Texte intégral
Jean-Jacques Bourdin - Présidentielles 2007, premier tour dans six jours. 30 à 40% des électeurs n'auraient pas encore décidé pour qui voter. Alors pour vous aider, RMC et BFM TV vous offrent, vous le savez la possibilité de comparer les projets et les personnalités des douze candidats. Depuis une semaine nous embauchons ensemble celle ou celui qui dirigera la France. Marie George Buffet, José Bové, Frédéric Nihous, Olivier Besancenot et Dominique Voynet sont venus ici la semaine dernière de 8 heures 20 à 9 heures ou de 10 heures 20 à 11 heures. Et cette semaine nous recevons Ségolène Royal ce matin, Gérard Schivardi demain de 8 heures 20 à 9 heures, Arlette Laguiller demain de 10 heures 20 à 11 heures, Jean Marie Le Pen mercredi de 8 heures 20 à 9 heures, Nicolas Sarkozy jeudi de 8 heures 20 à 9 heures, François Bayrou aussi jeudi de 10 heures 20 à 11 heures et Philippe De Villiers vendredi de 8 heures 20 à 9 heures. Même temps de parole, des questions courtes et précises tous les matins, un face à face entre eux et nous comprenant des questions d'actualité et les questions que vous voulez poser en appelant le 32 16 ou en envoyant vos courriels sur notre site rmc.fr. Nous demandons des engagements à tous les candidats, engagements sur lesquels nous reviendrons dans les mois qui suivront l'élection. Ségolène Royal bonjour.
Ségolène Royal - Bonjour.
Jean-Jacques Bourdin - Merci d'être avec nous ce matin. Alors nous commençons avec l'actualité comme nous le faisons avec tous les candidats. La gauche ne doit par refuser l'alliance avec un centre rénové, a écrit hier Bernard Kouchner qui faisait écho à Michel Rocard. Cette alliance est t-elle possible ?
Ségolène Royal - Ecoutez pour l'instant ce n'est pas une question que je me pose. Pourquoi ? Parce que je veux que les électeurs aient droit à un vote clair, simple. Nous sommes aujourd'hui plusieurs candidats, c'est le premier tour de l'élection présidentielle. J'ai construis avec les Français un projet, un pacte qu'ils vont recevoir, que j'ai là, tout le monde va le recevoir à son domicile comme l'ensemble des professions de foi des citoyens. Je l'ai rédigé.
Jean-Jacques Bourdin - Si La Poste n'est pas en grève.
Ségolène Royal - J'espère.
Jean-Jacques Bourdin - Vous savez qu'il y a un mouvement de grève chez les postiers.
Ségolène Royal - Je pense que quand même les documents électoraux parviendront aux Français et donc qu'ils pourront se faire leur avis par eux-mêmes. Moi j'ai confiance dans l'intelligence des citoyens. Je crois qu'il ne faut pas les embrouiller avant ce premier vote. Je ne ferais jamais en tous cas de combinaison ou d'accord dans le dos des électeurs. Je veux un vote clair, je veux un débat politique transparent et donc je veux que les Français se prononcent sur des idées et sur la façon dont ils voient la France dans les cinq années qui viennent et même au-delà compte tenu des difficultés, des problèmes, de l'endettement, du chômage. C'est à tout cela qu'il faut répondre aujourd'hui.
Jean-Jacques Bourdin - Alors jamais d'alliance par exemple entre les deux tours ?
Ségolène Royal - Entre les deux tours, nous verrons. Pourquoi ? Parce que tous ceux qui voudront venir sur le projet que je propose et se rassembler autour de moi pour faire gagner la France, seront tous les bienvenus. Chacun à ce moment-la prendra ses responsabilités puisqu'il y aura un affrontement, une confrontation entre deux projets. Moi je veux réformer la France sans la brutaliser. Je veux que la loi du plus juste remplace la loi du plus fort. Je souhaite que les valeurs humaines remplacent partout les valeurs boursières et les valeurs financières. Je veux un ordre juste et des sécurités durables parce que ce dont souffre la France aujourd'hui, ce sont des désordres injustes dans tous les domaines. Donc il va falloir remettre à niveau les services publics et relancer la machine économique. Avec du donnant donnant. Je ne suis pas pour l'assistanat. Je suis pour faire des actions nouvelles pour que ceux qui ont des difficultés s'en sortent mais qu'en contre partie, ils fassent un effort individuel dans le sens de l'intérêt général. Voilà quelques règles claires. C'est ma conception de la morale politique. Je veux aujourd'hui élever le débat pour que les Français choisissent.
Jean-Jacques Bourdin - Alors Michel Rocard, « isolés, ni les centristes ni nous n'avons aucune chance de battre la coalition de Nicolas Sarkozy et Jean Marie Le Pen ». Il a raison ou tort ?
Ségolène Royal - Mais ce n'est plus ma façon de faire de la politique. Je crois que c'est fini ces arrangements politiciens, entre appareils politiques, ces petites combines de dernière minute. J'aime bien Michel Rocard, je crois que c'est un homme de talent. Mais je crois qu'aujourd'hui il faut faire de la politique autrement, c'est à dire s'adresser à l'intelligence des citoyens, se rassembler sur des idées, sur des actions collectives, sur des priorités, sur des valeurs comme celles que je viens de vous donner et on verra entre les deux tours qui vient sur ces valeurs et qui a envie de relever la France sur des principes clairs. Moi je veux remettre la maison France debout. Aujourd'hui ça va mal. Il y a une montée des violences, des brutalités. Je veux une société sans violence. Et une société efficace. Voilà ce que je propose aux Français.
Jean-Jacques Bourdin - Il y a selon vous une alliance en ce moment entre l'UMP et le Front national ? Est-ce que vous sentez un rapprochement franchement ?
Ségolène Royal - Franchement je sens quelques clins d'oeil très désagréables et en particulier, la promesse de dernière minute de faire de la proportionnelle alors que jusqu'alors l'UMP s'y refusait. Les déclarations du leader de l'extrême droite qui en effet qu'il parle avec l'UMP et je crois que les idées du Front national ne correspondent pas à ce qu'il faut pour la France. Elles sont même extrêmement dangereuses.
Jean-Jacques Bourdin - Vous dites aussi, on ne m'a pas épargné grand chose dans mon camp. Vous voulez dire quoi par là ? C'est vrai ça ? C'est ce que vous avez dit.
Ségolène Royal - Oui vous avez pu observer comme moi l'actualité politique.
Jean-Jacques Bourdin - On vous en veut ou quoi ? Pourquoi ?
Ségolène Royal - Je pense d'abord qu'on me fait payer une certaine liberté. C'est vrai que je viens du Parti socialiste et j'y appartiens, j'en suis fière. J'en suis élue depuis maintenant quatre mandats. Je suis présidente de région. Mais je garde une liberté de parole. Je crois qu'il est temps de tourner le dos à un certain nombre de dogmes, qu'il faut regarder la réalité telle qu'elle est. Les problèmes que les Français les subissent tels qu'ils sont et puis y répondre de façon efficace. Et puis un certain nombre de personnalités n'ont pas vraiment accepté ma désignation. Je crois et les récentes déclarations auxquelles vous faisiez allusion traduisent cela. Ce sont des hommes qui n'ont jamais accepté ma désignation. Voilà donc c'est les Français, ce sont les Français qui vont trancher aujourd'hui et qui vont me dire si oui ou non, j'ai eu raison à la fois de tenir bon, il a fallu du courage vous savez dans certaines périodes. Heureusement aussi je suis appuyée sur une équipe de qualité. De tenir bon et surtout de maintenir mon esprit libre. Vous savez moi je ne dépends d'aucune puissance d'argent, d'aucun groupe de pression. Je n'ai personne à placer, je ne dépends d'aucun lobby et si le Parti socialiste me soutient avec d'autres partis de gauche comme les Radicaux, le Mouvement des citoyens, j'espère et je fais appel aussi au-delà des partis aux Français qui ont envie que ça gagne, qui ont envie que ça progresse, qui ont envie que ça bouge, qui ont envie d'être fiers de la présidente de la République qu'ils auront choisie.
Jean-Jacques Bourdin - L'actualité, dernière question sur l'actualité. Il y avait ce week end le congres de l'UOIF. Est-ce que vous assimilez les femmes voilées à des femmes violées ou battues ?
Ségolène Royal - Non. Non parce que dans les femmes voilées, il y a celles qui le sont de force et celles qui le choisissent.
Jean-Jacques Bourdin - Bien.
Ségolène Royal - Donc je vois à quoi vous faites allusion, à un meeting qui a été fait où j'avais cité toutes les violences faites aux femmes et celles dont je parlais, les femmes voilées, je pensais surtout aux femmes afghanes dont j'avais rencontré certaines. Les femmes afghanes résistantes qui ne sont pas voilées, qui sont carrément mises sous la burka de force et c'est à elles que je pensais, bien évidemment, pas aux autres qui ont la liberté de choisir la façon dont elles s'habillent.
Jean-Jacques Bourdin - Bien, regardons votre projet maintenant, avant votre personnalité. Votre projet, je regarde. J'ai pris vos cent propositions. Le CDI sera la règle, suppression du CNE, du CDD, de l'intérim ou pas ?
Ségolène Royal - Oui. Vous savez pourquoi ? Parce que je pense que la précarité telle qu'elle a été construite au cours de ces cinq années d'un gouvernement quand même très libéral, certains d'ailleurs avec bonne foi qui ont pensé que c'est en précarisant les salariés qu'on allait aider les entreprises à être performantes. On voit que ça ne marche pas. Moi je crois tout le contraire. Je crois que c'est en sécurisant les salariés, comme c'est fait dans les pays du Nord de l'Europe avec des contrats de travail à durée indéterminée, des salaires corrects, c'est à dire qui correspondent vraiment au travail effectué et pas des travailleurs pauvres, qu'on rend les salariés motivés. Et donc on rend comme ça les entreprises compétitives. Et c'est ça le nouveau modèle de croissance que je veux proposer. C'est réconcilier la sécurisation des salariés et en même temps, l'agilité des entreprises. Aujourd'hui on oppose les uns aux autres, or on voit bien que c'est dans la qualité du dialogue social, c'est pourquoi aussi j'appelle de mes voeux l'augmentation du nombre de salariés qui adhèrent aux organisations syndicales pour qu'en amont des difficultés de l'entreprise, il y ait un dialogue social entre partenaires sociaux qui peuvent, ensuite, quand il y a des difficultés discuter, anticiper, assumer des mutations sans que ce soit au profit de quelques uns et aux dépends du plus grand nombre.
