Interview de M. Christian Estrosi, ministre délégué à l'aménagement du territoire, à France 2 le 16 mai 2007, sur sa candidature à la présidence du groupe UMP de l'Assemblée nationale et la formation d'un "gouvernement d'ouverture" par Nicolas Sarkozy, nouveau président de la République.

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Média : France 2

Texte intégral

 
R. Sicard.- Hier soir, J. Chirac a fait ses adieux de président de la République aux Français. Comment vous avez réagi à ses adieux ?
 
On a bien senti que c'était la passation et le passage d'un témoin entre aujourd'hui, la France d'aujourd'hui et la France de demain. Un Président qui avec sobriété, avec beaucoup d'humilité et de modestie a démontré combien il avait donné pour son pays, essayé d'être en lien avec chacune et chacun de ses concitoyens, et en même temps, modestement, savoir s'éclipser pour laisser la place à celui qui avait été choisi par les Français le 6 mai dernier.
 
Mais la France de demain c'est N. Sarkozy, c'est ce que vous voulez dire ?
 
Mais oui, mais c'est la France de demain, la France du changement incarnée par N. Sarkozy et voulue par près de vingt millions de Français.
 
N. Sarkozy, justement, est en train de préparer son gouvernement. Un des noms les plus cités c'est celui d'A. Juppé. A. Juppé, hier, a été entendu comme témoin par la justice dans l'affaire des chargés de mission de la Mairie de Paris. Est-ce que ça, ça peut remettre en cause son entrée au Gouvernement ?
 
Oh, je ne le pense pas. Mais être entendu comme simple témoin, on voit que c'est devenu coutumier. A. Juppé a toujours été respectueux de l'indépendance de la justice, il l'a démontré en d'autres circonstances, sans doute plus difficiles pour lui. Il y a même des Premiers ministres, des ministres importants de gouvernements précédents...
 
... D. de Villepin.
 
... qui se sont prêtés à essayer de rendre service et d'éclairer la justice. Il l'a fait.
 
Donc, aucune raison pour lui de ne pas entrer au Gouvernement, selon vous.
 
Je pense que je n'ai pas plus de commentaire à faire de cela que cela. Vous savez, en matière d'ingérence en direction de la justice, nous avons chacun à être très prudent.
 
A l'époque de cette affaire, c'est J. Chirac qui était maire de Paris. Est-ce que lui aussi pourrait être entendu par la justice ?
 
Mais J. Chirac a toujours dit qu'il respectait parfaitement l'indépendance de la justice.
 
On disait que N. Sarkozy est en train de former son gouvernement, ça sera un gouvernement d'ouverture avec des ministres de gauche, des ministres du centre. Cette ouverture, concrètement, ça va servir à quoi ?
 
Cette ouverture, N. Sarkozy l'a toujours voulue. On ne peut pas d'un côté avoir entendu les insultes, la calomnie, voir N. Sarkozy traité par ses adversaires d'homme dangereux, et d'un autre côté, au moment où celui-ci démontre qu'il est celui que nous connaissons, nous, ses proches, depuis si longtemps, un homme de solidarité, de main tendue, de réconciliation, celui qui au moment où 85 % de Français se sont prononcés veut réconcilier ces Français qui étaient fâchés avec la politique et dire que cette ouverture ne correspondrait pas aux souhaits des électeurs. Chacun de ceux qui à travers les valeurs qu'il a défendues tout au long de cette campagne doit se sentir représenté dans le Gouvernement qu'il désignera. C'est son choix et je crois que c'est comme cela que nous pourrons amener la France vers les profonds changements qu'ils attendent, nous n'avons pas de temps à perdre, et pour cela il faut un gouvernement qui s'ouvre et un gouvernement qui rassemble aussi les Français.
 
Vous, vous dites il est en train de faire ce que voulait faire F. Bayrou, par exemple.
 
Non, il est simplement en train de faire ce que beaucoup ont voulu. Il y a F. Bayrou qui l'a proposé, il y a S. Royal qui y a pensé, il y en a d'autres d'ailleurs. Ben voilà, N. Sarkozy l'a fait, c'est l'essentiel. A la présidence de mon propre département, c'est comme ça que je procède, c'est comme cela que j'ai souvent réfléchi au côté de N. Sarkozy. Je me réjouis aujourd'hui de cette ouverture si large.
 
Le problème c'est qu'il n'y aura que quinze ministres. Quinze ministres avec des ministres de gauche, des ministres du centre, ça laisse pas beaucoup de places pour les fidèles de N. Sarkozy. Est-ce qu'il y aura de la déception ? Est-ce que vous, par exemple, qui êtes un fidèle depuis très longtemps de N. Sarkozy vous êtes un petit peu déçu ?
 
