Conférence de presse de M. Jean-Pierre Jouyet, secrétaire d'Etat aux affaires européennes, sur les priorités en matière de construction européenne, notamment les questions institutionnelles, à Bruxelles le 21 mai 2007.

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Circonstance : Conseil compétitivité, à Bruxelles (Belgique) le 21 mai 2007

Texte intégral

Je suis très heureux de me retrouver parmi vous à Bruxelles, de retrouver des visages connus, de retrouver l'Union européenne, des sujets sur lesquels j'ai déjà travaillé dans le passé, sur lesquels on peut voir les progrès accomplis. Avant de répondre à vos questions, je vais vous dire quelques mots du Conseil Compétitivité.
C'est un Conseil important, il porte évidemment sur des sujets techniques dont on pense souvent qu'ils sont rébarbatifs. Ce n'est pas le cas. En réalité, la plupart de ces sujets techniques portent en fait sur des enjeux extrêmement concrets et qui sont fondamentaux, soit pour les intérêts de l'Europe, soit pour les conditions de vie de nos concitoyens. C'est une des idées que l'on doit faire davantage passer : ce qui est technique n'est pas éloigné des préoccupations des citoyens mais au contraire est très concret. Ainsi l'axe central de ce Conseil est d'améliorer le marché intérieur et de mettre en oeuvre la stratégie de Lisbonne, c'est-à-dire la stratégie de croissance et d'emploi, afin de faciliter les échanges, de réduire les coûts pour les consommateurs et d'accroître la croissance.
Aujourd'hui, différents rapports d'étapes ont été établis et sont toujours en cours d'examen. Le premier porte sur la politique industrielle et c'est là, par rapport à ce que j'avais connu au niveau européen dans le passé, qu'il y a un certain nombre de progrès : aujourd'hui, nous avons une communication sur la politique industrielle. Ceux qui l'ont accompagnée depuis longtemps à Bruxelles savent bien que lorsque l'on essayait de parler de politique industrielle - et j'étais un de ceux-là -, nous étions toujours taxés d'interventionnisme ou autres noms d'oiseaux.
Or, aujourd'hui, nous avons sur la table un rapport d'étape qui porte sur la politique industrielle sectorielle. Ce rapport d'étape envisage tout ce qui a trait aux technologies de l'information et de la communication, aux nouvelles technologies ou à l'industrie automobile, à la construction navale : toutes choses qui sont essentielles pour qu'il y ait, en Europe, une base industrielle forte et que l'industrie soit davantage compatible avec les exigences environnementales, ce qui est, comme vous le savez, une des priorités du nouveau président de la République, Nicolas Sarkozy, et du gouvernement dirigé par François Fillon. Là, nous soutenons véritablement cette démarche pour qu'il y ait une industrie plus "environnement compatible", plus verte et, en même temps, compatible avec les exigences de compétitivité. Comme vous le savez, il y a également un problème que nous devons dégager, qui est celui des normes applicables en matière de CO2 pour les véhicules automobiles. Notre position est extrêmement claire : nous souhaitons qu'il y ait un objectif de réduction qui soit appliqué à toutes les voitures, sans distinction. D'autres pays souhaitent que cet objectif de réduction soit davantage différencié par catégories. Nous devons essayer de trouver un accord. Nous y travaillons, nous n'avons pas encore de résultat. Nous avons exprimé très clairement avec d'autres délégations, notamment nos amis italiens, notre position en ce domaine.
Il y a un autre dossier lui aussi très concret qui touche au crédit à la consommation. Il s'agit d'un texte important qui prévoit des avantages pour les consommateurs puisque nous passons, dans ce domaine, d'une harmonisation, qui était minimale et désordonnée, à une harmonisation davantage étendue, et qui porte sur un nombre important de sujets. Cela permettra aux consommateurs d'avoir à la fois un accès plus facile aux prêts, notamment sur des bases transfrontalières, de bénéficier de simplifications en matière de gestion et, également, d'une meilleure transparence des conditions d'information, bref, d'une meilleure sécurité. C'est important pour nous, parce que ce texte représenterait une première étape dans ce que nous souhaitons, c'est-à-dire une harmonisation plus importante de toutes les conditions d'octroi de concours financiers, pour faire progresser l'Europe financière, notamment en ce qui concerne le service financier de détail. Voilà, sur le plan du Conseil lui-même, les éléments qui me paraissent les plus importants.
