Texte intégral
Q- N. Demorand : Jusqu'à vendredi, tous les candidats à la présidentielle sont au micro de France Inter. Premier invité aujourd'hui, le président du Front national, J.-M. Le Pen. Bonjour monsieur.
R- Bonjour.
Q- N. Demorand : Et bienvenue. A mes côtés H. Jouan, chef du service politique de France Inter et B. Guetta notamment pour les questions internationales. Alors J.-M. Le Pen, vous avez décrit N. Sarkozy comme un candidat de l'immigration en raison des origines hongroises de son père, pouvez-vous nous dire au bout de combien de temps, de combien de générations un Français est considéré comme un vrai, comme un bon Français au Front national ?
R- Ce n'est pas le problème. Je n'ai pas posé le problème de la date à laquelle on devient Français, simplement de la capacité morale de monsieur Sarkozy d'être candidat à la présidence de la République. Monsieur Sarkozy a instrumentalisé ses origines, non seulement hongroises par son père, mais grecques par sa mère et par conséquent il a, je crois, trois grands-parents sur quatre qui sont étrangers. Cela fait de lui parfaitement un Français, moi je n'ai jamais discuté la qualité de Français de monsieur Sarkozy...
Q- N. Demorand : Alors, pourquoi avez dit "de l'immigration" ?
R- ... Simplement, il me semble que le président de la République, ce n'est pas un fonctionnaire, un haut fonctionnaire, ce n'est pas un homme politique comme les autres, c'est un homme dont la fonction aboutit à une véritable incarnation du peuple et de la nation, voilà. C'est en cela que je trouve que monsieur Sarkozy ne correspond pas à l'idée que je me fais d'un président de la République. Mais quand on dit cela, monsieur Sarkozy considère que c'est une insulte, tout jugement qui est porté sur lui est considéré comme une insulte. Il n'admet pas le débat et d'ailleurs il a dit qu'il ne répondrait pas aux questions qu'on lui a posées.
Q- N. Demorand : Une question cela dit encore, ça vous donne quoi concrètement J.-M. Le Pen, comme compétence, d'avoir plus d'ascendances que lui, plus de grands-parents français, par exemple ?
R- Mais c'est-à-dire que c'est une plus grande adéquation au peuple que l'on veut représenter. Il y a des gens pour qui ces valeurs spirituelles n'ont aucune importance, qui considèrent que la carte d'identité, c'est une espèce de ticket de métro ou une carte de Sécurité sociale avec laquelle ils obtiennent un certain nombre d'avantages. Autrement dit, ce sont des gens qui ne considèrent dans la nation et son histoire que le présent et l'avenir, l'avenir qui évidement est un avenir exclusivement "sarkozyen" pour Sarkozy. Mais moi je considère aussi le passé. Un peuple c'est fait aussi d'un passé, c'est fait d'épreuves communes, c'est fait du travail qui a été fait au cours des siècles pour contribuer à créer le patrimoine que nous recevons soit en naissant, soit en devenant Français par naturalisation et cela ça doit être pris en charge, voyez-vous.
Q- N. Demorand : Mais est-ce que le modèle républicain en France, ce n'est pas justement J.-M. Le Pen, le fait d'être pleinement, totalement, entièrement français, dès le moment où on l'est en quelque sorte ? D'où ma question, est-ce que ces propos sont des propos républicains, quand vous dites "candidat venu de l'immigration" ?
R- Je sais qu'il y a une définition...
Q- N. Demorand : Etes-vous républicain ?
R- ...Il y a une définition du "républicain", comme c'est vous qui la donnez...
Q- N. Demorand : Je la pose.
R- ...C'est plus simple de, il faut essayer d'y entrer. Ecoutez, moi j'ai une conception de la vie publique, j'ai une conception de la vie politique, moi j'ai servi mon pays dans un certain nombre de circonstances, j'ai vu tomber auprès de moi des gens qui avaient 20 ans, 25 ans, qui sont morts, dont le sang a coulé pour que la France soit un pays libre et puisse évidemment donner à ses compatriotes toutes les libertés possibles.
Q- N. Demorand : Ca c'est le hasard de l'âge, J.-M. Le Pen.
R- Comment ?
Q- N. Demorand : C'est le hasard de l'âge et des générations.
R- Non, ce n'est pas le hasard de l'âge, il y a des gens qui avaient l'âge, qui ont l'âge de se battre, et qui ne se battent pas, on le sait bien. Ca n'a pas beaucoup d'importance.
Q- H. Jouan : J.-M. Le Pen, on a un peu de mal à comprendre votre positionnement vis-à-vis de N. Sarkozy. Il y a encore quelques jours, on avait cru comprendre que des contacts pourraient être établis entre les deux tours, entre N. Sarkozy et vous. Et puis dimanche, vous le traitez de "chef de la racaille politicienne". Pourquoi ces changements d'humeur ?
R- Mais vous avez cru comprendre, c'est bien ça, tout le problème est là.
Q- H. Jouan : C'est nous qui avons mal compris ?
R- Mais oui, comme vous le dites vous-même, vous avez cru comprendre... Eh bien vous vous êtes trompés. Il n'y avait jamais eu de conversations entre Sarkozy et moi. Bon, simplement on m'a posé la question : est-ce que vous accepteriez de parler à N. Sarkozy ? Evidement oui, comme à tous les hommes politiques ou femmes politiques français parce que je ne les considère pas comme des ennemis, mais comme des adversaires politiques et par conséquent dans la vie politique, on peut parfaitement respecter et discuter ou même avec des gens qu'on ne respecte pas toujours parce que c'est ainsi, c'est la vie qui est ainsi.
Q- H. Jouan : On parlait de discussions évidement entre les deux tours de la présidentielle.
R- Oui mais non, il n'y a aucune conversation, je l'ai dit et à un moment donné en effet, j'ai, comme N. Sarkozy d'une manière insultante d'ailleurs dit aux électeurs du Front national : "Je voudrais bien de vos voix mais pas de vos gueules", voyez-vous, c'est d'ailleurs la raison pour laquelle...
Q- H. Jouan : Il a dit : "es électeurs du Front national m'intéressent".
