Texte intégral
Q - (Sur la situation des grèves en France)
R - Je ne parle pas de mon pays à Genève. Je parle du travail des enfants.
Q - Cette idée de taxation ? R - Ce n'est pas une idée que je reprends aujourd'hui à mon compte. Ce qui est très important pour la plus part des pays qui sont ici, c'est que nous lions bien l'éradication du travail des enfants et le développement. Je crois qu'en aucun cas les pays développés ne doivent d'abord donner des leçons - il faut rappeler qu'en Europe, 2 millions d'enfants travaillent - et que nous avons aussi à balayer devant notre porte. Deuxièmement, nous ne devons pas donner l'impression que par le biais de l'interdiction du travail des enfants, nous voulons empêcher ces pays de se développer, ou de participer au commerce mondial. Donc, il me parait extrêmement important qu'on lie la coopération avec cette éradication du travail des enfants, et principalement les formes les plus extrêmes et donc les plus douloureuses. C'est la raison pour laquelle, au-delà du programme auquel la France participe, d'ailleurs d'une manière plus importante aujourd'hui, je crois qu'il serait utile qu'un grand programme international, sur l'éducation, sur la santé des enfants dans ces pays, puisse aider ces pays à développer les systèmes de base pour la protection de ces enfants et puissent être financés d'une manière large dans le cadre d'une coopération où les grandes organisations internationales, l'UNESCO, l'OMS et bien sûr le BIT, soient concernés mais aussi des Etats volontaires et/ou même des entreprises, comme cela commence à être le cas .
Il faudra peut-être trouver d'autres sources de financement. Certains pensent par exemple qu'on pourrait aller plus loin (....), que l'on pourrait taxer les capitaux spéculatifs, modestement, bien évidemment, mais que ces fonds pourraient permettre le développement de base, en terme d'accès à l'eau, à l'éducation, à la santé pour les pays en difficulté.
Il y aura certainement besoin de fonds importants. Il faudra trouver des formes de financement, car rien ne serait pire que de considérer que la lutte contre le travail des enfants se fait contre les pays et contre leur développement.
En France, c'est justement l'interdiction du travail des enfants qui a été la première loi sociale qui a permis de commencer l'éducation des enfants et de commencer le véritable développement de notre pays.
C'est ma conviction. Si l'on n'éduque pas les enfants aujourd'hui, ces pays ne se développeront pas de manière lourde et permanente.
J'espère que cette conférence aura une issue positive. Tout le laisse à penser aujourd'hui car je pense que cette déclaration de principe montre un engagement de l'ensemble des pays à respecter les droits les plus élémentaires. Je crois que la marche des enfants a été un beau symbole, une avancée.
Q - Cette taxation des biens spéculatifs ?
R - Ce qui est le plus important pour moi, c'est qu'on se dise que la coopération va de pair avec l'éradication du travail des enfants. Alors, il faut travailler toutes les hypothèses, toutes celles qui sont avancées sur le terrain. Nous n'en sommes pas là aujourd'hui. Je ne défends pas cette thèse plus qu'une autre. Je dis simplement qu'il faut ouvrir et il faut trouver les moyens effectivement du développement. Rien ne serait pire que ces pays considèrent qu'encore une fois on veut les empêcher de se développer. Il faut au contraire coopérer et les aider à se développer.
Pour cela, il faudra des moyens financiers importants. Donc, étudions toutes les idées qui sont aujourd'hui sur la table. Je ne prends pas partie pour l'une ou pour l'autre. Il est temps que cette coopération prenne sans doute les moyens appropriés à sa cause et les moyens doivent être évidemment importants.
Q - Faut-il pénaliser les pays qui ne respectent pas une convention qui ferait en sorte d'abolir ces formes d'esclavage ? R - Je pense que dans un premier temps, il faut inciter et contrôler. Il ne faut pas montrer du doigt aujourd'hui des pays qui souffrent et qui sont en difficulté. L'important est d'abord d'inciter, de les aider à mettre en place des programmes d'éducation en parallèle. C'est la coopération. Il faut contrôler car, dans le fond, cela fait des années que la France ici défend l'idée d'un contrôle organisé de manière internationale, tripartite et qui puisse être réalisé dans ces pays, car dans le fond, ratifier une convention, c'est très bien, mais si on ne l'applique pas et si l'on ne peut pas la contrôler, ce n'est pas efficace. Donc, je crois que c'est l'un des points essentiels de ces lignes directrices.
Q - Avez-vous un espoir concret quant au processus de vérification et de contrôle ? R - Nous avons bien été capables de les mettre en place dans un certain nombre de pays, évidemment les pays industrialisés et un certain nombre d'autres. Il n'y a pas de raisons, s'il y a une réelle volonté de le faire, que cela ne soit pas le cas .
Ces forces de contrôle pourraient être aussi des forces qui permettraient en même temps, d'informer, de conseiller. L'inspection du travail dans nos pays, bien sûr, a un rôle de contrôle, mais aussi un rôle préventif, c'est-à-dire de conseil, d'aide, d'information et de formation. Je crois que c'est bien l'idée de l'OIT que de dire depuis des années, qu'il faut aider à la mise en place de ces nouvelles normes dans ces pays, en les informant, en les formant, en les conseillant et en sanctionnant, c'est-à-dire, en contrôlant, lorsque ce n'est pas réalisé. Commençons, on verra ensuite quel type de sanctions éventuelles il faut mettre en place. Q - Les familles de ces enfants sont bien souvent au chômage... R - C'est bien pourquoi je dis qu'on ne peut pas travailler sur ce terrain sans travailler à la coopération. Si la pauvreté et la misère restent la règle générale, on peut demander que les grands principes de base soient appliqués, cela ne servira à rien.
Donc, - et c'est ce que dit très clairement la déclaration -, il faut aller de pair avec une coopération. Coopération, cela veut dire une aide au développement.
Q - Le BIT peut-il jouer un rôle dans la réduction des heures de travail ?
R - Aujourd'hui, je parle d'un problème majeur qui est d'abord la réduction du temps de travail des enfants à zéro et cela me parait la priorité des priorités. La réduction du temps de travail dans nos pays vise d'autres objectifs. Nous n'en sommes malheureusement pas là par rapport à l'objet de cette conférence.
Q - Aurez-vous le temps d'aller au Mondial ? R - Oui absolument. J'y vais dès samedi soir voir le match Belgique-Pays-Bas et j'espère bien aller à Marseille le 7 juillet, parce que les jeunes lillois ont gagné la coupe des quartiers, "cité foot",et vont jouer en avant-première de la demi-finale à Marseille. Je veux aller les supporter./.
(Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 3 octobre 2001)