Déclaration de M. Jean-Michel Lemétayer, président de la FNSEA, sur les résultats des scrutins des chambres d'agriculture, la campagne présidentielle et la politique agricole, Marseille les 28 et 29 mars 2007.

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Circonstance : 61ème Congrès de la FNSEA à Marseille les 28 et 29 mars 2007

Texte intégral

61ème Congrès de la FNSEA
Marseille, mercredi 28 mars 2007
Discours d'ouverture de Jean-Michel Lemétayer,
Président de la FNSEA
Monsieur le Président, Cher Claude,
Monsieur le vice-Président du Conseil général,
Mesdames et Messieurs les Présidents,
Chers amis,
Je suis très heureux d'ouvrir ce 61ème congrès.
Je voudrais tout d'abord, en votre nom à tous, exprimer le plaisir que nous avons de nous retrouver à Marseille, dans ce magnifique palais du Pharo et cette superbe vue sur le vieux Port.
Nous avons été particulièrement bien accueillis hier, dans cet esprit de convivialité qui fait partie du charme de cette belle région. Je félicite l'équipe locale, en particulier Claude Rossignol et Isabelle Giordano, pour le travail qu'elle a mené pour nous, depuis plusieurs mois.
Bravo à vous tous ! Je crois qu'on peut les applaudir !
Mes amis, quelle joie, quel plaisir, quelle fierté de nous retrouver après les quelques mois intenses que nous avons vécus. Et cette formidable victoire que nous avons remportée ensemble avec les Jeunes agriculteurs. A tous nos détracteurs, nos opposants, aux oiseaux de mauvais augure qui planaient autour de nous, nous avons apporté la meilleure réponse qui soit. Celle d'abord d'un monde professionnel motivé qui, à 66%, a participé à notre scrutin professionnel. Celle ensuite d'un résultat sans appel de plus de 57% des suffrages !
A en faire rêver les hommes politiques...
Non, nos 60 ans n'ont jamais été synonymes de retraite et d'abandons des paysans. Non, nous ne sommes pas un syndicalisme établi et parisien mais bien représentant ceux qui travaillent avec et pour les paysans. Non, les paysans ne sont pas des imbéciles qui se laisseraient mener vers une vue idyllique de leur métier ou tomberaient sous le charme d'une démagogie sans issue.
C'est notre bon sens qui a gagné !
Et, ce résultat, c'est celui de notre combat, de votre combat, au quotidien pour les paysans, celui de notre intense campagne de proximité, celui du renforcement de notre réseau. Mais attention, cette victoire n'est pas une fin en soi, c'est une responsabilité supplémentaire que les paysans viennent de nous confier.
Alors, soyons à la hauteur de nos ambitions. Soyons à la hauteur de leurs attentes.
Et, commençons par nous mêmes. Nous ne devons pas nous endormir sur nos lauriers. Bien au contraire, la campagne que nous avons menée a mis en valeur la nécessité de consolider, de développer, d'intensifier notre réseau. Nous devons maintenir haut la culture de l'adhérent dans toutes nos structures. Il est la base de notre syndicalisme, c'est notre principale force d'action. C'est à travers lui que nous avons un contact permanent avec les paysans, acte indispensable pour répondre aux attentes, écouter, expliquer.
Je voudrais ici remercier les secrétaires généraux qui ont mené un premier travail et élaboré des pistes dont nous allons discuter tout à l'heure. Leur rapport moral lance une première réflexion que nous devrons approfondir ensuite, ensemble, dans les départements, les régions et au national, tout au long de l'année.
Au-delà de nos discussions, je veux affirmer les indispensables cursus de formation que tous les élus ont à accomplir. Nous sommes des professionnels dans notre métier. La prise de responsabilité est autre chose. Elle impose des attitudes, des comportements, des compétences particulières que nous devrons assimiler si nous faisons le choix d'accepter les fonctions que nos collègues entendent nous confier.