Jean-Jacques Bourdin - Bien on regarde les salaires maintenant. Le Smic à 1500 euros le plus tôt possible. 1500 euros net, on est bien d'accord. 18% des salariés payés au Smic, je le rappelle.
Ségolène Royal - Plus si c'est...
Jean-Jacques Bourdin - Plus si c'est possible.
Ségolène Royal - Plus rapidement si c'est possible. Tout va dépendre de la relance de la croissance économique.
Jean-Jacques Bourdin - Dès juin 2007 organisation d'une conférence nationale sur les salaires, les revenus et la croissance. Qui participe et quel est l'objectif ?
Ségolène Royal - Qui participe, les partenaires sociaux, c'est à dire les organisations syndicales, le patronat et l'Etat.
Jean-Jacques Bourdin - Et quel est l'objectif ?
Ségolène Royal - Et l'Etat qui en est garant.
Jean-Jacques Bourdin - Et l'Etat qui en est garant. Et quel est l'objectif ?
Ségolène Royal - L'objectif c'est de relancer la politique salariale, c'est de voir comment dans les différentes branches industrielles, celles qui embauchent et celles qui n'embauchent pas, là où il y a des difficultés, là où il y en a pas, c'est de faire en sorte que l'augmentation des salaires ne pèse pas sur les entreprises de main d'oeuvre. Donc qu'il y ait aussi une discussion sur une autre répartition des charges sociales pour que ce ne soit pas que les salaires prioritairement qui supportent ces charges sociales. Et l'objectif que je veux atteindre, c'est que le travail soit moins taxé que le capital. Je veux aussi moduler l'impôt sur les sociétés en fonction de la masse salariale. C'est à dire il y aura moins d'impôt sur les entreprises pour celles qui augmentent leur masse salariale. Comment est-ce qu'on augmente la masse salariale ? Soit en embauchant, soit en augmentant les salaires car ce qui ne va pas aujourd'hui, c'est qu'il y a beaucoup de gaspillage dans les aides publiques aux entreprises. 63 milliards d'euros, vous vous rendez compte. Et quand j'ai rencontré les représentants des jeunes dirigeants d'entreprises, ils ont fait une étude rapidement, à ma demande. 9% seulement de ces crédits publics vont aux PME, celles qui créent 60% de l'emploi. Donc je veux mettre fin à ces gaspillages, concentrer les aides publiques sur les entreprises qui créent de l'emploi.
Jean-Jacques Bourdin - Donc des aides publiques aux entreprises qui s'engagent à ne pas licencier quand elles font des bénéfices, par exemple ?
Ségolène Royal - Bien sûr et même là il faudra aller au delà, c'est à dire ces entreprises qui licencient alors qu'elles font des bénéfices ou qui délocalisent alors qu'elles font des bénéfices, rembourseront l'ensemble des aides publiques qu'elles ont reçues et des allégements de charge. Ce n'est que justice et d'ailleurs je le fais dans la région que je préside. Et après avoir un peu protesté, les entreprises finalement ont compris qu'avec des règles du jeu claires, l'ordre économique juste vient. Vous savez il faut que les règles soient claires et comme ça, il y a pas de position dominante, de gens qui en profitent parce qu'ils sont mieux placés que d'autres et puis l'argent public est limité. Et donc on a la responsabilité de faire en sorte qu'un euro dépensé soit un euro utile. Et il n'y a pas comme ça de droit de n'importe quelle entreprise sans aucune contre partie, à avoir accès aux aides publiques comme c'est le cas aujourd'hui.
Jean-Jacques Bourdin - Je vois aussi dans votre programme des allégements de charges sociales pour les entreprises de main d'oeuvre.
Ségolène Royal - Oui c'est ce que je disais tout à l'heure. Je crois que le travail doit être moins lourdement taxé que le capital et en particulier avec des idées originales que j'avance pour lutter contre le chômage des jeunes. Ce sont des idées qui ont fait leurs preuves puisqu'elles sont déjà...
Jean-Jacques Bourdin - Alors on va y revenir. Le contrat première chance par exemple.
Ségolène Royal - Par exemple ou les emplois tremplin.
Jean-Jacques Bourdin - Alors commençons avec ce contrat première chance qui a été très décrié. On a besoin de précisions. Vous voulez permettre aux commerçants et aux artisans dans les entreprises de moins de dix salariés, de pourvoir les 500 000 offres d'emploi qui ne sont pas satisfaites. C'est ça l'idée ?
Ségolène Royal - C'est ça. D'un côté les artisans et les commerçants nous disent, il y a 500 000 offres d'emplois non satisfaites dans les métiers des services, dans les métiers du bâtiment, dans les métiers de la restauration et de l'autre 190 000 jeunes qui sortent du système scolaire sans qualification, sans rien. Moi je crois que la question du chômage des jeunes, c'est ce qui ronge l'équilibre d'une société. Et j'entends réussir ce combat contre le chômage des jeunes. Vous savez quand on regarde les questions de délinquance, qu'est-ce que l'on voit ? On voit que les jeunes mineurs qui sont en situation de délinquance et même les jeunes majeurs, sont tous quasiment ceux qui ont été en échec scolaire et qui n'ont pas eu de travail. Donc je pense qu'une société juste, qui se remet debout, c'est une société qui prend à bras le corps la question de la lutte contre le chômage des jeunes. Et cette lutte-la, ce combat-la j'y entraînerais toute la société française. Alors certains me disent, oui mais il y a aussi du chômage chez les seniors. C'est vrai. Il y a aussi des déficits dans les comptes sociaux.
Jean-Jacques Bourdin - Pour ceux qui ont plus de 55 ans. Que proposez-vous ?
Ségolène Royal - Pour ceux qui ont plus de 55 ans et en particulier beaucoup de femmes qui sont rejetées du milieu du travail à partir d'un certain âge, il faut leur redonner une formation professionnelle. Et donc à ceci aussi j'ouvrirais les dynamiques d'emplois tremplins. C'est à dire qu'en redonnant aux salariés de plus de 50 ans des formations à la carte en fonction de la qualification qu'ils ont obtenue, de la validation, de ce qu'on appelle la validation des acquis, de l'expérience. Car quelqu'un qui a travaillé jusqu'à 50 ans, sait faire des choses, a acquis une expérience et aujourd'hui celle-ci n'est absolument pas reconnue. Et donc ce que nous faisons et là aussi, ça a été expérimenté puisque ce sont les régions qui ont la responsabilité de la formation professionnelle, on voit que l'on réussit lorsqu'on investit dans la formation professionnelle mais je répète individuellement avec un accompagnement individualisé des seniors et des chômeurs de plus de 50 ans, on arrive soit à leur faire changer de métier. Et c'est vrai que quand je vois des femmes qui ont été dans les abattoirs pendant vingt ans, elles ont envie de changer de métier, donc on les forme à des hauts métiers du lien social, au soutien aux personnes âgées, à l'accompagnement des personnes handicapées, aux gardes d'enfants. Parfois même certaines réussissent à entrer dans l'Education nationale comme auxiliaire dans les écoles maternelles etc. Donc il y a un tel besoin d'un côté dans les métiers du lien social et de l'autre des femmes ouvrières qui sont dans des filières industrielles qui ont fermé ou qui ont fait des plans de licenciement, que je veux rapprocher ce potentiel humain et ces besoins humains pour construire une société du lien social. Et nous en avons besoin. Mon objectif c'est que personne ne soit gaspillé, c'est à dire que chacun là où il est, quel que soit son âge, jeune, adulte, senior, puisse se dire, les pouvoirs publics vont bien fonctionner, tellement bien qu'ils vont me donner l'occasion et la possibilité de me réaliser et de donner le meilleur de lui-même. C'est comme ça que je construis ce que j'appelle la France présidente. La France présidente, c'est chacun qui est appelé à contribuer à l'oeuvre commune.
Jean-Jacques Bourdin - Bien, alors je prends aussi une autre proposition. Je suis sans travail mais je touche le RMI ou autres minima sociaux, je bénéficierais d'un revenu de solidarité active si je reprends le travail, c'est cela ?
Ségolène Royal - Oui. Qu'est-ce que ça veut dire ça ?
Jean-Jacques Bourdin - Oui précision.
Ségolène Royal - Précision. Ca veut dire que quelqu'un qui est au RMI et qui aujourd'hui retrouve un travail, souvent perd des revenus. Il perd des revenus parce qu'il perd l'accès à un certain nombre de prestations gratuites qui son liées au RMI.
Jean-Jacques Bourdin - Mieux vaut rester au RMI ?
Ségolène Royal - Voilà et ça ce n'est pas normal et je ne veux pas que le non travail paye plus que le travail. Donc il y aura ce revenu de solidarité active qui est idée d'ailleurs de l'association EMMAUS, qui s'occupe comme vous le savez des plus déshérités et qui a observé, justement, parfois, ceux qui faisaient un effort considérable pour sortir du RMI et qui retrouvaient un travail, même un travail à temps partiel, perdaient de l'argent. Et ça, ce n'est pas possible. Et donc le revenu de solidarité active permettra de maintenir le différentiel entre l'ancien RMI et le travail pour qu'il y ait au moins 30% en gros, 30% d'augmentation des revenus lorsque l'on fait l'effort de retrouver un travail.
Jean-Jacques Bourdin - Est-ce que vous abrogez et on parle des retraites, est-ce que vous abrogez la loi Filon sur les retraites ?
