Texte intégral
J.-M. Aphatie Bonjour, F. Bayrou. Peut-être le MoDem que vous dirigez n'aura-t-il à l'issue du second tour des élections législatives, dimanche prochain, qu'un ou deux élus. Est-ce un échec pour vous F. Bayrou ?
R.- C'est le combat. C'est le combat, c'est une élection, pour les raisons qui viennent d'être expliquées, extrêmement difficile pour nous parce que le mode de scrutin, la loi électorale, est totalement injuste, qui fait que le parti majoritaire bien qu'il n'ait que 40% des voix, va avoir 80% des sièges - en tout cas, c'est ce que les projections nous disent - et que ceux qui n'appartiennent pas à la Majorité, ceux qui ont choisi une démarche indépendante, risquent, en effet, d'être laminés. Mais pour nous, c'est un moment clef.
Q.- Laminer : c'est un verbe terrible ?
R.- Mais pour nous, c'est une machine électorale d'une injustice absolue dont le but est de broyer ceux qui, en effet, refusent de s'aligner sur le bloc majoritaire et/ou accessoirement sur l'opposition du Parti socialiste. Mais pour moi, c'est un moment clef. C'est un moment clef parce qu'il dit ce que nous voulons faire du futur. Et ce que nous voulons faire du futur, c'est, en effet, une formation politique nouvelle, indépendante qui choisit elle-même son propre chemin, qui ne se plie pas aux raisons ou aux oukazes des autres formations qui l'entourent et qui trace un chemin nouveau pour la France avec la volonté de faire apparaître une génération nouvelle. Et donc, c'est dans ces moments-là, difficiles, qu'il faut voir des moments de fondation, qu'il faut voir ce qu'est la vraie nature des mouvements, la vraie nature de l'action qui a été entreprise.
Q.- Hier matin, sur RTL, S. Royal a indiqué son intention de prendre contact avec vous. Et plus tard, elle a fait savoir qu'elle vous avait laissé un message sur votre téléphone portable. "J'attends qu'il me rappelle," a-t-elle dit. L'avez-vous rappelée, F. Bayrou ?
R.- Il y a dans la vie politique française maintenant un compte-rendu précis, feuilletonnesque, des messages qui sont laissés sur les messageries téléphoniques.
Q.- Votre portable va jouer un certain rôle pendant cette période électorale !
R.- Il se trouve que non, je n'ai pas rappelé S. Royal, non pas par manque de respect mais pour éviter toute ambiguïté. Parce qu'évidemment, si j'avais appelé S. Royal, il y aurait eu de la communication sur ce sujet et on aurait cru que j'entamais un processus qui était destiné à faire en sorte que le Parti socialiste et le Mouvement démocrate se retrouvent pour cette élection. Autrement dit, j'aurais nourri cette accusation, qui est une accusation fausse et injuste, de ceux qui disaient, dans la Majorité actuelle : "En fait, ils sont passés à Gauche". De la même manière qu'à Gauche, il y a un certain nombre de gens qui disent : "En fait, ils sont à Droite". Nous sommes indépendants. Le Mouvement démocrate a choisi une voie difficile qui est la voie de son indépendance. Et donc, il n'y a pas besoin de négociations avec le Parti socialiste, il n'y a pas besoin de négociations avec l'UMP. J.-P. Raffarin, hier, lui-même a dit sur une radio concurrente qu'il était prêt à des rencontres, à tendre la main, etc. Chacun doit prendre ses responsabilités, et c'est très simple de prendre ses responsabilités. Il suffit pour les électeurs et pour les responsables politiques et les candidats de regarder quel est l'enjeu de ce deuxième tour de l'élection législative et des décisions qu'on doit y prendre.
Q.- Dans beaucoup de circonscriptions, un candidat socialiste est opposé, aujourd'hui, à un candidat UMP. Que doit dire le candidat du MoDem qui ne peut pas se maintenir ? Par exemple, celui qui est à Sarcelles où D. Straus- Kahn est en difficulté - vous avez vous-même eu pendant la campagne présidentielle des mots sympathiques pour D. Strauss-Kahn - est-ce que le MoDem doit l'aider à gagner cette élection ou pas ?
