Texte intégral
Q- On commence par ce qu'on a vu hier, la violence terroriste qui rodait, elle frappe le Maroc et l'Algérie, si proches de nous. Et elle signe "Al-Qaida Maghreb", vous connaissez bien le Maghreb,
l'Algérie, la Tunisie, le Maroc, l'autre rive de la Méditerranée, est-ce que vous êtes inquiet, vous ?
R- Oui, la principale menace terroriste en France vient d'Algérie, des réseaux qu'on appelait le GSPC, qui ont naturellement des connexions dans un certain nombre de pays dont la France, le GSPC qui s'est transformé en intégration du réseau Al-Qaida, ce sont des opérations qui sont faites entre 2003 et 2006 et naturellement il faut être très vigilant. Je rappelle que l'an passé, les services de sécurité français, ont arrêté 138 personnes liées à des activités terroristes et que déjà depuis le début de l'année, ce sont 32 personnes qui ont été interpellées. Donc la menace est réelle, je ne pense pas qu'elle soit aujourd'hui plus importante qu'elle n'était hier, mais la menace est réelle.
Q- Mais pour sa politique de concorde civile, le président Bouteflika a libéré des milliers d'intégristes, il vous en avait donné même, si je me rappelle bien une liste, est-ce qu'il est possible que certains d'entre eux aient pu pénétrer sur le territoire français ?
R- Il y a quelques mois, je me suis rendu en Algérie, justement parce que j'étais inquiet des conséquences de la politique de concorde civile. Il ne m'appartient pas de porter un jugement sur la politique que mène le président Bouteflika, le président Bouteflika a libéré entre 1500 et 2000
détenus au titre de la réconciliation. Après tout, ce n'est pas absurde de vouloir une réconciliation et j'avais été, il y a trois mois en Algérie pour obtenir la liste puisque j'étais inquiet qu'une moitié des détenus qui avaient été libérés ne soumettaient pas au contrôle judiciaire qui leur était imposé. Je veux d'ailleurs dire que l'Algérie, avait été très courageuse au début des années 90, en interrompant le processus démocratique, à l'époque c'était le FIS pour éviter la prise de pouvoir des islamistes. Et s'il n'avait pas fait cela et à l'époque l'armée avait joué un grand rôle, beaucoup avaient critiqué l'armée algérienne, mais s'il n'avait pas fait cela, on aurait pu avoir un régime à la Taliban, en Algérie. Il faut soutenir l'Algérie, il faut l'aider à se développer et il faut engager une lutte sans merci, contre les réseaux terroristes.
Q- D. François : Alors justement pour l'instant la France a été plutôt épargnée, par les attentats. Est-ce que c'est dû à l'efficacité des services de police ? Est-ce que c'est dû à la politique particulière de J. Chirac ou est-ce que c'est de la chance ?
R- Si je le savais. Je vais vous dire, d'abord est-ce que la France peut être épargnée du fait de l'action diplomatique de J. Chirac ? Oui, puisque nous ne sommes pas en Irak, mais non, parce que Al-Qaida c'est l'adversaire des démocraties. Et d'ailleurs à plusieurs reprises, les dirigeants d'Al-Qaida s'en sont pris nommément à notre pays, quelles que soient par ailleurs les positions qui ont été prises par J. Chirac sur le conflit irakien. Donc nous sommes menacés, et je veux dire aux Français, que ce qui est arrivé à Londres en juillet, ce qui est arrivé à Madrid et même ce qui est arrivé à New York aurait pu nous arriver.
Q- C'est-à-dire que vous y pensez là dans cette période de campagne électorale et est-ce que vous pensez qu'il faut renforcer les contrôles et peut-être renforcer l'alerte rouge Vigipirate ?
R- Deuxièmement, les services de sécurité français, notamment les services de renseignements ont fait un travail absolument remarquable, plusieurs équipes ont été démantelées ces dernières années, qui auraient pu être très dangereuses, je veux associer d'ailleurs à ces félicitations, le rôle du pôle terrorisme autour du président Bruguière, qui a fait là aussi, qui a mené une action extrêmement efficace. Est-ce qu'il y a eu de la chance en plus ? C'est certain, vous savez compte tenu de la façon dont travaille Al-Qaida, ils lancent une Fatwa, il y a des petites équipes extrêmement autonomes et très déterminées réalisent une opération. Il faut aussi un peu de chance.