Ségolène Royal - Oui je crois qu'il faut tout remettre à plat. Il faut tout remettre à plat parce qu'il y a eu de grosses injustices qui ont été créées par cette loi Fillon, en particulier aux dépens des femmes puisque cette loi a augmenté la durée de cotisation. Or ce sont les femmes qui s'en sont trouvées pénalisées, celles qui se sont arrêtées pour élever leurs enfants, celles qui se sont mis au temps partiel pour élever leurs enfants aussi, celles qui ont travaillé pour leur mari dans le commerce, l'artisanat sans être déclarées. Et donc aujourd'hui nous voyons des femmes qui ont travaillé et qui se trouvent à la retraite dans des situations de pauvreté. Et ça c'est tout à fait anormal. Je rencontrais l'autre jour les salariés d'une industrie textile, qui sont payés au Smic au bout de trente ans de carrière, 980 euros net. Et je leur ai demandé mais à combien vous partez à la retraite ? Et la retraite est à peu près de 600 euros. C'est à dire à peine plus que le minimum vieillesse après avoir travaillé toute sa vie et ça, c'est inadmissible. Donc je revaloriserais le niveau des retraites et en particuliers des petites retraites et celles des femmes pour reconstituer des carrières et puis il faudra prendre en compte la pénibilité des tâches. Aujourd'hui il n'y a pas suffisamment de différences dans le niveau de retraite entre ceux qui ont eu des travaux extrêmement pénibles et donc ils sont amoindris sur le plan de la santé puisque aujourd'hui, un cadre supérieur vit sept années de plus qu'un ouvrier. Et en plus dans un état de santé meilleur. Et cette injustice-la, elle n'a aucune raison d'être. Et dans le programme de l'UMP d'ailleurs, du candidat de l'UMP, elle va s'aggraver puisque vous savez qu'il propose des déremboursements de soins, ce qu'on appelle des franchises où désormais tous les Français devront payer une partie des soins au lieu d'être remboursés. Et ça, ça va créer une santé à plusieurs vitesses.
Jean-Jacques Bourdin - Oui mais n'est-ce pas une façon de les responsabiliser aussi ?
Ségolène Royal - Mais on peut responsabiliser sans détruire la Sécurité sociale parce que qu'est-ce qui va se passer ? Il va se passer que ceux qui ont les moyens vont pouvoir payer des assurances privées et puis ceux qui ne le pourront pas et qui ne peuvent pas se payer des mutuelles, ne pourront plus avoir accès à la santé. Or aujourd'hui qui a le plus besoin à l'accès aidé à la santé ? Ce sont les personnes âgées. Et moi je leur dis que je serais la présidente de la République qui sera garante de la défense de la Sécurité sociale. Et en effet si on responsabilise bien les usagers, si on responsabilise bien aussi les médecins, si on développe la politique de prévention, il n'y a aucune raison de ne pas réussir à rétablir l'équilibre des comptes sociaux.
Jean-Jacques Bourdin - Un mot encore sur les régimes spéciaux. Vous rediscuterez ?
Ségolène Royal - On remet à plat.
Jean-Jacques Bourdin - On remet tout à plat ?
Ségolène Royal - On remet à plat mais pas avec un esprit revanchard ou pas en désignant ceux qui bénéficient des régimes spéciaux comme les seuls responsables des déficits de la retraite. Et les régimes spéciaux, il y a aussi le régime des élus. Alors quand j'entends certains responsables politiques de droite comme monsieur Fillon dire qu'il faut, ou comme monsieur Sarkozy, dire qu'il faut remettre à plat les régimes spéciaux des cheminots ou des électriciens et qu'eux-mêmes, bénéficient de régimes spéciaux parce qu'ils sont parlementaires, je dis qu'il y a là comme une grosse hypocrisie. Et donc les régimes spéciaux des élus seront également remis à plat.
Jean-Jacques Bourdin - Ségolène Royal , notre invitée ce matin. Du projet, nous allons passer à la personnalité de Ségolène Royal dans deux minutes après cette petite page de pub. A tout de suite. (...). Notre invitée ce matin Ségolène Royal qui est avec nous pour son entretien d'embauche. Alors le manifeste RMC 20 Minutes avec LH2, le manifeste c'est un petit livre qui a rassemblé toutes les propositions des auditeurs de RMC et des lecteurs de 20 Minutes. Alors nos auditeurs et nos lecteurs vous demandent d'instaurer un salaire parental d'au moins 750 euros à partir du troisième enfant jusqu'au 16 ans du dernier enfant. Vous y êtes favorable ou pas ?
Ségolène Royal - Il faut en avoir les moyens d'abord. Ensuite je pense que toutes les prestations familiales nouvelles doivent être soumises à condition de ressources puisque, vous le savez, je l'ai dis tout à l'heure, l'argent public est quand même limité. Je crois qu'il faut préférer des bonifications peut-être de retraite par enfant à élever comme je l'ai dis tout à l'heure. Et puis vous savez, moi j'ai créé le congé de paternité, c'est à dire qu'aujourd'hui les papas, grâce à moi, ont quinze jours de congé à la naissance de leur enfant. Je pense que nous pourrions aller au delà pour les pères et pour les mères mais dans le cadre d'une liberté de choix de l'organisation de son temps de vie sur la durée de vie active. C'est à dire que l'on puisse au lieu d'avoir un système couperet au moment de la retraite, avoir une retraite à la carte et pouvoir prendre au cours de sa vie professionnelle des temps de repos, des années sabbatiques, soit pour soi-même, pour se cultiver, pour voyager, pour se déplacer, pour essayer un autre métier, ou pour effectivement s'occuper de sa famille et de ses enfants. Je pense qu'aujourd'hui dans la vie dans laquelle nous sommes, les Français ont besoin de liberté de choix plutôt que de systèmes totalement uniformes et couperets.
Jean-Jacques Bourdin - Ségolène Royal qui êtes-vous ? Vous avez 54 ans. Pardonnez-moi, je donne votre âge. Vous êtes en, 1953 dans la banlieue de Dakar. Votre prénom à l'origine, c'est Marie Ségolène. Vous supprimez le Marie à 25 ans, pourquoi ?
Ségolène Royal - Ca s'est fait tout naturellement. C'est déjà un peu long et puis comme dans la vie courante, dans ma famille, on m'appelait Ségolène et très rarement Marie Ségolène et puis je venais d'une famille où tous les enfants s'appelaient Marie. Voilà même les garçons.
Jean-Jacques Bourdin - Toutes les filles, même les garçons ?
Ségolène Royal - Et les garçons en second prénom.
Jean-Jacques Bourdin - Alors votre père militaire, très sévère. Vous avez dit, « mon père m'a toujours fait sentir que nous étions, mes soeurs et moi, des êtres inférieurs ». C'est vrai ça ?
Ségolène Royal - Des êtres inférieurs mais peut-être que de son point de vue, c'était simplement l'ordre des choses. C'est vrai que je viens d'une famille très conservatrice où on disait aux filles, c'est pas la peine d'aller faire des études puisqu'au fond ton destin, c'est de te marier, de t'occuper de tes enfants et de rester à la cuisine. Donc c'est vrai qu'il a fallu...
Jean-Jacques Bourdin - Et de se trouver un bon parti.
Ségolène Royal - Oui voilà. Donc c'est vrai qu'il a fallu un peu forcer ce destin puisque autour de moi quand j'étais enfant, aucune femme n'avait d'activité professionnelle. Mais j'ai compris très tôt en voyant ces femmes dépendre totalement de leurs maris que l'indépendance des femmes pouvait se conquérir par l'autonomie financière et par le métier.
Jean-Jacques Bourdin - Vous avez souffert pour votre mère ? La séparation des parents, votre père qui refuse de verser une pension alimentaire, de financer les études de ses enfants, vous avez souffert de ça ?
Ségolène Royal - Ecoutez forcément on préfère des itinéraires moins chaotiques et en même temps, c'est aussi le fait d'avoir subi des épreuves que subissent beaucoup de Français, vous savez dans quelle famille n'y a t-il pas des problèmes, des conflits, des difficultés financières et donc c'est le lot de millions et de millions de familles et le fait d'avoir connu ces épreuves, de les avoir surmontées et puis de les avoir relativisées aussi parce qu'avec le temps on retient le bon côté des choses, ça me permet aussi de comprendre les difficultés que vivent les gens. Lorsque je reçois dans mes permanences des femmes broyées par le divorce ou l'abandon de leur conjoint, des femmes qui sont en grande difficulté financière, des personnes âgées abandonnées par leur famille, des enfants en conflit très dur avec leurs parents, ça me permet de comprendre leurs problèmes et surtout ça m'a aidée lorsque je suis devenue ministre de la Famille, à développer très fortement ce que j'appelle la médiation familiale. C'est à dire que je crois qu'il y aurait beaucoup moins de souffrance dans les familles si les parents pouvaient être aidés, conseillés au bon moment. Ca ne s'improvise pas le métier de parents, c'est devenu même très difficile. Je vois aussi des mères seules avec leurs adolescents, beaucoup de difficultés. Et souvent leur donner un coup de main, de bons conseils, comment ne pas faire d'impair avec ces adolescents si fragiles, je crois que c'est très important. Et donc j'ai développé les écoles de parents. C'est à dire des lieux de médiation familiale où les parents peuvent venir se faire aider, des médiateurs conjugaux aussi où les couples qui n'arrivent plus à se parler ou quand la violence monte, savoir quel mot mettre sur les souffrances pour que les familles fonctionnent bien. Et vous savez souvent à gauche, on a eu parfois réticence à parler de la famille et moi je crois que c'est au coeur d'un projet politique les familles. Voilà, vous voyez une différence aussi avec les dogmes traditionnels et dans le projet que je propose...
Jean-Jacques Bourdin - Là vous vous dégagez des dogmes traditionnels de la gauche parfois. On le voit bien.
Ségolène Royal - Mais je crois que c'est très important. Des familles qui fonctionnent bien, une école accueillante à tous, du travail pour chacun, tout se tient et c'est comme ça qu'une société est solide sur ses bases.
Jean-Jacques Bourdin - Alors je regarde encore. A 12 ans vous demandez à monsieur le curé pourquoi les hommes et les femmes n'ont t-ils pas les mêmes droits ?
Ségolène Royal - Mais où est-ce que vous avez vu tout ça ?
Jean-Jacques Bourdin - Mais oui c'est vrai ça. C'est vrai ça, non ?
Ségolène Royal - C'est très romanesque.
Jean-Jacques Bourdin - Oui c'est romanesque. Vous êtes avocate aussi.
Ségolène Royal - Magistrate aussi.
Jean-Jacques Bourdin - Alors vous faites du power plate. Vous mangez des barres de céréales et vous buvez du Coca avant chaque meeting. C'est faux ou c'est vrai ça ?