À Marseille, pendant ce congrès atypique d'une année exceptionnelle en rendez-vous électoraux, nous allons donc prendre le temps de penser à nous, de nous pencher sur nos fonctionnements, notre organisation. Vous avez pris connaissance du programme. Vous savez que sont prévues cet après-midi et demain matin des tables rondes sur l'organisation économique et sur l'avenir de la PAC. Au sein du Conseil d'administration, nous avons réfléchi à l'éventualité de recevoir devant le Congrès les candidats à la Présidence de la République. Nous avons abandonné cette hypothèse et estimé que cela aurait été une erreur et une perte de temps pour tout le monde. Nous aurions peut-être obtenu des petites phrases et des photos. Mais aucun engagement en réalité. Regardez ce qui arrive au Pacte écologique de Nicolas Hulot. Signé par tout le monde, en grandes pompes, où en est-il aujourd'hui ? Aux oubliettes !
Je crois pouvoir vous dire que nous avons fait mieux. Nous avons rencontré les principaux candidats en tête à tête. Tous les autres, ou presque car il ne faut pas demander l'impossible à certains, se sont arrêtés pour discuter avec nous lors du Salon de l'Agriculture. Et nous leur avons fait part de notre projet et de nos positions sur les sujets qui intéressent la Présidence de la République. Car n'oublions pas que nous devons respecter les niveaux de responsabilité : il y a celui de la Présidence, celui de Matignon et enfin celui du ministère de l'Agriculture.
Le moment venu, nous saurons mener nos actions auprès du prochain Gouvernement, des parlementaires.
Cette année, nous avons fait le choix de favoriser notre réflexion sur des sujets essentiels pour l'avenir de nos exploitations. Nous avons décidé d'organiser des tables rondes sur l'organisation économique cet après-midi et sur l'avenir de l'Union européenne et de la PAC demain matin. La question de l'organisation économique est fondamentale. Les intervenants que nous allons entendre vont nous faire part d'expériences mais aussi nous expliquer les contraintes réglementaires et partenariales de toute organisation collective. Nous avons besoin de mener une réflexion franche sur ce sujet entre nous. Ces deux tables rondes sont un point de départ. Nous allons continuer le travail tout au long de l'année pour préparer, en 2008, un rapport d'orientation sur ce sujet.
Demain, nous aborderons les questions européennes sans oublier une problématique bien particulière qui concerne notamment la région PACA et les productions trop peu accompagnées par Bruxelles : l'Euroméditerranée. Ces questions, nous en avons déjà parlé entre nous hier après-midi à l'occasion du huis clos. Les secteurs de production nous ont bien expliqué leur vision des choses et nous avons engagé ensemble un débat. Il est pour moi un gage de volonté et d'unité. Volonté à proposer, à participer ; unité indispensable car depuis l'accord de Luxembourg tout se met en place insidieusement pour monter les uns contre les autres les paysans, les secteurs de production, les zones géographiques.
Pour mieux faire, mieux comprendre, nous allons écouter les positions et perspectives d'avenir telles qu'elles se dessinent. Ensemble et unis, nous aurons mieux conscience des échéances et des défis qui nous attendent, de l'état d'esprit des responsables sur une Europe que nous voulons solidaire, ambitieuse et responsable pour notre secteur. Ce travail est indispensable au moment où se fête le 50ème anniversaire du traité de Rome.
Je vous souhaite un excellent congrès de travail, de débats et de réflexions. La période s'y prête et les évènements nous y incitent.
A sa demande, j'excuse le ministre de l'Agriculture de ne pas participer à nos travaux : tous les membres du Gouvernement et de l'administration sont tenus à respecter une période de réserve, campagne électorale oblige.
Pour ma part, je vous invite à profiter pleinement et sans réserve de ce Congrès.
Je vous remercie de votre attention.
