Texte intégral
Madame la Maire,
Mesdames et Messieurs les Elus,
Messieurs les Secrétaires,
Chers membres du CNJ,
Si j'ai autant de satisfaction à présider les travaux du Conseil National de la Jeunesse, à parler et à échanger avec vous tous, c'est parce que je constate que les lieux où la parole et les valeurs des jeunes peuvent être entendues sont rares ; et que votre aspiration à être reconnus comme des citoyens à part entière, dans leurs droits mais aussi leurs devoirs, doit trouver des espaces pour s'exprimer. Nos sociétés occidentales vieillissantes ont trop tendance à ne percevoir la jeunesse que comme un problème ou une population à prendre en charge. Je veux le dire ici avec force : la jeunesse est une formidable ressource ; elle est porteuse d'immenses espoirs ; et elle est aussi notre présent, puisque chacun de vous, par ce qu'il fait de sa vie, a déjà en charge le monde à venir. J'aime beaucoup la phrase du poète anglais John Milton : « La jeunesse montre l'homme comme le matin montre le jour ». Tous les actes que vous posez aujourd'hui, les études que vous suivez, les solidarités que vous développez, les projets que vous initiez, construisent notre futur.
Le CNJ contribue à cette construction, par sa démarche participative. La qualité de vos travaux des 6 derniers mois en témoigne. Sur des thèmes aussi divers que l'univers carcéral et les conditions de la réinsertion, la sécurité routière, la participation à la vie de l'école ou les jeunes et l'Europe, vous avez élaboré près d'une centaine de propositions. Parmi celles-ci, quelques axes ont retenu mon attention :
- la création d'une plate-forme d'information et d'échange sur la sécurité routière, pour permettre une vraie sensibilisation des jeunes aux risques. Vous avez parfaitement raison de vous investir sur ce sujet, si l'on considère que sur la route, une personnes tuée sur quatre a moins de 25 ans.
- je me réjouis en outre que la formation au premier secours (AFPS) soit désormais dispensée au collège ou au lycée, car le CNJ porte cette proposition depuis 2 ans. Vous avez été entendus.
- je salue votre mobilisation pour établir les critères d'attribution d'un « Label boîte de nuit », initié par le CNJ avec le principal syndicat des discothèques et lieux de loisirs. Ce Label valorisera les bonnes pratiques des professionnels dans les domaines de la prévention, de l'accessibilité, des transports et du développement durable. Je souhaite pouvoir signer prochainement cette convention.
- Enfin, je mentionnerai la journée de clôture de la campagne « Tous différents, tous égaux » initiée par le Conseil de l'Europe, le 29 septembre prochain dans le cadre de la Semaine européenne de la Jeunesse. Ce sera un moment fort de débat sur le dialogue interculturel, la participation des jeunes et la lutte contre les discriminations. Cet événement doit pouvoir prendre toute sa dimension, et mes services seront à vos côtés pour que cette journée soit porteuse de valeurs humanistes fortes.
Le rôle des politiques publiques, et ma responsabilité en tant que Ministre, sont de vous accompagner au mieux dans ce travail, dans ce cheminement individuel et collectif. Mon décret d'attribution - c'est à dire la mission qui m'est confiée ! - précise que la Ministre de la Santé, de la Jeunesse et des Sports « « élabore et met en oeuvre, en liaison avec les ministères intéressés, la politique du Gouvernement en faveur de la jeunesse (...). Elle coordonne les actions menées dans ces domaines lorsqu'elles relèvent de plusieurs départements ministériels ». J'ai bien l'intention de me saisir pleinement de cette prérogative pour donner toute leur dimension transversale aux politiques de jeunesse. D'ores et déjà, quelques axes me paraissent particulièrement féconds : le droit à l'éducation et à la formation tout au long de la vie ; le droit à l'excellence dans cette éducation et cette formation ; le droit à la deuxième chance dans un parcours de vie ; le droit à la première expérience professionnelle. Pour assurer le dynamisme et la cohérence des politiques en faveur de la jeunesse, je souhaite notamment une réactivation du Comité interministériel de la Jeunesse.
