Texte intégral
Messieurs les Ministres,
Messieurs et Mesdames les Représentants des Organisations internationales,
Mesdames et Messieurs,
Chers Amis,
Je ne vais pas vous infliger le discours que pourtant j'avais longuement préparé.
Je voudrais simplement vous dire mon bonheur et mon émotion d'être ici, devant vous, à la résidence de France, reçu par notre ambassadeur, à l'occasion de ma première visite en Afrique depuis que je suis ministre des Affaires étrangères et européennes - et d'autres lieux, et en particulier de la coopération, du développement et de la Francophonie.
J'ai retrouvé ici quelques amis, des amis des années précédentes - je n'ai pas dit des vieilles années - en me rappelant ce que, depuis quarante ans, nous avons fait, ou tenté de faire, en Afrique. Je me disais que le destin, que j'ai toujours trouvé un peu oublieux, finalement rend un peu justice à ceux qui ont toujours aimé l'Afrique, toujours travaillé en Afrique, et qui continuent d'y croire. C'est pourquoi je suis un peu ému, parce que ces retrouvailles, cette façon de ne pas vous quitter maintenant, trouve un prétexte officiel. Je vous salue tous et vous remercie d'être venus à l'invitation de l'ambassadeur de France, dans ce pays bien particulier, le Mali, avec lequel la France entretient des relations - au côté bien sûr d'autres pays - très étroites. C'est pour cette raison que je salue les représentants des Organisations internationales, les Maliens qui sont ici, mais aussi particulièrement les Français bien sûr.
Nous avons des rapports de tendresse et des rapports d'affection avec ce pays. Nous l'aimons pour ce qu'il a été, pour ce qu'il est, et pour ce qu'ensemble nous deviendrons. Je veux saluer d'abord cette occasion unique de parler en Afrique de démocratie triomphante et de Droits de l'Homme maintenus. Et cela est dû à l'attitude très particulière, à l'attitude de militant, de mon ami Amadou Toumani Touré, dit "ATT". Il a été réélu après des élections contrôlées, correctes, impeccables, reconnues par la communauté internationale comme un modèle, dans un continent où ce n'est pas toujours le cas, hélas. Mais les promesses sont immenses. Et si j'avais le temps... Mais je n'ai pas le temps et je ne veux pas vous raconter ni ma vie ni les années passées, que vous connaissez bien.
Je me souviens quand même de cette plage de La Baule où, avec le président François Mitterrand, nous étions quelques-uns uns qui connaissions l'Afrique - et le président Mitterrand connaissait l'Afrique -, à persister à le pousser dans la direction de ce fameux discours de La Baule qui allait aider à installer en Afrique la démocratie, avec tous les obstacles que vous connaissez, et certains qui demeurent. Mais cette persistance, cette formidable conduite, ce modèle, nous le devons au Président Touré. Et je voudrais avec encore plus d'émotion, avec respect et avec amitié, devant vous, le saluer.
Je suis sûr que l'histoire reconnaîtra sa place dans le développement de la démocratie et le développement tout court de l'Afrique.
Et puis il y a les Droits de l'Homme. Beaucoup s'en sont gaussé, les humanitaires, les bons samaritains. La charité, je sais que ce n'est pas suffisant, mais c'est indispensable. Et dans ce pays qui rassemble à la fois le succès démocratique et l'attention envers les Droits de l'Homme, attention maintenue contre vents et marées, on sait que si, bien sûr, ce n'est pas la recette unique du développement - nous en avons déjà échangé quelques mots avec les gens du PNUD, de la Banque mondiale et du Fond monétaire international, qui pourraient en dire beaucoup plus que moi - c'est un ingrédient indispensable. Il n'y a pas de développement sans démocratie. Mais la démocratie n'est pas suffisante pour le développement, et il n'y a pas de développement sans le respect des Droits de l'Homme.