Source http://www.fnsea.fr, le 28 mars 200761ème Congrès de la FNSEA
Marseille, jeudi 29 mars 2007
Discours de clôture de Jean-Michel Lemétayer,
Président de la FNSEA
Messieurs les Ministres,
Messieurs les Parlementaires,
Mesdames et Messieurs les Présidents,
Mes chers Amis,
Nous tenons aujourd'hui une séance de clôture inhabituelle, sans participation du Ministre de l'agriculture ou d'un représentant des Pouvoirs publics, période électorale oblige. Cela ne m'empêchera pas de m'adresser depuis cette tribune à nos gouvernants actuels et futurs. C'est avec un sentiment de fierté que je m'exprime aujourd'hui, devant les responsables nationaux et départementaux de la FNSEA, réunis dans cette salle.
Rappelez-vous, il y a quelques mois encore, certains nous avaient déjà enterrés !
" Après 60 ans d'existence, disaient-ils, la FNSEA est bonne pour la retraite ! ".
" Le syndicat majoritaire vit ses derniers instants ! ".
Beaucoup, y compris chez les politiques, parlaient de nous au passé.
On allait voir ce qu'on allait voir.
Et bien, on a vu !
La FNSEA et les JA sont sortis renforcés du scrutin aux Chambres d'agriculture. Le mouvement d'érosion que nous connaissions depuis les trois derniers scrutins a été non seulement stoppé, mais inversé.
57% ! Je connais bien des politiques qui monteraient à genoux jusqu'à Notre Dame de la Garde pour un tel score à la prochaine élection présidentielle !
Cette victoire n'est pas le fait du hasard. C'est bien sûr le résultat d'une campagne de proximité, dans laquelle tous les militants, jeunes et aînés, de notre réseau se sont impliqués, sans ménager ni leur temps ni leur peine. Nos listes Fnsea / Ja ne correspondent pas à une alliance d'intérêt momentanée. Elles s'inscrivent dans une ambition commune, un projet partagé, un travail au quotidien. Notre réseau a montré son efficacité. Une efficacité que nous devons encore renforcer et c'est tout le sens du rapport moral que nous avons adopté au cours de ce congrès : nous devons valoriser notre victoire.
Cette victoire, c'est aussi le fruit de ce que nous avons semé depuis six ans.
Souvenez-vous : en 2002, au congrès de Versailles, nous avons affirmé que nous voulions des prix plutôt que des primes ! En 2005, au congrès du Mans, nous avons eu le courage de dire que nos exploitations étaient aussi des entreprises, fondées sur un projet économique dont la finalité est de dégager un revenu. L'an dernier, à Metz, en ouvrant le dossier des productions non alimentaires, nous avons donné de nouvelles perspectives et de l'espoir aux agriculteurs qui, jusque là, n'entendaient parler que de quotas, de gel des terres et d'excédents.
Les agriculteurs se sont reconnus dans ces nouvelles perspectives.
Ils se sont aussi trouvés en phase avec une organisation qui a toujours fait de la responsabilité la raison d'être de son combat. Pendant que certains passaient leur temps à gémir ou à trépigner, nous agissions dans l'intérêt des agriculteurs. Le meilleur exemple, c'est les DPU ! Dans cette affaire, nous aurions pu rester sur la touche en disant au Gouvernement qu'il n'avait qu'à se débrouiller avec cette réforme qui n'est pas la nôtre. Mais en faisant cela, nous aurions laissé les agriculteurs seuls face à l'administration. Ce n'est pas notre conception du syndicalisme. Alors, nous sommes entrés dans la mêlée, nous y avons pris des coups mais nous avons marqué des points. Et au final, même si tout n'est pas parfait dans la gestion des DPU, nous avons gagné la partie.
Et les agriculteurs l'ont bien compris.
Non mes amis, notre victoire aux Chambres d'agriculture n'est pas le fruit du hasard. Nous avons récolté ce que nous avons su semer. Face à la démagogie et au populisme, face au passéisme et à l'inaction, les agriculteurs ont nettement choisi le langage de vérité, d'engagement et de responsabilité que nous leur avons tenu. Ils ont choisi notre projet pour une agriculture audacieuse, attractive et solidaire. Ils ont choisi de dire avec nous que notre métier a un prix !