R- Oui, ils m'intéressent beaucoup, mais je ne veux pas qu'ils soient représentés par quelqu'un d'autre que par moi, c'est la raison pour laquelle je m'oppose à la proportionnelle qui est pratiquement admise par tout le monde et tout le monde trouve assez scandaleux que depuis des années les cinq millions d'électeurs du Front national ne sont pas représentés par un seul député, eh bien ça ne choque pas du tout monsieur Sarkozy qui considère qu'il sera lui le représentant de tous les Français y compris de ceux du Front national, à condition qu'ils soient assez gogos pour lui faire confiance.
Q- H. Jouan : Ce n'est pas un désarroi politique de votre part en voyant effectivement N. Sarkozy qui semble intéresser effectivement vos électeurs ?
R- N'importe comment, moi je ne peux avoir que des réactions négatives, et on ne peut les interpréter que comme ça, tout geste que je peux faire est évidement immédiatement soumis à la critique. Non, je n'ai aucun désarroi.
Q- H. Jouan : Non mais "chef de la racaille politicienne" ! C'est...
R- Oui "la racaille politicienne". J'ai employé le même mot que monsieur Sarkozy parce que j'ai trouvé assez choquant qu'il n'y ait pas dans le débat de cette campagne électorale la corruption qui a marqué singulièrement les années passées, aussi bien sous Chirac, que sous Sarkozy si j'ose dire et par conséquent je crois que les Français ont le droit de savoir qu'ils ont été volés, que la nomenklatura politique les a pillé sans aucun risque, je l'ai comparé d'ailleurs, j'ai dit : c'est exactement comme Forgeard, ils ont amené le pays au bord de la catastrophe, au bord de la faillite, ça ne les empêche pas de venir toucher des stocks-options et de réclamer en quelque sorte au pays une confiance qu'ils ne méritent pas.
Q- H. Jouan : Mais pourquoi vous accusez N. Sarkozy d'être un corrompu et un voleur ?
R- Mais il est d'un parti, il est bien le fils spirituel de Chirac, n'est-ce pas ? Un homme dont tout le monde dit...
Q- N. Demorand : Oui mais la corruption, ça ne se transmet pas génétiquement, J.-M. Le Pen.
R- Bien sûr, mais toutes les raisons seront données pour que les gens de l'établissement soient préservés de tout. Il y a quand même un certain nombre de ministres UMP qui ont été compromis, condamnés ; un ancien Premier ministre a été condamné lui-même. Tout cela ne vous touche pas, eh bien je crois que ça touche un certain nombre d'électeurs français, en particulier les 14 millions de
travailleurs pauvres et les sept millions de Français qui vivent avec moins de 700euros par mois, eh bien ceux-là ça les intéresse de savoir que, par exemple, monsieur Debré et les députés se sont réservés cinq ans, cinq ans de traitement parlementaire même s'ils sont battus, surtout s'ils sont battus.
Q- N. Demorand : Mais lui, N. Sarkozy, est-il corrompu, je vous repose la question d'H. Jouan ?
R- Je ne sais pas, son nom a été cité dans un certain nombre d'affaires, n'est-ce pas, mais je ne dis pas qu'il en était vraiment coupable : l'affaire Clearstream, et un certain nombre de choses comme ça, et il n'est pas au-dessus de tout soupçon. Dans la mesure où il porte le drapeau de l'UMP, il porte des responsabilités de la gestion passée de ce parti politique et de son chef, et de ses chefs.
Q- B. Guetta : Vous ne ménagez pas monsieur Sarkozy, c'est le moins qu'on puisse dire, on vient de le réentendre, c'est tout à fait votre droit, mais néanmoins dans les dernières semaines, on avait cru comprendre... Non, non vraiment, il y avait même des déclarations de vous assez explicites là-dessus, qu'à vos yeux, N. Sarkozy était, si j'ose dire, moins pire que J. Chirac.
R- Oui, absolument. B. Guetta.
Q- B. Guetta : Pourquoi ? Pourquoi ? Mais alors en quoi ? En quoi est-il à vos yeux moins pire ?
C'est exact. D'abord parce qu'il est plus jeune, qu'il n'a pas occupé les mêmes responsabilités que Chirac. Chirac a été président de la République, Chirac est l'homme qui a amené la gauche par deux fois au pouvoir, c'est lui qui a fait élire F. Mitterrand en poignardant Giscard d'Estaing dans le dos en 81. C'est lui qui ayant une majorité parlementaire a dissous l'Assemblée nationale pour permettre aux socialistes d'arriver au pouvoir pour cinq ans avec monsieur Jospin, et puis qui a été compromis dans toutes sortes de scandales : scandale de la Mairie de Paris, scandale des lycées d'Ile de France, etc. Au point que beaucoup de gens disent : eh bien maintenant dès qu'il va cesser d'être président de la République, normalement, il devrait être l'hôte des cabinets d'instruction.
Q- B. Guetta : C'est-à-dire qu'en fait vous considérez que N. Sarkozy est paradoxalement, si je veux dire, moins à gauche que Chirac ?
R- Relativement. Je crois que Sarkozy est un parfait opportuniste et qu'il sera de l'opinion qui peut éventuellement lui apporter des voix à un moment ou à un autre. D'ailleurs...
Q- B. Guetta : Mais alors quelle idée de le préférer à Chirac alors ?
R- D'où d'ailleurs cette démarche erratique qu'il pratique pendant toute sa campagne électorale allant de gauche à droite, passant par des propositions mirobolantes, comme celle qui consiste à offrir la nationalité française à toutes les femmes battues du monde, du monde entier après avoir eu une incursion dans le domaine de la psychologie pathologique, sur les gènes et les raisons qui poussent les jeunes gens à se suicider, qui seraient d'origine à son avis du gène pédophilique, enfin bref tout ce genre de déclarations qui prouvent que c'est un attrape-tout comme d'ailleurs il faut bien le dire les trois candidats de la, comment dirais-je de l'établissement, du système, qui essaient de faire oublier à travers le flot de propositions qu'ils font et qui sont toutes tournées vers l'avenir qu'il y a eu en effet un passé et que les Français sont en droit - seraient en droit - de savoir quels sont les vrais chiffres de la situation française, ce qu'ils ne savent pas car ces chiffres sont délibérément faux et tout le monde, en tous les cas ces trois candidats sont d'accord pour n'en point trop parler.