Mais est-ce que c'est une surprise ? Tout au long de la campagne, N. Sarkozy n'a cessé de dire qu'il y aurait un gouvernement restreint. Ce qu'il y a d'important c'est de voir que c'est une recomposition de l'architecture institutionnelle et administrative de notre pays pour faire des économies, réduire le déficit, pouvoir dégager des marges d'investissement tournées vers l'innovation, la récompense de l'effort du travail, la baisse des charges qui pèsent sur les entreprises et des impôts qui pèsent sur les ménages pour leur redonner du pouvoir d'achat. C'est ça qui compte. Après, vous savez, les noms ça va, ça vient. Et puis il y a un partage de responsabilités entre l'exécutif et le législatif. Je veux participer à ce partage de responsabilités et je fais le choix de le faire en essayant de jouer un rôle majeur à l'Assemblée nationale puisque je serai notamment candidat à la présidence du groupe UMP à l'Assemblée nationale.
 
Donc, vous ne serez pas ministre, mais vous êtes candidat à la présidence du groupe UMP, c'est ça ?
 
Oui, et puis c'est une tâche enthousiasmante, c'est à la fois d'accompagner le président de la République, moi qui suis si proche et qui l'accompagne depuis si longtemps de cette manière, de permettre aussi au président de la République de mettre en place ses réformes pour l'Assemblée nationale à laquelle il souhaite donner plus d'autonomie. Je veux que les députés UMP soient à l'avant-garde de ces changements, soient à la pointe des réformes que nous allons conduire. Il va nous donner un droit de veto sur les nominations importantes dans notre pays, il va nous donner un droit de contrôle sur l'action du Gouvernement, il va nous donner des moyens d'expertise et d'autonomie et d'analyse sur chacune des politiques qui seront conduites par le Gouvernement. Je crois que c'est une tâche exaltante pour permettre aux Français de voir que leurs exigences, celles pour lesquelles N. Sarkozy a pris des engagements, ne sont pas trahies.
 
Cela dit, il faut bien reconnaître qu'il y a des fidèles de N. Sarkozy qui aujourd'hui sont déçus. Comment cette déception...
 
... ils ont tort !
 
... comment cette déception va être gérée ?
 
Ils ont tort parce qu'on ne fait pas de la politique pour avoir une récompense personnelle. On fait de la politique parce qu'on a des idées, parce qu'on a des convictions, parce qu'on aime son pays. Moi, j'accompagne depuis vingt ans N. Sarkozy parce que je sais qu'il est celui qui un jour permettra à notre pays de relever de nouveaux défis. Nous y sommes, mais sachons nous en réjouir. Nous sommes avec ce grand président de la République pour cinq ans, plus peut-être, je l'espère en tout cas, parce que ses réformes nous donnerons raison. Eh bien, sachons chacun modestement à notre place ne pas le gêner et au contraire l'accompagner et nous compléter, quelle que soit la part de responsabilité que nous exercerons.
 
Les élections législatives, qui va conduire la campagne ?
 
Ce sera bien évidemment le Premier ministre. Mais qui peut douter...
 
... F. Fillon ?
 
 ... mais qui peut douter un seul instant que le président de la République qui s'est tant engagé à faire bouger les lignes et qui a surpris sur tant de sujets, que ce soit la place de l'immigration et de l'identité nationale pour que chacun redevienne fier d'être français, de son pays, pour récompenser le travail, cette France qui se lève tôt et qui en a assez de ne jamais être récompensée de ses efforts, la suppression des droits de succession, autant de réformes qui doivent intervenir avant la fin de l'été. Sans compter cette nécessité du dialogue social qu'il a déjà renoué pour faire en sorte qu'il y ait plus de compréhension entre le monde du travail, entre ces ouvriers qu'il a incarnés tout au long de la campagne et les élites de notre pays. Autant de sujets qui font que bien évidemment le président de la République va surprendre dans les prochains jours et va prendre une place importante par les premières initiatives qu'il prendra dans le cadre de cette campagne législative.
 
On parlait tout à l'heure de l'ouverture, de ministres de gauche au Gouvernement. Est-ce que ça ne peut pas désorienter certains électeurs, notamment ceux qui sont venus du Front national et qui ont rejoint N. Sarkozy ? Est-ce qu'ils ne vont pas être surpris de voir des ministres de gauche comme B. Kouchner, par exemple ?
 
Qu'attendaient ces électeurs ? Ils attendaient qu'il y ait une véritable rupture avec la pensée unique dans laquelle nous sommes englués depuis si longtemps dans notre pays. Aujourd'hui, ce tabou est levé. Ces électeurs doivent être convaincus que nous ne reviendrons plus en arrière, que N. Sarkozy a décidé de respecter tous les engagements qui ont été les siens, il n'en trahira aucun. Ces électeurs voulaient la récompense de l'effort, voulaient la revalorisation du travail, voulaient que nous mettions un terme au devoir de repentance et que nous mettions un terme à la culture de l'excuse dans notre pays, que nous soyons fiers de notre histoire et que tous ceux qui se lèvent tôt dans notre pays voient enfin leurs efforts récompensés, que nous rentrions dans une politique de responsabilité face à une politique d'assistanat, qu'en matière de sécurité chacun voie sa première des libertés qui lui soit assurée. Qui peut douter que ce ministre de l'Intérieur qui dans l'action a si bien réussi, devenu président de la République, après avoir gagné une bataille, ne remporte pas une guerre au service des valeurs et des convictions de tous ces électeurs ?
 
Source : Premier ministre, Service d'information du Gouvernement, le 16 mai 2007