Q- H. Fontanaud : C'est un nouveau groupe d'Al-Qaida qui a revendiqué les attentats au Maghreb, "Al-Qaida Maghreb", est-ce qu'il peut y avoir un Al-Qaida Europe ?
R- Non, ce n'est pas un nouveau groupe. On connaît très bien...
Q- C'est une nouvelle formulation.
R- Non, oui, voilà, on connaît très bien le GSPC, ils ont travaillé dans le désert, on sait parfaitement que c'est eux qui faisaient des attentats dans des bourgades de l'Algérie profonde, ils se sont rapprochés d'Alger, aujourd'hui, ils ont frappé Alger et c'est le GSPC qui s'est transformé en Al-Qaida. Le GSPC, si mon souvenir est exact, a demandé son ralliement, son rattachement à Al-Qaida, je crois en 2003 ou 2004. Et deux ans après, Al-Zaouhari a répondu oui, nous vous reconnaissons comme membre de la nébuleuse d'Al-Qaida. Donc ce sont des gens que l'ont connaît très bien.
Q- Et vous, donc il peut y avoir un Al-Qaida Europe ?
R- Ecoutez vous avez vu ce qui s'est passé au Maroc, vous avez ce qui s'est passé en Algérie, ça pourrait se passer en Tunisie. Enfin écoutez le Détroit de Gibraltar c'est 12 kilomètres.
Q- J.-P. Elkabbach : Votre successeur au ministère de l'Intérieur, F.Baroin disait hier soir, que les attentats au Maghreb, confirment que la France est sous la menace d'actes terroristes ?
R- Bien sûr, je le sais, nous le savons, nous gérons ça depuis des années, et il serait parfaitement inconscient de penser que ce qui arrive aux autres ne peut pas nous arriver. Vous savez cette guerre contre le fanatisme, contre l'extrémisme, ces gens qui veulent détruire la démocratie, il faut une très grande fermeté, une grande coopération entre les services de sécurité internationaux et de ce point de vue, je peux vous dire qu'on travaille très bien notamment avec les Marocains et j'espère que les évènements dramatiques d'Alger, vont permettre de travailler encore bien mieux avec les Algériens, on en a besoin.
Q- Donc pour N. Sarkozy et pour tous les candidats, il y a l'insécurité extérieure. Elle joue sur tous les territoires, tous les domaines et y compris sur le plan de l'économie et de la croissance. Mais ça peut être une incertitude de plus avec la mondialisation. On parle de l'économie, le Fonds Monétaire International prévoit pour 2007, une croissance mondiale de 5 %, pour la France : 2 %. Il est certain que la croissance et l'emploi dépendent des entreprises et des entrepreneurs. Aujourd'hui, ils sont critiqués.
Q- O. Samain : Justement, comment peut-on faire pour la retrouver cette croissance ? Vous promettez la poursuite des baisses d'impôts, la réforme du droit du travail, ce sont deux voies que J. Chirac a exploré depuis cinq ans et on voit le résultat sur la croissance. La croissance française n'est pas extraordinaire, à la différence par exemple de la croissance allemande ?
R- Pas encore, ce n'est pas exact, enfin si vous me permettez. Quel est le problème économique de la France ? Nous avons grosso modo 1 % de croissance de moins en période lissée sur les 15 dernières années, que nos grands concurrents et que les grandes économies mondiales. Je ne parle pas de la Chine, je parle des Etats-Unis, je parle du Canada, je parle du Royaume-Uni. Comment retrouver cette croissance ? Qu'est-ce que eux, ont fait, que nous n'avons pas fait ? Eux, se sont mis à travailler plus, quand nous, on a expliqué aux Français, qu'il fallait travailler moins. Les 35 heures sont une erreur économique, car elles brident la création de richesse et les 35 heures, sont une erreur sociale, car les salariés l'ont payé d'une baisse de leur pouvoir d'achat, car on ne parle plus du pouvoir d'achat de l'augmentation des salaires, depuis les 35 heures dans notre pays. Alors je pose, moi, une question, ce que les autres ont réussi, pourquoi on ne le réussirait pas ? C'est le travail des uns qui crée le travail des autres. Le partage du temps de travail est une erreur, que nous avons payé cher en terme de points de croissance perdus et cher en terme de pouvoir d'achat diminué pour le salarié français.
Q- H. Fontanaud : Monsieur Sarkozy, je vous ai accompagné dans plusieurs de vos déplacements, quand on se déplace dans les usines avec vous...