Cette victoire est d'autant plus significative que les agriculteurs sont allés voter en masse. Avec 66% de participation, ils ont montré leur sens de la responsabilité civique et professionnelle. Quel autre secteur professionnel peut revendiquer un tel score ? Ce score démontre bien sûr notre attachement à nos Chambres d'agriculture. Il démontre surtout la très forte volonté des paysans de participer aux débats de politique professionnelle. Les paysans ne veulent pas subir, ils veulent agir. Voilà ce que signifient ces 66% de participation.
Ces élections ont renforcé notre représentativité, notre poids politique. Il fallait une nouvelle fois en passer par là alors que nous sommes les seuls à avoir des structures locales actives et des adhérents qui payent leurs cotisations. Nous sommes confortés dans notre rôle de corps intermédiaire et d'interlocuteurs des Pouvoirs publics. Alors que nous sommes à la veille d'élections présidentielles et législatives, rappelons aux responsables politiques le rôle essentiel du syndicalisme dans la démocratie. La FNSEA le disait déjà en 1976 : " le syndicalisme est à la démocratie économique ce que les partis sont à la démocratie politique ".
Cette victoire nous donne aussi des devoirs.
Nous devons être à la hauteur de la confiance qui nous a été accordée par tous les agriculteurs, de toutes les générations, de toutes les productions, de toutes les structures et de toutes les régions. Les agriculteurs nous ont donné un mandat. Nous devons le mettre en oeuvre dans nos organisations syndicales et dans nos chambres d'agriculture. Notre projet, nous l'avons aussi défini avec nos partenaires des organisations économiques, mutualistes et sociales. Notre victoire est aussi la leur et je veux ici les en remercier.
Nos engagements, je voudrais les renouveler aujourd'hui avec vous, à l'intention des responsables politiques qui, dans quelques semaines seront chargés de conduire la destinée de la France. Je veux leur tracer la feuille de route pour défendre notre agriculture au plan national, mais aussi sur la scène européenne comme internationale.
Il n'y a pas de pays sans paysans. Il n'y a pas de paysans sans revenu. Il n'y a pas de revenu sans prix.
Le revenu des agriculteurs doit être notre premier engagement ; c'est notre priorité. Nous engager pour le revenu et pour le prix de nos produits, cela veut dire nous battre sur plusieurs fronts.
Sur la scène internationale tout d'abord, nous avons le devoir de défendre notre modèle, nos spécificités et nos terroirs. Nous n'avons pas à brader l'agriculture au nom d'un libéralisme qui n'a que faire de ceux qui produisent comme de ceux qui consomment. A l'OMC, on ne se préoccupe que des marchandises. Le libéralisme économique et commercial qui prévaut à l'OMC, et malheureusement dans certains " cercles " de l'Union européenne, est suicidaire non seulement pour l'agriculture, mais aussi pour de nombreux autres secteurs d'activité. Même les chantres du libéralisme comme les Etats-Unis n'hésitent pas à prendre les positions les plus cyniques. Un des principaux représentants américains au commerce a déclaré récemment que : " le Farm bill 2007, sous sa forme actuelle, n'est pas destiné à traiter les préoccupations du cycle de Doha. Il vise à répondre à nos problèmes intérieurs ".
Nous aimerions entendre de tels propos sur la PAC dans la bouche de nos commissaires européens ! A commencer par Madame Fischer Boel et Monsieur Mandelson. Et je voudrais dire à Monsieur Lamy qu'il devrait avoir une autre ambition que celle de boucler des négociations à n'importe quel prix simplement pour satisfaire son ego et sa carrière !
Maintenant nous attendons au pied du mur le futur Président de la République. Tous les candidats à l'Elysée, à quelques exceptions près, ont défilé au Salon de l'agriculture. Après nous avoir écoutés, tous ont affirmé qu'il fallait résister à l'OMC. Qu'ils tiennent leur promesse !
