Déclaration de M. Philippe Douste-Blazy, ministre des affaires étrangères, sur la sécurité sanitaire des Français à l'étranger, Paris le 6 avril 2007.

Prononcé le

Circonstance : Colloque "La sécurité sanitaire des Français à l'étranger" le 6 avril 2007 à Paris

Texte intégral

Mon cher Philippe,
Je voudrais d'abord te remercier de ton invitation dans ce ministère, que je connais bien. En effet, j'y ai travaillé avec toi, lorsque je servais Mme Veil, ministre d'Etat, et que tu étais son conseiller. J'éprouve évidemment une émotion particulière en revenant dans cette salle Laroque.
Je voudrais saluer toutes tes équipes, ton cabinet, les directeurs - je vois ici le directeur général de la Santé - et leur dire combien je suis heureux de voir le travail effectué ici, que ce soit par l'équipe de Xavier Bertrand ou toi-même. Vous avez mené une très importante action au service de notre pays et de la santé publique. Je voulais vous en remercier.
Je voudrais saluer aussi ici l'Institut Pasteur, dont l'action vient d'être évoquée. Car ce nom est connu et respecté dans le monde entier. Pasteur est le Français qui a sauvé le plus de vies. Le monde entier le sait.
Je voudrais saluer deux personnes qui sont pour beaucoup dans l'organisation de ce colloque : Matthieu Gressier et Julien Emmanuelli, parce que j'ai eu le sentiment que pour la première fois depuis longtemps, il y avait enfin des passerelles entre l'Avenue de Ségur et le Quai d'Orsay. Et ce n'est pourtant pas toujours facile de les établir.
Vous m'avez invité pour traiter du sujet de la sécurité sanitaire des Français à l'étranger.
La mondialisation, aujourd'hui, est aussi celle des crises. Lorsque "LCI" ou "I-Télévision" nous parle du SRAS, que pense le téléspectateur ? Il se dit que le SRAS va arriver. Lorsque l'on parle de la grippe aviaire, immédiatement, on s'interroge sur la possible transmission à l'homme du virus, et sur son arrivée.
Le problème, c'est qu'il y a un beaucoup plus grand nombre de pays où il n'y a pas de système de santé publique que l'inverse. Peut-être qu'avant de ramener le problème à sa seule dimension française, on pourrait se poser la question de savoir s'il ne faut pas un système de santé publique minimal universel. Parce que s'il y a transmission d'un virus à l'homme, en plein milieu de l'Ouganda, je ne suis pas vraiment sûr que le CDC (Centers for Diseases Control and Prevention) d'Atlanta, où j'ai longtemps travaillé, ou le centre de Stockholm dont vous venez de parler, puisse le détecter.
J'ai coutume de le dire, mais le moment présent ne m'a jamais paru plus approprié : le renforcement de la sécurité sanitaire à l'échelle du monde est un défi majeur, et un objectif fondamental de toute politique étrangère.
La gestion des crises sanitaires fait, en effet, partie des toutes premières priorités que se doivent désormais de prendre en compte les Etats dans leur action internationale. J'en prendrais pour exemple la désignation de Margaret Chan comme directrice générale de l'OMS, désignation qui ne doit rien au hasard, mais à sa gestion exemplaire de la crise du SRAS à Hong Kong, alors qu'elle y était en charge de la politique de la santé. Aujourd'hui, il nous faut compter à l'échelle internationale avec ces phénomènes de grande ampleur, au développement parfois soudain et brutal, à l'image de ces dernières années qui ont vu apparaître ou réapparaître de nombreuses maladies.
En matière sanitaire, nous ne devons donc pas nous prévaloir de certitudes, mais au contraire développer une conception nouvelle de la sécurité, faite de modestie dans l'approche et d'ambition dans ses moyens et dans ses résultats. Nous devons, en quelque sorte, nous approprier ce nouveau contexte né de la mondialisation et des bouleversements induits par le réchauffement climatique, pour y apporter des réponses concrètes, efficaces, adaptées.
Cette vision novatrice de la sécurité sanitaire, la France, et en particulier le ministère des Affaires étrangères, l'a déjà mise en oeuvre avec succès en Asie, dans les pays confrontés à la grippe aviaire, comme vient de l'expliquer le ministre de la Santé et de la Solidarité.
Nous le faisons, conscients que la sécurité sanitaire ne constitue pas seulement un des aspects majeurs de toute politique de coopération, un élément de solidarité internationale, ou un facteur favorable aux investissements dans les pays en voie de développement.
Nous le faisons, parce que la sécurité sanitaire est aussi, et peut-être avant tout, un profond et réel facteur de stabilité internationale dans un siècle nouveau.
La stabilité, elle se vit d'abord pour chacun à son échelle, celle du quotidien : ainsi, si nos enfants étaient mal soignés, ou s'ils vivaient dans des conditions d'hygiène déplorables, nous ferions peut être aussi le choix de quitter notre pays pour leur offrir une vie meilleure.
Or, personne ne peut plus aujourd'hui l'ignorer : le défi de la santé, c'est aussi, à l'échelle du monde, le défi de la pauvreté et de la réduction des inégalités. Nous ne pouvons plus penser la sécurité sanitaire sans penser également la fracture qui divise pays riches et pays pauvres - une fracture économique, sanitaire, culturelle, et même écologique. Le continent africain, où sévissent en particulier le sida, le choléra, la typhoïde, le paludisme et la tuberculose, est également frappé de plein fouet par le changement climatique. Nul doute qu'à l'avenir, les grands mouvements de population seront également déterminés par une insécurité sanitaire aggravée par le défi écologique.
La stabilité, au-delà de la connaissance des risques, repose sur les moyens d'anticipation que nous devons nous donner pour faire face à un risque majeur, par exemple, le risque d'une pandémie.