Q- H. Jouan : Un sondage paru ce matin dans Libération donne 70 % des personnes interrogées qui estiment que votre présence au second tour de cette présidentielle constituerait un mauvais évènement pour la démocratie. Deux questions : est-ce que vous pensez que vous avez échoué à dé-diaboliser votre candidature ? Deuxième question, est-ce que finalement voter pour vous ce n'est pas inutile ?
R- Ecoutez, je souhaite à beaucoup de candidats d'avoir l'acquiescement de 30% de nos compatriotes. Il y en a très peu qui l'ont.
Q- H. Jouan : Ce n'est pas des intentions de vote là.
R- Peut-être bien, mais on va bien voir ça madame. On verra ça dimanche. Ca ne sera pas la première fois qu'il y aura une surprise et je ne sais pas si vous avez remarqué, il y a un sondage qui dit que 86% des Français pensent qu'il va y avoir une surprise.
Q- H. Jouan : Mais quelle sera la surprise ? Vous avez dit une fois : "S. Royal sera battue". L'autre fois : "N. Sarkozy".
R- Non la surprise, je pense que la petite surprise sera que je serai au deuxième tour. Je le crois parce que je crois que les Français ne sont pas naïfs, qu'ils ne sont pas trompés par cette campagne virtuelle qui est faite et qui leur présente l'avenir sous un jour extrêmement bleu et rose. C'est merveilleux, c'est magnifique. Eux ils vivent les difficultés de la vie et ils savent qu'ils les doivent, pour la plupart, à la manière dont la France a été gouvernée.
Q- H. Jouan : Vous parliez tout à l'heure de la campagne erratique de N. Sarkozy. Est-ce que la vôtre ne l'est pas également ? En début de campagne, vous vous présentiez comme un candidat de centre droit. Et puis dimanche au Zénith, vous aviez franchement changé de discours.
R- Ah bon vraiment ? Je n'ai jamais... J'ai dit que j'étais de centre droit il y a quelques dizaines d'années et j'appartenais au parti de monsieur Pinay. Que j'avais le sentiment de n'avoir pas changé d'idées depuis ces temps-là, et ça n'est pas moi qui suis allé vers l'extrême droite où on me classe mais c'est toute la classe politique française qui a dérapé vers la gauche. Et c'est en cela que je disais que j'étais un candidat de centre droit. Et je ne vois pas en quoi mon discours de dimanche a pu changer cette opinion. Vous parlez de la dureté des attaques qui sont portées, mais enfin ce sont pratiquement toutes, à part les miennes, des attaques à fleuret moucheté. Il n'y a pas de véritable bataille politique, il n'y a pas de bataille sur les chiffres, il n'y a pas de bataille sur les scandales, il n'y a pas de bataille sur la réalité de la situation française. Tout le monde, il y a un grand nuage très flou dans le bonheur... Si tous les hommes du monde voulaient se donner la main, ce serait-il pas plus gentil comme ça... La force tranquille. Tous les slogans les plus éculés, tout ça, ça marche pour essayer de dire aux Français : "Surtout ne vous réveillez pas, n'ouvrez pas les yeux, n'ayez pas peur, tout va bien, c'est nous qui tenons le manche".
Q- B. Guetta : Monsieur Le Pen, l'Iran, semble-t-il, tout l'indique en vérité, veut se doter de l'arme atomique. Quelle est votre position là-dessus et quelle serait votre réaction si vous étiez élu demain ?
R- J'ai posé une question à monsieur Sarkozy, question à laquelle évidemment il refuse de répondre. Je lui ai dit compte tenu de l'affection que vous témoignez à l'égard de G. Bush et de la politique américaine, puisque vous avez considéré que le fait qu'on vous appelle "Sarko l'Américain" c'était plutôt un compliment qu'une critique : si les Etats-unis ou Israël se trouvaient engagés dans une guerre contre l'Iran, est-ce que vous engageriez la France à leurs côtés dans un conflit ? Il n'a pas répondu. J'attends sa réponse. Alors vous dites...
Q- B. Guetta : Pardonnez-moi, excusez-moi, juste une information. Il a répondu hier dans le journal Le Monde, très clairement, et sa réponse comme celle de S. Royal et de F. Bayrou est clairement non. "Non, je n'engagerais pas, moi N. Sarkozy, la France dans une guerre contre l'Irak".
R- Très bien. Donc c'est une solidarité atlantique à géométrie variable. C'est-à-dire qu'on est solidaire mais pas trop quand même. Bon mais je me félicite de cette réponse qui doit rassurer les mères de famille françaises. Mais pour répondre à votre question, d'abord vous dites "on croit savoir, il semble que...". Officiellement, en tous les cas, l'Iran n'a pas réclamé la constitution d'une arme nucléaire, n'est-ce pas. C'est une première chose. Et affirme vouloir se doter d'une industrie électro nucléaire, ce que j'estime être parfaitement son droit. On ne voit pas au nom de quels droits internationaux, de quel droit international, on pourrait refuser à l'Iran d'avoir, de se doter de l'énergie nucléaire. Quant à la bombe, allons jusqu'au bout, si même ce pays voulait se doter de l'arme nucléaire, on ne voit pas pourquoi on lui opposerait des conditions autres que celles qu'on aurait pu opposer à Israël, qui en a disposé contre d'ailleurs toutes les résolutions de l'ONU, le Pakistan, l'Inde, la Chine, c'est-à-dire tous les pays environnants en quelque sorte. L'Iran n'est pas un petit pays. L'Iran est un pays qui va avoir 100 millions d'habitants bientôt et même qui a une mouvance, je dirais, plus large encore. Et donc qui est un grand pays pétrolier et qui a, semble-t-il, le droit d'avoir tous les pouvoirs d'une grande puissance. Or on sait que l'arme atomique est une arme de non usage, de non emploi. C'est une arme dissuasive et que tous les pays qui ont l'arme nucléaire savent que s'ils l'utilisaient par malheur, ils seraient probablement vitrifiés par retour du courrier.