Souvenez-vous. Il y a quinze ou vingt ans les Droits de l'Homme n'étaient pas acceptés sur l'ensemble de la planète. On ne les reconnaissait pas comme des droits universels. Eh bien maintenant c'est fait ! Et je salue au Mali ceux qui ont persisté dans leur combat quotidien pour ces droits à conquérir. Je salue en particulier, Mesdames et Messieurs, les femmes, les femmes maliennes, celles qui se trouvent en France et qui entretiennent avec ce pays des rapports, avec leur pays, avec notre pays ami, des rapports persistants de co-développement. C'est une vieille histoire entre le Mali et la France ! Je sais qu'il y a des problèmes. Je sais que le Président réélu - et je ne veux pas oublier le rôle du président Konaré non plus - a non seulement participé de cette trajectoire exemplaire du Mali, mais a été aussi à l'origine de bien des démarches fructueuses, parfois un peu moins fructueuses, pour la paix en Afrique. Il a été, de ce point de vue, un grand homme de l'international et des Nations unies, ce qu'on appelle le multilatéral, encore un terme difficile, dont souvent on se gausse. Je ne voudrais pas être trop grave. Je dis qu'il y a des projets de réforme que le président Touré devra affronter. La France sera à ses côtés. Je vous l'assure, même si certains, parfois, nous dépassent dans l'aide au développement. Et je combattrai cela, je voudrais que très vite nous revenions au premier plan, et pas au deuxième, de l'aide au développement. L'aide au développement, c'est surtout une affaire d'état d'esprit et de valeur, et pas seulement d'argent. Avec nos amis maliens nous savons cela. Il y a des entreprises modèles ici. Il y a, par exemple, dans le domaine de la santé, de l'industrie, des démarches modèles. Ne croyez pas ce que l'on vous dit : la France ne reculera pas devant ses responsabilités. Au contraire, nous serons ensemble, les Maliens et les Français, pour aller de l'avant.
Un dernier mot sur l'émigration. Oui, c'est un sujet que pudiquement on tente de ne pas aborder. Je connais les chiffres. Et j'ai été de ceux qui poussent plutôt les gens à émigrer et qui les accueillent avec bonheur en France. Ils ne sont pas si nombreux - je parle des Maliens - par rapport à d'autres pays. Mais je sais que dans l'équilibre fragile de ce monde que l'on appelle globalisé, dans cette économie de marché dont je ne vois pas comment on pourrait faire l'économie, et dont je sais qu'on doit réguler les injustices, il y a à construire, vous et nous, des équilibres.
Il ne faut pas s'opposer. Ce n'est pas parce que je me souviens de mon Premier ministre - j'en ai eu, vous savez, des Premiers ministres socialistes § Je me souviens de la phrase de Michel Rocard : "on ne peut pas accueillir toute la misère du monde". Mais on oublie le reste de la phrase : "on ne peut pas accueillir toute la misère du monde, même si la France doit en prendre plus que les autres sa part". Eh bien, la France en prendra plus que les autres sa part.
Il ne s'agit pas seulement de la misère, mais il s'agit aussi de misère. Les émigrants ne viennent pas chez nous parce que ça leur fait plaisir, même si, dans certains endroits de ce pays, à Kayes, en particulier, c'est la tradition. C'est une tradition que l'on doit ensemble équilibrer, attendrir, si je peux me permettre cette expression. Rendre plus tendres les uns et les autres, les Maliens et les Français, les Français et les Maliens. C'est là notre espérance ! Loin d'être un problème insoluble à ce niveau, à ces chiffres près, je crois que c'est une nécessité pour les deux pays.
Le co-développement, c'est la manière dont - et je parlais des femmes maliennes parce que les associations des femmes maliennes en France sont formidablement efficaces - elles considèrent le retour au pays, ou même l'aide sans revenir au pays, dans leur village, ou dans leur quartier. C'est une façon très efficace d'aborder ces problèmes. Je pense qu'il faut aller dans ce sens.
Mesdames et Messieurs, votre gravité me fait à la fois plaisir et en même temps me peine. Il faut que ce soit aujourd'hui et demain, en particulier, un jour de fête. Vous êtes en poste, résidants ou citoyens d'un pays modèle, d'un pays qui, même s'il demeure presque à la fin de la liste des pays en termes de pauvreté, est un pays en développement. Et quand on connaît les chiffres de la croissance, il y a beaucoup à dire sur ces énergies.
Je sais qu'il y a des problèmes avec le coton ; je sais qu'il y a des problèmes avec la France ; je sais qu'il y a des problèmes avec les pays voisins ; je sais qu'il y a même à l'intérieur de ce pays des agitations et des rébellions dont, je suis sûr, vous viendrez à bout.
Ce soir, je voudrais me souvenir de ce parcours avec nos amis qui sont là, dont certains sont mes compagnons depuis quarante ans en Afrique. Je n'aurais, ils n'auraient, vous n'auriez jamais imaginé cette trajectoire magnifiquement démocratique, ce respect exemplaire des Droits de l'Homme qui caractérise ce pays, même si ce n'est jamais suffisant. Je voudrais, une dernière fois, qu'on pense avec respect, avec amour et avec admiration au président réélu, Amadou Toumani Touré.
Il y a quelqu'un que j'ai oublié de citer, vous l'avez tous remarqué, et qui aujourd'hui au G8 a réalisé une performance exceptionnelle, qui demain fera parler de l'Afrique au G8. J'ai oublié de saluer et de remercier le gouvernement français et, bien sûr, le président Nicolas Sarkozy.Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 11 juin 2007
Messieurs et Mesdames les Représentants des Organisations internationales,
Mesdames et Messieurs,
Chers Amis,
Je ne vais pas vous infliger le discours que pourtant j'avais longuement préparé.