Ils doivent avoir conscience que les distorsions en matière sociale et environnementale menacent directement les modèles agricoles de nos pays développés et des pays émergents.Les producteurs méditerranéens présents nombreux dans cette salle en savent quelque chose. Pour l'Euroméditerranée, comme on l'avait fait au moment de l'entrée de l'Espagne et du Portugal, il faut procéder de manière progressive, contingenter les importations, mettre en oeuvre des dispositifs adaptés. C'est un enjeu majeur pour des milliers d'exploitations de nos régions méridionales.
Sur le plan européen, notre principal combat reste celui de la préférence communautaire et de la gestion des marchés, conditions essentielles de prix rémunérateurs. Mais il faudra bien qu'ils comprennent à Bruxelles qu'il n'y aura jamais d'avenir pour nous si la PAC n'a qu'un seul objectif : aligner les prix vers le bas. Il faudra bien aussi qu'ils comprennent que la préférence communautaire dépasse la seule problématique agricole. L'enjeu, c'est un enjeu de société. C'est celui de notre culture alimentaire, de la sécurité et de la diversité de notre alimentation.
Bien sûr la mondialisation imposera des changements et des réformes. Mais le marché ce n'est pas une foire d'empoigne. Il faut des règles, de l'organisation et des outils de gestion des crises. Qu'est-ce qu'on attend pour mettre en oeuvre le 1% de modulation arraché dans le compromis de Luxembourg pour gérer les crises, à défaut de gérer correctement les marchés ? Et même au niveau français, où sont les moyens qui auraient dû être accordés aux Offices pour faire face aux difficultés conjoncturelles ? Et où sont les crédits nécessaires pour financer ce serpent de mer qu'est l'assurance récolte ? Ça marche bien ailleurs ! Prenons donc l'exemple de l'Espagne.
L'échéance de la prochaine réforme de la PAC se dessine pour 2013. Et déjà, les plus libéraux se font entendre, au premier rang desquels Mme Fischer Boel avec son fameux bilan de santé.
Et on voit bien que ce qu'elle nous prépare. C'est :
-plus de découplage ;
- plus de modulation des aides directes ;
- plus de démantèlement des mécanismes d'interventions.
Autrement dit, c'est la fin annoncée de la PAC. C'est parfaitement cohérent avec ses déclarations sur la pluriactivité. C'est une perspective que nous rejetons catégoriquement. Oui à la pluriactivité choisie, Non à la pluriactivité subie !
Déjà nos associations spécialisées sont mobilisées contre ces orientations.
- ORAMA a exprimé son désaccord face aux menaces de suppression de l'intervention sur le maïs ;
- La FNB refuse la fin des aides couplées pour le troupeau allaitant ;
- La FNPL exige le maintien d'un " système d'encadrement laitier " ;
- Les viticulteurs rejettent les orientations scandaleuses de la nouvelle Organisation commune des marchés (OCM) : on ne peut pas construire une politique viticole sur un plan d'arrachage !
Madame Fischer Boel semble oublier que le budget de l'Europe est garanti jusqu'en 2013. Mais si elle confond bilan de santé avec amputation sans anesthésie, je vous garantis qu'elle va entendre parler du pays ! Et quand elle veut procéder à une transplantation des aides du Premier pilier agricole vers un Deuxième pilier beaucoup plus rural, attention au phénomène de rejet par les agriculteurs !
Dimanche dernier, tous les Européens ont fêté les 50 ans du traité de Rome. L'Europe ne peut pas renier ses origines et ses bases les plus solides. L'Europe s'est construite grâce et avec l'agriculture. Elle perdrait son âme si elle trahissait ceux qui ont oeuvré pour elle et qui ont été en première ligne de la construction européenne. Alors, au lieu de sacrifier les producteurs au nom des seules lois du marché ; au lieu de punir ceux qui veulent défendre leurs prix ; au lieu d'infliger des amendes exorbitantes aux organisations professionnelles agricoles qui ont voulu défendre les paysans, la Commission européenne ferait mieux de regarder de plus près ce traité fondateur. Elle y retrouverait ses valeurs et ses ambitions pour bâtir un ensemble économique et un modèle social qui garantissent son indépendance, son rayonnement et le niveau de vie de ses habitants.
