Entretien de M. Jean-Pierre Jouyet, secrétaire d'Etat aux affaires européennes, à France Info le 24 juin 2007, sur l'accord entre les 27 Etats membres de l'Union européenne concernant le Traité européen simplifié.

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Texte intégral

Q - Un nouveau traité devrait remplacer la Constitution. Les négociations ont été difficiles, très difficiles, vous étiez aux côtés du président de la République, Nicolas Sarkozy, et du ministre des Affaires étrangères, Bernard Kouchner. Comment s'est vraiment passée cette nuit un peu folle de vendredi à samedi ?
R - Il est vrai qu'il y a un moment où nous sommes passés au bord de la rupture. Tous les membres, y compris nos amis polonais, avaient la volonté d'aboutir. Encore fallait-il trouver la bonne méthode. La coopération étroite entre Angela Merkel et Nicolas Sarkozy, mais aussi avec Tony Blair, José Luis Zapatero et Jean-Claude Juncker, ont permis de convaincre nos amis polonais qu'il y avait une solution possible, entre 20h et minuit. Tout cela a été long. Il a fallu que le président de la République ait des contacts personnels avec le Premier ministre polonais, et ce sont ces contacts qui ont permis de débloquer la situation grâce à une solution qui permet de reporter la double majorité jusqu'en 2014, avec un système complémentaire entre 2014 et 2017.
Q - C'étaient tout de même des négociations assez atypiques.
R - C'est un nouveau traité, c'est une nouvelle Europe et c'est une nouvelle méthode. La méthode de Nicolas Sarkozy est efficace. Elle a permis de débloquer ces négociations très directement, avec ceux qui sont en mesure de décider. Pour nous, ce qui était important, et ce qui a fait le succès du président de la République, c'est que le dossier le plus essentiel pour l'avenir de notre pays, un mois après la prise de fonction de Nicolas Sarkozy, ait été résolu. C'est le dossier le plus important qu'il avait en charge depuis un mois, et en un mois ce dossier a été résolu.
Q - Vous êtes donc rentré avec la promesse d'un nouveau traité, vous êtes satisfait, au risque de mécontenter les uns et les autres, notamment ceux qui avaient voté non à la Constitution il y a cinq ans. Ils vous reprochent de contourner le vote des Français, et même de contourner la démocratie.
R - Tout d'abord, c'est un succès pour l'Europe. Car l'Europe, après deux ans d'immobilisme et de blocage, est remise sur les rails. C'est également un succès pour la France, puisque les principales valeurs auxquelles elle était attachée ont été obtenues : faire en sorte que la concurrence ne soit plus un objectif en soi mais un simple instrument de marché intérieur, que les services publics soient reconnus, que l'on ait une Europe qui protège - nous avons cet objectif dans le cadre de la mondialisation -, des institutions qui fonctionnent, un président stable pour deux ans et demi, un Haut représentant pour les Affaires étrangères. Vous dites que cela peut mécontenter les uns et les autres, je dirais que cela peut contenter les uns et les autres. Et je peux vous dire que tout le monde en Europe est soulagé. Il faut maintenant aller de l'avant, vite, pour mener ensemble de nouvelles politiques. Pour notre part, nous espérons pouvoir ratifier par voie parlementaire d'ici la fin de l'année. Comme l'avait dit Nicolas Sarkozy. C'est là où la démocratie est respectée, il ne s'en est jamais caché : c'est le seul candidat qui, durant les élections présidentielles, a dit qu'il ratifierait par voie parlementaire un Traité qui n'est plus une Constitution. Il a été élu avec 53 % des voix. Où est le déni de démocratie ?
Q - Mais les partisans, comme Romano Prodi, sont déçus, disant que cette Europe manque de grandeur.
R - Nous pouvons toujours dire, effectivement, que le verre est à moitié plein ou à moitié vide. Ce que je retiens, c'est que le verre était entièrement vide et si Romano Prodi avait envie de rester avec quelque chose qui était entièrement vide et figé, il n'aurait rien du tout aujourd'hui. Je le comprends bien, je suis attaché autant que les autres à "l'Hymne à la joie", à un certain nombre de symboles, au drapeau européen. Tout cela reste dans nos coeurs. Ce qui est important c'est de trouver un compromis. Quand vous avez un compromis qui est acceptable au niveau européen, ce qui est le cas, c'est un succès pour l'Europe. Il fallait la remettre sur les rails.
Q - Ecrire ce traité à 27, cela va être difficile. Vous ne craignez pas qu'il y ait des écueils avant le mois de décembre ?
R - Nous avons pris toutes les précautions, et c'était un point extrêmement important dans le cadre de discussions avec Mme Merkel depuis la prise de fonction de Nicolas Sarkozy. Nous tenions à avoir un mandat politique détaillé. Il n'y a pas un "vague" mandat, donné par des politiques à des fonctionnaires - et vous savez, compte tenu de mes origines, que je n'ai rien contre -, mais un mandat politique très détaillé qui sera repris par une conférence gouvernementale. Cette conférence doit être purement technique, purement juridique et traduire véritablement ce mandat très détaillé. Je ne m'attends donc pas à ce qu'il y ait beaucoup de difficultés durant cette conférence gouvernementale. Elle traduira une volonté politique qui est allée au fond des choses.
Q - Au Sommet de Bruxelles vous êtes apparu aux côtés du président de la République. Vous venez de la gauche, êtes-vous à l'aise aujourd'hui à côté de Nicolas Sarkozy ?
R - Je suis sur des dossiers que je crois connaître un peu, sur lesquels j'ai quelque expérience et sur des sujets sur lesquels j'ai beaucoup réfléchi, comme la construction européenne ou le mode d'intégration auquel je suis attaché. Je suis aux côtés du président de la République pour faire progresser l'Europe. L'Europe n'est ni un enjeu de droite, ni un enjeu de gauche, c'est un enjeu essentiel pour l'avenir du pays. A ce sommet, nous avons oeuvré pour l'avenir du pays, donc je suis à l'aise.Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 26 juin 2007