R- J'ai eu ce plaisir.
Q- ...Où vous expliquez qu'il faut travailler plus pour gagner plus, c'est votre slogan, c'est votre...
R- Ce n'est pas un slogan, c'est une réalité, je ne vais pas aller voir, les ouvriers pour leur dire en travaillant moins vous gagnerez plus.
Q- Justement quand on interroge les gens après votre passage ou pendant votre passage, ils nous disent : nous, on veut bien travailler plus, mais notre patron, il ne veut pas nous donner d'heures supplémentaires. Ou il ne peut pas.
R- Alors pourquoi ? Pourquoi ça se passe comme ça ? Parce que tout est fait aujourd'hui pour décourager les heures supplémentaires. Car les heures supplémentaires et c'est normal, sont payées plus chers aux salariés. Mais comme les cotisations sociales sont déplafonnées, quand un patron, un entrepreneur vous donne 10 euros de plus, il doit payer 10 euros de plus de charges sociales. Instruit de cette mauvaise expérience, je vais faire tout, pour libérer les heures supplémentaires dans notre pays, les entreprises qui donneront des heures supplémentaires ne payeront pas de charges sociales dessus. Et tenez-vous bien, les salariés qui accepteront de faire des heures supplémentaires, ne payeront pas d'impôts sur le revenu, sur ce revenu supplémentaire. Comment l'Etat va-t-il se récupérer ? Pour une raison simple, si vous travaillez au SMIC et que vous travaillez 50 minutes de plus par jour, on peut vous consentir 15 % d'augmentation de salaire, vous passez de 1300 euros à 1500 euros, ça va directement dans la consommation, ça met du carburant dans l'économie française et ça créait des recettes de TVA pour l'Etat.
Q- Oui, mais ça vos arguments ils les ont entendus, quand vous leur avez expliqué, mais ils disent quil n'y a pas de travail.
R- Ce n'est pas exact, je vais vous expliquer pourquoi. Alors ce que je dis, c'est valable pour les entreprises dont le carnet de commandes est important et à qui on pourra donner du travail supplémentaire aux salariés. Mais ce pouvoir d'achat supplémentaire, obtenu par le travail
supplémentaire, va créer de la croissance supplémentaire, et cette croissance supplémentaire va créer des emplois supplémentaires. Est-ce que vous comprenez ce que je veux dire ? Si les uns qui travaillent sont payés plus chers, ils vont consommer davantage, cette consommation va créer de la croissance et cette croissance va créer de l'emploi. Mais je voudrais prendre deux autres exemples. Je veux que les retraités, il y a beaucoup de petites retraites très faibles, puissent avoir un travail à
temps partiel. Cela crée de la croissance. Je veux que les étudiants soient encouragés à travailler, vous pensez qu'aujourd'hui, un certain nombre de jeunes ne peuvent pas travailler, parce que les revenus du travail étudiant sont intégrés au foyer fiscal de leurs parents et ceux-ci disent : "Arrête, je vais payer plus d'impôts". Je veux la défiscalisation du travail des jeunes. Au fond, on va tout mettre en oeuvre pour libérer les forces de travail de notre pays.
Q- J.-P. Elkabbach :C'est-à-dire qu'il y a une mise en mouvement de l'économique de la société et ça le président ou la présidente élu peut le faire tout de suite ?
R- Mais ce n'est pas qu'il peut, je mettrais en oeuvre cette politique, dès le mois de juillet. Mais j'irai plus loin, je permettrai à tous ceux qui ont emprunté pour acheter un logement, de déduire les intérêts de l'emprunt, pour acheter son logement, de leurs revenus. On le fera tout de suite. Je veux faire autre chose, je veux supprimer les droits de succession, les droits de donation pour 90 % des Français pour libérer les flux de capitaux entre les plus âgés qui ont plus de revenus et moins de besoins et les plus jeunes qui ont moins de revenus et plus de besoins.
Q- Pourquoi vous ne faites pas...
R- Au fond je veux faire de la France, le pays de l'initiative, de l'innovation du travail, de la croissance, mais encore une fois, pourquoi n'arriverions-nous pas à faire ce que les autres ont su réussir ?
Q- Par exemple est-ce que vous feriez comme la Suède qui vient de changer de régime, et qui se prépare à supprimer l'impôt sur la fortune ?