Q- B. Guetta : Je suis très frappé d'une chose, c'est que la position que vous avez exprimée à l'instant, jusqu'à présent n'a été exprimée que par un autre candidat, un trotskiste, monsieur Schivardi.
R- C'est possible. Je ne demande à mes concurrents l'autorisation d'avoir telle ou telle position politique, surtout en matière internationale.
Q- N. Demorand : Une question qui nous vient d'Amiens. La voici. Elle arrive par Internet à France Inter. « La France pour moi est le seul pays où je voudrais habiter. Je suis très fière, très heureuse moi d'être française. Ne pensez-vous pas, J.-M. Le Pen, qu'un pays qui se prive des mouvements migratoires comme vous le préconisez, est un pays voué au déclin ? »
R- Je ne crois pas du tout. Je crois que chaque pays doit trouver en lui-même, les forces de sa reproduction et de sa projection dans l'avenir. C'est d'ailleurs le cas de la plupart des pays. Malheureusement, ça ne l'est pas de l'Europe qui a une politique démographique désastreuse et qui perd de sa force naturelle, en quelque sorte, d'année en année. C'est la raison pour laquelle, je préconise moi une politique familiale et une politique démographique hardie et de telle sorte que nous puissions, nous-mêmes, assumer le remplacement de nos propres générations. Et surtout je voudrais rappeler un fait qui a échappé semble-t-il à l'analyse de nos dirigeants, c'est que la population mondiale est passée en cent ans de 1 à 7 milliards d'habitants et qu'elle est en constante expansion. Par conséquent, la pression qui s'exerce sur nos frontières va amener probablement de plus en plus de gens à vouloir entrer chez nous. Tout le problème est de savoir si on veut les laisser rentrer, au quel cas nous deviendrons minoritaires chez nous et nous serons donc à la merci de ceux qui seront majoritaires, comme au Kosovo, comme c'est sur le point de se produire au Sri Lanka. Et moi je suis pour que nous gardions notre propre disposition de nous-mêmes.
Q- N. Demorand : Michel de Lorient vous pose la question suivante, c'est plus sur votre campagne et votre parcours politique. « Vous savez très bien que même présent au second tour, vous ne serez jamais élu. Pourquoi cette hypocrisie et toute cette énergie déployée et dire : quand je serais président, je ferais ci, ci et ça ? Vous ne ferez jamais rien J.-M. Le Pen ».
R- Je suis un énergique hypocrite en quelque sorte. Je suis une espèce de masochiste qui se donne tout ce mal.
Q- N. Demorand : Ca c'est votre commentaire de ce court mail.
R- Non mais d'accord. J'ai bien compris ce que ça voulait dire. Monsieur se substitue au suffrage universel car si ce qu'il dit est vrai, dans ces cas-là, personne n'aurait jamais pu espérer arriver au pouvoir. Je rappelle qu'en 1958 dans les premiers mois, le général De Gaulle pesait 3% dans les sondages. Il a été au pouvoir pour 12 ans après.
Q- H. Jouan : Mais si par hypothèse, dimanche soir, vous n'êtes pas présent au second tour, que ferez-vous ?
R- J'accepterai le verdict des urnes. J'en serai désolé parce que je penserais que dans ce cas-là, il n'y a pas de sursaut de l'opinion française et que par conséquent, nous allons irrémédiablement glisser dans une décadence de plus en plus brutale.
Q- N. Demorand : Et ce serait la retraite pour vous ?
R- Oh non, pas forcément. Non, bien sûr que non. Il y a immédiatement après une campagne législative dans laquelle je participerais de toutes mes forces. Vous savez, moi n'étant pas fonctionnaire, je ne suis pas à la recherche de la retraite et je démontre me semble-t-il, par mon activité, que plus on avance en âge et si on veut travailler, on garde ses capacités dans tous les domaines.
Q- H. Jouan : Juste, vous appellerez à voter pour quelqu'un ?
R- Je n'en sais rien, je vous dirai ça le 1er mai car j'ai un grand meeting, on le sait, le jour de la fête de Jeanne d'Arc, tous les ans, le 1er mai. Et le 1er mai, je dirai ce que je pense devoir être la position des électeurs du Front national.
Q- H. Jouan : Qu'est-ce qui vous déterminera ?
R- Je ne sais pas. C'est d'abord les noms des gens qui auront été qualifiés, à condition que je ne le sois pas. Mais si je ne suis pas qualifié au premier tour, je verrai d'abord quels sont les gens qui ont été qualifiés et ce qu'ils vont dire. Parce qu'on a pas tout à fait le même programme au deuxième tour qu'au premier, bien évidemment. Au premier, on rassemble son camp, au deuxième on s'astreint à représenter une majorité de citoyens.
Q- B. Guetta : J'en viens à l'un de vos sujets favoris, l'immigration. Pourquoi ne faites-vous jamais référence au succès de l'intégration dans notre société, dans notre pays des enfants d'immigrés ? Car ces succès sont infiniment plus nombreux que les échecs de l'intégration.
R- Mais vous les notez où ces succès ?
Q- B. Guetta : Mais partout dans la société. Voyez les enfants d'immigrés qui sont intégrés dans tous les secteurs professionnels, dans tous les secteurs socio professionnels et qui sont de parfaits citoyens français.
R- Cher monsieur, j'en ai au Front national. J'en ai même à la direction du Front national.
Q- B. Guetta : Alors pourquoi ne faites-vous jamais référence à ces succès ? On ne vous entend que tonner contre les échecs.
R- Non, je tonne contre la politique d'immigration qui a consisté à faire entrer chez nous, en trente ans, dix millions d'étrangers qui à 5%, étaient des travailleurs. Cela veut dire que 95% ne l'étaient pas, ce qui voulait dire que leur entretien était à la charge du budget français.
Q- B. Guetta : Mais non, qui pour la plupart se sont intégrés...
N. Demorand : On s'arrête là, messieurs. Temps de parole oblige. Merci beaucoup J.-M. Le Pen d'avoir été notre invité ce matin. Bonne fin de
campagne d'ici au premier tour.
