant ces entreprises.
La première mesure à prendre pour permettre un tel contrôle est donc de supprimer les lois sur le secret commercial, bancaire et industriel.
Que les employés, les comptables, les secrétaires, les ouvriers, les magasiniers, puissent dire si ce que les dirigeants des entreprises déclarent est vrai ou faux et qu'ils puissent vérifier si ce qu'on leur fait faire dans leurs entreprises correspond bien à ce qui est utile à la société.
Cette mesure n'est compliquée que pour ceux qui craignent que le contrôle par la population mette en évidence non seulement leurs profits, mais surtout la manière dont ils les obtiennent et, plus encore sans doute, le choix de leur utilisation.
Je ne parle pas seulement des détournements frauduleux. Encore que l'inculpation récente, mais à retardement, du PDG de Total a levé un petit coin du voile sur la caisse noire de cette entreprise qui sert à acheter, dans les pays producteurs de pétrole, des ministres, voire des chefs d'État et leur entourage.
Ce dont je parle, c'est du contrôle de la comptabilité ordinaire, quotidienne, aussi bien des recettes que des dépenses et de leur nature. Le contrôle de qui sont les fournisseurs d'une entreprise et pourquoi on les choisit. Qu'achète-t-on à un sous-traitant et à quel prix ?
Au détriment de quelles autres dépenses prélève-t-on les pourboires généreux que le grand capital sait distribuer à ses serviteurs de haut vol ? 8,4 millions d'euros pour Forgeard, ex-dirigeant d'Airbus. 8,2 millions pour Tchuruk, d'Alcatel, alors même que ces entreprises licencient. Mais il ne faut pas que l'arbre de ces « parachutes dorés » cache la forêt du fonctionnement capitaliste de l'économie et que l'on nous amuse avec ces exemples, car si scandaleux qu'ils soient, ils ne sont rien auprès des profits réalisés, et si les actionnaires acceptent cela, c'est qu'ils en reçoivent bien plus. Et ces injustices ne sont rien auprès des dégâts économiques que provoque la spéculation improductive issue de ces profits.
Il est à la mode dans les grandes entreprises d'externaliser telle production ou tel service. Il faut pouvoir contrôler pourquoi. A qui cela profite-t-il et au détriment de qui ? Et dans le cadre du grand commerce, il faut contrôler quels sont les prix payés aux producteurs de viande, de légumes, de fruits, surtout aux petits producteurs. Quelle est la marge du grand commerce sur les produits de consommation courante non industrielle ?
Et à quoi sert le profit dégagé ? Les défenseurs en tout genre de l'ordre capitaliste nous expliquent que le profit, c'est nécessaire parce que, suivant leur slogan d'il y a quelques années, « les profits d'aujourd'hui sont les investissements de demain et les emplois d'après-demain » ! Eh bien, c'est un mensonge !
Un des aspects majeurs de la crise économique dans sa phase actuelle est que, si les profits sont élevés, voire sans précédent, ils ne servent pas aux véritables investissements, c'est-à-dire à construire de nouvelles usines, à fabriquer de nouvelles machines, à lancer de nouvelles productions et, donc, à créer de nouveaux emplois.
Ce que les financiers et les bilans comptables appellent aujourd'hui les investissements, c'est seulement le fait de racheter tout ou partie d'une autre entreprise, concurrente ou pas, avec pour objectif principal de racheter son marché. Cette opération ne se traduit pas par la création de nouvelles forces productives, mais seulement par une concentration financière. Elle ne se traduit pas par la création de nouveaux emplois, mais au contraire par des restructurations, par l'élimination de prétendus doublons et par des licenciements.
La fusion récente de deux grandes entreprises en équipements de télécommunication, Alcatel et Lucent, en fournit l'illustration. La collectivité n'y a rien gagné, les usines sont les mêmes, mais plus de 12.000 personnes à l'échelle mondiale se retrouvent sur le pavé, dont 1.500 en France.