Je voudrais simplement vous dire mon bonheur et mon émotion d'être ici, devant vous, à la résidence de France, reçu par notre ambassadeur, à l'occasion de ma première visite en Afrique depuis que je suis ministre des Affaires étrangères et européennes - et d'autres lieux, et en particulier de la coopération, du développement et de la Francophonie.
J'ai retrouvé ici quelques amis, des amis des années précédentes - je n'ai pas dit des vieilles années - en me rappelant ce que, depuis quarante ans, nous avons fait, ou tenté de faire, en Afrique. Je me disais que le destin, que j'ai toujours trouvé un peu oublieux, finalement rend un peu justice à ceux qui ont toujours aimé l'Afrique, toujours travaillé en Afrique, et qui continuent d'y croire. C'est pourquoi je suis un peu ému, parce que ces retrouvailles, cette façon de ne pas vous quitter maintenant, trouve un prétexte officiel. Je vous salue tous et vous remercie d'être venus à l'invitation de l'ambassadeur de France, dans ce pays bien particulier, le Mali, avec lequel la France entretient des relations - au côté bien sûr d'autres pays - très étroites. C'est pour cette raison que je salue les représentants des Organisations internationales, les Maliens qui sont ici, mais aussi particulièrement les Français bien sûr.
Nous avons des rapports de tendresse et des rapports d'affection avec ce pays. Nous l'aimons pour ce qu'il a été, pour ce qu'il est, et pour ce qu'ensemble nous deviendrons. Je veux saluer d'abord cette occasion unique de parler en Afrique de démocratie triomphante et de Droits de l'Homme maintenus. Et cela est dû à l'attitude très particulière, à l'attitude de militant, de mon ami Amadou Toumani Touré, dit "ATT". Il a été réélu après des élections contrôlées, correctes, impeccables, reconnues par la communauté internationale comme un modèle, dans un continent où ce n'est pas toujours le cas, hélas. Mais les promesses sont immenses. Et si j'avais le temps... Mais je n'ai pas le temps et je ne veux pas vous raconter ni ma vie ni les années passées, que vous connaissez bien.
Je me souviens quand même de cette plage de La Baule où, avec le président François Mitterrand, nous étions quelques-uns uns qui connaissions l'Afrique - et le président Mitterrand connaissait l'Afrique -, à persister à le pousser dans la direction de ce fameux discours de La Baule qui allait aider à installer en Afrique la démocratie, avec tous les obstacles que vous connaissez, et certains qui demeurent. Mais cette persistance, cette formidable conduite, ce modèle, nous le devons au Président Touré. Et je voudrais avec encore plus d'émotion, avec respect et avec amitié, devant vous, le saluer.
Je suis sûr que l'histoire reconnaîtra sa place dans le développement de la démocratie et le développement tout court de l'Afrique.
Et puis il y a les Droits de l'Homme. Beaucoup s'en sont gaussé, les humanitaires, les bons samaritains. La charité, je sais que ce n'est pas suffisant, mais c'est indispensable. Et dans ce pays qui rassemble à la fois le succès démocratique et l'attention envers les Droits de l'Homme, attention maintenue contre vents et marées, on sait que si, bien sûr, ce n'est pas la recette unique du développement - nous en avons déjà échangé quelques mots avec les gens du PNUD, de la Banque mondiale et du Fond monétaire international, qui pourraient en dire beaucoup plus que moi - c'est un ingrédient indispensable. Il n'y a pas de développement sans démocratie. Mais la démocratie n'est pas suffisante pour le développement, et il n'y a pas de développement sans le respect des Droits de l'Homme.
