Texte intégral
« Monsieur le Président,
Monsieur le Premier ministre,
Mesdames et Messieurs les Ministres,
Mesdames et Messieurs les Députés
Mes chers collègues Sénateurs,
Il est des circonstances où l'on peut être fier d'être législateur. En septembre 1981, j'étais encore un jeune député mais j'étais très conscient de vivre un moment historique rare lorsque Robert Badinter est monté à la tribune de l'Assemblée nationale pour nous demander, dans un discours d'une extraordinaire hauteur de vue, de tenir l'engagement pris par François Mitterrand, devant le pays, d'abolir enfin la peine de mort. Une volonté courageuse et audacieuse parce qu'à contre-courant de l'opinion publique d'alors.
J'étais fier de participer à ce progrès décisif et de prendre cette décision, certes dans l'effort collectif de la toute nouvelle majorité élue, mais avec aussi la rescousse de parlementaires de droite, et non des moindres, puisqu'il y avait là Jacques Chirac lui-même, Jacques Toubon, ou encore Pierre Bas, infatigable militant de l'abolition.
On a dit lors de ces débats et depuis plus de vingt-cinq ans tous les arguments en faveur de l'abolition définitive. On a rappelé à l'époque ce que d'autres avaient plaidé deux siècles plus tôt. Beccaria, Voltaire ou Hugo avaient déjà dépassé le débat moral pour l'amener sur le terrain juridique. Avec éloquence et talent, ils avaient démontré que la peine de mort n'était pas dissuasive et que la justice parfois faillible ne devait pas s'armer d'une peine capitale.
Devant ce Congrès, je ne voudrais ajouter un seul argument qui est celui d'un homme épris de liberté. Lorsque j'abandonne, lorsque n'importe quel citoyen abandonne une partie de cette précieuse liberté, dans le nécessaire « Contrat Social », c'est pour que la collectivité riche de cette délégation se montre capable de faire mieux que les individus ainsi regroupés.
Comme n'importe qui, j'aurais instinctivement envie de tuer celui qui aurait tué un de mes proches, ou tel autre qui aurait commis un crime particulièrement atroce. Mais la société, elle, cette société que nous avons voulue comme un progrès de la conscience, ne doit pas céder à ce réflexe. Elle doit se rappeler que tout homme, quelles que soient sa race, sa culture, sa religion, quel que soit le crime qu'il ait pu commettre, que tout homme donc, renferme et résume l'intégralité de la condition humaine. En tuant un criminel, c'est un peu de notre humanité que nous supprimons.
Mes chers collègues, le Conseil constitutionnel nous invite à mettre notre loi fondamentale en accord avec nos engagements internationaux. Aujourd'hui comme hier, c'est un honneur d'être un de ces parlementaires qui vont inscrire l'abolition de la peine de mort dans notre Constitution, comme on grave une vérité dans le marbre, pour rendre cette pratique barbare non négociable et irrévocable, quelles que soient les circonstances politiques.
Ce combat qui s'achève définitivement dans notre pays, doit se poursuivre au-delà de nos frontières. Je pense en particulièrement aux États-Unis, il nous faut les convaincre de renoncer à la peine capitale, car une grande démocratie ne peut s'enorgueillir d'une justice où demeure le meurtre raisonné, administratif et froid. Depuis le début de l'année, cinq Américains ont subi la peine de mort et dans trois jours exactement, Newton Anderson sera exécuté au Texas. La Chine et l'Inde font aussi partie des 69 pays qui appliquent encore ce châtiment.
« Il faut faire se souvenir à tous les hommes qu'ils sont frères », disait Voltaire. Fidèles aux valeurs humanistes et partisans de l'abolition universelle de la peine capitale, le groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen et les radicaux de gauche voteront naturellement ce projet de loi constitutionnelle ».
Monsieur le Premier ministre,
Mesdames et Messieurs les Ministres,
Mesdames et Messieurs les Députés
Mes chers collègues Sénateurs,
Il est des circonstances où l'on peut être fier d'être législateur. En septembre 1981, j'étais encore un jeune député mais j'étais très conscient de vivre un moment historique rare lorsque Robert Badinter est monté à la tribune de l'Assemblée nationale pour nous demander, dans un discours d'une extraordinaire hauteur de vue, de tenir l'engagement pris par François Mitterrand, devant le pays, d'abolir enfin la peine de mort. Une volonté courageuse et audacieuse parce qu'à contre-courant de l'opinion publique d'alors.
J'étais fier de participer à ce progrès décisif et de prendre cette décision, certes dans l'effort collectif de la toute nouvelle majorité élue, mais avec aussi la rescousse de parlementaires de droite, et non des moindres, puisqu'il y avait là Jacques Chirac lui-même, Jacques Toubon, ou encore Pierre Bas, infatigable militant de l'abolition.
On a dit lors de ces débats et depuis plus de vingt-cinq ans tous les arguments en faveur de l'abolition définitive. On a rappelé à l'époque ce que d'autres avaient plaidé deux siècles plus tôt. Beccaria, Voltaire ou Hugo avaient déjà dépassé le débat moral pour l'amener sur le terrain juridique. Avec éloquence et talent, ils avaient démontré que la peine de mort n'était pas dissuasive et que la justice parfois faillible ne devait pas s'armer d'une peine capitale.
Devant ce Congrès, je ne voudrais ajouter un seul argument qui est celui d'un homme épris de liberté. Lorsque j'abandonne, lorsque n'importe quel citoyen abandonne une partie de cette précieuse liberté, dans le nécessaire « Contrat Social », c'est pour que la collectivité riche de cette délégation se montre capable de faire mieux que les individus ainsi regroupés.
Comme n'importe qui, j'aurais instinctivement envie de tuer celui qui aurait tué un de mes proches, ou tel autre qui aurait commis un crime particulièrement atroce. Mais la société, elle, cette société que nous avons voulue comme un progrès de la conscience, ne doit pas céder à ce réflexe. Elle doit se rappeler que tout homme, quelles que soient sa race, sa culture, sa religion, quel que soit le crime qu'il ait pu commettre, que tout homme donc, renferme et résume l'intégralité de la condition humaine. En tuant un criminel, c'est un peu de notre humanité que nous supprimons.
Mes chers collègues, le Conseil constitutionnel nous invite à mettre notre loi fondamentale en accord avec nos engagements internationaux. Aujourd'hui comme hier, c'est un honneur d'être un de ces parlementaires qui vont inscrire l'abolition de la peine de mort dans notre Constitution, comme on grave une vérité dans le marbre, pour rendre cette pratique barbare non négociable et irrévocable, quelles que soient les circonstances politiques.
Ce combat qui s'achève définitivement dans notre pays, doit se poursuivre au-delà de nos frontières. Je pense en particulièrement aux États-Unis, il nous faut les convaincre de renoncer à la peine capitale, car une grande démocratie ne peut s'enorgueillir d'une justice où demeure le meurtre raisonné, administratif et froid. Depuis le début de l'année, cinq Américains ont subi la peine de mort et dans trois jours exactement, Newton Anderson sera exécuté au Texas. La Chine et l'Inde font aussi partie des 69 pays qui appliquent encore ce châtiment.
« Il faut faire se souvenir à tous les hommes qu'ils sont frères », disait Voltaire. Fidèles aux valeurs humanistes et partisans de l'abolition universelle de la peine capitale, le groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen et les radicaux de gauche voteront naturellement ce projet de loi constitutionnelle ».