Ségolène Royal - Oui mais ça ce sont des petits détails de la vie dont tous ne sont pas exacts.
Jean-Jacques Bourdin - Ce n'est pas vrai ?
Ségolène Royal - Non. Il y a beaucoup de romans écrits actuellement dans la presse, beaucoup de curiosités pas toujours très saines sur la vie privée.
Jean-Jacques Bourdin - C'est normal qu'on soit curieux non ?
Ségolène Royal - C'est normal oui mais je crois que face à une élection présidentielle, il faut, je pense enfin il me semble, garder le niveau d'information au niveau auquel nous nous trouvons. Je crois que c'est ça qui est très important.
Jean-Jacques Bourdin - Alors j'ai une question à vous poser. Est-ce que vous pensez que vous manquez de crédibilité ?
Ségolène Royal - J'ai observé que c'était un reproche qu'on me faisait souvent. On me l'a fait à l'intérieur du Parti socialiste, ensuite c'est repris aujourd'hui par mes adversaires. Je crois que ce qui surprend, ce qui étonne ou ce qui interroge, c'est le fait de savoir si aujourd'hui une femme peut incarner la plus haute responsabilité de l'Etat. Les Français sont intelligents, ils voient que ça bouge à l'échelle de la planète. Il y a Angela Merkel qui s'en sort très bien et qui a entendu pique pendre pendant sa campagne davantage que j'ai pu en entendre actuellement. Il y a Hillary Clinton qui sera peut-être présidente des Etats Unis et donc je crois que c'est important que les choses soient beaucoup plus équilibrées à l'échelle de l'exercice du pouvoir. Et puis je crois qu'aucun homme ne subirait ce procès en incompétence avec l'itinéraire politique que j'ai. Vous savez, je suis, vous l'avez dit d'ailleurs tout à l'heure, je suis...
Jean-Jacques Bourdin - On l'instruit dans votre camp ?
Ségolène Royal - Je suis le produit de l'école de la République donc pour arriver là où je suis, il faut quand même une certaine solidité, une certaine constance. Il faut être structuré.
Jean-Jacques Bourdin - On l'instruit dans votre camp ?
Ségolène Royal - Bien sûr. Oui bien sûr, aussi. Même si les voix qui se sont élevées, à l'époque de la désignation interne, se sont tues parce qu'à 60% les militants m'ont désignée. Donc eux ils n'ont aucun doute sur cette compétence et les Français non plus je crois parce qu'ils ont vu aussi comment j'exerçais les responsabilités dont j'ai eu la charge, quand j'ai été trois fois ministre. Je suis aujourd'hui présidente de région avec des résultats incontestables au niveau de la région, notamment où je baisse l'endettement, je n'augmente pas les impôts et je fais des actions nouvelles et en particulier je suis une des régions les plus performantes sur les réussites en matière d'emplois. J'ai travaillé sept ans auprès d'un chef de l'Etat, François Mitterand. Et notamment dans les responsabilités diplomatiques. Je suis magistrate puisque j'ai réussi un concours de la République, l'un des concours les plus difficiles. Donc ça en mettant au monde quatre enfants et en les élevant correctement. Donc vous voyez, je crois que ce procès en incompétence...
Jean-Jacques Bourdin - J'ai une dernière question puisqu'on parle de votre vie personnelle, si vous êtes élue présidente de la République est-ce que François Hollande s'installera à l'Elysée ?
Ségolène Royal - Nous verrons parce que je crois que les Français n'ont pas envie de forcément, de se poser des questions sur la famille, l'intimité. Je crois que le moment est trop grave. C'est une page de notre histoire que nous allons écrire ensemble. Et moi je souhaite que les Français aient l'audace de choisir une femme d'expérience, une femme compétente, une femme honnête et qui remettra la maison France solidement debout sur ses bases pour la faire avancer.
Jean-Jacques Bourdin - Bien Philippe Dufreigne est là haut. Philippe à notre standard RMC. Deux questions précises.
Philippe Dufreigne- Alors tout d'abord l'Europe. Question d'Armelle des Bouches du Rhône. Est-ce que l'Europe doit s'élargir et si oui, quels sont les pays qui doivent intégrer l'Europe ?
Ségolène Royal - L'Europe doit faire une pause. Je ne suis pas favorable actuellement à l'élargissement de l'Europe. Il faut déjà qu'elle fonctionne avec un nombre important de pays. Ma priorité aujourd'hui, c'est de faire revenir la France à la table de l'Europe avec dignité, ce qui n'est pas le cas puisque dans certaines réunions, la France n'est même plus invitée. Il faut quand même le savoir. Et c'est ensuite faire l'Europe par la preuve et je crois et j'en ai parlé aux dirigeants européens, José Luis Zapatero d'ailleurs qui vient jeudi, Angela Merkel, Romano Prodi, je crois que nous sommes tous conscients de la nécessité de faire reculer le chômage, d'arrêter de nous faire concurrence par les bas salaires, de faire une Europe qui se protège davantage des délocalisations. Et puis d'investir collectivement dans l'innovation, dans la recherche et dans les énergies renouvelables. Lorsque nous aurons fait cela, à ce moment-la il faudra que l'Europe fonctionne mieux et nous verrons ensuite si il est possible ou pas de l'élargir. Mais pour l'instant non, il faut faire une pause.
Philippe Dufreigne - Christelle. Christelle est en Seine Saint Denis, elle nous parle des infirmières. Les infirmières réclament une revalorisation de l'acte ainsi qu'une reconnaissance de leur diplôme en bac plus trois alors que pour l'instant, c'est bac plus deux. Est-ce que si vous êtes élue, vous allez les satisfaire ?
Ségolène Royal - Oui. Je leur ai dis d'ailleurs en les rencontrant dans un certain nombre d'hôpitaux. Oui je reconnaîtrais leur métier à bac plus trois, d'abord parce que nous avons besoin de revaloriser ce métier et parallèlement, elles auront des responsabilités nouvelles. Nous allons en discuter avec les médecins mais je crois que les infirmières à bac plus trois peuvent faire un nombre d'actes médicaux plus sophistiqués que ceux qu'elles font aujourd'hui. Ce qui permettra aussi de rapprocher la santé des citoyens. Je parlais tout à l'heure des personnes âgées souvent très isolées en milieu rural où, de plus en plus, les hôpitaux ruraux ferment. Je veux que ces hôpitaux soient maintenus comme service de proximité auprès des personnes âgées. Et donc revaloriser le métier d'infirmières permettra d'abord de rendre ce métier plus attractif. Nous en manquons. Nous en manquons aussi dans les écoles, dramatiquement. J'ai besoin d'infirmières scolaires dans les écoles pour justement identifier les problèmes personnels que les enfants peuvent rencontrer, qui conduisent souvent à l'échec scolaire. Et donc oui la réponse là est extrêmement claire.
Jean-Jacques Bourdin - Bien Laurent. On va prendre Laurent 23 ans, Val de Marne, étudiant en économie gestion, troisième année, militant UMP. Laurent bonjour.
Laurent - Bonjour Jean Jacques Bourdin, bonjour madame Royal.
Ségolène Royal - Bonjour.
Laurent - Donc en fait je voudrais intervenir à propos de votre contrat première chance. Donc vous avez critiqué le CPE il y a quelques temps, par contre votre contrat première chance n'apporte vraiment rien de nouveau et ne résout pas le problème de la précarité de ces jeunes sans qualification. Admettons que je sois un jeune sans qualification, donc mon employeur me licencie au bout d'un an. Il rembourse, si j'ai compris, le salaire versé par la région et le rembourse à la région mais le problème c'est que le jeune sans qualification, moi je retourne où ? Je retourne à l'ANPE parce que le référent qui se trouvera le plus souvent à l'ANPE doit me retrouver un travail. Donc en fait, on retourne au point de départ, c'est à dire c'est que le jeune se retrouve en situation...
Jean-Jacques Bourdin - Laurent vous n'allez pas monopoliser le temps de parole. Alors Ségolène Royal vous répond.
Ségolène Royal - Alors il y a une différence fondamentale, c'est que le CPE disait aux patrons, voilà vous recrutez un jeune et parce qu'il est jeune, vous avez le droit de le licencier sans raison et sans justification. Et ça c'est inadmissible et c'est pour ça que les jeunes se sont révoltés, parce que c'était une dévalorisation de leur travail sous un seul critère d'âge. Alors que le contrat que je propose et dans l'exemple très précis que vous donnez au bout d'un an, le contrat à durée indéterminée est obligatoire. L'employeur qui aura gardé un jeune pendant un an c'est que par définition, ce jeune aura fait son travail, sera compétent et donc le CDI sera obligatoire. Voilà toute la différence. Et d'autre part, il y aura un accompagnement personnalisé puisqu'un jeune sans qualification se verra aussi proposer une formation professionnelle qui pourra, peut-être, lui permettre de déboucher sur un statut d'apprenti. Et donc on va raccrocher des jeunes à la réussite professionnelle, là où ils n'avaient plus rien.
Jean-Jacques Bourdin - Bien. Laurent merci. Je me fait l'interprète de Max qui est militant socialiste et qui vous dit, en refusant les appels de Rocard et Kouchner, ne pense-tu pas mépriser les socialistes favorables à un accord avec l'UDF ?
Ségolène Royal - Mais la question c'est dans quelle circonstance sommes-nous aujourd'hui ? Nous sommes à quelques jours du premier tour de l'élection présidentielle. Donc il faut respecter les électeurs. Il y a plusieurs candidats, il y a un candidat de l'UDF, un candidat de l'UMP, je suis candidate, plus d'autres candidats. Donc maintenant, laissons les électeurs libres, sans les embrouiller aujourd'hui avec des tractations, des manipulations, des accords dans leur dos et nous verrons entre les deux tours. Moi j'aime la clarté, l'honnêteté en politique. Et donc toutes ces tractations avant le premier tour sous prétexte uniquement de faire un front anti Sarkozy, ce n'est pas le problème. Le problème c'est quelle France les Français souhaitent avec quelles valeurs ? Moi je leur propose un certain nombre de valeurs. Merci de m'avoir donné l'occasion d'en parler. Le document de campagne va arriver dans tous les foyers et près de tous les électeurs. Ils vont pouvoir lire ces nouvelles règles du jeu que je propose pour la France, ces mesures concrètes, ces valeurs neuves et ces valeurs fondamentales avec lesquelles notre pays peut se remettre debout. Aujourd'hui les électeurs doivent être laissés tranquilles. Ils réfléchissent, c'est important. Ils vont choisir et on verra entre les deux tours si François Bayrou prend ses responsabilités et si ce qu'il dit est vrai. C'est à dire si il est prêt ensuite à soutenir ou à ne pas soutenir la France présidente que je propose.