En passant, je rappelle que j'ai eu, bien souvent, l'occasion de dire à l'intention de ceux qui prétendent que le chômage est un problème de formation : qu'Alcatel-Lucent comme Airbus licencient des chercheurs, des ingénieurs, des techniciens, c'est-à-dire des travailleurs hautement qualifiés, qu'aucun diplôme ne protège du chômage et que, pour le patronat, un ingénieur est tout autant une unité comptable qu'un ouvrier sur chaîne, qu'il jette à la porte, sans état d'âme, lorsqu'il n'en espère plus le profit escompté !
Et j'en profite pour dire : prenons-en de la graine. Tout corporatisme, toute illusion que c'est en se cramponnant aux intérêts de sa catégorie que l'on se défend le mieux, est nuisible à nos propres intérêts. Par delà les catégories, par delà les barrières artificielles qu'on dresse entre travailleurs, c'est seulement ensemble que nous pouvons nous défendre !
Pour en revenir au contrôle sur les comptabilités, élément essentiel d'un programme de défense de la population travailleuse, il faut aussi se donner les moyens de connaître les projets à court et à long terme de l'entreprise. Il est, par exemple, inadmissible que sa direction puisse préparer un plan de licenciements un an à l'avance, voire plus, et que les travailleurs n'en soient avertis que lorsque le couperet tombe.
Mais je ne pense pas seulement aux licenciements, je pense aussi à tous les projets qui contiennent des menaces pour l'environnement. Il faut que les associations qui militent sur ce terrain puissent participer au contrôle, comme il faut que le puissent également les associations de consommateurs.
Sur le plan technique, tout cela ne pose aucun problème, il n'y a que la loi à changer. Il faut que les salariés ne soient plus assujettis au secret professionnel afin qu'ils puissent dire ce qu'ils savent.
Le contrôle exige aussi qu'on puisse rendre publics, c'est-à-dire accessibles à tous, les revenus, les avoirs et les biens de tous les grands patrons, de leurs alliés, de leurs hommes de paille. Le contrôle est indispensable pour pouvoir imposer au patronat les mesures d'urgence destinées à résorber le chômage.
Ce n'est ni exproprier, ni nationaliser les entreprises privées mais simplement les rendre transparentes en permanence pour la population.
C'est seulement ainsi que les travailleurs, les consommateurs, c'est-à-dire la population, pourront réellement contrôler les bénéfices et les profits, et s'opposer aux mauvais coups de ceux qui possèdent et dominent l'économie. C'est seulement ainsi qu'ils peuvent juger les décisions politiques de ceux qui défendent mieux les intérêts du capital que ceux du travail.
Ce contrôle est aussi de l'intérêt des autres classes populaires, les petits paysans, les petits pêcheurs, écrasés par les grandes chaînes de distribution et les artisans étranglés par les banques.
Ce sont les grandes entreprises qui ont une responsabilité majeure dans la gravité du chômage. A lire la liste des plans sociaux annoncés, ceux qui sont déjà en cours, comme chez Airbus, Alcatel-Lucent, Kodak ou Nestlé, ou ceux qui sont prévus, comme chez Michelin ou Peugeot-Citroën, on voit défiler le nom de toutes les entreprises du CAC 40, ou presque toutes ! Ce sont ces mêmes entreprises dont les dirigeants se vantent de profits exceptionnels. Et les rares sociétés qui ont fait moins de profits que l'année précédente en ont fait quand même d'importants !
C'est le contrôle étroit, quotidien, par les travailleurs et la population concernée qui permettra de vérifier que les licenciements collectifs ne sont jamais justifiés et qui permettra de s'y opposer. Le contrôle des comptabilités permettra de vérifier que l'on peut maintenir les emplois en prenant sur les bénéfices, soit ceux de l'année, soit sur ceux qui ont été accumulés dans les années précédentes.
Il faut les 35 heures sans dérogation. Il faut les généraliser à toutes les entreprises, interdire les heures supplémentaires et remplacer celles qui seraient nécessaires par des embauches supplémentaires.
Il faut remplacer tous les contrats précaires par des CDI et, pour éviter les temps partiels imposés, ne pas autoriser qu'un salaire puisse être inférieur au Smic même si le temps de travail est inférieur à 35 heures.