R.- Permettez-moi de vous dire d'abord, premièrement, que dans ma circonscription comme dans celle de mon ami, J. Lassalle dans les Pyrénées-Atlantiques, nous avons tous les deux des candidats socialistes et des candidats UMP contre nous. C'est bien la preuve que cette manière de présenter les choses est une manière publicitaire. Pour le reste, l'estime que j'ai pour D. Strauss-Kahn, je l'avais avant, je l'ai aujourd'hui.
Q.- Et alors, pas de consigne ? Rien ? On laisse les gens se débrouiller ?
R.- Vous m'avez entendu. Je dis que je ne donnerai pas de consignes de vote. Je ne veux pas entrer dans ce genre de mécanismes et de phénomènes ; mais je suis libre de dire l'estime que j'ai pour D. Strauss-Kahn, et je la dis à votre micro.
Q.- Alors, vous aviez un candidat UMP face à vous, F. Bayrou, dans votre circonscription des Pyrénées-Atlantiques...
R.- J'ai un candidat UMP face à moi. ...
Q.- Vous aviez, vous aviez, parce que J.-C. Gaudin, sur France 2, vient d'annoncer que l'UMP demandait à son candidat de se retirer face à vous. C'est un geste que l'UMP fait à votre égard ?
R.- Ecoutez, je l'apprends en direct sur RTL. Je vérifierai cette information. Elle ne me paraît pas...
Q.- Il vient de le dire. J.-C. Gaudin est sur France 2. Il vient de l'annoncer.
R.- Eh bien, écoutez c'est une... Disons qu'étant donné l'ambiance de la campagne, c'est une surprise.
Q.- Une bonne surprise ?
R.- Non, je n'ai demandé ni recherché un accord, un désistement, un retrait de personne. Je considère que modestement, dans ce petit coin de France qu'est le mien, je dois faire la preuve qu'en effet, je peux montrer qu'il existe un chemin politique capable de s'imposer face à l'UMP et face au PS. Dans la vie politique française, une voie nouvelle qui est une voie qui permet de rechercher un projet politique qui sera un projet de rassemblement et qui sera capable, un jour, de faire travailler ensemble comme il convient dans l'intérêt du pays, des gens qui viennent du Centre Droit et des gens qui viennent du Centre Gauche, et d'ailleurs des Ecologistes, etc.
Q.- Nos auditeurs ont compris que vous aviez du mal à croire que le candidat UMP s'était retiré mais...
R.- C'était pas l'ambiance de la campagne !
Q.- Vous vérifierez. Je crois que ce qui s'est passé. F. Fillon a dit, hier, qu'il mettrait à l'étude un projet de TVA sociale pour faire en sorte que la protection sociale soit financée autrement que sur le travail. C'est une bonne idée, F. Bayrou ?
R.- La TVA sociale, ça veut dire que tous les Français - spécialement les plus pauvres, ceux qui ont le plus de difficultés - vont avoir des charges accrues et une baisse de leur niveau de vie. Et ça veut dire que, comme c'est le cas ici, cette baisse du niveau de vie des Français les plus défavorisés, des retraités, des petites retraites, des petits salaires, elle va évidemment s'imputer sur leur capacité à boucler les fins de mois. Ca veut dire aussi que c'est un transfert vers un certain nombre d'autres Français plus favorisés.
Q.- Si vous êtes à l'Assemblée nationale - maintenant vous y serez, vous n'avez plus qu'un adversaire - vous serez dans l'opposition, F. Bayrou ?
R.- Je serai dans l'indépendance ; mais je serai dans l'indépendance capable de souligner les efforts du Gouvernement quand ils iront dans le bon sens, et capable aussi de combattre ce qui ira dans le mauvais sens.
Q.- F. Bayrou qui vient de faire un grand pas vers l'Assemblée nationale, était l'invité de RTL ce matin.
Source : Premier ministre, Service d'information du Gouvernement, le 12 juin 2007