Jean-Jacques Bourdin - Merci Ségolène Royal d'être venue nous voir ce matin.
Source http://www.desirsdavenir.org, le 17 avril 2007
Ségolène Royal - Bonjour.
Jean-Jacques Bourdin - Merci d'être avec nous ce matin. Alors nous commençons avec l'actualité comme nous le faisons avec tous les candidats. La gauche ne doit par refuser l'alliance avec un centre rénové, a écrit hier Bernard Kouchner qui faisait écho à Michel Rocard. Cette alliance est t-elle possible ?
Ségolène Royal - Ecoutez pour l'instant ce n'est pas une question que je me pose. Pourquoi ? Parce que je veux que les électeurs aient droit à un vote clair, simple. Nous sommes aujourd'hui plusieurs candidats, c'est le premier tour de l'élection présidentielle. J'ai construis avec les Français un projet, un pacte qu'ils vont recevoir, que j'ai là, tout le monde va le recevoir à son domicile comme l'ensemble des professions de foi des citoyens. Je l'ai rédigé.
Jean-Jacques Bourdin - Si La Poste n'est pas en grève.
Ségolène Royal - J'espère.
Jean-Jacques Bourdin - Vous savez qu'il y a un mouvement de grève chez les postiers.
Ségolène Royal - Je pense que quand même les documents électoraux parviendront aux Français et donc qu'ils pourront se faire leur avis par eux-mêmes. Moi j'ai confiance dans l'intelligence des citoyens. Je crois qu'il ne faut pas les embrouiller avant ce premier vote. Je ne ferais jamais en tous cas de combinaison ou d'accord dans le dos des électeurs. Je veux un vote clair, je veux un débat politique transparent et donc je veux que les Français se prononcent sur des idées et sur la façon dont ils voient la France dans les cinq années qui viennent et même au-delà compte tenu des difficultés, des problèmes, de l'endettement, du chômage. C'est à tout cela qu'il faut répondre aujourd'hui.
Jean-Jacques Bourdin - Alors jamais d'alliance par exemple entre les deux tours ?
Ségolène Royal - Entre les deux tours, nous verrons. Pourquoi ? Parce que tous ceux qui voudront venir sur le projet que je propose et se rassembler autour de moi pour faire gagner la France, seront tous les bienvenus. Chacun à ce moment-la prendra ses responsabilités puisqu'il y aura un affrontement, une confrontation entre deux projets. Moi je veux réformer la France sans la brutaliser. Je veux que la loi du plus juste remplace la loi du plus fort. Je souhaite que les valeurs humaines remplacent partout les valeurs boursières et les valeurs financières. Je veux un ordre juste et des sécurités durables parce que ce dont souffre la France aujourd'hui, ce sont des désordres injustes dans tous les domaines. Donc il va falloir remettre à niveau les services publics et relancer la machine économique. Avec du donnant donnant. Je ne suis pas pour l'assistanat. Je suis pour faire des actions nouvelles pour que ceux qui ont des difficultés s'en sortent mais qu'en contre partie, ils fassent un effort individuel dans le sens de l'intérêt général. Voilà quelques règles claires. C'est ma conception de la morale politique. Je veux aujourd'hui élever le débat pour que les Français choisissent.
Jean-Jacques Bourdin - Alors Michel Rocard, « isolés, ni les centristes ni nous n'avons aucune chance de battre la coalition de Nicolas Sarkozy et Jean Marie Le Pen ». Il a raison ou tort ?
Ségolène Royal - Mais ce n'est plus ma façon de faire de la politique. Je crois que c'est fini ces arrangements politiciens, entre appareils politiques, ces petites combines de dernière minute. J'aime bien Michel Rocard, je crois que c'est un homme de talent. Mais je crois qu'aujourd'hui il faut faire de la politique autrement, c'est à dire s'adresser à l'intelligence des citoyens, se rassembler sur des idées, sur des actions collectives, sur des priorités, sur des valeurs comme celles que je viens de vous donner et on verra entre les deux tours qui vient sur ces valeurs et qui a envie de relever la France sur des principes clairs. Moi je veux remettre la maison France debout. Aujourd'hui ça va mal. Il y a une montée des violences, des brutalités. Je veux une société sans violence. Et une société efficace. Voilà ce que je propose aux Français.
Jean-Jacques Bourdin - Il y a selon vous une alliance en ce moment entre l'UMP et le Front national ? Est-ce que vous sentez un rapprochement franchement ?
Ségolène Royal - Franchement je sens quelques clins d'oeil très désagréables et en particulier, la promesse de dernière minute de faire de la proportionnelle alors que jusqu'alors l'UMP s'y refusait. Les déclarations du leader de l'extrême droite qui en effet qu'il parle avec l'UMP et je crois que les idées du Front national ne correspondent pas à ce qu'il faut pour la France. Elles sont même extrêmement dangereuses.
Jean-Jacques Bourdin - Vous dites aussi, on ne m'a pas épargné grand chose dans mon camp. Vous voulez dire quoi par là ? C'est vrai ça ? C'est ce que vous avez dit.
Ségolène Royal - Oui vous avez pu observer comme moi l'actualité politique.
Jean-Jacques Bourdin - On vous en veut ou quoi ? Pourquoi ?
Ségolène Royal - Je pense d'abord qu'on me fait payer une certaine liberté. C'est vrai que je viens du Parti socialiste et j'y appartiens, j'en suis fière. J'en suis élue depuis maintenant quatre mandats. Je suis présidente de région. Mais je garde une liberté de parole. Je crois qu'il est temps de tourner le dos à un certain nombre de dogmes, qu'il faut regarder la réalité telle qu'elle est. Les problèmes que les Français les subissent tels qu'ils sont et puis y répondre de façon efficace. Et puis un certain nombre de personnalités n'ont pas vraiment accepté ma désignation. Je crois et les récentes déclarations auxquelles vous faisiez allusion traduisent cela. Ce sont des hommes qui n'ont jamais accepté ma désignation. Voilà donc c'est les Français, ce sont les Français qui vont trancher aujourd'hui et qui vont me dire si oui ou non, j'ai eu raison à la fois de tenir bon, il a fallu du courage vous savez dans certaines périodes. Heureusement aussi je suis appuyée sur une équipe de qualité. De tenir bon et surtout de maintenir mon esprit libre. Vous savez moi je ne dépends d'aucune puissance d'argent, d'aucun groupe de pression. Je n'ai personne à placer, je ne dépends d'aucun lobby et si le Parti socialiste me soutient avec d'autres partis de gauche comme les Radicaux, le Mouvement des citoyens, j'espère et je fais appel aussi au-delà des partis aux Français qui ont envie que ça gagne, qui ont envie que ça progresse, qui ont envie que ça bouge, qui ont envie d'être fiers de la présidente de la République qu'ils auront choisie.
Jean-Jacques Bourdin - L'actualité, dernière question sur l'actualité. Il y avait ce week end le congres de l'UOIF. Est-ce que vous assimilez les femmes voilées à des femmes violées ou battues ?
Ségolène Royal - Non. Non parce que dans les femmes voilées, il y a celles qui le sont de force et celles qui le choisissent.
Jean-Jacques Bourdin - Bien.
Ségolène Royal - Donc je vois à quoi vous faites allusion, à un meeting qui a été fait où j'avais cité toutes les violences faites aux femmes et celles dont je parlais, les femmes voilées, je pensais surtout aux femmes afghanes dont j'avais rencontré certaines. Les femmes afghanes résistantes qui ne sont pas voilées, qui sont carrément mises sous la burka de force et c'est à elles que je pensais, bien évidemment, pas aux autres qui ont la liberté de choisir la façon dont elles s'habillent.
Jean-Jacques Bourdin - Bien, regardons votre projet maintenant, avant votre personnalité. Votre projet, je regarde. J'ai pris vos cent propositions. Le CDI sera la règle, suppression du CNE, du CDD, de l'intérim ou pas ?
Ségolène Royal - Oui. Vous savez pourquoi ? Parce que je pense que la précarité telle qu'elle a été construite au cours de ces cinq années d'un gouvernement quand même très libéral, certains d'ailleurs avec bonne foi qui ont pensé que c'est en précarisant les salariés qu'on allait aider les entreprises à être performantes. On voit que ça ne marche pas. Moi je crois tout le contraire. Je crois que c'est en sécurisant les salariés, comme c'est fait dans les pays du Nord de l'Europe avec des contrats de travail à durée indéterminée, des salaires corrects, c'est à dire qui correspondent vraiment au travail effectué et pas des travailleurs pauvres, qu'on rend les salariés motivés. Et donc on rend comme ça les entreprises compétitives. Et c'est ça le nouveau modèle de croissance que je veux proposer. C'est réconcilier la sécurisation des salariés et en même temps, l'agilité des entreprises. Aujourd'hui on oppose les uns aux autres, or on voit bien que c'est dans la qualité du dialogue social, c'est pourquoi aussi j'appelle de mes voeux l'augmentation du nombre de salariés qui adhèrent aux organisations syndicales pour qu'en amont des difficultés de l'entreprise, il y ait un dialogue social entre partenaires sociaux qui peuvent, ensuite, quand il y a des difficultés discuter, anticiper, assumer des mutations sans que ce soit au profit de quelques uns et aux dépends du plus grand nombre.
Jean-Jacques Bourdin - Bien on regarde les salaires maintenant. Le Smic à 1500 euros le plus tôt possible. 1500 euros net, on est bien d'accord. 18% des salariés payés au Smic, je le rappelle.
Ségolène Royal - Plus si c'est...
Jean-Jacques Bourdin - Plus si c'est possible.
Ségolène Royal - Plus rapidement si c'est possible. Tout va dépendre de la relance de la croissance économique.