D'abord, parce que les entreprises qui, du fait de la nature de leurs productions ou de leurs services, ont intérêt à délocaliser, peuvent le faire actuellement, et le font déjà. Mais ces délocalisations sont loin d'être la cause principale du chômage actuel car elles sont marginales, et ce ne sont pas elles qui ont créé les trois millions de chômeurs ou tous les emplois précaires.
Ensuite, parce que la grande industrie, avec ses structures complexes intégrées dans tout un tissu industriel ici, aurait bien plus de mal à déménager. Comme auraient du mal à délocaliser les grandes chaînes commerciales tout simplement parce que le marché, parce que l'argent et le pouvoir d'achat, au moins des catégories aisées, sont ici, et pas dans les pays pauvres.
Auchan ou Carrefour ouvrent quelques supermarchés en Chine, mais ils ne déménageront pas tous leurs magasins dans ce pays, même si la main-d'oeuvre y coûte moins cher. Et, d'ailleurs, il n'est pas dit que les impôts y soient inférieurs. Et Total a beau extraire le pétrole au Gabon ou au Nigéria, il ne déplacera jamais en Afrique toutes ses pompes de distribution d'essence !
Toutes les entreprises industrielles ont un intérêt économique majeur là où est leur principal marché. On ne peut pas véritablement produire des camions en Chine pour les vendre en Europe. Bien des marques japonaises d'automobiles ont racheté ou construit des usines aux États-Unis, en Grande-Bretagne, en Allemagne ou en France pour éviter d'avoir à les transporter.
Mais il n'y a pas que les mesures en direction des grandes entreprises. L'État lui-même a supprimé, au fil du temps, des centaines de milliers de postes dans les services publics ou dans l'administration, emplois qui contribuaient à la vie quotidienne des classes populaires.
Les augmentations sélectives de l'impôt sur les bénéfices des sociétés et de l'impôt sur les hauts revenus dont j'ai parlé tout à l'heure devraient servir à inverser le mouvement et à créer des emplois utiles dans les services publics.
En réformant l'impôt, l'État peut et doit embaucher immédiatement du personnel dans les hôpitaux, à La Poste, dans l'Education nationale. Le personnel hospitalier travaille à la limite de ses possibilités. Les heures supplémentaires, en principe récupérables, ne sont jamais récupérées. Bien des hôpitaux ne pourraient tout simplement pas fonctionner s'ils n'imposaient pas au personnel des horaires de travail usants. Et, malgré les sacrifices imposés au personnel hospitalier, on ferme des salles dans les grands hôpitaux des grandes villes. On ferme aussi des petits hôpitaux en province ou des maternités, obligeant les malades ou les futures mères à faire des dizaines de kilomètres.
Et puis, il faut aussi embaucher à La Poste. Les fermetures de bureaux de poste dans les villages non seulement gâchent la vie, celle en particulier des personnes âgées ou qui ont du mal à se déplacer, mais contribuent à la décomposition de toute la vie sociale. Dans les grandes villes, le facteur qui passait deux fois par jour, fait partie de lointains souvenirs. Se rendre dans un bureau de poste en ville, même pour une opération simple et quotidienne, devient une épreuve, tant les files d'attente sont longues et le personnel débordé.
Il faut embaucher dans les transports en commun urbains et à la SNCF. Il faut embaucher et former des instituteurs, des professeurs, du personnel technique et médical dans l'Education nationale.
Et puis, il faut embaucher dans un nouveau service public à créer, un office national du logement, qui prendrait en main la construction des logements HLM qui manquent. Car la situation du logement populaire dans ce pays constitue une véritable catastrophe sociale. Les chiffres sont aujourd'hui largement connus. Selon la Fondation Abbé-Pierre, il y a un million trois cent mille familles inscrites sur les listes d'attente des HLM, trois millions de personnes sont mal logées.