Je voudrais profiter de ma présence devant vous aujourd'hui pour vous exposer sur quelles bases j'entends fonder une politique de la jeunesse. Je refuse de voir la jeunesse comme un tout homogène, car ce type de vision réductrice conduit soit à la caricature soit à la stigmatisation. Vous voulez être une jeunesse à la fois libre et engagée ; libre, c'est-à-dire rétive aux embrigadements, aux formatages idéologiques, au prêt à penser. « De siècle en siècle, l'humanité impose la primauté de la liberté individuelle sur toute autre valeur », nous dit Jacques Attali dans son dernier ouvrage. Mais, et votre présence ici en témoigne, vous êtes aussi une jeunesse qui croit en l'engagement, qui peut s'exprimer de nombreuses façons : je sais par exemple la confiance que vous accordez aux valeurs du monde associatif, comme acteur d'une société meilleure.
Pour encourager la jeunesse de notre pays à s'investir dans les associations, notamment celles qui portent un projet d'intérêt général, j'entends développer, d'une part, le volontariat associatif créé l'année dernière, et d'autre part, la formation à la gestion associative qui doit soutenir les jeunes - dont les mineurs - dans leur désir de prise de responsabilité. Ces deux actions permettent aux jeunes de découvrir la vitalité associative, d'acquérir en la matière un véritable savoir-faire, tout en bénéficiant d'une indemnité et d'une couverture sociale. Par ailleurs, je veux donner à la génération du numérique les moyens de faire du bénévolat en ligne.
Le Président de la République est très attaché à cette notion de bénévolat, et, dans cette perspective, j'ai l'intention d'oeuvrer pour que la société encourage toutes celles et tous ceux qui se dévouent pour elle. Il faut réfléchir aux modalités de cette valorisation, qui n'est pas, entendons-nous bien, une « récompense », puisque nous parlons ici de dévouement et de désintéressement, mais une juste reconnaissance : on peut donc envisager que le bénévolat donne droit, par exemple, à des stages de formation, ou qu'il soit pris en compte dans le cadre d'un cursus universitaire ou professionnel... Ces acquis pourraient être consignés dans une sorte de « livret d'épargne civique ».
Une jeunesse engagée, c'est aussi une jeunesse entreprenante et audacieuse, porteuse de projets, exprimant ses talents, et qui doit être aidée en cela. Dans cette perspective, je veux dire mon attachement au programme « Envie d'agir », qui a vocation notamment à aider les jeunes qui s'investissent dans la création ou la reprise d'activités économiques. Je veux renforcer sa lisibilité pour qu'il devienne moteur dans les dispositifs d'engagement et d'accompagnement des initiatives des jeunes. Je n'oublie pas que le quart des créateurs d'entreprise ont moins de 30 ans... Dans cette logique, je demande à la commission « Engagement » du CNJ de plancher sur la manière d'aider les jeunes à créer des entreprises et à les pérenniser. Je souhaite aussi que l'on puisse réfléchir à la mise en place de lieux dédiés à cette aide à la création, qui soient des espaces de conseil, de soutien, de formation, et aussi d'échanges et de croisements d'idées et d'expériences ; des lieux qui « inventent l'avenir », pour reprendre une expression chère à Nicolas Sarkozy.
Un autre point me tient particulièrement à coeur : celui qui allie santé et jeunesse. Vous avez peut-être été surpris de ce rapprochement, et pourtant il apporte une grande cohérence. Une enquête IPSOS de 2006 montrait que, à la question « qu'est-ce qui compte le plus pour vous », les jeunes citaient la santé en 4e position sur 12 items, après les relations personnelles (famille, amis, amour). Parmi les problèmes redoutés pour l'avenir, la santé est toujours au coeur de leurs préoccupations, de nouveau en 4e position. Il y a donc bien une prise de conscience. Je n'ai pas l'intention de vous considérer comme une catégorie statistique, sous le seul angle d'une « population à risques » ! mais comme des acteurs responsables, car vous êtes tous dépositaires d'un capital-santé inestimable qui doit être préservé et entretenu. Cette notion de capital-santé peut vous paraître aujourd'hui un concept vague et lointain, et pourtant elle est fondamentale pour le parcours de vie de chacun. Il faut donc s'efforcer de toujours affiner les connaissances épidémiologiques sur l'état de santé et les besoins des populations jeunes, car cela constitue un enjeu majeur de santé publique. Nous nous devons d'apporter les réponses les plus adaptées, dans un souci constant d'améliorer la qualité de vie des jeunes, de favoriser leur bien-être, d'encourager leur autonomie et de permettre l'acquisition des bons réflexes en matière de prévention et de suivi tout au long de la vie. Sur cette dimension qui sera essentielle dans la politique, je souhaite que la commission « Parcours individuel » du CNJ travaille sur le thème « santé et jeunesse ».