Souvenez-vous. Il y a quinze ou vingt ans les Droits de l'Homme n'étaient pas acceptés sur l'ensemble de la planète. On ne les reconnaissait pas comme des droits universels. Eh bien maintenant c'est fait ! Et je salue au Mali ceux qui ont persisté dans leur combat quotidien pour ces droits à conquérir. Je salue en particulier, Mesdames et Messieurs, les femmes, les femmes maliennes, celles qui se trouvent en France et qui entretiennent avec ce pays des rapports, avec leur pays, avec notre pays ami, des rapports persistants de co-développement. C'est une vieille histoire entre le Mali et la France ! Je sais qu'il y a des problèmes. Je sais que le Président réélu - et je ne veux pas oublier le rôle du président Konaré non plus - a non seulement participé de cette trajectoire exemplaire du Mali, mais a été aussi à l'origine de bien des démarches fructueuses, parfois un peu moins fructueuses, pour la paix en Afrique. Il a été, de ce point de vue, un grand homme de l'international et des Nations unies, ce qu'on appelle le multilatéral, encore un terme difficile, dont souvent on se gausse. Je ne voudrais pas être trop grave. Je dis qu'il y a des projets de réforme que le président Touré devra affronter. La France sera à ses côtés. Je vous l'assure, même si certains, parfois, nous dépassent dans l'aide au développement. Et je combattrai cela, je voudrais que très vite nous revenions au premier plan, et pas au deuxième, de l'aide au développement. L'aide au développement, c'est surtout une affaire d'état d'esprit et de valeur, et pas seulement d'argent. Avec nos amis maliens nous savons cela. Il y a des entreprises modèles ici. Il y a, par exemple, dans le domaine de la santé, de l'industrie, des démarches modèles. Ne croyez pas ce que l'on vous dit : la France ne reculera pas devant ses responsabilités. Au contraire, nous serons ensemble, les Maliens et les Français, pour aller de l'avant.
Un dernier mot sur l'émigration. Oui, c'est un sujet que pudiquement on tente de ne pas aborder. Je connais les chiffres. Et j'ai été de ceux qui poussent plutôt les gens à émigrer et qui les accueillent avec bonheur en France. Ils ne sont pas si nombreux - je parle des Maliens - par rapport à d'autres pays. Mais je sais que dans l'équilibre fragile de ce monde que l'on appelle globalisé, dans cette économie de marché dont je ne vois pas comment on pourrait faire l'économie, et dont je sais qu'on doit réguler les injustices, il y a à construire, vous et nous, des équilibres.
Il ne faut pas s'opposer. Ce n'est pas parce que je me souviens de mon Premier ministre - j'en ai eu, vous savez, des Premiers ministres socialistes § Je me souviens de la phrase de Michel Rocard : "on ne peut pas accueillir toute la misère du monde". Mais on oublie le reste de la phrase : "on ne peut pas accueillir toute la misère du monde, même si la France doit en prendre plus que les autres sa part". Eh bien, la France en prendra plus que les autres sa part.
Il ne s'agit pas seulement de la misère, mais il s'agit aussi de misère. Les émigrants ne viennent pas chez nous parce que ça leur fait plaisir, même si, dans certains endroits de ce pays, à Kayes, en particulier, c'est la tradition. C'est une tradition que l'on doit ensemble équilibrer, attendrir, si je peux me permettre cette expression. Rendre plus tendres les uns et les autres, les Maliens et les Français, les Français et les Maliens. C'est là notre espérance ! Loin d'être un problème insoluble à ce niveau, à ces chiffres près, je crois que c'est une nécessité pour les deux pays.
Le co-développement, c'est la manière dont - et je parlais des femmes maliennes parce que les associations des femmes maliennes en France sont formidablement efficaces - elles considèrent le retour au pays, ou même l'aide sans revenir au pays, dans leur village, ou dans leur quartier. C'est une façon très efficace d'aborder ces problèmes. Je pense qu'il faut aller dans ce sens.
Mesdames et Messieurs, votre gravité me fait à la fois plaisir et en même temps me peine. Il faut que ce soit aujourd'hui et demain, en particulier, un jour de fête. Vous êtes en poste, résidants ou citoyens d'un pays modèle, d'un pays qui, même s'il demeure presque à la fin de la liste des pays en termes de pauvreté, est un pays en développement. Et quand on connaît les chiffres de la croissance, il y a beaucoup à dire sur ces énergies.
Je sais qu'il y a des problèmes avec le coton ; je sais qu'il y a des problèmes avec la France ; je sais qu'il y a des problèmes avec les pays voisins ; je sais qu'il y a même à l'intérieur de ce pays des agitations et des rébellions dont, je suis sûr, vous viendrez à bout.
Ce soir, je voudrais me souvenir de ce parcours avec nos amis qui sont là, dont certains sont mes compagnons depuis quarante ans en Afrique. Je n'aurais, ils n'auraient, vous n'auriez jamais imaginé cette trajectoire magnifiquement démocratique, ce respect exemplaire des Droits de l'Homme qui caractérise ce pays, même si ce n'est jamais suffisant. Je voudrais, une dernière fois, qu'on pense avec respect, avec amour et avec admiration au président réélu, Amadou Toumani Touré.
Il y a quelqu'un que j'ai oublié de citer, vous l'avez tous remarqué, et qui aujourd'hui au G8 a réalisé une performance exceptionnelle, qui demain fera parler de l'Afrique au G8. J'ai oublié de saluer et de remercier le gouvernement français et, bien sûr, le président Nicolas Sarkozy.Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 11 juin 2007