Interview de M. Jean-Pierre Raffarin, vice-président de l'UMP, à La Chaîne Info le 26 juin 2007, sur l'organisation interne de l'UMP, la TVA sociale, l'autonomie des universités et le projet de traité européen simplifié.

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Média : La Chaîne Info

Texte intégral

C. Barbier.- J.P Raffarin bonjour.
 
J. P. Raffarin.- Bonjour C. Barbier.
 
Q.- Qui ai-je la chance de recevoir ? Le vrai patron de l'UMP ou le co-gérant avec P. Devedjian d'une usine à gaz ?
 
R.- Il n'y a qu'un seul patron à l'UMP, c'est l'inspirateur - et donc ce n'est pas un patron juridique - mais c'est un patron
naturel c'est N. Sarkozy.
 
Q.- C'est un peu choquant quand même, il est Président de tous les Français, il dit lui même qu'il représente les 19 millions
qui ont voté pour lui, et tous les autres, pas seulement l'UMP.
 
R.- Il a un parti, qui l'a aidé à gagner, un parti qui a su faire son unité pour l'aider à gagner ; un parti qui a su faire
hier au soir son unité pour l'aider à réussir.
 
Q.- C'est l'unité dans la diversité. Vous êtes deux ; comment vont se répartir les rôles, vous êtes en cohabitation avec P.
Devedjian ?
 
R.- Simplement : unité dans la diversité, c'est la belle devise d'ailleurs de l'Europe ; c'est aussi la devise de l'UMP. Nous
avons voulu une direction, collégiale, animée par un duo, P. Devedjian pour l'organisation, secrétaire général, et moi pour
le débat, vice-président. Nous sommes dans une logique d'une direction collégiale de six membres et nous sommes en contact
direct avec le président de la République, qui reste le leader naturel, même s'il n'y a pas de leader juridique.
 
Q.- Est-ce que P. Devedjian et ses deux adjoints vont être nommés par le conseil national, que vous présiderez ?
 
R.- Ils seront sans doute ratifiés. Nous allons en discuter mais il n'y a aucune difficulté sur ce sujet. Le bureau politique
a laissé le débat ouvert, hier. Il y aura les ( ?) membres du conseil national, qui seront désignés par le conseil national.
Le secrétariat général peut très bien être désigné par le bureau politique, ratifié par le conseil national. Nous en
discuterons. Nous voulons un processus démocratique. Nous étions dans un système de démocratie présidentielle - le président
élu par tous les militants - et nous passons à un système de démocratie parlementaire : un parlement, le conseil national ;
un exécutif, le secrétariat général. Et le tout dans l'unité, et je dois vous dire mon bonheur. Je me suis toujours battu
pour l'unité et je suis très heureux que nous ne donnions pas le spectacle du Parti socialiste. Nous avons su nous
rassembler. On a discuté 15 jours. La discussion a parfois été vive, elle a été utile. Aujourd'hui, l'UMP peut être en ordre
de marche pour aider le Gouvernement à réussir.
 
Q.- Le but c'est aussi d'empêcher un éventuel rival de N. Sarkozy de se laisser sentir pousser les ailes, comme le dit P.
Devedjian, ce matin ?
 
R.- Le rival de N. Sarkozy il n'est même pas apparu sur la scène politique. On voit que N. Sarkozy impulse un rythme
extraordinaire. A Bruxelles, pour un coup d'essai, il a fait un coup de maître. Et on le voit sur tous les fronts, avec
talent, tel un pilote de formule 1 : la maîtrise et la concentration. Donc je crois que notre problème n'est pas la rivalité
avec N. Sarkozy mais le rassemblement et l'unité pour que le Gouvernement trouve la force militante de pouvoir réussir ses
réformes.
 
Q.- Qui sera chef de la majorité ? Ce sera aussi N. Sarkozy ? Ce sera le Premier ministre, selon la tradition de la Vème
République ou ce sera la collégialité du parti ?
 