R- Tout ça, il faut bien comprendre, que ce ne sont pas des décisions idéologiques. On a fait l'Europe, il y a la liberté de circulation des capitaux, si vous taxez plus en France, vous aurez moins. Si on n'a pas de capitaux en France, on ne pourra pas avoir d'entreprise, il faut réconcilier la France, avec le capitalisme entrepreneurial à contradiction avec le capitalisme de la spéculation. S'agissant de l'ISF, j'ai proposé le bouclier fiscal à 50 %, je dis aux Français, si je suis président de la République, il n'y a pas un seul Français qui paiera plus de 50 % d'impôts sur ce qu'il a gagné. Et il me paraît assez normal, d'avoir le droit de travailler pour sa famille à compter du 1er juillet.
[...]
Q- Dans un discours à Agen, vous aviez dénoncé, il y a quelques semaines, les patrons voyous, car vous ne compreniez pas les parachutes en or et les salaires de certains dirigeants d'entreprise, est-ce que vous dites la même chose aujourd'hui ?
O. Samain : Eh bien justement, qu'est-ce que vous faites, si vous êtes élu président de la République, est-ce que vous rendez illégaux ces parachutes dorés ?
R- La réponse est oui, je vais m'en expliquer et poser un raisonnement. Il ne faut pas, comme toujours en France sur réagir sur tel et tel évènement. Je vais poser le raisonnement, moi je comprends parfaitement qu'un certain nombre de chefs d'entreprise soient payés plus cher, très cher, aient des gros salaires, à partir du moment où cela correspond à un choix stratégique de création de richesses. Je suis pour le mérite et je suis pour la récompense et notre pays a besoin d'entrepreneurs qui vont beaucoup risquer, qui vont beaucoup travailler et qui seront bien rémunérés. Ce que je n'accepte pas c'est qu'on ait à la fois la grosse rémunération et le gros parachute. Parce que la grosse rémunération, elle rémunère le gros risque, si vous avez un gros parachute, il n'y pas de gros risque, donc il n'y a pas de grosse rémunération. Donc ma réponse, elle est très simple : oui aux rémunérations importantes, mais il y a une sanction. Si on réussit, on est récompensé, si on échoue on est sanctionné : pas de parachute. Juste un mot sur le président d'Alstom, quand je suis devenu ministre des Finances en 2004, le précédent président d'Alstom avait échoué.
Q- P. Bilger.
R- Exactement, il devait partir sans un centime, il a d'ailleurs, il faut le reconnaître rendu son golden parachute.
Q- J.-P. Elkabbach : Est-ce que vous voulez que d'autres en fassent autant ?
R- Cela me semblerait normal, P. Kron lui a succédé. P. Kron est un président remarquable d'Alstom, il est normal que P. Kron qui a contribué à sauver cette grande entreprise soit rémunéré pour sa réussite.
Q- O. Samain : Est-ce qu'il n'y a pas un problème aussi sur le
territoire Français... ?
R- Ecoutez, quand je vois la situation d'EADS pour parler de choses claires et d'Airbus, il ne me semble pas tout à fait normal qu'on récompense des gens, je ne dis pas qu'ils ont échoué, ce serait certainement injuste, mais dont on ne peut pas dire que cela soit une réussite brillante.
Q- Est-ce qu'il n'y a pas aussi un problème au sein des conseils d'administration de beaucoup de grandes entreprises, il y a une certaine consanguinité entre les grands patrons qui s'accordent entre eux, des augmentations, des avantages ?
R- Sans doute, mais je vais aller un peu plus loin. Moi je n'accepte pas et je n'accepterai pas des plans de stock options réservés à dix personnes dans des groupes de plusieurs milliers. Que des cadres, que l'équipe dirigeante ait beaucoup plus de stock options que les autres, je prends mes responsabilités, cela ne me gêne pas. Mais qu'on pose comme postulat qu'il soit possible de donner des stocks options, c'est-à-dire une partie des actions de l'entreprise, à quelques-uns, sans y associer les autres, moi je pense que la richesse d'une entreprise c'est le travail de tous les salariés. Que la dernière collaboratrice ou le dernier collaborateur, il participe à la création de l'entreprise, il doit donc être associé à ce plan de solidarité.
Q- J.-P. Elkabbach : Nous retenons, qu'il faudrait une loi pour sortir de cette polémique et de certains de ces privilèges ?