Source:premier-ministre, Service d'information du gouvernement, le 17 avril 2007
R- Bonjour.
Q- N. Demorand : Et bienvenue. A mes côtés H. Jouan, chef du service politique de France Inter et B. Guetta notamment pour les questions internationales. Alors J.-M. Le Pen, vous avez décrit N. Sarkozy comme un candidat de l'immigration en raison des origines hongroises de son père, pouvez-vous nous dire au bout de combien de temps, de combien de générations un Français est considéré comme un vrai, comme un bon Français au Front national ?
R- Ce n'est pas le problème. Je n'ai pas posé le problème de la date à laquelle on devient Français, simplement de la capacité morale de monsieur Sarkozy d'être candidat à la présidence de la République. Monsieur Sarkozy a instrumentalisé ses origines, non seulement hongroises par son père, mais grecques par sa mère et par conséquent il a, je crois, trois grands-parents sur quatre qui sont étrangers. Cela fait de lui parfaitement un Français, moi je n'ai jamais discuté la qualité de Français de monsieur Sarkozy...
Q- N. Demorand : Alors, pourquoi avez dit "de l'immigration" ?
R- ... Simplement, il me semble que le président de la République, ce n'est pas un fonctionnaire, un haut fonctionnaire, ce n'est pas un homme politique comme les autres, c'est un homme dont la fonction aboutit à une véritable incarnation du peuple et de la nation, voilà. C'est en cela que je trouve que monsieur Sarkozy ne correspond pas à l'idée que je me fais d'un président de la République. Mais quand on dit cela, monsieur Sarkozy considère que c'est une insulte, tout jugement qui est porté sur lui est considéré comme une insulte. Il n'admet pas le débat et d'ailleurs il a dit qu'il ne répondrait pas aux questions qu'on lui a posées.
Q- N. Demorand : Une question cela dit encore, ça vous donne quoi concrètement J.-M. Le Pen, comme compétence, d'avoir plus d'ascendances que lui, plus de grands-parents français, par exemple ?
R- Mais c'est-à-dire que c'est une plus grande adéquation au peuple que l'on veut représenter. Il y a des gens pour qui ces valeurs spirituelles n'ont aucune importance, qui considèrent que la carte d'identité, c'est une espèce de ticket de métro ou une carte de Sécurité sociale avec laquelle ils obtiennent un certain nombre d'avantages. Autrement dit, ce sont des gens qui ne considèrent dans la nation et son histoire que le présent et l'avenir, l'avenir qui évidement est un avenir exclusivement "sarkozyen" pour Sarkozy. Mais moi je considère aussi le passé. Un peuple c'est fait aussi d'un passé, c'est fait d'épreuves communes, c'est fait du travail qui a été fait au cours des siècles pour contribuer à créer le patrimoine que nous recevons soit en naissant, soit en devenant Français par naturalisation et cela ça doit être pris en charge, voyez-vous.
Q- N. Demorand : Mais est-ce que le modèle républicain en France, ce n'est pas justement J.-M. Le Pen, le fait d'être pleinement, totalement, entièrement français, dès le moment où on l'est en quelque sorte ? D'où ma question, est-ce que ces propos sont des propos républicains, quand vous dites "candidat venu de l'immigration" ?
R- Je sais qu'il y a une définition...
Q- N. Demorand : Etes-vous républicain ?
R- ...Il y a une définition du "républicain", comme c'est vous qui la donnez...
Q- N. Demorand : Je la pose.
R- ...C'est plus simple de, il faut essayer d'y entrer. Ecoutez, moi j'ai une conception de la vie publique, j'ai une conception de la vie politique, moi j'ai servi mon pays dans un certain nombre de circonstances, j'ai vu tomber auprès de moi des gens qui avaient 20 ans, 25 ans, qui sont morts, dont le sang a coulé pour que la France soit un pays libre et puisse évidemment donner à ses compatriotes toutes les libertés possibles.
Q- N. Demorand : Ca c'est le hasard de l'âge, J.-M. Le Pen.
R- Comment ?
Q- N. Demorand : C'est le hasard de l'âge et des générations.
R- Non, ce n'est pas le hasard de l'âge, il y a des gens qui avaient l'âge, qui ont l'âge de se battre, et qui ne se battent pas, on le sait bien. Ca n'a pas beaucoup d'importance.
Q- H. Jouan : J.-M. Le Pen, on a un peu de mal à comprendre votre positionnement vis-à-vis de N. Sarkozy. Il y a encore quelques jours, on avait cru comprendre que des contacts pourraient être établis entre les deux tours, entre N. Sarkozy et vous. Et puis dimanche, vous le traitez de "chef de la racaille politicienne". Pourquoi ces changements d'humeur ?
R- Mais vous avez cru comprendre, c'est bien ça, tout le problème est là.
Q- H. Jouan : C'est nous qui avons mal compris ?
R- Mais oui, comme vous le dites vous-même, vous avez cru comprendre... Eh bien vous vous êtes trompés. Il n'y avait jamais eu de conversations entre Sarkozy et moi. Bon, simplement on m'a posé la question : est-ce que vous accepteriez de parler à N. Sarkozy ? Evidement oui, comme à tous les hommes politiques ou femmes politiques français parce que je ne les considère pas comme des ennemis, mais comme des adversaires politiques et par conséquent dans la vie politique, on peut parfaitement respecter et discuter ou même avec des gens qu'on ne respecte pas toujours parce que c'est ainsi, c'est la vie qui est ainsi.
Q- H. Jouan : On parlait de discussions évidement entre les deux tours de la présidentielle.
R- Oui mais non, il n'y a aucune conversation, je l'ai dit et à un moment donné en effet, j'ai, comme N. Sarkozy d'une manière insultante d'ailleurs dit aux électeurs du Front national : "Je voudrais bien de vos voix mais pas de vos gueules", voyez-vous, c'est d'ailleurs la raison pour laquelle...
Q- H. Jouan : Il a dit : "es électeurs du Front national m'intéressent".