La gravité de la crise est évidente. Il est inacceptable, il est scandaleux qu'au XXIe siècle, dans un des pays les plus riches de la planète, trois millions de personnes soient obligées de vivre dans des hôtels vétustes, dans des logements délabrés, dans des taudis infects, voire dans des caravanes, alors qu'il est possible, tout aussi bien sur le plan technique que sur le plan du financement, de construire le nombre de logements nécessaire pour résorber la crise du logement en trois ans !
En 2005, les entreprises ont bénéficié de 65 milliards d'aides publiques directes, et depuis, cela a encore augmenté. En outre, il y a plus de 35 milliards par an d'aides indirectes passant par le biais de surfacturations de produits et de services achetés par l'État, de terrains viabilisés offerts aux entreprises qui daignent s'installer quelque part ou encore par le biais de multiples avantages par lesquels l'État favorise les entreprises. Cela fait au bas mot 100 milliards par an qui sont donnés à fonds perdus aux entreprises, c'est-à-dire à leurs propriétaires, sans que ce soit utile en quoi que ce soit à la collectivité sans que le chômage cesse d'augmenter.
Et on continue à dépenser ainsi l'argent public, année après année, sous tous les gouvernements, alors que la crise du logement populaire est telle qu'elle devrait être une priorité nationale !
Avec ces 100 milliards annuels, il est possible de construire un million de logements à 100.000 euros l'unité. Et si l'État embauche lui-même sans que les bétonneurs à la Bouygues prélèvent leur part de profit, il est probable que la construction coûte moins cher encore. En trois ans, le problème actuel du logement populaire pourrait être réglé, en ayant non seulement satisfait les besoins immédiats, mais en les ayant dépassés en prévision de l'avenir pour faire aussi, par contrecoup, baisser les loyers du privé.
En ce qui concerne le foncier, l'État ne doit pas accepter pour ses projets la hausse spéculative des dernières années. Il faut réquisitionner à prix zéro les immeubles, les hôtels et les taudis que les marchands de sommeil mettent en location. Les propriétaires ont suffisamment gagné d'argent en louant depuis des années leurs taudis à des prix prohibitifs.
Et si c'est un office public qui centralise la gestion de la construction, il est possible de planifier de façon à éviter les ghettos, et de disperser les logements populaires en en construisant aussi dans les centres-villes.
Au cours des dernières années, le niveau de vie des classes populaires a considérablement reculé. Et là, je ne parle pas seulement des chômeurs ou des précaires, dont le pouvoir d'achat s'est véritablement effondré.
La baisse du pouvoir d'achat concerne même ceux qui ont conservé pendant tout ce temps un emploi stable, depuis le blocage des salaires, décidé pour la première fois par le gouvernement du socialiste Mauroy. Les salaires augmentent plus lentement que les prix et, surtout, les gouvernements successifs ont ajouté des prélèvements, comme la CSG ou le RDS, la hausse du forfait hospitalier, le non-remboursement ou le remboursement seulement partiel des médicaments ou des consultations médicales. Tout cela pèse sur le pouvoir d'achat.
Il est indispensable d'augmenter tous les salaires de 300 euros net, rien que pour retrouver le pouvoir d'achat volé au fil des ans. Aucun salaire ne doit être inférieur à 1500 euros net par mois, pas plus qu'aucune retraite ou allocation pour handicapé. 1500 euros, c'est un minimum pour vivre aujourd'hui !
Voilà le programme absolument nécessaire pour arrêter la dégradation des conditions d'existence des classes populaires.
Ce n'est bien sûr pas celui de Sarkozy, mais ce n'est pas non plus celui de Ségolène Royal. Et si Sarkozy peut aggraver encore les choses, Ségolène Royal ne pourra absolument pas les améliorer car elle laissera les mains entièrement libres au grand capital.
Ce programme exige des mesures autoritaires. L'État bourgeois lui-même sait, en temps de guerre, prendre de telles mesures. Eh bien, la lutte contre le chômage, contre la misère exige une politique au moins aussi autoritaire car c'est une question de survie de toute la population.
Un gouvernement qui aurait pour préoccupation d'arrêter la dégradation du sort des classes populaires pourrait appliquer ce programme qui est, sur le fond, fort modéré. Mais il faudrait pour cela être décidé à affronter la bourgeoisie pour l'obliger à renoncer à une partie des privilèges qu'elle s'est appropriés au cours des vingt-cinq dernières années, au détriment des classes laborieuses.