Sinon, comme vous le savez, pour le nouveau président de la République et le nouveau gouvernement, et pour être en charge, aux côtés de Bernard Kouchner, des affaires européennes, nous avons trois priorités importantes.
L'urgence est de sortir l'Europe de la panne institutionnelle, de la remettre en marche, de rendre ses institutions plus efficaces et plus démocratiques. A la suite de l'entretien qu'a eu le président de la République, Nicolas Sarkozy, avec la chancelière allemande, Mme Angela Merkel, nous pensons qu'il existe effectivement une possibilité d'avancer. Nous appuyons tous les efforts qui sont faits par la Présidence allemande en ce domaine.
La deuxième priorité est qu'après avoir trouvé, ou tenté de trouver, un chemin pour résoudre ces questions institutionnelles, nous devons nous attaquer aux défis auxquels est confrontée l'Europe, notamment dans le cadre de la mondialisation. Nous voulons une Europe qui puisse défendre ses intérêts, qui soit plus forte pour faire entendre sa voix dans cette mondialisation et qui soit aussi mieux armée pour protéger ceux qui sont victimes des conséquences négatives de cette mondialisation. A ce sujet, il faut, comme je l'ai indiqué précédemment, avoir différentes politiques européennes qui soient offensives, que ce soit dans le domaine de l'industrie, je l'ai souligné, mais aussi dans le domaine de la recherche, des grands projets, comme Galileo. Tout cela me parait être un enjeu fondamental si nous voulons véritablement faire en sorte que l'Europe obtienne des résultats correspondant aux attentes des peuples.
La troisième priorité, c'est de préparer la Présidence française. Nous avons des rendez-vous importants dans le cadre de la Présidence française. Il s'agit d'un exercice à la fois prenant et exigeant. Pour ma part je m'attacherai à prendre contact avec tous mes homologues et à faire tous les déplacements qui seront nécessaires pour préparer cette Présidence. Voilà ce que je souhaitais vous indiquer.
Q - N'aurait-il pas mieux valu rattacher ce secrétariat d'Etat aux Affaires européennes directement à Matignon ? Qui reprend le contrôle sur le SGAE ?
R - S'agissant des questions d'organisation gouvernementale, je n'ai pas à me prononcer. Il y a différentes logiques et la logique qui est suivie, qui a été choisie, est, objectivement, pour en avoir débattu, celle qui permet l'efficacité. Il y a un lien très étroit entre les Affaires étrangères et les Affaires européennes donc ceci me parait devoir fonctionner avec efficacité. Pour le reste, vous savez que des discussions et les décrets d'attribution sont en cours. Je n'ai donc pas d'autres commentaires à faire.
Q - Quel est votre souhait ?
R - Mon souhait est assez bien connu et il est partagé également par le ministre des Affaires étrangères.
Q - Donc récupérer le SGAE ?
R - Il ne s'agit pas de "récupérer", mais de faire en sorte qu'il y ait une rationalisation, une organisation la plus efficace possible, au niveau de la coordination inter-ministérielle. Je refuse le terme "récupérer" car le SGAE sera toujours au service du Premier ministre. C'est parfaitement normal et bien comme cela.
Q - A quelques heures de la visite du nouveau président à la Commission, comment voyez-vous les nouvelles relations entre Paris et la Commission, sachant que ces dernières années celles-ci ont été plus ou moins difficiles, en tout cas un petit peu compliquées. M. Barroso disait que la Commission devait être au service des Etats. Alors partagez-vous cette conception ?
R - Je pense qu'il est important que la Commission soit au service des Etats et qu'elle joue un rôle de facilitateur. Je crois aussi que les relations personnelles, comme toujours en ce domaine, jouent un rôle important et que le président Sarkozy et M. Barroso ont de bonnes relations. Je crois que nous pouvons partir sur les bases d'une bonne coopération, qui est déjà extrêmement forte. Les premiers entretiens entre le président Sarkozy et le président du Parlement européen, aujourd'hui à Paris, ainsi qu'avec le président de la Commission, mercredi, le montrent. Le fait qu'il y ait une visite du président de la République auprès de la Commission européenne me parait déjà suffisamment fort. C'est, vous le savez, très rare.
Q - Pour sortir l'Europe de l'impasse il faut un nouveau traité. Dans votre esprit à quoi va-t-il ressembler ?