R- Oui, ils m'intéressent beaucoup, mais je ne veux pas qu'ils soient représentés par quelqu'un d'autre que par moi, c'est la raison pour laquelle je m'oppose à la proportionnelle qui est pratiquement admise par tout le monde et tout le monde trouve assez scandaleux que depuis des années les cinq millions d'électeurs du Front national ne sont pas représentés par un seul député, eh bien ça ne choque pas du tout monsieur Sarkozy qui considère qu'il sera lui le représentant de tous les Français y compris de ceux du Front national, à condition qu'ils soient assez gogos pour lui faire confiance.
Q- H. Jouan : Ce n'est pas un désarroi politique de votre part en voyant effectivement N. Sarkozy qui semble intéresser effectivement vos électeurs ?
R- N'importe comment, moi je ne peux avoir que des réactions négatives, et on ne peut les interpréter que comme ça, tout geste que je peux faire est évidement immédiatement soumis à la critique. Non, je n'ai aucun désarroi.
Q- H. Jouan : Non mais "chef de la racaille politicienne" ! C'est...
R- Oui "la racaille politicienne". J'ai employé le même mot que monsieur Sarkozy parce que j'ai trouvé assez choquant qu'il n'y ait pas dans le débat de cette campagne électorale la corruption qui a marqué singulièrement les années passées, aussi bien sous Chirac, que sous Sarkozy si j'ose dire et par conséquent je crois que les Français ont le droit de savoir qu'ils ont été volés, que la nomenklatura politique les a pillé sans aucun risque, je l'ai comparé d'ailleurs, j'ai dit : c'est exactement comme Forgeard, ils ont amené le pays au bord de la catastrophe, au bord de la faillite, ça ne les empêche pas de venir toucher des stocks-options et de réclamer en quelque sorte au pays une confiance qu'ils ne méritent pas.
Q- H. Jouan : Mais pourquoi vous accusez N. Sarkozy d'être un corrompu et un voleur ?
R- Mais il est d'un parti, il est bien le fils spirituel de Chirac, n'est-ce pas ? Un homme dont tout le monde dit...
Q- N. Demorand : Oui mais la corruption, ça ne se transmet pas génétiquement, J.-M. Le Pen.
R- Bien sûr, mais toutes les raisons seront données pour que les gens de l'établissement soient préservés de tout. Il y a quand même un certain nombre de ministres UMP qui ont été compromis, condamnés ; un ancien Premier ministre a été condamné lui-même. Tout cela ne vous touche pas, eh bien je crois que ça touche un certain nombre d'électeurs français, en particulier les 14 millions de
travailleurs pauvres et les sept millions de Français qui vivent avec moins de 700euros par mois, eh bien ceux-là ça les intéresse de savoir que, par exemple, monsieur Debré et les députés se sont réservés cinq ans, cinq ans de traitement parlementaire même s'ils sont battus, surtout s'ils sont battus.
Q- N. Demorand : Mais lui, N. Sarkozy, est-il corrompu, je vous repose la question d'H. Jouan ?
R- Je ne sais pas, son nom a été cité dans un certain nombre d'affaires, n'est-ce pas, mais je ne dis pas qu'il en était vraiment coupable : l'affaire Clearstream, et un certain nombre de choses comme ça, et il n'est pas au-dessus de tout soupçon. Dans la mesure où il porte le drapeau de l'UMP, il porte des responsabilités de la gestion passée de ce parti politique et de son chef, et de ses chefs.
Q- B. Guetta : Vous ne ménagez pas monsieur Sarkozy, c'est le moins qu'on puisse dire, on vient de le réentendre, c'est tout à fait votre droit, mais néanmoins dans les dernières semaines, on avait cru comprendre... Non, non vraiment, il y avait même des déclarations de vous assez explicites là-dessus, qu'à vos yeux, N. Sarkozy était, si j'ose dire, moins pire que J. Chirac.
R- Oui, absolument. B. Guetta.
Q- B. Guetta : Pourquoi ? Pourquoi ? Mais alors en quoi ? En quoi est-il à vos yeux moins pire ?
C'est exact. D'abord parce qu'il est plus jeune, qu'il n'a pas occupé les mêmes responsabilités que Chirac. Chirac a été président de la République, Chirac est l'homme qui a amené la gauche par deux fois au pouvoir, c'est lui qui a fait élire F. Mitterrand en poignardant Giscard d'Estaing dans le dos en 81. C'est lui qui ayant une majorité parlementaire a dissous l'Assemblée nationale pour permettre aux socialistes d'arriver au pouvoir pour cinq ans avec monsieur Jospin, et puis qui a été compromis dans toutes sortes de scandales : scandale de la Mairie de Paris, scandale des lycées d'Ile de France, etc. Au point que beaucoup de gens disent : eh bien maintenant dès qu'il va cesser d'être président de la République, normalement, il devrait être l'hôte des cabinets d'instruction.
Q- B. Guetta : C'est-à-dire qu'en fait vous considérez que N. Sarkozy est paradoxalement, si je veux dire, moins à gauche que Chirac ?
R- Relativement. Je crois que Sarkozy est un parfait opportuniste et qu'il sera de l'opinion qui peut éventuellement lui apporter des voix à un moment ou à un autre. D'ailleurs...
Q- B. Guetta : Mais alors quelle idée de le préférer à Chirac alors ?
R- D'où d'ailleurs cette démarche erratique qu'il pratique pendant toute sa campagne électorale allant de gauche à droite, passant par des propositions mirobolantes, comme celle qui consiste à offrir la nationalité française à toutes les femmes battues du monde, du monde entier après avoir eu une incursion dans le domaine de la psychologie pathologique, sur les gènes et les raisons qui poussent les jeunes gens à se suicider, qui seraient d'origine à son avis du gène pédophilique, enfin bref tout ce genre de déclarations qui prouvent que c'est un attrape-tout comme d'ailleurs il faut bien le dire les trois candidats de la, comment dirais-je de l'établissement, du système, qui essaient de faire oublier à travers le flot de propositions qu'ils font et qui sont toutes tournées vers l'avenir qu'il y a eu en effet un passé et que les Français sont en droit - seraient en droit - de savoir quels sont les vrais chiffres de la situation française, ce qu'ils ne savent pas car ces chiffres sont délibérément faux et tout le monde, en tous les cas ces trois candidats sont d'accord pour n'en point trop parler.