Au plan national enfin l'agriculture et l'agro-alimentaire réalisent presque 9 milliards d'excédent commercial et concentrent près de 14% des emplois. Ce n'est pas rien et ça mérite considération. Tout cela c'est bien parce qu'il y a des paysans. Des paysans qui doivent gagner leur vie. Nous battre pour notre revenu, c'est d'abord renforcer notre organisation économique à tous les niveaux. C'est cette démarche qui permettra un juste partage de la valeur ajoutée. La valeur ajoutée confisquée par les transformateurs ou les distributeurs et les pratiques commerciales abusives : c'est intolérable ! Avec la crise qui les touche en ce moment, les producteurs de salades présents dans cette salle le savent bien !
Certaines enseignes ont été lourdement sanctionnées pour leurs pratiques commerciales. Mais ces condamnations restent confidentielles. Ce n'est pas normal. Il faut leur donner une large publicité : le silence qui les entoure leur permet de poursuivre leurs pratiques déloyales en toute impunité. Ces sanctions montrent aussi que pour faire respecter les lois, il faut multiplier les contrôles. L'État trouve bien les moyens de contrôler les paysans ; il peut en trouver autant pour contrôler la grande distribution ! A nous de maintenir la pression !
S'il est un point sur lequel les agriculteurs qui nous ont fait confiance nous attendent au tournant, c'est bien celui-là. Mes amis, nous avons sur ce point une obligation de résultat :
Face à des opérateurs d'aval de plus en plus concentrés, nous devons mieux nous organiser, rechercher des accords interprofessionnels, et affirmer ainsi notre pouvoir économique pour mieux équilibrer les rapports de force et obtenir un juste retour aux producteurs. Il faut aussi valoriser nos produits par des politiques de promotion ambitieuses et dynamiques. Il est grand temps que les Pouvoirs publics sortent de leur attentisme et de leur timidité, pour accompagner résolument les initiatives des filières. Face aux géants de la transformation et de la distribution, la seule réponse c'est l'organisation !
Notre deuxième engagement, c'est de défendre la compétitivité de nos exploitations. Nos exploitations sont surchargées de contraintes, mises aux normes, paperasses et formulaires en tout genre. Alors, bien sûr, tout cela est parfois indispensable pour identifier nos produits, tracer nos pratiques, rassurer le citoyen et le consommateur, justifier les soutiens publics. Mais entre l'indispensable et l'overdose, il y a une marge !
Chaque ministre veut sa loi, chaque administration veut sa réglementation, chaque fonctionnaire veut son formulaire et son parapluie.
L'agriculture, l'écologie, Bruxelles, tout le monde s'y met. S'il fallait décerner la médaille d'or de la sur-administration, il y aurait du monde sur la plus haute marche du podium ! Et le pompon, c'est la conditionnalité. La conditionnalité, c'est une ponction du revenu, une machine à exclure et parfois même une provocation pure et simple ! On nous dit par exemple que les agriculteurs doivent nourrir leurs animaux au moins une fois par jour. Comme si les agriculteurs avaient attendu les fonctionnaires de Bruxelles pour savoir comment ils doivent le faire ! Et maintenant, voilà que la conditionnalité s'applique sur le deuxième pilier. Bientôt les MAE ne voudront plus dire " Mesures Agri-Environnementales ", mais " Menaces d'Amendes Européennes "
Nous avons dénoncé ce système depuis le début. Nous étions les seuls. Et aujourd'hui, les États membres qui nous critiquaient, sont venus nous rejoindre. Alors profitons-en pour obtenir une réforme du système. Nous donner des armes pour affronter la compétition économique, c'est faire cesser ce délire réglementaire qui plombe nos initiatives ! Cette complexité, qui empire chaque année est d'autant plus inacceptable, que dans d'autres pays, toutes ces contraintes existent peu voire pas du tout. Alors dans ces conditions, bien sûr, il est plus facile d'être compétitifs ! Arrêtons de faire croire aux agriculteurs français qu'ils peuvent être rentables avec des charges européennes en vendant à des prix brésiliens ! Donnons à nos exploitations les moyens d'affronter une concurrence qui s'intensifie.