Et pourtant, aucun gouvernement de droite ou de gauche ne le fera naturellement car aucun d'entre eux ne voudrait toucher un tant soit peu aux intérêts et aux privilèges de la classe riche.
Cela va de soi pour Sarkozy ou pour Bayrou, sa copie conforme sur le plan social. Je ne discuterai pas leur programme, ici : le simple fait, de la part de Sarkozy, de n'avoir rien d'autre à dire à ceux qui ont de plus en plus de mal à boucler les fins de mois que : « travailler plus pour gagner plus », alors que près de trois millions de personnes n'ont pas de travail du tout et qu'à peu près autant des précaires voudraient bien travailler plus, témoigne du cynisme de cet homme et de son mépris des classes populaires.
Sur cette question, Le Pen, de Villiers, Sarkozy, ont tous le même programme, et Bayrou ne se distingue que dans les formulations. Et puis la droite vient de passer cinq ans au pouvoir, on a pu mesurer tous les dégâts de sa politique pour le monde du travail.
Mais on a pu mesurer aussi auparavant que la gauche au gouvernement ne valait guère mieux.
Le gouvernement Jospin a pris un certain nombre de mesures, comme le PACS ou la CMU qui représentent des avancées non négligeables mais pour des minorités, et des avancées qui ne coûtent rien à un patronat intouchable. Mais pas plus que la droite ne l'a voulu, la gauche n'a osé prendre des mesures qui pouvaient toucher si peu que ce soit aux privilèges exorbitants de la grande bourgeoisie.
Et il suffit encore de voir la campagne de Ségolène Royal qui se garde bien de prendre des engagements et qui pourraient, dès maintenant, fâcher le patronat. Elle préfère ne pas être élue que faire ce choix.
Même le Smic à 1500 euros, elle en parle de moins en moins. Et pourtant, il s'agit, pour elle, de 1500 euros bruts, c'est-à-dire 1254 euros net seulement, et pas dès son arrivée à la présidence, mais seulement « dès que c'est possible » ou à la fin de la législature ! Ce qui veut dire que, d'ici là, un tel Smic ne représentera pas plus de pouvoir d'achat, et plutôt moins, que celui d'aujourd'hui.
Et pour les autres salaires, il n'y a que cette promesse vague de demander à ceux qu'elle appelle les « partenaires sociaux » d'entamer des négociations. On sait en quoi consistent les négociations entre les patrons et les syndicats de salariés : les patrons disent non et les syndicats enregistrent. L'expression même de « partenaires sociaux » est un mensonge : patrons et travailleurs ne sont pas des partenaires car les premiers sont ceux qui détiennent le pouvoir et ils sont des ennemis pour les travailleurs !
Quant au chômage, à part les emplois-tremplins, si bien nommés pour dire qu'ils seront des sauts dans l'inconnu, il y a sa nouvelle trouvaille, le CPCE (Contrat Première Chance pour l'Emploi), qui est le frère jumeau du Contrat Première Embauche que Villepin a essayé d'imposer sans succès grâce à la mobilisation de la jeunesse. Ce contrat déborde même le CPE sur son côté pro-patronal : on ne se contente plus de supprimer les charges pour les patrons, mais l'Etat paie aussi les salaires à leur place ! Quel est le petit patron qui ne va pas se débarrasser du plus vieux de ses salariés ou du dernier embauché pour engager un jeune à ce tarif-là ?
Du côté du logement, la promesse de construire 120 000 logements par an, que contiennent les « cent propositions » de Ségolène Royal, ne permettrait à tous ceux qui sont sur les listes d'attente des HLM d'avoir un toit que d'ici dix ans. Et entre temps, il y en aura bien d'autres à s'inscrire sur les listes, sans même parler des deux autres millions de mal logés.