Q- H. Jouan : Un sondage paru ce matin dans Libération donne 70 % des personnes interrogées qui estiment que votre présence au second tour de cette présidentielle constituerait un mauvais évènement pour la démocratie. Deux questions : est-ce que vous pensez que vous avez échoué à dé-diaboliser votre candidature ? Deuxième question, est-ce que finalement voter pour vous ce n'est pas inutile ?
R- Ecoutez, je souhaite à beaucoup de candidats d'avoir l'acquiescement de 30% de nos compatriotes. Il y en a très peu qui l'ont.
Q- H. Jouan : Ce n'est pas des intentions de vote là.
R- Peut-être bien, mais on va bien voir ça madame. On verra ça dimanche. Ca ne sera pas la première fois qu'il y aura une surprise et je ne sais pas si vous avez remarqué, il y a un sondage qui dit que 86% des Français pensent qu'il va y avoir une surprise.
Q- H. Jouan : Mais quelle sera la surprise ? Vous avez dit une fois : "S. Royal sera battue". L'autre fois : "N. Sarkozy".
R- Non la surprise, je pense que la petite surprise sera que je serai au deuxième tour. Je le crois parce que je crois que les Français ne sont pas naïfs, qu'ils ne sont pas trompés par cette campagne virtuelle qui est faite et qui leur présente l'avenir sous un jour extrêmement bleu et rose. C'est merveilleux, c'est magnifique. Eux ils vivent les difficultés de la vie et ils savent qu'ils les doivent, pour la plupart, à la manière dont la France a été gouvernée.
Q- H. Jouan : Vous parliez tout à l'heure de la campagne erratique de N. Sarkozy. Est-ce que la vôtre ne l'est pas également ? En début de campagne, vous vous présentiez comme un candidat de centre droit. Et puis dimanche au Zénith, vous aviez franchement changé de discours.
R- Ah bon vraiment ? Je n'ai jamais... J'ai dit que j'étais de centre droit il y a quelques dizaines d'années et j'appartenais au parti de monsieur Pinay. Que j'avais le sentiment de n'avoir pas changé d'idées depuis ces temps-là, et ça n'est pas moi qui suis allé vers l'extrême droite où on me classe mais c'est toute la classe politique française qui a dérapé vers la gauche. Et c'est en cela que je disais que j'étais un candidat de centre droit. Et je ne vois pas en quoi mon discours de dimanche a pu changer cette opinion. Vous parlez de la dureté des attaques qui sont portées, mais enfin ce sont pratiquement toutes, à part les miennes, des attaques à fleuret moucheté. Il n'y a pas de véritable bataille politique, il n'y a pas de bataille sur les chiffres, il n'y a pas de bataille sur les scandales, il n'y a pas de bataille sur la réalité de la situation française. Tout le monde, il y a un grand nuage très flou dans le bonheur... Si tous les hommes du monde voulaient se donner la main, ce serait-il pas plus gentil comme ça... La force tranquille. Tous les slogans les plus éculés, tout ça, ça marche pour essayer de dire aux Français : "Surtout ne vous réveillez pas, n'ouvrez pas les yeux, n'ayez pas peur, tout va bien, c'est nous qui tenons le manche".
Q- B. Guetta : Monsieur Le Pen, l'Iran, semble-t-il, tout l'indique en vérité, veut se doter de l'arme atomique. Quelle est votre position là-dessus et quelle serait votre réaction si vous étiez élu demain ?
R- J'ai posé une question à monsieur Sarkozy, question à laquelle évidemment il refuse de répondre. Je lui ai dit compte tenu de l'affection que vous témoignez à l'égard de G. Bush et de la politique américaine, puisque vous avez considéré que le fait qu'on vous appelle "Sarko l'Américain" c'était plutôt un compliment qu'une critique : si les Etats-unis ou Israël se trouvaient engagés dans une guerre contre l'Iran, est-ce que vous engageriez la France à leurs côtés dans un conflit ? Il n'a pas répondu. J'attends sa réponse. Alors vous dites...
Q- B. Guetta : Pardonnez-moi, excusez-moi, juste une information. Il a répondu hier dans le journal Le Monde, très clairement, et sa réponse comme celle de S. Royal et de F. Bayrou est clairement non. "Non, je n'engagerais pas, moi N. Sarkozy, la France dans une guerre contre l'Irak".
R- Très bien. Donc c'est une solidarité atlantique à géométrie variable. C'est-à-dire qu'on est solidaire mais pas trop quand même. Bon mais je me félicite de cette réponse qui doit rassurer les mères de famille françaises. Mais pour répondre à votre question, d'abord vous dites "on croit savoir, il semble que...". Officiellement, en tous les cas, l'Iran n'a pas réclamé la constitution d'une arme nucléaire, n'est-ce pas. C'est une première chose. Et affirme vouloir se doter d'une industrie électro nucléaire, ce que j'estime être parfaitement son droit. On ne voit pas au nom de quels droits internationaux, de quel droit international, on pourrait refuser à l'Iran d'avoir, de se doter de l'énergie nucléaire. Quant à la bombe, allons jusqu'au bout, si même ce pays voulait se doter de l'arme nucléaire, on ne voit pas pourquoi on lui opposerait des conditions autres que celles qu'on aurait pu opposer à Israël, qui en a disposé contre d'ailleurs toutes les résolutions de l'ONU, le Pakistan, l'Inde, la Chine, c'est-à-dire tous les pays environnants en quelque sorte. L'Iran n'est pas un petit pays. L'Iran est un pays qui va avoir 100 millions d'habitants bientôt et même qui a une mouvance, je dirais, plus large encore. Et donc qui est un grand pays pétrolier et qui a, semble-t-il, le droit d'avoir tous les pouvoirs d'une grande puissance. Or on sait que l'arme atomique est une arme de non usage, de non emploi. C'est une arme dissuasive et que tous les pays qui ont l'arme nucléaire savent que s'ils l'utilisaient par malheur, ils seraient probablement vitrifiés par retour du courrier.