Pour le Plan bâtiment, le Plan végétal ou encore pour la bonification d'intérêts, les moyens doivent être à la hauteur des ambitions affichées. Les paysans attendent de nous que nous interpellions les responsables politiques pour qu'ils dégagent les crédits nécessaires à la modernisation de nos exploitations. Car c'est en modernisant nos outils de production que nous pourrons transmettre nos exploitations et assurer ainsi le renouvellement des générations. C'est aussi en revalorisant les retraites de façon significative pour donner à nos aînés des conditions de vie décente, que nous faciliterons la transmission des exploitations et l'installation des jeunes.
Pour nos entreprises, nous devons aussi être capables de voir plus loin. Nous travaillons depuis longtemps sur la TVA sociale. Il est temps de la mettre en oeuvre et nous demanderons aux prochains responsables politiques de le faire sans attendre. Car voilà un outil qui nous permettra de gagner en compétitivité en allégeant le coût du travail. Mais tous les outils fiscaux et économiques ne serviront à rien si nous ne pouvons pas vivre dans l'espace rural.
Nous portons aussi cette responsabilité-là : celle d'agir pour mettre à égalité de chances l'espace rural et l'espace urbain. Battons-nous, au coude à coude avec les autres acteurs du monde rural, pour faciliter l'accès de tous à des services de santé, des nouvelles technologies, des infrastructures routières, des écoles... tout ce qui permet de vivre en milieu rural et d'être heureux d'y vivre.
Notre troisième engagement n'est pas le moindre : c'est l'engagement pour notre métier. Nous avons la responsabilité de remettre l'acte de production au coeur de notre métier pour assurer les débouchés alimentaires et non alimentaires. Notre responsabilité est aussi de rappeler un certain nombre de vérités que certains ont perdues de vue.
Tout d'abord, la terre est le support indispensable de notre activité. Ce n'est pas une réserve foncière dans laquelle les collectivités, les citadins en mal de campagne, les promoteurs immobiliers ou les aménageurs divers, peuvent puiser selon leur bon vouloir. À nous de nous impliquer au niveau local pour défendre le classement des terres agricoles dans les plans locaux d'urbanisme.
Pour vivre les plantes ont besoin d'eau. Depuis des millénaires, l'irrigation accompagne le développement de l'agriculture. Qu'on ne vienne pas me raconter que la France manque d'eau : sur 175 milliards de m3 de précipitations, seuls 33 milliards sont consommés. Ce qui manque, c'est la volonté politique de construire les ouvrages qui permettraient de la stocker au lieu de la laisser filer vers la mer. Les élevages de montagne ne sont pas des self-services pour prédateurs. Toutes les mesures doivent être prises pour permettre l'élimination des prédateurs et la poursuite d'une activité d'élevage indispensable à l'équilibre économique et environnemental des zones de montagne.
Et enfin, pour gagner, il faut innover. Quel secteur économique s'interdit de progresser, d'innover, de rechercher ? Pourquoi faudrait-il museler le développement de l'agriculture ? Pourquoi nous empêcher de mieux répondre aux besoins des hommes en matière d'alimentation, d'énergie, de santé ?S'en prendre aux travaux de recherche conduits par des entreprises privées ou coopératives c'est vraiment faire un sale boulot dont les seuls bénéficiaires sont les multinationales américaines ! Celles-là même que les faucheurs de tout poil prétendent combattre !