Jean-Jacques Bourdin - Dès juin 2007 organisation d'une conférence nationale sur les salaires, les revenus et la croissance. Qui participe et quel est l'objectif ?
Ségolène Royal - Qui participe, les partenaires sociaux, c'est à dire les organisations syndicales, le patronat et l'Etat.
Jean-Jacques Bourdin - Et quel est l'objectif ?
Ségolène Royal - Et l'Etat qui en est garant.
Jean-Jacques Bourdin - Et l'Etat qui en est garant. Et quel est l'objectif ?
Ségolène Royal - L'objectif c'est de relancer la politique salariale, c'est de voir comment dans les différentes branches industrielles, celles qui embauchent et celles qui n'embauchent pas, là où il y a des difficultés, là où il y en a pas, c'est de faire en sorte que l'augmentation des salaires ne pèse pas sur les entreprises de main d'oeuvre. Donc qu'il y ait aussi une discussion sur une autre répartition des charges sociales pour que ce ne soit pas que les salaires prioritairement qui supportent ces charges sociales. Et l'objectif que je veux atteindre, c'est que le travail soit moins taxé que le capital. Je veux aussi moduler l'impôt sur les sociétés en fonction de la masse salariale. C'est à dire il y aura moins d'impôt sur les entreprises pour celles qui augmentent leur masse salariale. Comment est-ce qu'on augmente la masse salariale ? Soit en embauchant, soit en augmentant les salaires car ce qui ne va pas aujourd'hui, c'est qu'il y a beaucoup de gaspillage dans les aides publiques aux entreprises. 63 milliards d'euros, vous vous rendez compte. Et quand j'ai rencontré les représentants des jeunes dirigeants d'entreprises, ils ont fait une étude rapidement, à ma demande. 9% seulement de ces crédits publics vont aux PME, celles qui créent 60% de l'emploi. Donc je veux mettre fin à ces gaspillages, concentrer les aides publiques sur les entreprises qui créent de l'emploi.
Jean-Jacques Bourdin - Donc des aides publiques aux entreprises qui s'engagent à ne pas licencier quand elles font des bénéfices, par exemple ?
Ségolène Royal - Bien sûr et même là il faudra aller au delà, c'est à dire ces entreprises qui licencient alors qu'elles font des bénéfices ou qui délocalisent alors qu'elles font des bénéfices, rembourseront l'ensemble des aides publiques qu'elles ont reçues et des allégements de charge. Ce n'est que justice et d'ailleurs je le fais dans la région que je préside. Et après avoir un peu protesté, les entreprises finalement ont compris qu'avec des règles du jeu claires, l'ordre économique juste vient. Vous savez il faut que les règles soient claires et comme ça, il y a pas de position dominante, de gens qui en profitent parce qu'ils sont mieux placés que d'autres et puis l'argent public est limité. Et donc on a la responsabilité de faire en sorte qu'un euro dépensé soit un euro utile. Et il n'y a pas comme ça de droit de n'importe quelle entreprise sans aucune contre partie, à avoir accès aux aides publiques comme c'est le cas aujourd'hui.
Jean-Jacques Bourdin - Je vois aussi dans votre programme des allégements de charges sociales pour les entreprises de main d'oeuvre.
Ségolène Royal - Oui c'est ce que je disais tout à l'heure. Je crois que le travail doit être moins lourdement taxé que le capital et en particulier avec des idées originales que j'avance pour lutter contre le chômage des jeunes. Ce sont des idées qui ont fait leurs preuves puisqu'elles sont déjà...
Jean-Jacques Bourdin - Alors on va y revenir. Le contrat première chance par exemple.
Ségolène Royal - Par exemple ou les emplois tremplin.
Jean-Jacques Bourdin - Alors commençons avec ce contrat première chance qui a été très décrié. On a besoin de précisions. Vous voulez permettre aux commerçants et aux artisans dans les entreprises de moins de dix salariés, de pourvoir les 500 000 offres d'emploi qui ne sont pas satisfaites. C'est ça l'idée ?
Ségolène Royal - C'est ça. D'un côté les artisans et les commerçants nous disent, il y a 500 000 offres d'emplois non satisfaites dans les métiers des services, dans les métiers du bâtiment, dans les métiers de la restauration et de l'autre 190 000 jeunes qui sortent du système scolaire sans qualification, sans rien. Moi je crois que la question du chômage des jeunes, c'est ce qui ronge l'équilibre d'une société. Et j'entends réussir ce combat contre le chômage des jeunes. Vous savez quand on regarde les questions de délinquance, qu'est-ce que l'on voit ? On voit que les jeunes mineurs qui sont en situation de délinquance et même les jeunes majeurs, sont tous quasiment ceux qui ont été en échec scolaire et qui n'ont pas eu de travail. Donc je pense qu'une société juste, qui se remet debout, c'est une société qui prend à bras le corps la question de la lutte contre le chômage des jeunes. Et cette lutte-la, ce combat-la j'y entraînerais toute la société française. Alors certains me disent, oui mais il y a aussi du chômage chez les seniors. C'est vrai. Il y a aussi des déficits dans les comptes sociaux.
Jean-Jacques Bourdin - Pour ceux qui ont plus de 55 ans. Que proposez-vous ?
Ségolène Royal - Pour ceux qui ont plus de 55 ans et en particulier beaucoup de femmes qui sont rejetées du milieu du travail à partir d'un certain âge, il faut leur redonner une formation professionnelle. Et donc à ceci aussi j'ouvrirais les dynamiques d'emplois tremplins. C'est à dire qu'en redonnant aux salariés de plus de 50 ans des formations à la carte en fonction de la qualification qu'ils ont obtenue, de la validation, de ce qu'on appelle la validation des acquis, de l'expérience. Car quelqu'un qui a travaillé jusqu'à 50 ans, sait faire des choses, a acquis une expérience et aujourd'hui celle-ci n'est absolument pas reconnue. Et donc ce que nous faisons et là aussi, ça a été expérimenté puisque ce sont les régions qui ont la responsabilité de la formation professionnelle, on voit que l'on réussit lorsqu'on investit dans la formation professionnelle mais je répète individuellement avec un accompagnement individualisé des seniors et des chômeurs de plus de 50 ans, on arrive soit à leur faire changer de métier. Et c'est vrai que quand je vois des femmes qui ont été dans les abattoirs pendant vingt ans, elles ont envie de changer de métier, donc on les forme à des hauts métiers du lien social, au soutien aux personnes âgées, à l'accompagnement des personnes handicapées, aux gardes d'enfants. Parfois même certaines réussissent à entrer dans l'Education nationale comme auxiliaire dans les écoles maternelles etc. Donc il y a un tel besoin d'un côté dans les métiers du lien social et de l'autre des femmes ouvrières qui sont dans des filières industrielles qui ont fermé ou qui ont fait des plans de licenciement, que je veux rapprocher ce potentiel humain et ces besoins humains pour construire une société du lien social. Et nous en avons besoin. Mon objectif c'est que personne ne soit gaspillé, c'est à dire que chacun là où il est, quel que soit son âge, jeune, adulte, senior, puisse se dire, les pouvoirs publics vont bien fonctionner, tellement bien qu'ils vont me donner l'occasion et la possibilité de me réaliser et de donner le meilleur de lui-même. C'est comme ça que je construis ce que j'appelle la France présidente. La France présidente, c'est chacun qui est appelé à contribuer à l'oeuvre commune.
Jean-Jacques Bourdin - Bien, alors je prends aussi une autre proposition. Je suis sans travail mais je touche le RMI ou autres minima sociaux, je bénéficierais d'un revenu de solidarité active si je reprends le travail, c'est cela ?
Ségolène Royal - Oui. Qu'est-ce que ça veut dire ça ?
Jean-Jacques Bourdin - Oui précision.
Ségolène Royal - Précision. Ca veut dire que quelqu'un qui est au RMI et qui aujourd'hui retrouve un travail, souvent perd des revenus. Il perd des revenus parce qu'il perd l'accès à un certain nombre de prestations gratuites qui son liées au RMI.
Jean-Jacques Bourdin - Mieux vaut rester au RMI ?
Ségolène Royal - Voilà et ça ce n'est pas normal et je ne veux pas que le non travail paye plus que le travail. Donc il y aura ce revenu de solidarité active qui est idée d'ailleurs de l'association EMMAUS, qui s'occupe comme vous le savez des plus déshérités et qui a observé, justement, parfois, ceux qui faisaient un effort considérable pour sortir du RMI et qui retrouvaient un travail, même un travail à temps partiel, perdaient de l'argent. Et ça, ce n'est pas possible. Et donc le revenu de solidarité active permettra de maintenir le différentiel entre l'ancien RMI et le travail pour qu'il y ait au moins 30% en gros, 30% d'augmentation des revenus lorsque l'on fait l'effort de retrouver un travail.
Jean-Jacques Bourdin - Est-ce que vous abrogez et on parle des retraites, est-ce que vous abrogez la loi Filon sur les retraites ?
Ségolène Royal - Oui je crois qu'il faut tout remettre à plat. Il faut tout remettre à plat parce qu'il y a eu de grosses injustices qui ont été créées par cette loi Fillon, en particulier aux dépens des femmes puisque cette loi a augmenté la durée de cotisation. Or ce sont les femmes qui s'en sont trouvées pénalisées, celles qui se sont arrêtées pour élever leurs enfants, celles qui se sont mis au temps partiel pour élever leurs enfants aussi, celles qui ont travaillé pour leur mari dans le commerce, l'artisanat sans être déclarées. Et donc aujourd'hui nous voyons des femmes qui ont travaillé et qui se trouvent à la retraite dans des situations de pauvreté. Et ça c'est tout à fait anormal. Je rencontrais l'autre jour les salariés d'une industrie textile, qui sont payés au Smic au bout de trente ans de carrière, 980 euros net. Et je leur ai demandé mais à combien vous partez à la retraite ? Et la retraite est à peu près de 600 euros. C'est à dire à peine plus que le minimum vieillesse après avoir travaillé toute sa vie et ça, c'est inadmissible. Donc je revaloriserais le niveau des retraites et en particuliers des petites retraites et celles des femmes pour reconstituer des carrières et puis il faudra prendre en compte la pénibilité des tâches. Aujourd'hui il n'y a pas suffisamment de différences dans le niveau de retraite entre ceux qui ont eu des travaux extrêmement pénibles et donc ils sont amoindris sur le plan de la santé puisque aujourd'hui, un cadre supérieur vit sept années de plus qu'un ouvrier. Et en plus dans un état de santé meilleur. Et cette injustice-la, elle n'a aucune raison d'être. Et dans le programme de l'UMP d'ailleurs, du candidat de l'UMP, elle va s'aggraver puisque vous savez qu'il propose des déremboursements de soins, ce qu'on appelle des franchises où désormais tous les Français devront payer une partie des soins au lieu d'être remboursés. Et ça, ça va créer une santé à plusieurs vitesses.