À ce qu'il paraît, devant les sondages qui donnent Ségolène Royal de plus en plus en retard sur Nicolas Sarkozy, certains de ses conseillers lui recommandent de gauchir son langage. « Il faut concentrer nos forces à gauche », proclame Henri Emmanuelli, recommandant au PS de retourner vers son électorat naturel.
Mais gauchir son langage, qu'est-ce que cela veut dire ? Si cela signifie prendre des engagements vis-à-vis des classes populaires sur leurs problèmes réels et urgents, Ségolène Royal ne le fera pas.
Si Ségolène Royal est élue, elle défendra, comme tous ses prédécesseurs de gauche comme de droite, les intérêts du grand capital. Mais ce faisant, elle ne pourra résoudre aucun des problèmes des classes populaires. Elle ne pourra rien pour résorber le chômage. Elle ne fera rien pour arrêter l'effondrement du pouvoir d'achat. Elle ne fera rien pour régler la crise du logement populaire.
Si elle peut difficilement faire pire que ce qu'ont fait, pendant cinq ans, le président et le gouvernement de droite, elle ne fera guère mieux, à part quelques gestes -si elle en trouve- qui ne coûtent rien au patronat.
Avec elle au pouvoir, les classes populaires ne seront pas protégées contre l'avidité du grand capital. Avec elle à la présidence, comme avec n'importe qui d'autre, la classe ouvrière n'aura que ce qu'elle sera capable d'imposer elle-même.
Mais il est vrai que, jusqu'à maintenant, même dans son vocabulaire et ses propos, Ségolène Royal a plus cherché à s'aligner sur Sarkozy qu'à s'en différencier. Comme Sarkozy, elle s'est élevée contre « la société d'assistanat ». Elle s'est faite la défenseure du profit et de l'esprit d'entreprise. Elle s'est engouffrée dans le faux débat sur l'identité nationale engagé par Sarkozy. Pendant que Sarkozy, les yeux fixés sur l'électorat du Front national, court derrière Le Pen -à moins que ce soit au devant-, Ségolène Royal, elle, court derrière Sarkozy.
Je ne sais pas si le fait de courir derrière l'électorat lepéniste sera payant pour les ambitions présidentielles de Sarkozy ou pas. Je suis certaine, en revanche, qu'à reprendre à son compte des thèmes de la droite, Ségolène Royal ne gagnera pas sur sa droite des électeurs supplémentaires. Tout cela représente un glissement à droite de l'ensemble. Ce qui finit par surnager dans tout ce concert, ce sont les idées réactionnaires formulées parfois de la pire des façons.
Et si, contrairement à 2002, Le Pen ne sera pas présent au deuxième tour, ses idées réactionnaires, ses slogans rétrogrades, auront marqué toute la campagne électorale.
Je voudrais revenir sur le débat à propos des drapeaux, de La Marseillaise et de l'identité nationale. De la droite jusqu'à la gauche, PC compris, on a entendu une surenchère de discours, la droite affirmant qu'il ne fallait pas laisser ce terrain à l'extrême droite, et la gauche qu'il ne fallait pas le laisser à la droite.
Gauche oblige, le PS comme le PC se sont justifiés en rappelant les origines révolutionnaires du drapeau tricolore.
Oh oui, au moment de la bataille de Valmy en 1792, le drapeau tricolore était le drapeau de la révolution ! Et il est resté pendant des décennies le symbole de la Révolution française de 1789 aux yeux de bien des peuples.
Mais, depuis que la France bourgeoise est devenue la France impérialiste, c'est sous ce drapeau que les troupes françaises ont massacré aux quatre coins du monde. c'est sous ce drapeau qu'on a massacré lors de la conquête de l'Algérie, de Madagascar, de l'Indochine, puis qu'on a assassiné ceux qui osaient remettre en cause la domination coloniale française. Dans tous ces pays, le drapeau français n'est pas le symbole de la liberté, mais, au contraire, celui de l'oppression et des oppresseurs.
Et puis, en France même, c'est sous ce drapeau qu'on a massacré les Communards et qu'on a tiré sur bien des grévistes et des manifestants, il n'y a pas si longtemps encore.