Je souhaite aussi naturellement que soit écouté avec beaucoup d'attention le discours d'une jeunesse qui a du mal à trouver du sens à sa vie, qui peut se réfugier dans des conduites addictives et des comportements à risque. Certains jeunes sont touchés par des pathologies graves, des handicaps, ou concernés par des affections susceptibles d'altérer à plus ou moins long terme leur santé. Parmi celles-ci, les différents troubles liés à la souffrance psychique, qui vont du mal-être jusqu'au suicide mais comprennent aussi, par exemple, les violences subies ou agies, les troubles des conduites alimentaires, les conduites à risque dans le domaine de la sexualité, des consommations de substances psycho-actives ou sur la route. Tout ceci nous interpelle d'autant plus vivement qu'en France, la mortalité prématurée et évitable due aux accidents et suicides additionnés est beaucoup trop élevée. La souffrance des jeunes est une notion encore mal précisée et ce mal-être bien souvent silencieux. Pour cela également, je veux être à votre écoute.
Je veux aussi aborder devant vous un point qui me paraît majeur pour notre jeunesse : c'est la conquête de l'autonomie. Celle-ci revêt de nombreux aspects : autonomie intellectuelle - en faisant en sorte que personne ne soit exclu d'un corpus de connaissances élémentaire -, autonomie financière - la question des difficultés de logement est cruciale et nécessitera un travail interministériel approfondi -, autonomie citoyenne... Bien souvent, les jeunes ne disposent pas des bons codes, des bonnes clés d'entrée à l'exercice de leurs droits civiques, à l'accès au premier stage ou au premier emploi, aux lieux de culture... et je pourrais multiplier les exemples. Beaucoup trop de jeunes intériorisent une prétendue infériorité et s'interdisent d'eux-mêmes l'accès à certains cursus ou à certains espaces de savoir à cause de leur origine sociale, ethnique... De façon manifeste, les bons réflexes pour chercher un stage, approcher les décideurs, trouver les interlocuteurs adéquats ne sont pas acquis par tous et de telles démarches deviennent alors très anxiogènes. N'oublions pas que la coupure entre les quartiers et la ville, si elle est physique (ne serait-ce que pour des problèmes de mobilité...), est aussi psychologique : c'est ce qu'on peut appeler l'intériorisation de la logique du ghetto. Il faut mener une action collective pour combler ce fossé. On aura beau, par exemple, multiplier les lieux culturels, encourager la gratuité, si certaines barrières psychologiques ne sont pas levées, ils resteront déserts. C'est un vrai défi là aussi pour une politique de la jeunesse, et je vous invite à vous emparer de ces sujets. Je constate d'ailleurs avec satisfaction que la commission « Cohésion sociale » a pris en considération cette dimension territoriale en projetant de travailler sur les disparités régionales vis-à-vis de la culture. Je voudrais aussi souligner l'intérêt de l'opération « Jobs d'été » qui s'adresse à la jeunesse dans toute sa diversité et favorise ainsi le premier contact avec le monde de l'emploi. Ces « Jobs » sont avant tout une passerelle, une première étape qui permet de lever bien des inhibitions et de considérer avec moins d'appréhension la sphère professionnelle. Il faut développer de telles initiatives, notamment auprès de ceux qui en ont le plus besoin.
Je sais aussi votre implication sur d'autres sujets de société, car à bien des égards, vous voudriez voir notre société changer. Certains comportements, certaines pratiques de vos aînés viennent heurter violemment vos croyances dans les valeurs de fraternité, de solidarité et de respect. Les « parachutes dorés » de quelques grands dirigeants d'entreprise ; les contre-valeurs véhiculées par la télévision ; l'homme sacrifié sur l'autel d'une mondialisation mal maîtrisée ; les atteintes en tout genre à la planète ; les discriminations et les atteintes aux droits des minorités... Sur tout ceci, vous portez un regard sévère et vous avez raison. Si, comme le dit Claudel, « c'est par la vertu que l'on est un homme », c'est bien à votre âge que vous vous devez de porter un regard à la fois constructif et critique sur le monde qui vous entoure, vous qui allez exercer vos pleines responsabilités de citoyens. Je vous engage à ne jamais abdiquer, à ne jamais faire de concession avec la vertu et l'éthique.
Je sais que la commission « Europe » du CNJ a déjà travaillé sur le développement durable. Voici clairement un domaine où les comportements vertueux doivent s'exercer, où la contribution de chacun, par des gestes citoyens, est indispensable. Dans le prolongement de ses travaux, je souhaite que cette Commission « Europe » se penche à présent sur la sensibilisation des jeunes à la question du développement durable, et sur la conciliation du DD avec les disparités économiques et sociales des 27 pays de l'Union. Je vous propose d'être très concrets et d'imaginer une action commune et fédératrice. Plus largement, j'aimerais vous inviter à réfléchir sur le rapport entre éthique et société et sur les voies pour conforter les comportements éthiques.