R - Cela fera l'objet de discussions. Nous devons y travailler. L'idée du traité simplifié évoqué par le président de la République fait son chemin, pour trouver un écho important auprès de nos partenaires. Nous verrons maintenant quelles conditions et quelle configuration nous lui donnons, ce qui fait l'objet de discussions avec nos partenaires.
Q - A votre avis ?
R - Mon avis est que nous devons privilégier ce qui est efficace sur le plan institutionnel.
Q - Pouvez-vous nous dire quelques mots sur ce qui s'est dit au Conseil sur le crédit à la consommation ? Et quel rôle le nouveau gouvernement va-t-il jouer avec l'Union européenne au sujet de la Turquie ?
R - Concernant le premier point, nous n'en avons pas encore discuté dans le cadre du Conseil. Nous espérons trouver un accord. Vous savez qu'un point reste à résoudre, celui qui concerne le seuil pour les remboursements de prêt anticipés, lorsqu'il y a des pénalités. Nous allons en discuter.
S'agissant de la Turquie, la position du président de la République a été très clairement exprimée. Il y a des échéances à venir, nous y travaillons.
Q - Sur la deuxième priorité, à savoir la réponse de l'Union à la mondialisation, y a-t-il une partie défensive ? Sur les accords bilatéraux et l'OMC, le gouvernement et le président sont-ils sur la même ligne que M. Mandelson ?
R - Il faut toujours trouver un bon équilibre entre ce qui est défensif et offensif. Je reprends ce que vous dites - "défensif"- mais pas dans le mauvais sens du terme. Vous avez un certain nombre de pays qui sont extrêmement dynamiques économiquement et qui acceptent la mondialisation. Ils ont des politiques qui libèrent les énergies, et ce sont les orientations qui sont développées également en France par le président de la République. Cela n'empêche pas ces grandes puissances, qu'elles soient américaines ou asiatiques, de défendre leurs propres intérêts. Ce que nous souhaitons sur le plan multilatéral, c'est que l'Europe soit en mesure de défendre ses propres intérêts et que la France soit en mesure de dire quelle est sa conception de la défense de ses intérêts. Il n'y a aucune honte à dire clairement ce que l'on veut. Je crois qu'il faut être décomplexé et affirmer ce que l'on souhaite au niveau international. C'est comme cela que l'on est le mieux compris et que l'on a des chances d'être écouté.
Q - Sur la Turquie, la Présidence allemande a l'intention d'ouvrir deux ou trois chapitres, est-ce une bonne chose selon vous ?
R - J'ai un défaut pour ceux qui me connaissent c'est que je me répète parfois : la position du président de la République est parfaitement claire, nous y travaillons et nous connaissons les échéances qui nous attendent.
Q - Et quand est-ce que le travail sera terminé ?
R - Vous le savez, le président de la République est quelqu'un qui est extrêmement énergique et qui souhaite se mettre au travail rapidement. Mais il est encore tôt, vous me l'accorderez : nous commençons.
Q - Et sur l'ouverture des chapitres ?
R.- Je n'ai rien à ajouter.
Q - Sur la réforme institutionnelle, la charte des droits fondamentaux est-elle utile ?
R - Elle est un élément important. Mais il est essentiel de mettre davantage l'accent sur ce qui est institutionnel par rapport à ce qui est constitutionnel.
Q - La Turquie ne fait pas partie des trois priorités du gouvernement en dépit des échéances ?
R - J'ai indiqué quelles sont les priorités du ministère des Affaires étrangères et européennes et non celles du gouvernement. Pour le reste, sur la Turquie, je n'ai rien à ajouter à ce que j'ai dit.
Q - Sur les dossiers français à la Commission, il y en a un certain nombre. Y en a-t-il qui vous paraissent prioritaires et que vous comptez aborder avant l'été ?
R - Ce que souhaite le président dans la tache qu'il m'a confiée, et c'est sans doute une novation, c'est qu'il y ait une présence française à Bruxelles qui soit plus importante, notamment au niveau politique. Il est également vrai que mes missions comprennent le suivi d'un certain nombre de dossiers qui peuvent être contentieux ou particuliers, et qui doivent être examinés avec la Commission. Vous me verrez souvent présent à Bruxelles. Je vais partager mon temps entre Paris et Bruxelles et être davantage présent que ce qui se faisait auparavant. Nous aurons l'occasion de parler des dossiers français puisque cela va être l'une des composantes de mon travail.Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 24 mai 2007