Mais, au fond, il n'y a pas à s'étonner que Ségolène Royal se l'approprie car son parti, le PS, a été celui qui a mené sous ce drapeau, pendant plusieurs années, la sale guerre d'Algérie qui a fait près d'un million de morts !
Eh bien, pour notre part, nous ne reconnaissons pas ce drapeau comme le nôtre. C'est le drapeau des fusilleurs, et nous, nous sommes du côté des fusillés. Et notre drapeau n'est pas le drapeau tricolore, mais le drapeau rouge, le drapeau des ouvriers, le drapeau de la révolution depuis que c'est la classe ouvrière qui incarne l'émancipation future de la société !
Et notre chant n'est pas La Marseillaise, que Ségolène Royal fait chanter à la fin de ses meetings, mais L'Internationale.
Le côté cocasse dans ce lamentable concert nationaliste, c'est qu'au même moment, les dirigeants politiques commémoraient le 50ème anniversaire du début du Marché commun et, donc, de ce qu'ils appellent la « construction européenne ». Qu'au bout de cinquante ans, on en soit encore à brandir les drapeaux nationaux est bien à l'image de leur Union européenne, qui n'est qu'une juxtaposition de nationalismes anachroniques et qui n'est unifiée tant bien que mal que pour les affaires, pour le marché, pour les capitaux.
Pour ma part, je réaffirme que l'avenir, ce n'est pas les repliements nationaux, ni dans la réalité, ni dans les têtes. L'avenir, c'est la suppression complète des frontières, c'est une Europe unie dont feront partie tous les peuples qui le désirent, sans rejeter quiconque.
Tout en reprenant en partie leur vocabulaire, c'est pourtant en brandissant conjointement le « danger Le Pen » et la nécessité de battre Sarkozy que le PS en appelle au vote prétendument utile, c'est-à-dire au vote en faveur de Ségolène Royal dès le premier tour.
En somme, dans le langage des dirigeants du PS, vaincre la droite et l'extrême droite, c'est faire taire tout ce qui est sur la gauche du PS, l'extrême gauche bien sûr, mais même l'allié de demain, le PC.
Eh bien non, il faut que l'opposition à la politique de Ségolène Royal ne vienne pas seulement de sa droite, mais aussi de sa gauche. Il faut surtout que se manifeste dans cette élection un courant qui n'abdique pas devant le camp patronal, représenté aussi bien par Sarkozy, Bayrou que par Royal.
Je ne sais pas, bien sûr, si Ségolène Royal sera élue ou pas à l'issue du deuxième tour. Toute la presse prétend, sur la base des sondage, que jamais depuis 1969 les intentions de vote en faveur de la gauche, toutes tendances confondues, n'ont été aussi basses. Si c'est le cas, les dirigeants de la gauche réformiste y sont pour beaucoup, aussi bien par leur politique au gouvernement dans le passé que par leur alignement sur la droite dans la campagne présente, et, surtout, par leur refus de s'engager sur des objectifs susceptibles de changer la vie des classes populaires.
Et puis, ne l'oublions jamais, si la droite est pour ainsi dire tout le temps majoritaire dans l'électorat, c'est parce qu'une partie importante du monde du travail, les travailleurs immigrés, sont écartés du droit de vote. La gauche avait pourtant promis de donner ce droit de vote au moins dans certaines élections, et elle en agite la promesse lorsqu'elle est dans l'opposition mais, au gouvernement, elle ne l'a jamais fait.
Alors, bien sûr, je suis pour que le droit de vote soit accordé aux millions de travailleurs qui vivent et qui travaillent dans ce pays, et à toutes les élections. Ce sera non seulement un geste démocratique élémentaire, mais aussi un renforcement politique du monde du travail et, surtout, des plus exploités.
Mais même si les travailleurs immigrés avaient ce droit, cela ne leur suffirait pas pour se défendre efficacement, pas plus que cela ne le suffit aux travailleurs qui ont déjà une carte d'électeur en poche. Car, si les élections permettent d'exprimer une opinion, elles ne permettent pas de changer la vie et de changer la société.