R- Si vous me le permettez, pourquoi faudrait-il une loi ? Pour une raison
très simple, c'est que s'il n'y a pas de loi, ces contrats synallagmatiques
qui ont été conclus entre les actionnaires et ces chefs d'entreprise, eh
bien devant les tribunaux, ces derniers gagneraient, il faut donc une loi.
Q- Quand on est français, est-ce qu'il est possible de marier le libéralisme économique au libéralisme social ? Et puis au passage il y a un mot qui est devenu comme un gros mot depuis le début de la campagne qui est le mot libéral.
R- Non, je croyais que vous alliez dire le mot "identité". Moi je ne suis pas un théoricien, je ne fais pas de théologie. Lorsqu'il a fallu sauver Alstom, j'ai renationalisé 22 % d'Alstom, cela ne m'a pas gêné, parce qu'il fallait le faire pour sauver l'entreprise. Moi je ne me demande pas tous les matins ce qu'aurait ce qu'aurait fait Ricardo, je ne consulte pas les oeuvres complètes d'A. Smith. J'essaye de trouver des solutions aux problèmes des Français. Je veux dire aux français qu'il y a des solutions à trouver, je vais m'engager sur un point : si je suis élu président de la République, en cinq ans, je m'engage et je demande aux Français de me juger sur les résultats, sur le plein emploi, c'est-à-dire sur 5 % de chômeurs. Regardez les Anglais, ils ont 4 % de chômeurs, trois mois de taux de rotation, mais moi je proposerai deux choses, c'est que nul ne puisse refuser, au chômage, plus de deux fois consécutives une offre d'emploi correspondant à ses qualifications. Et qu'on ne donne plus un minima social sans contrepartie d'activité. J'ai été choqué moi de la décision du Conseil régional socialiste d'Ile-de-France de donner la gratuité des transports aux RMistes. Voilà comment on encourage le travail d'un pays, si on est au RMI on se transporte gratuitement, si on a le courage de reprendre un emploi, on vous récompense, en vous disant : eh bien maintenant ce qui était gratuit, tu vas le payer !
Q- H. Fontanaud : Non, l'entreprise paie souvent les transports.
R- Non mais c'est autre chose, moi je veux récompenser le travail, je veux valoriser le travail, je veux considérer le travail, la crise morale française porte un nom, c'est la crise du travail.
Q- J.-P. Elkabbach : On va vous poser un certain nombre de questions, parce qu'il y a des soupçons, il y a des interrogations etc, pour que les choses soient très claires.
R- Cela commence bien !
Q- Non, cela continue bien.
Q- H. Fontanaud : Le Canard Enchaîné dit que vous avez passé un accord secret avec J. Chirac pour éteindre toutes les enquêtes judiciaires le concernant, après votre élection, il y a beaucoup de gens qui croient que c'est vrai. On a vu B. Chirac à votre meeting, est-ce que c'est vrai ?
R- Bien sûr, on est entre gens très élégants...Alors je vais vous dire une chose, c'est faux, c'est blessant, c'est grotesque, c'est insultant, est-ce que cela vous va ?
Q- J.-P. Elkabbach : Est-ce que vous avez reçu des encouragements de J. Chirac depuis le début de votre campagne ou des reproches ou des critiques ?
R- C'est vrai j'ai reçu des encouragements de J. Chirac, je l'ai même vu hier après-midi.
Q- Et il vous dit, "ça va, ou fait attention à ceci" ? Par exemple, est-ce qu'il vous a parlé de votre entretien avec M. Onfray dans la revue Philosophie Magazine, où vous disiez, je cite : "Je suis incliné à penser qu'on naît, du verbe naître, pédophile, que les circonstances n'expliquent pas tout et que la part de l'inné est immense". Est-ce qu'aujourd'hui, vous lui lanceriez votre propos ?
R- Attendez, je ne sais pas si je dois répondre sur J. Chirac, sur Onfray ou sur le fond ou sur les trois.
Q- Sur les deux !
R- Sur J. Chirac, oui, je l'ai vu encore hier, bien sûr, il m'encourage, il suit cela, vous l'imaginez de très près et je crois que son jugement sur la campagne que je mène est plutôt positif. Sur l'entretien et le débat avec Onfray, d'abord j'étais passionné de faire ce débat et alors je trouve ça extravagant. On ne peut débattre de rien dans notre pays, tout est suspect. Je dis il faut parler de la Nation, oh, vous êtes nationaliste ! Je dis il faut maîtriser l'immigration, oh, vous êtes raciste.