Jean-Jacques Bourdin - Oui mais n'est-ce pas une façon de les responsabiliser aussi ?
Ségolène Royal - Mais on peut responsabiliser sans détruire la Sécurité sociale parce que qu'est-ce qui va se passer ? Il va se passer que ceux qui ont les moyens vont pouvoir payer des assurances privées et puis ceux qui ne le pourront pas et qui ne peuvent pas se payer des mutuelles, ne pourront plus avoir accès à la santé. Or aujourd'hui qui a le plus besoin à l'accès aidé à la santé ? Ce sont les personnes âgées. Et moi je leur dis que je serais la présidente de la République qui sera garante de la défense de la Sécurité sociale. Et en effet si on responsabilise bien les usagers, si on responsabilise bien aussi les médecins, si on développe la politique de prévention, il n'y a aucune raison de ne pas réussir à rétablir l'équilibre des comptes sociaux.
Jean-Jacques Bourdin - Un mot encore sur les régimes spéciaux. Vous rediscuterez ?
Ségolène Royal - On remet à plat.
Jean-Jacques Bourdin - On remet tout à plat ?
Ségolène Royal - On remet à plat mais pas avec un esprit revanchard ou pas en désignant ceux qui bénéficient des régimes spéciaux comme les seuls responsables des déficits de la retraite. Et les régimes spéciaux, il y a aussi le régime des élus. Alors quand j'entends certains responsables politiques de droite comme monsieur Fillon dire qu'il faut, ou comme monsieur Sarkozy, dire qu'il faut remettre à plat les régimes spéciaux des cheminots ou des électriciens et qu'eux-mêmes, bénéficient de régimes spéciaux parce qu'ils sont parlementaires, je dis qu'il y a là comme une grosse hypocrisie. Et donc les régimes spéciaux des élus seront également remis à plat.
Jean-Jacques Bourdin - Ségolène Royal , notre invitée ce matin. Du projet, nous allons passer à la personnalité de Ségolène Royal dans deux minutes après cette petite page de pub. A tout de suite. (...). Notre invitée ce matin Ségolène Royal qui est avec nous pour son entretien d'embauche. Alors le manifeste RMC 20 Minutes avec LH2, le manifeste c'est un petit livre qui a rassemblé toutes les propositions des auditeurs de RMC et des lecteurs de 20 Minutes. Alors nos auditeurs et nos lecteurs vous demandent d'instaurer un salaire parental d'au moins 750 euros à partir du troisième enfant jusqu'au 16 ans du dernier enfant. Vous y êtes favorable ou pas ?
Ségolène Royal - Il faut en avoir les moyens d'abord. Ensuite je pense que toutes les prestations familiales nouvelles doivent être soumises à condition de ressources puisque, vous le savez, je l'ai dis tout à l'heure, l'argent public est quand même limité. Je crois qu'il faut préférer des bonifications peut-être de retraite par enfant à élever comme je l'ai dis tout à l'heure. Et puis vous savez, moi j'ai créé le congé de paternité, c'est à dire qu'aujourd'hui les papas, grâce à moi, ont quinze jours de congé à la naissance de leur enfant. Je pense que nous pourrions aller au delà pour les pères et pour les mères mais dans le cadre d'une liberté de choix de l'organisation de son temps de vie sur la durée de vie active. C'est à dire que l'on puisse au lieu d'avoir un système couperet au moment de la retraite, avoir une retraite à la carte et pouvoir prendre au cours de sa vie professionnelle des temps de repos, des années sabbatiques, soit pour soi-même, pour se cultiver, pour voyager, pour se déplacer, pour essayer un autre métier, ou pour effectivement s'occuper de sa famille et de ses enfants. Je pense qu'aujourd'hui dans la vie dans laquelle nous sommes, les Français ont besoin de liberté de choix plutôt que de systèmes totalement uniformes et couperets.
Jean-Jacques Bourdin - Ségolène Royal qui êtes-vous ? Vous avez 54 ans. Pardonnez-moi, je donne votre âge. Vous êtes en, 1953 dans la banlieue de Dakar. Votre prénom à l'origine, c'est Marie Ségolène. Vous supprimez le Marie à 25 ans, pourquoi ?
Ségolène Royal - Ca s'est fait tout naturellement. C'est déjà un peu long et puis comme dans la vie courante, dans ma famille, on m'appelait Ségolène et très rarement Marie Ségolène et puis je venais d'une famille où tous les enfants s'appelaient Marie. Voilà même les garçons.
Jean-Jacques Bourdin - Toutes les filles, même les garçons ?
Ségolène Royal - Et les garçons en second prénom.
Jean-Jacques Bourdin - Alors votre père militaire, très sévère. Vous avez dit, « mon père m'a toujours fait sentir que nous étions, mes soeurs et moi, des êtres inférieurs ». C'est vrai ça ?
Ségolène Royal - Des êtres inférieurs mais peut-être que de son point de vue, c'était simplement l'ordre des choses. C'est vrai que je viens d'une famille très conservatrice où on disait aux filles, c'est pas la peine d'aller faire des études puisqu'au fond ton destin, c'est de te marier, de t'occuper de tes enfants et de rester à la cuisine. Donc c'est vrai qu'il a fallu...
Jean-Jacques Bourdin - Et de se trouver un bon parti.
Ségolène Royal - Oui voilà. Donc c'est vrai qu'il a fallu un peu forcer ce destin puisque autour de moi quand j'étais enfant, aucune femme n'avait d'activité professionnelle. Mais j'ai compris très tôt en voyant ces femmes dépendre totalement de leurs maris que l'indépendance des femmes pouvait se conquérir par l'autonomie financière et par le métier.
Jean-Jacques Bourdin - Vous avez souffert pour votre mère ? La séparation des parents, votre père qui refuse de verser une pension alimentaire, de financer les études de ses enfants, vous avez souffert de ça ?
Ségolène Royal - Ecoutez forcément on préfère des itinéraires moins chaotiques et en même temps, c'est aussi le fait d'avoir subi des épreuves que subissent beaucoup de Français, vous savez dans quelle famille n'y a t-il pas des problèmes, des conflits, des difficultés financières et donc c'est le lot de millions et de millions de familles et le fait d'avoir connu ces épreuves, de les avoir surmontées et puis de les avoir relativisées aussi parce qu'avec le temps on retient le bon côté des choses, ça me permet aussi de comprendre les difficultés que vivent les gens. Lorsque je reçois dans mes permanences des femmes broyées par le divorce ou l'abandon de leur conjoint, des femmes qui sont en grande difficulté financière, des personnes âgées abandonnées par leur famille, des enfants en conflit très dur avec leurs parents, ça me permet de comprendre leurs problèmes et surtout ça m'a aidée lorsque je suis devenue ministre de la Famille, à développer très fortement ce que j'appelle la médiation familiale. C'est à dire que je crois qu'il y aurait beaucoup moins de souffrance dans les familles si les parents pouvaient être aidés, conseillés au bon moment. Ca ne s'improvise pas le métier de parents, c'est devenu même très difficile. Je vois aussi des mères seules avec leurs adolescents, beaucoup de difficultés. Et souvent leur donner un coup de main, de bons conseils, comment ne pas faire d'impair avec ces adolescents si fragiles, je crois que c'est très important. Et donc j'ai développé les écoles de parents. C'est à dire des lieux de médiation familiale où les parents peuvent venir se faire aider, des médiateurs conjugaux aussi où les couples qui n'arrivent plus à se parler ou quand la violence monte, savoir quel mot mettre sur les souffrances pour que les familles fonctionnent bien. Et vous savez souvent à gauche, on a eu parfois réticence à parler de la famille et moi je crois que c'est au coeur d'un projet politique les familles. Voilà, vous voyez une différence aussi avec les dogmes traditionnels et dans le projet que je propose...
Jean-Jacques Bourdin - Là vous vous dégagez des dogmes traditionnels de la gauche parfois. On le voit bien.
Ségolène Royal - Mais je crois que c'est très important. Des familles qui fonctionnent bien, une école accueillante à tous, du travail pour chacun, tout se tient et c'est comme ça qu'une société est solide sur ses bases.
Jean-Jacques Bourdin - Alors je regarde encore. A 12 ans vous demandez à monsieur le curé pourquoi les hommes et les femmes n'ont t-ils pas les mêmes droits ?
Ségolène Royal - Mais où est-ce que vous avez vu tout ça ?
Jean-Jacques Bourdin - Mais oui c'est vrai ça. C'est vrai ça, non ?
Ségolène Royal - C'est très romanesque.
Jean-Jacques Bourdin - Oui c'est romanesque. Vous êtes avocate aussi.
Ségolène Royal - Magistrate aussi.
Jean-Jacques Bourdin - Alors vous faites du power plate. Vous mangez des barres de céréales et vous buvez du Coca avant chaque meeting. C'est faux ou c'est vrai ça ?
Ségolène Royal - Oui mais ça ce sont des petits détails de la vie dont tous ne sont pas exacts.
Jean-Jacques Bourdin - Ce n'est pas vrai ?
Ségolène Royal - Non. Il y a beaucoup de romans écrits actuellement dans la presse, beaucoup de curiosités pas toujours très saines sur la vie privée.
Jean-Jacques Bourdin - C'est normal qu'on soit curieux non ?
Ségolène Royal - C'est normal oui mais je crois que face à une élection présidentielle, il faut, je pense enfin il me semble, garder le niveau d'information au niveau auquel nous nous trouvons. Je crois que c'est ça qui est très important.