Nous devons aussi nous battre contre cette idée qui se répand sournoisement dans l'opinion et dans certains cercles politiques selon laquelle notre pays pourrait se passer de l'agriculture et que nous pourrions nous contenter d'importer notre alimentation. C'est plus qu'une mauvaise idée ! C'est une faute que nos concitoyens risquent de payer au prix fort !
Savez-vous ce qui est arrivé aux Mexicains ? Ils ont fait le pari de produire moins de maïs et de se rendre dépendants de la production américaine. Résultat : le prix du maïs a flambé et c'est toute l'économie d'un pays qui est menacée. Alors oui ! L'agriculture est toujours plus indispensable dans le monde. Les perspectives sont immenses. Il faudra bien répondre au défi planétaire de nourrir neuf milliards d'êtres humains. L'arme alimentaire va devenir beaucoup plus importante que par le passé.
Le défi énergétique est un enjeu tout aussi crucial pour notre planète. Il faut appuyer sur l'accélérateur pour mettre en oeuvre le plan biocarburant. Le récent accord du 9 mars sur l'éthanol, entre les États-Unis et le Brésil témoigne d'une autre attitude et d'une autre ambition. Sur 43 millions de tonnes d'éthanol produites dans le monde, 38 Millions sont assurées par les Etats-Unis et le Brésil ! Pour Monsieur Bush, ce développement a non seulement des objectifs économiques, sociaux ou environnementaux, mais il a également une signification politique ! Pour lui " la dépendance énergétique est également un problème de sécurité nationale ". De telles déclarations nous font rêver ....tant pour l'indépendance énergétique européenne que pour son indépendance alimentaire.
L'agriculture est indispensable pour notre pays. Pour cette indépendance alimentaire mais aussi pour la qualité et la sécurité des produits. Et ce n'est pas tout ! Parce que l'agriculture, c'est bien plus que l'agriculture :
L'agriculture c'est aussi des emplois, un secteur exportateur, des paysages entretenus, de nouveaux matériaux. On ne le dit pas assez. La démarche de communication engagée notamment avec l'AFICAR doit nous permettre d'amplifier le dialogue avec nos concitoyens. Il faut mieux faire connaître et comprendre nos métiers pour que l'opinion publique partage notre légitime ambition pour l'agriculture. L'agriculture est un secteur d'avenir. Voilà pourquoi les politiques agricoles sont bien plus que des politiques agricoles. Voilà pourquoi l'agriculture doit être une grande ambition politique.
Mes amis,
Je suis comme vous, je ne sais pas qui demain sera Président ou Présidente de la République, je ne sais pas non plus quelle majorité l'emportera lors des élections législatives qui suivront. Ce que je sais, c'est que au-delà l'écume médiatique du Salon de l'Agriculture nous attendons des engagements précis sur ce que les candidats aux élections présidentielles veulent faire de l'agriculture en Europe et dans le monde. Nous attendons aussi des engagements des candidats aux élections législatives sur les moyens financiers et réglementaires qu'ils comptent accorder à l'agriculture. Et je le dis à ceux qui voudraient faire du ministère de l'Agriculture une simple annexe du ministère de l'Environnement comme à ceux qui voudraient en faire un sous-secrétariat d'Etat rattaché au ministère de l'Économie; je le dis à ceux qui n'ont que la modulation à la bouche comme à ceux qui sont prêts à lâcher l'agriculture à l'OMC pour faire plaisir à l'Industrie :
La FNSEA sera toujours là.
Avec ses militants, son projet, et la volonté de faire toujours mieux pour l'agriculture. Elle ne laissera pas faire n'importe quoi par n'importe qui. Par respect pour ceux qui nous ont fait confiance, nous en prenons l'engagement.
Nous sommes fiers d'être à la FNSEA !
Nous sommes fiers d'être agriculteurs !
Nous sommes nombreux !
Nous sommes victorieux !
Nous sommes debout ! Source http://www.fnsea.fr, le 30 mars 2007