R.- Je pense que le Premier ministre est le chef de la majorité dans nos instituions. Je pense que l'on va voir le temps de
Matignon s'affirmer après le temps de l'Elysée. N. Sarkozy restera toujours celui qui fait la course en tête. Mais avec
l'entrée en lice du Parlement, avec cette cession parlementaire, qui commence maintenant, le Premier ministre avec son
discours de politique générale va être en première ligne pour que la majorité travaille au Parlement à la réussite des
réformes.
 
Q.- Vous avez été le premier Premier ministre du premier quinquennat de l'histoire, quels conseils donnez-vous à F. Fillon
pour exister face à un N. Sarkozy omniprésent sur tous les fronts ?
 
R.- Il n'y a pas de rivalité entre les deux, ils sont habitués à travailler ensemble.
 
Q.- Il faut qu'il trouve sa place quand même !
 
R.- Ils ont construit un projet ensemble, donc il n'y a aucun problème entre eux deux, on le voit bien ! Le Premier ministre,
il va avoir sa mission, il va être tous les jours au Parlement, à l'Assemblée et au Sénat. On a un programme législatif
considérable ; les réformes sont devant nous, elles sont difficiles, elles sont importantes. Le Premier ministre va être
celui qui va piloter ces réformes au Parlement. Le 3 juillet, il va faire son discours de politique générale, et
progressivement, on va le voir monter en ligne pour mettre en oeuvre les impulsions du Président. Et comme il y a une bonne
entente entre Président et Premier ministre, je ne suis pas inquiet du tout sur le fonctionnement de nos institutions.
 
Q.- Vous souhaitez instaurer un référendum d'initiative militante au sein de l'UMP. Il s'agit de quoi ? De dicter au
Gouvernement ce que l'UMP veut ?
 
R.- Il s'agit de libérer la parole. Nous, ce que nous voulons c'est un débat libre à l'UMP et une organisation efficace. Le
débat doit être audacieux. Il faut rénover l'UMP aussi en donnant la parole à des gens nouveaux. Donc moi je souhaite par
exemple dans le Conseil national il y ait trois commissions permanentes qui soient présidées par des gens de moins 40 ans,
des hommes, des femmes, des jeunes représentant la diversité. Il faut libérer la parole de l'UMP pour que le Gouvernement
puisse puiser dans l'UMP des idées, des initiatives, des projets. Donc c'est une force de proposition qui éclaire la route du
Gouvernement, devant, avec un décalage peut-être de six mois.
 
Q.- Alors, à propos de parole libre, maintenez-vous votre pronostic : la TVA sociale ça ne marchera pas ?
 
R.- Je dis que nous avons besoin de l'expérimentation. Entre les bienfaits pour l'emploi de la TVA sociale et les craintes
pour les prix, il faut que l'expérimentation tranche. Et donc je suis d'accord, je l'ai dit et je le redis, pour une
expérimentation qui pourra nous rassurer. Les Français veulent être rassurés sur ce sujet, le président de la République a
raison de proposer une expérimentation. On voit bien que la TVA sociale c'est bon pour l'emploi. Il y a un risque sur les
prix. Expérimentons et si c'est positif, on l'applique. Si on a des conséquences sur les prix inflationnistes, eh bien, on
n'appliquera pas.
 
Q.- Alors, les craintes semblent l'avoir importé sur la réforme pour l'autonomie des universités puisque N. Sarkozy recule et
repousse au 4 juillet et on continue à négocier ?
 
R.- Il démontre simplement que la campagne de Madame Royal était une campagne primaire, sommaire et que le président de la
République n'est pas cette caricature qui a été présentée par ses adversaires. On disait qu'il allait passer en force. Il a
rencontré les syndicats avant même d'être à l'Elysée ; il discute avec les partenaires et là, il y a discussion, une semaine
de plus de discussions. C'est, je crois, très positif pour un texte qui est parmi les plus difficiles qu'il a sans doute à
mener - l'autonomie des universités - mais aussi un des plus importants, si on veut que notre système éducatif soit au niveau
des universités du monde entier. Donc c'est un sujet difficile. Une semaine pour discuter, on voit bien que le président de
la République est un homme de dialogue. Ce n'est pas une reculade. Si à chaque fois qu'on dialogue, on recule...
 