Q- Il faut faire gaffe quoi, il faut faire attention.
R- C'est une drôle de façon de parler à cette heure là, faire attention à quoi ? Il y a un français sur deux qui ne vote pas et le quart de ceux qui votent qui votent pour les extrêmes et vous trouvez qu'il faut faire attention et ne rien dire ? Eh bien non, je veux poser la question, qu'est-ce que j'ai dit de si extraordinaire ? Que je me posais la question de savoir quelle était la part de l'acquis et de l'inné, chez des hommes qui étaient suffisamment fous ou malades pour aller violer un gosse de trois ans, ce n'est quand même pas une démarche naturelle. Moi je me souviens, la société heureusement a progressé, je suis né en 1955, j'ai été un enfant des années 60. Vous savez ce qu'on disait dans les années 60 ? Et je prends à témoin tous les auditeurs, on racontait des choses, mais très choquantes. On disait, mon dieu, untel est homosexuel, parce que sa mère a dormi avec lui, on lui achetait des poupées, on disait des choses aussi stupides et aussi blessantes que cela.
Q- Est-ce que vous croyez qu'il y a une pré-détermination génétique ?
R- Non, mais vous avez vu ce qu'a dit le professeur A. Munich, un des plus grands scientifiques français, il a dit, pardon de me citer : "Sarkozy a eu raison d'ouvrir le débat, il y a une part d'inné, il y a une part d'acquis". Et si vous contestez ça, si on conteste ça, on conteste la nécessité de soigner. Moi j'en tire des conclusions pratiques, je ne veux plus qu'un seul délinquant sexuel sorte de prison, s'il ne prend pas l'engagement de suivre un traitement pour être soigné. Il y a la partie délinquance qu'il faut sanctionner et puis il y a des malades qu'il faut soigner. Et pardon de le dire, vouloir violer un enfant de trois ans, c'est quand même une idée qui ne m'a jamais traversé l'esprit. C'est quand même la marque de quelqu'un qui a un dysfonctionnement majeur. Alors quelle est la part de ce qu'a été sa vie et quelle est la part de son inné ? Je n'en sait rien, cherchons, débattons, là aussi. Alors on m'a dit que Monseigneur Vingt-trois n'était pas content, et moi je ne suis pas très content quand l'Eglise dit que l'homosexualité est un péché. Enfin dire une chose pareille en 2007...Attendez...
Q- Donc à un moment ou à un autre, vous estimez qu'il faut ouvrir un débat pour réfléchir avec des experts, des savants...
R- Attendez, si vous ne réfléchissez pas, comment vous trouvez la
solution ? Vous savez moi j'ai vu les parents du petit Mathias, violé et
noyé dans la Nièvre, est-ce que vous croyez... Et quand ils me disent ;
pourquoi est-ce que l'Etat laisse un monstre comme ça à la porte de nos
enfants ? Dans nos prisons il y a 15 à 20 % des détenus qui sont des
malades, des malades, il faut créer des hôpitaux-prisons dans chacune
de nos régions et puis il faut débattre de ces questions là. Ce ne sont pas
des sujets tabous, cela peut arriver à n'importe lequel d'entre nous.
Juste un dernier point, c'est un sujet qui me passionne, regardez le
cancer. Dans les années 60, on ne disait pas qu'on avait le cancer, les
gens disaient oh, mon dieu, il est peut-être contagieux ? Les gens
avaient honte, mais il y a des tas de gens, bien sûr que c'est la cigarette qui donne le cancer - mais on n'est pas égal devant le cancer. Il y a des tas de gens qui vont fumer deux paquets de cigarettes et qui n'ont rien, d'autres qui sont des fumeurs passifs et qui vont avoir un cancer. Je veux dire par-là que tout ne s'explique pas par les circonstances de la vie. Il y a des gens qui sont chauves, d'autres qui sont chevelus.
Q- Il y a l'inné et l'acquis.
R- Oui, oui.
Q- On continue, comme tous les candidats actifs, vous voyagez beaucoup en France, à quelles conditions la France, telle que vous la sentez maintenant, elle peut être réformée ? Est-ce qu'il lui faut des mots durs et des décisions dures ou des mots tous miel ?