Enfin, puisque je viens de faire référence à l'Europe - et comment ne pas en parler, surtout ici, à Strasbourg ? - il faut que vous ayez bien conscience que c'est une des plus formidables aventures collectives qu'il vous sera donné de vivre. L'Europe, c'est votre passé, votre présent et votre avenir. C'est un projet de paix et de civilisation. Si l'Europe n'est qu'une zone de libre-échange, tout l'idéal des pères fondateurs qui a présidé à sa création s'effondre. L'Europe doit progresser vers toujours plus de cohérence politique et d'appropriation démocratique, pour que les peuples se reconnaissent dans les décisions qui seront prises. Malraux disait : « L'Europe ne sera pas un héritage, ce sera une volonté ou la mort », et il avait raison. Vous avez, vous aussi, vocation à être les artisans de cette volonté.
Une échéance majeure est toute proche, celle de la présidence de l'Union européenne par la France au deuxième semestre 2008. Je tiens à ce que vous preniez une place décisive dans l'organisation de l'événement jeunesse de cette Présidence française. Ceci vous permettra non seulement d'apporter un regard jeune sur l'organisation elle-même, mais aussi de gagner en notoriété et de nouer de nouveaux contacts avec le Forum européen jeunesse, dont je n'ignore pas que vous voulez l'intégrer. Dans mon esprit, un tel événement nécessite une préparation très en amont afin qu'il puisse aboutir à des avancées substantielles, susceptibles de constituer un réel apport dans le cadre de cette Présidence. Pour cela, je vous ferai parvenir rapidement les grandes lignes de notre projet de programme pour cette Présidence française, afin que vous puissiez d'ores et déjà vous placer dans la perspective de travailler sur ces thématiques, au sein d'un groupe de travail ad hoc. A n'en pas douter, le sport, la lutte contre le dopage, les thématiques de santé, l'avenir du Pacte européen de la jeunesse... en feront partie.
La France a la chance de disposer d'un CNJ qui est un lieu privilégié d'échange entre le Gouvernement et une jeunesse responsable, concernée, créative. A la lecture de vos propositions, je sais pouvoir compter sur votre efficacité et votre sens des responsabilités pour travailler sur les grands débats de notre société. Nous avons aussi tracé ensemble une feuille de route ambitieuse pour les prochains mois, pour chacune des quatre commissions : travail sur la création d'entreprise, sur la santé et les jeunes, sur les inégalités territoriales face à la culture, sur l'Europe et le développement durable. Sur tous ces sujets, vous pourrez compter sur mon écoute et ma réactivité, pour donner à vos travaux l'écho qu'ils méritent. A chaque fois que l'actualité le demandera, je ne manquerai pas de vous consulter. Je vous solliciterai sur les questions de sport, de santé. Je veillerai aussi à ce que vous poursuiviez vos rencontres avec les autres membres du gouvernement. De même, je demande à votre déléguée nationale d'amplifier le rythme des rendez-vous avec les parlementaires, pour que vous puissiez porter vos propositions vous-mêmes. Vous allez en outre élire cet après-midi un nouveau secrétariat qui aura à coeur de rédiger le rapport d'activité 2006/2007. Je vous annonce que ce rapport continuera d'être adressé à l'ensemble des parlementaires ainsi qu'à l'association des Maires de France.
Pour la suite de vos travaux, je vous demande de continuer à rencontrer des experts et à émettre des propositions concrètes, au plus proche des attentes du terrain. 2008 sera une grande année pour vous, puisque vous fêterez vos 10 ans ! Je sais que vous voulez profiter de l'occasion pour communiquer sur les conseils de la jeunesse, et mes services vous assisteront dans cette démarche.
Un monde inquiet, en perte de repères, a parfois tendance à se faire de sa jeunesse une vision déformée, qui porterait en miroir grossissant les maux de la société. Je crois au contraire que notre jeunesse est inventive, entreprenante, dotée d'une vraie conscience politique et citoyenne, alliant effort de volonté et qualité de l'imagination.
Je vous remercie de votre attention.