Q.- [N'est-ce pas ?] l'éternelle peur de la droite face aux étudiants et aux manifestations ?
 
R.- Ne vous inquiétez pas, je crois que ce gouvernement - et ce Président - n'a pas peur .Il est clair qu'il est nécessaire
de discuter et quand on a une réforme de cette ampleur, qu'on attend en effet de plus de 20 ans, une semaine de discussions
supplémentaire c'est de la sagesse, ce n'est pas du recul.
 
Q.- La sélection aux alentours de la quatrième année, il faut la maintenir, c'est nécessaire, il faut être lucide !
 
R.- Nous aurons un débat au Parlement sur ce sujet. Le Parlement est le lieu aussi du dialogue !
 
Q.- Et à votre avis ?
 
R.- Mon avis c'est qu'il faut la maintenir. Mon avis est qu'il faut donner de la liberté, de l'autonomie aux universités pour
qu'elles puissent prendre toutes les initiatives, pour leurs capacités de développement et leur rayonnement international. Et
il faut que les meilleurs puissent s'exprimer, il ne faut pas systématiquement essayer de gérer un égalitarisme qui
entraînerait une médiocrité. Il faut pour cela encourager les talents, encourager les initiatives, et faire en sorte qu'on
ait les universités en France, qui puissent avoir une reconnaissance mondiale.
 
Q.- 4 milliards et demi de déficit pour le régime général des retraites à la fin 2007, c'est un milliard de plus que prévu.
Est-ce que votre réforme de 2003 est à bout de souffle et qu'il faut passer très vite à la suivante ?
 
R.- Non, nous sommes dans des épures qui sont tout à fait celles que nous avions prévues. Il est clair que nous avons un
rendez-vous en 2008 et il faudra continuer l'effort. Je l'ai dit, nous avons fait une première marche qui était très
importante. Il en faudra d'autres parce que naturellement le nombre des retraités augmente et le nombre des cotisants
diminue. Et donc il est clair que nous avons à poursuivre cette réforme. C'est dans l'ordre des choses, la loi d'ailleurs
avait prévu une clause de revoyure en 2008.
 
Q.- Un retraité fameux, J. Chirac, refuse d'aller devant les juges pour parler de l'affaire Clearstream, alors que le compte
bancaire au Japon n'a rien à voir avec ce qu'il a fait à l'Elysée. Ce n'est pas choquant, ce n'est pas dans une entrave à la
justice ?
 
R.- Ecoutez, soyons clair : J. Chirac, je le connais, il n'a jamais eu peur de la justice. Il veut simplement que les règles
soient respectées et il fait respecter les règles, et je crois qu'en cela, il a raison.
 
Q.- Vous allez voir le président de la République, l'actuel, tout à l'heure, pour parler Europe. 2017, pour les prochaines
règles de fonctionnement ; la Constitution, morte et enterrée... Est-ce qu'on n'a pas crié un peu trop "Bravo !" en fin de
semaine, après le sommet de Bruxelles ? C'est un recul pour l'Europe, tout de même !
 
R.- Mais non ! L'Europe était enlisée, l'Europe était bloquée. Il a sorti l'Europe de la crise. C'est une grande performance
politique. Nous étions embourbés parce qu'il n'y avait plus de gouvernance. Il a réussi à la fois à tenir compte de l'avis
des Français et en même temps à relancer l'Europe. C'est une performance politique exceptionnelle. C'est pour cela que je dis
que c'est un coup de maître sur le plan européen. Et donc, je suis très confiant dans l'avenir. Nous aurons en 2009 un grand
débat politique sur les finalités de l'Europe, à l'occasion des élections européennes. Il nous fallait remettre l'Europe en
marche, avec une gouvernance. C'est le projet de traité simplifié, idée de N. Sarkozy adoptée par les uns et les autres.
 
Q.- S. Royal sera candidate à sa succession en Poitou-Charentes en 2010. Vous serez sur sa route ? Vous serez candidat pour
lui barrer la route ?
 
R.- Je verrai si je suis candidat. En tout cas, je serai sur sa route, oui.
 
Source : Premier ministre, Service d'information du Gouvernement, le 26 juin 2007