Mon camarade qui a parlé de la grève à Citroën n'a pas dit, et je le comprends, combien, parmi les grévistes, ont leur carte d'identité française et combien ne l'ont pas, combien sont d'origine française et combien sont d'origine maghrébine, africaine, turque ou de l'une de cette quarantaine de nationalités que compte l'entreprise. Ils ont pourtant, pendant plus d'un mois, attiré la sympathie de l'opinion publique ouvrière, contribué à populariser des revendications qui correspondent aux besoins de l'ensemble des travailleurs. Eh bien, ce n'était pas avec des bulletins de vote, mais par leur grève !
Et, demain, dans les luttes que les travailleurs seront obligés de mener pour imposer les objectifs susceptibles de changer réellement leur situation, il n'y aura pas de différence entre ceux qui ont une carte d'électeur et ceux qui n'en ont pas. Quelle que soit nos origines, on constitue une seule et même classe ouvrière dont le patronat est le seul adversaire, et ensemble dans la lutte, nous aurons le poids pour imposer une politique qui tiendra compte de nos intérêts !
Depuis que la société capitaliste existe, avec ses injustices, ses oppressions, il y a toujours eu un courant pour se battre contre tout cela, avec pour perspective l'émancipation sociale de la classe ouvrière.
Car c'est tout le fonctionnement de l'économie qu'il faut changer radicalement. Cette économie où on produit en fonction du profit est une économie folle, une économie où c'est le marché aveugle et stupide qui commande et pas la conscience des hommes. Une économie qui reproduit sans cesse l'inégalité sociale en creusant en même temps l'écart entre un petit nombre de pays industriels et le reste du monde, condamné à la pauvreté.
Alors, oui, notre conviction est que l'avenir appartient à une organisation sociale différente de celle d'aujourd'hui, sans exploiteurs, sans exploités et sans exploitation, où la production et la répartition seraient organisées non pas en fonction des espoirs de profits de quelques-uns mais en fonction de la satisfaction des besoins de tous.
Mais aujourd'hui, il ne s'agit que d'une élection, qui n'a pas le pouvoir ou la possibilité de changer les structures de la société. Il ne s'agit pas d'agir, mais d'exprimer une opinion. Il ne s'agit pas de se prononcer sur l'avenir de la société, mais sur l'urgence immédiate, sur un programme de survie du monde du travail.
C'est sur ce programme que je demande aux électeurs de se prononcer en votant pour ma candidature.
Je sais bien qu'une grande partie de l'électorat populaire attend de cette présidentielle que Sarkozy soit écarté de la présidence. Ce souhait, je le comprends.
Mais, au premier tour, ce n'est pas de cela qu'il s'agit.
En votant pour ma candidature, vous voterez, bien sûr, contre Sarkozy et tout ce qu'il représente de soumission au grand patronat, de cynisme vis-à-vis des classes populaires.
Vous voterez aussi, bien sûr, contre Le Pen et son ombre, de Villiers. Il faut que, face à l'électorat qui s'exprime sur le nom de ce millionnaire réactionnaire, xénophobe et anti-ouvrier, s'affirme un électorat qui défende fièrement les intérêts politiques et les valeurs de la classe ouvrière.
Mais vous voterez aussi contre la politique que défend Ségolène Royal et qu'elle essaie de faire passer pour la seule politique opposable à la droite, alors qu'elle lui ressemble de plus en plus.
Au premier tour, il faut avertir Ségolène Royal que, si elle est élue, elle n'a pas un chèque en blanc et que les travailleurs, les classes populaires, ne la laisseraient pas mener la politique de la droite sans réagir.
En votant pour ma candidature, vous voterez pour que, face au camp patronal représenté aussi bien par les principaux candidats de la droite que par la candidate de la gauche, s'affirme le camp des travailleurs !
En votant pour ma candidature, vous voterez pour que les objectifs que j'ai développés deviennent ceux des luttes à venir de tous les travailleurs.
Camarades et amis, il nous reste une semaine de campagne, je sais que je peux compter sur vous pour la mener avec moi !
Source http://www.lutte-ouvriere.org, le 16 avril 2007