Q- B. Guetta : Je suis très frappé d'une chose, c'est que la position que vous avez exprimée à l'instant, jusqu'à présent n'a été exprimée que par un autre candidat, un trotskiste, monsieur Schivardi.
R- C'est possible. Je ne demande à mes concurrents l'autorisation d'avoir telle ou telle position politique, surtout en matière internationale.
Q- N. Demorand : Une question qui nous vient d'Amiens. La voici. Elle arrive par Internet à France Inter. « La France pour moi est le seul pays où je voudrais habiter. Je suis très fière, très heureuse moi d'être française. Ne pensez-vous pas, J.-M. Le Pen, qu'un pays qui se prive des mouvements migratoires comme vous le préconisez, est un pays voué au déclin ? »
R- Je ne crois pas du tout. Je crois que chaque pays doit trouver en lui-même, les forces de sa reproduction et de sa projection dans l'avenir. C'est d'ailleurs le cas de la plupart des pays. Malheureusement, ça ne l'est pas de l'Europe qui a une politique démographique désastreuse et qui perd de sa force naturelle, en quelque sorte, d'année en année. C'est la raison pour laquelle, je préconise moi une politique familiale et une politique démographique hardie et de telle sorte que nous puissions, nous-mêmes, assumer le remplacement de nos propres générations. Et surtout je voudrais rappeler un fait qui a échappé semble-t-il à l'analyse de nos dirigeants, c'est que la population mondiale est passée en cent ans de 1 à 7 milliards d'habitants et qu'elle est en constante expansion. Par conséquent, la pression qui s'exerce sur nos frontières va amener probablement de plus en plus de gens à vouloir entrer chez nous. Tout le problème est de savoir si on veut les laisser rentrer, au quel cas nous deviendrons minoritaires chez nous et nous serons donc à la merci de ceux qui seront majoritaires, comme au Kosovo, comme c'est sur le point de se produire au Sri Lanka. Et moi je suis pour que nous gardions notre propre disposition de nous-mêmes.
Q- N. Demorand : Michel de Lorient vous pose la question suivante, c'est plus sur votre campagne et votre parcours politique. « Vous savez très bien que même présent au second tour, vous ne serez jamais élu. Pourquoi cette hypocrisie et toute cette énergie déployée et dire : quand je serais président, je ferais ci, ci et ça ? Vous ne ferez jamais rien J.-M. Le Pen ».
R- Je suis un énergique hypocrite en quelque sorte. Je suis une espèce de masochiste qui se donne tout ce mal.
Q- N. Demorand : Ca c'est votre commentaire de ce court mail.
R- Non mais d'accord. J'ai bien compris ce que ça voulait dire. Monsieur se substitue au suffrage universel car si ce qu'il dit est vrai, dans ces cas-là, personne n'aurait jamais pu espérer arriver au pouvoir. Je rappelle qu'en 1958 dans les premiers mois, le général De Gaulle pesait 3% dans les sondages. Il a été au pouvoir pour 12 ans après.
Q- H. Jouan : Mais si par hypothèse, dimanche soir, vous n'êtes pas présent au second tour, que ferez-vous ?
R- J'accepterai le verdict des urnes. J'en serai désolé parce que je penserais que dans ce cas-là, il n'y a pas de sursaut de l'opinion française et que par conséquent, nous allons irrémédiablement glisser dans une décadence de plus en plus brutale.
Q- N. Demorand : Et ce serait la retraite pour vous ?
R- Oh non, pas forcément. Non, bien sûr que non. Il y a immédiatement après une campagne législative dans laquelle je participerais de toutes mes forces. Vous savez, moi n'étant pas fonctionnaire, je ne suis pas à la recherche de la retraite et je démontre me semble-t-il, par mon activité, que plus on avance en âge et si on veut travailler, on garde ses capacités dans tous les domaines.
Q- H. Jouan : Juste, vous appellerez à voter pour quelqu'un ?
R- Je n'en sais rien, je vous dirai ça le 1er mai car j'ai un grand meeting, on le sait, le jour de la fête de Jeanne d'Arc, tous les ans, le 1er mai. Et le 1er mai, je dirai ce que je pense devoir être la position des électeurs du Front national.
Q- H. Jouan : Qu'est-ce qui vous déterminera ?
R- Je ne sais pas. C'est d'abord les noms des gens qui auront été qualifiés, à condition que je ne le sois pas. Mais si je ne suis pas qualifié au premier tour, je verrai d'abord quels sont les gens qui ont été qualifiés et ce qu'ils vont dire. Parce qu'on a pas tout à fait le même programme au deuxième tour qu'au premier, bien évidemment. Au premier, on rassemble son camp, au deuxième on s'astreint à représenter une majorité de citoyens.
Q- B. Guetta : J'en viens à l'un de vos sujets favoris, l'immigration. Pourquoi ne faites-vous jamais référence au succès de l'intégration dans notre société, dans notre pays des enfants d'immigrés ? Car ces succès sont infiniment plus nombreux que les échecs de l'intégration.
R- Mais vous les notez où ces succès ?
Q- B. Guetta : Mais partout dans la société. Voyez les enfants d'immigrés qui sont intégrés dans tous les secteurs professionnels, dans tous les secteurs socio professionnels et qui sont de parfaits citoyens français.
R- Cher monsieur, j'en ai au Front national. J'en ai même à la direction du Front national.
Q- B. Guetta : Alors pourquoi ne faites-vous jamais référence à ces succès ? On ne vous entend que tonner contre les échecs.
R- Non, je tonne contre la politique d'immigration qui a consisté à faire entrer chez nous, en trente ans, dix millions d'étrangers qui à 5%, étaient des travailleurs. Cela veut dire que 95% ne l'étaient pas, ce qui voulait dire que leur entretien était à la charge du budget français.
Q- B. Guetta : Mais non, qui pour la plupart se sont intégrés...
N. Demorand : On s'arrête là, messieurs. Temps de parole oblige. Merci beaucoup J.-M. Le Pen d'avoir été notre invité ce matin. Bonne fin de
campagne d'ici au premier tour.
Source:premier-ministre, Service d'information du gouvernement, le 17 avril 2007