Nous le savons, en l'absence d'une gestion durable et globale du risque sanitaire, sans un système de veille et d'alerte mondial, le développement d'une pandémie serait plus rapide, plus violent, plus massif. Il porterait atteinte à notre économie et sans doute aussi à nos vies, avant même que n'ayons pu mettre en oeuvre les mesures nécessaires.
La prise en compte des risques réels, la prévention, l'anticipation, mais aussi les valeurs morales et éthiques que nous défendons, nous commandent donc d'aller dans le sens d'une véritable sécurité sanitaire internationale, une sécurité sanitaire qui soit mutualisée et inscrite sur le long terme.
Les enjeux sont cruciaux. Ils le sont d'autant plus que dans un monde globalisé, profondément interdépendant, les intérêts de chacun et de tous sont liés. Devant la réalité et l'urgence de ces enjeux, je me réjouis que l'Organisation mondiale de la Santé ait choisi, cette année, de consacrer la Journée mondiale de la Santé au renforcement de la sécurité sanitaire internationale.
Dans ce cadre, Philippe Bas a évoqué, tout à l'heure, un certain nombre de pistes essentielles : il est impératif, en effet, que la communauté internationale puisse élaborer des réponses coordonnées, autour de règles de vigilance et de propositions communes - l'Initiative sur la sécurité sanitaire mondiale en est l'un des exemples les plus marquants. Naturellement, il est aussi indispensable que les professionnels de santé soient, de leur côté, mieux formés à la gestion de ces risques.
Mais, bien évidemment, il revient d'abord aux Etats, au premier rang desquels la France, de porter ces objectifs, de les animer et de les faire vivre. Nous pouvons compter, pour ce faire, sur la force que représente notre réseau, le deuxième au monde, avec près de 280 postes diplomatiques et consulaires. Ce réseau est un formidable outil ; il représente aussi une considérable richesse, richesse humaine et richesse des savoir-faire des milliers d'agents qui le composent. C'est sur lui que repose pour l'essentiel notre capacité à mieux organiser, en cas de crise, la prise en charge et la sécurité des Français de l'étranger.
C'est aussi notre réseau qui joue ce rôle indispensable de "vigie", de "poste avancé", en quelque sorte, en matière de sécurité sanitaire internationale. L'action que nous avons menée, avec le ministère de la Santé, dans le domaine de la lutte contre la grippe aviaire, en témoigne de manière exemplaire.
- Ainsi, dans nos ambassades, la sécurité et l'information de nos compatriotes sont assurées par un médecin agréé, "conseiller médical grippe aviaire" de l'ambassadeur, et par un correspondant "pandémie grippale" pour les relations avec les autorités locales et la connaissance de l'offre sanitaire du pays de résidence.
- La communication a été développée, grâce au site "conseils aux voyageurs" et, localement, par le relais de nos ambassades.
- Celles-ci disposent d'ailleurs déjà de traitements médicaux contre la grippe aviaire, sur la même base que sur le territoire national. La France est le seul pays au monde à avoir constitué des stocks d'antiviraux contre la grippe aviaire à l'étranger, sur la même base que sur le territoire national. Les Français de l'étranger ont bénéficié exactement du même traitement, en termes d'anticipation, que les Français de métropole.
- A noter également que les "conseillers médicaux grippe aviaire" de la zone Asie ont été formés en 2006 à Paris, lors d'un stage organisé par le ministère des Affaires étrangères.
- Quant à nos postes diplomatiques en Asie, ils peuvent s'appuyer sur un réseau de correspondants parmi les Français de l'étranger pour avoir une connaissance précise de la situation sanitaire du terrain.
- En situation de crise, enfin, notre réseau diplomatique et consulaire a vocation à relayer l'information, pour faciliter le déploiement immédiat des mesures sanitaires ainsi que les mesures d'évacuation éventuelles.
Toutes ces mesures traduisent, si besoin était, l'engagement clair de la France s'agissant de la grippe aviaire : nos deux millions de compatriotes vivant à l'étranger savent qu'ils peuvent bénéficier du même niveau d'exigence en termes d'organisation et de protection que sur le territoire national.
Pour terminer, je voudrais vous dire deux mots sur l'avenir.
Je souhaite, tout d'abord, que nos ambassades et nos consulats prennent une part accrue dans la veille sanitaire, en centralisant non seulement les informations émanant des autorités locales, mais aussi celles relayées par les résidents français.
Nous voulons, avec le ministère de la Santé, que les postes diplomatiques s'appuient sur un réseau étendu à l'ensemble des acteurs, institutionnels ou privés, pour tous les risques sanitaires, quelle que soit la région du monde. C'est seulement ainsi, j'en suis convaincu, que nous serons en mesure de créer un réseau véritablement efficace de partage de l'information.
Enfin, le principe d'anticipation doit conduire à une coopération internationale renforcée. Nous devons parvenir à une détection et une veille sanitaires réellement opérantes à l'échelle mondiale. Nous devons aussi travailler dans le sens d'une recherche mutualisée, notamment sur les maladies infectieuses.
La construction de réponses communes en cas de crises majeures : telle est bien la clé d'une prévention et d'une action efficaces. C'est dans ce sens que la France travaille et qu'elle continuera de travailler, en mobilisant le plus largement autour de cet objectif la communauté internationale.
Je vous remercie.Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 12 avril 2007