R- Mais absolument pas, la France doit regarder ces problèmes et les affronter. Je prends un seul exemple, nous avons 1.200 milliards d'euros de dettes, 45 % du budget de la France ce sont les salaires des fonctionnaires et les pensions de retraite. Moi, j'aime les fonctionnaires, je les respecte, je dis, je ne remplacerai pas un sur deux qui part à la retraite, pourquoi ? Parce que, si on ne fait pas des économies là-dessus, on ne remboursera pas la dette de la France. Donc, il ne s'agit pas d'être dur ou d'être mou, je suis le candidat du changement. La passion de ma vie c'est l'action et je dis aux Français, voilà, j'ai identifié les problèmes de la France, il y a des solutions, on peut s'en sortir, on peut régler ces problèmes. Alors S. Royal dit : "on ne change rien, on change tous les statuts". Bayrou lui, dit : "On change tout le monde sauf moi" et qu'est-ce qu'il va faire avec ça ? Il prenait la coalition allemande comme seul exemple, on voit la coalition allemande aujourd'hui, on ne peut plus gouverner. Il prenait la coalition italienne comme un exemple, 109 ministres, Monsieur Prodi a démissionné deux fois en neuf mois, dites-moi si c'est la solution ?
Q- H. Fontanaud : Ce que dit S. Royal, ce qu'elle a dit hier soir, c'est qu'elle était elle, la candidate de la force sereine, contre la brutalité, la division dont vous seriez l'incarnation, que vous prépareriez une France divisée et elle une France...
R- C'est aimable, mais qu'est-ce que vous voulez que je réponde à ça, c'est une insulte, on ne répond pas aux insultes.
Q- Non, elle dit qu'elle porte le projet d'une France apaisée.
R- Non, mais elle dit qu'elle est sympathique, qu'elle a beaucoup de charme et que moi je suis brutal et antipathique, qu'est-ce que vous voulez que je vous réponde à cela, c'est un argument de campagne, vous trouvez ?
Q- Non, elle oppose un projet à un projet en disant...
R- Voulez-vous me citer une proposition qu'a faite madame Royal depuis le début, une seule s'il vous plais, je serais très heureux d'en avoir une.
Q- Le contrat première chance.
R- Très bien, il a changé cinq fois en cinq jours... j'espère que vous ferez preuve de la même indulgence avec moi.
Q- Oui, mais vous aussi vous avez affiné certaines propositions sur...
R- Sur quoi ?
Q- Sur la baisse des prélèvements obligatoires... les quatre points de prélèvements obligatoires...
Q- O. Samain : Les quatre points qui finalement disparaissent...
R- Ce n'est pas exact, ce n'est pas quelque chose qui est sorti de ma tête. Il y a 68 milliards d'euros de prélèvements qui sont pris aux Français de plus, que ce qui se passe dans la moyenne des quinze européens. Voulez-vous m'expliquer pourquoi, on peut être à la fois européen et accepter que les Français paient 68 milliards d'euros d'impôts de plus que les autres ? J'ai donc fixé un objectif, sur dix ans, de revenir dans la moyenne européenne.
Q- Sur dix ans, pas sur cinq ?
R- Mais c'est toujours ce que j'ai dit, je n'annonce pas une deuxième candidature !
Q- On dit que la société française est en train de se droitiser, qu'elle connaît une dérive à droite, J.-M. Le Pen dit : "Tout le monde court derrière moi". Est-ce que c'est grave, est-ce que c'est momentané, est-ce qu'il faut l'accepter ou le combattre ?
R- Formidable, si la société française se gauchisait, personne ne dirait que c'est une dérive, on dirait que c'est un mouvement naturel vers la gauche, pourquoi une dérive droitière ? Au nom de quoi, le fait d'être à droite ou au centre serait moins bien que d'être à gauche, pourquoi faudrait-il s'en excuser ? Deuxième élément, je conteste cette vision simpliste, il y a des tas d'électeurs de gauche qui veulent que l'on parle de la Nation. Quand j'ai parlé de l'identité nationale, c'est parce que, je suis désolé, mais il y a une identité française, la France n'est pas une race, la France n'est pas une ethnie.La France est un idéal, c'est une communauté de valeurs. C'est un peu plus qu'une démocratie, puisque c'est une République. On peut parler de l'immigration, il y a des tas de gens plus modestes, qui peut-être votent à gauche, qui souhaitent que l'on parle d'immigration pour la maîtriser. Eh bien écoutez, ce n'est pas la droitisation ça !