Jean-Jacques Bourdin - Alors j'ai une question à vous poser. Est-ce que vous pensez que vous manquez de crédibilité ?
Ségolène Royal - J'ai observé que c'était un reproche qu'on me faisait souvent. On me l'a fait à l'intérieur du Parti socialiste, ensuite c'est repris aujourd'hui par mes adversaires. Je crois que ce qui surprend, ce qui étonne ou ce qui interroge, c'est le fait de savoir si aujourd'hui une femme peut incarner la plus haute responsabilité de l'Etat. Les Français sont intelligents, ils voient que ça bouge à l'échelle de la planète. Il y a Angela Merkel qui s'en sort très bien et qui a entendu pique pendre pendant sa campagne davantage que j'ai pu en entendre actuellement. Il y a Hillary Clinton qui sera peut-être présidente des Etats Unis et donc je crois que c'est important que les choses soient beaucoup plus équilibrées à l'échelle de l'exercice du pouvoir. Et puis je crois qu'aucun homme ne subirait ce procès en incompétence avec l'itinéraire politique que j'ai. Vous savez, je suis, vous l'avez dit d'ailleurs tout à l'heure, je suis...
Jean-Jacques Bourdin - On l'instruit dans votre camp ?
Ségolène Royal - Je suis le produit de l'école de la République donc pour arriver là où je suis, il faut quand même une certaine solidité, une certaine constance. Il faut être structuré.
Jean-Jacques Bourdin - On l'instruit dans votre camp ?
Ségolène Royal - Bien sûr. Oui bien sûr, aussi. Même si les voix qui se sont élevées, à l'époque de la désignation interne, se sont tues parce qu'à 60% les militants m'ont désignée. Donc eux ils n'ont aucun doute sur cette compétence et les Français non plus je crois parce qu'ils ont vu aussi comment j'exerçais les responsabilités dont j'ai eu la charge, quand j'ai été trois fois ministre. Je suis aujourd'hui présidente de région avec des résultats incontestables au niveau de la région, notamment où je baisse l'endettement, je n'augmente pas les impôts et je fais des actions nouvelles et en particulier je suis une des régions les plus performantes sur les réussites en matière d'emplois. J'ai travaillé sept ans auprès d'un chef de l'Etat, François Mitterand. Et notamment dans les responsabilités diplomatiques. Je suis magistrate puisque j'ai réussi un concours de la République, l'un des concours les plus difficiles. Donc ça en mettant au monde quatre enfants et en les élevant correctement. Donc vous voyez, je crois que ce procès en incompétence...
Jean-Jacques Bourdin - J'ai une dernière question puisqu'on parle de votre vie personnelle, si vous êtes élue présidente de la République est-ce que François Hollande s'installera à l'Elysée ?
Ségolène Royal - Nous verrons parce que je crois que les Français n'ont pas envie de forcément, de se poser des questions sur la famille, l'intimité. Je crois que le moment est trop grave. C'est une page de notre histoire que nous allons écrire ensemble. Et moi je souhaite que les Français aient l'audace de choisir une femme d'expérience, une femme compétente, une femme honnête et qui remettra la maison France solidement debout sur ses bases pour la faire avancer.
Jean-Jacques Bourdin - Bien Philippe Dufreigne est là haut. Philippe à notre standard RMC. Deux questions précises.
Philippe Dufreigne- Alors tout d'abord l'Europe. Question d'Armelle des Bouches du Rhône. Est-ce que l'Europe doit s'élargir et si oui, quels sont les pays qui doivent intégrer l'Europe ?
Ségolène Royal - L'Europe doit faire une pause. Je ne suis pas favorable actuellement à l'élargissement de l'Europe. Il faut déjà qu'elle fonctionne avec un nombre important de pays. Ma priorité aujourd'hui, c'est de faire revenir la France à la table de l'Europe avec dignité, ce qui n'est pas le cas puisque dans certaines réunions, la France n'est même plus invitée. Il faut quand même le savoir. Et c'est ensuite faire l'Europe par la preuve et je crois et j'en ai parlé aux dirigeants européens, José Luis Zapatero d'ailleurs qui vient jeudi, Angela Merkel, Romano Prodi, je crois que nous sommes tous conscients de la nécessité de faire reculer le chômage, d'arrêter de nous faire concurrence par les bas salaires, de faire une Europe qui se protège davantage des délocalisations. Et puis d'investir collectivement dans l'innovation, dans la recherche et dans les énergies renouvelables. Lorsque nous aurons fait cela, à ce moment-la il faudra que l'Europe fonctionne mieux et nous verrons ensuite si il est possible ou pas de l'élargir. Mais pour l'instant non, il faut faire une pause.
Philippe Dufreigne - Christelle. Christelle est en Seine Saint Denis, elle nous parle des infirmières. Les infirmières réclament une revalorisation de l'acte ainsi qu'une reconnaissance de leur diplôme en bac plus trois alors que pour l'instant, c'est bac plus deux. Est-ce que si vous êtes élue, vous allez les satisfaire ?
Ségolène Royal - Oui. Je leur ai dis d'ailleurs en les rencontrant dans un certain nombre d'hôpitaux. Oui je reconnaîtrais leur métier à bac plus trois, d'abord parce que nous avons besoin de revaloriser ce métier et parallèlement, elles auront des responsabilités nouvelles. Nous allons en discuter avec les médecins mais je crois que les infirmières à bac plus trois peuvent faire un nombre d'actes médicaux plus sophistiqués que ceux qu'elles font aujourd'hui. Ce qui permettra aussi de rapprocher la santé des citoyens. Je parlais tout à l'heure des personnes âgées souvent très isolées en milieu rural où, de plus en plus, les hôpitaux ruraux ferment. Je veux que ces hôpitaux soient maintenus comme service de proximité auprès des personnes âgées. Et donc revaloriser le métier d'infirmières permettra d'abord de rendre ce métier plus attractif. Nous en manquons. Nous en manquons aussi dans les écoles, dramatiquement. J'ai besoin d'infirmières scolaires dans les écoles pour justement identifier les problèmes personnels que les enfants peuvent rencontrer, qui conduisent souvent à l'échec scolaire. Et donc oui la réponse là est extrêmement claire.
Jean-Jacques Bourdin - Bien Laurent. On va prendre Laurent 23 ans, Val de Marne, étudiant en économie gestion, troisième année, militant UMP. Laurent bonjour.
Laurent - Bonjour Jean Jacques Bourdin, bonjour madame Royal.
Ségolène Royal - Bonjour.
Laurent - Donc en fait je voudrais intervenir à propos de votre contrat première chance. Donc vous avez critiqué le CPE il y a quelques temps, par contre votre contrat première chance n'apporte vraiment rien de nouveau et ne résout pas le problème de la précarité de ces jeunes sans qualification. Admettons que je sois un jeune sans qualification, donc mon employeur me licencie au bout d'un an. Il rembourse, si j'ai compris, le salaire versé par la région et le rembourse à la région mais le problème c'est que le jeune sans qualification, moi je retourne où ? Je retourne à l'ANPE parce que le référent qui se trouvera le plus souvent à l'ANPE doit me retrouver un travail. Donc en fait, on retourne au point de départ, c'est à dire c'est que le jeune se retrouve en situation...
Jean-Jacques Bourdin - Laurent vous n'allez pas monopoliser le temps de parole. Alors Ségolène Royal vous répond.
Ségolène Royal - Alors il y a une différence fondamentale, c'est que le CPE disait aux patrons, voilà vous recrutez un jeune et parce qu'il est jeune, vous avez le droit de le licencier sans raison et sans justification. Et ça c'est inadmissible et c'est pour ça que les jeunes se sont révoltés, parce que c'était une dévalorisation de leur travail sous un seul critère d'âge. Alors que le contrat que je propose et dans l'exemple très précis que vous donnez au bout d'un an, le contrat à durée indéterminée est obligatoire. L'employeur qui aura gardé un jeune pendant un an c'est que par définition, ce jeune aura fait son travail, sera compétent et donc le CDI sera obligatoire. Voilà toute la différence. Et d'autre part, il y aura un accompagnement personnalisé puisqu'un jeune sans qualification se verra aussi proposer une formation professionnelle qui pourra, peut-être, lui permettre de déboucher sur un statut d'apprenti. Et donc on va raccrocher des jeunes à la réussite professionnelle, là où ils n'avaient plus rien.
Jean-Jacques Bourdin - Bien. Laurent merci. Je me fait l'interprète de Max qui est militant socialiste et qui vous dit, en refusant les appels de Rocard et Kouchner, ne pense-tu pas mépriser les socialistes favorables à un accord avec l'UDF ?
Ségolène Royal - Mais la question c'est dans quelle circonstance sommes-nous aujourd'hui ? Nous sommes à quelques jours du premier tour de l'élection présidentielle. Donc il faut respecter les électeurs. Il y a plusieurs candidats, il y a un candidat de l'UDF, un candidat de l'UMP, je suis candidate, plus d'autres candidats. Donc maintenant, laissons les électeurs libres, sans les embrouiller aujourd'hui avec des tractations, des manipulations, des accords dans leur dos et nous verrons entre les deux tours. Moi j'aime la clarté, l'honnêteté en politique. Et donc toutes ces tractations avant le premier tour sous prétexte uniquement de faire un front anti Sarkozy, ce n'est pas le problème. Le problème c'est quelle France les Français souhaitent avec quelles valeurs ? Moi je leur propose un certain nombre de valeurs. Merci de m'avoir donné l'occasion d'en parler. Le document de campagne va arriver dans tous les foyers et près de tous les électeurs. Ils vont pouvoir lire ces nouvelles règles du jeu que je propose pour la France, ces mesures concrètes, ces valeurs neuves et ces valeurs fondamentales avec lesquelles notre pays peut se remettre debout. Aujourd'hui les électeurs doivent être laissés tranquilles. Ils réfléchissent, c'est important. Ils vont choisir et on verra entre les deux tours si François Bayrou prend ses responsabilités et si ce qu'il dit est vrai. C'est à dire si il est prêt ensuite à soutenir ou à ne pas soutenir la France présidente que je propose.
Jean-Jacques Bourdin - Merci Ségolène Royal d'être venue nous voir ce matin.
Source http://www.desirsdavenir.org, le 17 avril 2007