Q- Est-ce que je peux vous dire que J.-M. Le Pen a continué aujourd'hui ce qu'il avait fait déjà dimanche et mercredi sur Europe 1, il s'en prend à nouveau à vos origines. Et il vient de dire sur France 2, je le cite : "Si j'étais devenu hongrois en étant d'origine française, il ne me viendrait pas à l'esprit de me présenter comme candidat à la présidence de la République hongroise".
R- Quelle chance pour la Hongrie ! Qu'est-ce que vous voulez que je réponde ? Vous savez qu'est-ce que je vois, Monsieur Bayrou, prononce des insultes à mon endroit tous les jours. Madame Royal on a vu ce qu'elle disait, fort aimablement. Et enfin Monsieur Le Pen me conteste même ma francité, pourquoi ? Parce que tous ces gens là s'agacent, s'énervent, voudraient provoquer un combat de rue, je n'y céderai pas. Parce que je sais une chose moi, c'est que les Français veulent savoir ce que sont leurs problèmes et les solutions que je propose. Ce n'est pas un champ de foire la campagne électorale et si eux ont décidé de ne pas se respecter, c'est leur problème. Moi je n'ai pas d'adversaires, je n'ai que des contradicteurs et des concurrents.
Q- Ça c'est la conséquence du fait que le leader est toujours une cible, comme vous êtes d'après les enquêtes et les sondages en tête, vous en prenez plein...
R- Non, ce n'est pas que je suis une cible, c'est que j'ai une responsabilité plus importante et sans doute qu'il y a une attente plus importante des gens sur ce que je dis. Je sais parfaitement les responsabilités qui pèsent sur mes épaules, je peux avoir de lourdes responsabilités dans les semaines qui viennent, eh bien je n'ai pas l'intention de monter sur un champ de foire, de me livrer à une entreprise de démolition. Que Monsieur Bayrou, que Monsieur Le Pen disent ce qu'ils veulent, c'est leur problème. Moi, je ne participerai pas à ce règlement de compte - parce que cela abaisse la politique et j'ai une autre estime, une autre idée pour la fonction présidentielle.
Q- Deux questions très vite, la campagne du deuxième tour, est-ce que la continuation de la campagne du premier ou est-ce que c'est une autre et une nouvelle campagne ?
R- C'est forcément une nouvelle campagne.
Q- Par tempérament, on dit que vous êtes un homme de mouvement, d'action, si, si vous êtes élu, comment vous privilégierez la longue durée sur l'instant, comment vous arriverez à incarner une France qui a besoin aujourd'hui, on le voit - regardez la situation internationale - qui a besoin d'apaisement et d'équilibre ?
R- Oui, enfin écoutez, je pense justement que c'est par l'action que l'on peut apaiser la France. Prenez une affaire comme le service minimum, cela fait vingt ans qu'on en parle sans le faire, je n'ai pas le sentiment que cela apaise. Je dirai tout avant la campagne, parce que je ferai tout après. Quel est le premier problème de la vie politique française ? Un déficit d'authenticité, de sincérité, de vérité. Les gens se disent, est-ce que cette fois ci ils vont le faire, est-ce qu'ils peuvent me croire ? Je veux dire aux auditeurs d'EUROPE 1, "Je ne vous mentirai pas, je ne vous décevrai pas, je ne vous trahirai pas, parce que je mesure le fossé qui s'est établi - entre une partie des responsables politiques et le peuple français..."
Q- Ce qu'on veut savoir, c'est si vous pouvez combiner et réussir l'action, le mouvement et l'équilibre d'une société fragile ?
R- Mais enfin, j'ai été quatre ans, ministre de l'Intérieur, qui est un des ministères les plus difficiles.
Q- Non, mais cela sera autre chose, cela serait autre chose.
R- Bien sûr, je l'ai réformé de fond en comble, il n'y a pas eu une seule grève, un seul mouvement social dans le ministère le plus syndiqué de France. J'ai été trois ans, en deux fois, à Bercy, il n'y a pas eu l'ombre d'un problème. J'ai une grande expérience, je vous dis une chose : on s'abrite trop derrière une forme de lâcheté des élites françaises. Derrière une pensée unique que les gens ne supportent plus, pour expliquer qu'il faut agir, certes, mais c'est toujours pour demain. Eh bien avec moi, on agira tranquillement, mais on agira aujourd'hui.
Source:premier-ministre, Service d'information du gouvernement, le 12 avril 2007