Source http://www.jeunesse-sports.gouv.fr, le 26 juin 2007
Mesdames et Messieurs les Elus,
Messieurs les Secrétaires,
Chers membres du CNJ,
Si j'ai autant de satisfaction à présider les travaux du Conseil National de la Jeunesse, à parler et à échanger avec vous tous, c'est parce que je constate que les lieux où la parole et les valeurs des jeunes peuvent être entendues sont rares ; et que votre aspiration à être reconnus comme des citoyens à part entière, dans leurs droits mais aussi leurs devoirs, doit trouver des espaces pour s'exprimer. Nos sociétés occidentales vieillissantes ont trop tendance à ne percevoir la jeunesse que comme un problème ou une population à prendre en charge. Je veux le dire ici avec force : la jeunesse est une formidable ressource ; elle est porteuse d'immenses espoirs ; et elle est aussi notre présent, puisque chacun de vous, par ce qu'il fait de sa vie, a déjà en charge le monde à venir. J'aime beaucoup la phrase du poète anglais John Milton : « La jeunesse montre l'homme comme le matin montre le jour ». Tous les actes que vous posez aujourd'hui, les études que vous suivez, les solidarités que vous développez, les projets que vous initiez, construisent notre futur.
Le CNJ contribue à cette construction, par sa démarche participative. La qualité de vos travaux des 6 derniers mois en témoigne. Sur des thèmes aussi divers que l'univers carcéral et les conditions de la réinsertion, la sécurité routière, la participation à la vie de l'école ou les jeunes et l'Europe, vous avez élaboré près d'une centaine de propositions. Parmi celles-ci, quelques axes ont retenu mon attention :
- la création d'une plate-forme d'information et d'échange sur la sécurité routière, pour permettre une vraie sensibilisation des jeunes aux risques. Vous avez parfaitement raison de vous investir sur ce sujet, si l'on considère que sur la route, une personnes tuée sur quatre a moins de 25 ans.
- je me réjouis en outre que la formation au premier secours (AFPS) soit désormais dispensée au collège ou au lycée, car le CNJ porte cette proposition depuis 2 ans. Vous avez été entendus.
- je salue votre mobilisation pour établir les critères d'attribution d'un « Label boîte de nuit », initié par le CNJ avec le principal syndicat des discothèques et lieux de loisirs. Ce Label valorisera les bonnes pratiques des professionnels dans les domaines de la prévention, de l'accessibilité, des transports et du développement durable. Je souhaite pouvoir signer prochainement cette convention.
- Enfin, je mentionnerai la journée de clôture de la campagne « Tous différents, tous égaux » initiée par le Conseil de l'Europe, le 29 septembre prochain dans le cadre de la Semaine européenne de la Jeunesse. Ce sera un moment fort de débat sur le dialogue interculturel, la participation des jeunes et la lutte contre les discriminations. Cet événement doit pouvoir prendre toute sa dimension, et mes services seront à vos côtés pour que cette journée soit porteuse de valeurs humanistes fortes.
Le rôle des politiques publiques, et ma responsabilité en tant que Ministre, sont de vous accompagner au mieux dans ce travail, dans ce cheminement individuel et collectif. Mon décret d'attribution - c'est à dire la mission qui m'est confiée ! - précise que la Ministre de la Santé, de la Jeunesse et des Sports « « élabore et met en oeuvre, en liaison avec les ministères intéressés, la politique du Gouvernement en faveur de la jeunesse (...). Elle coordonne les actions menées dans ces domaines lorsqu'elles relèvent de plusieurs départements ministériels ». J'ai bien l'intention de me saisir pleinement de cette prérogative pour donner toute leur dimension transversale aux politiques de jeunesse. D'ores et déjà, quelques axes me paraissent particulièrement féconds : le droit à l'éducation et à la formation tout au long de la vie ; le droit à l'excellence dans cette éducation et cette formation ; le droit à la deuxième chance dans un parcours de vie ; le droit à la première expérience professionnelle. Pour assurer le dynamisme et la cohérence des politiques en faveur de la jeunesse, je souhaite notamment une réactivation du Comité interministériel de la Jeunesse.
Je voudrais profiter de ma présence devant vous aujourd'hui pour vous exposer sur quelles bases j'entends fonder une politique de la jeunesse. Je refuse de voir la jeunesse comme un tout homogène, car ce type de vision réductrice conduit soit à la caricature soit à la stigmatisation. Vous voulez être une jeunesse à la fois libre et engagée ; libre, c'est-à-dire rétive aux embrigadements, aux formatages idéologiques, au prêt à penser. « De siècle en siècle, l'humanité impose la primauté de la liberté individuelle sur toute autre valeur », nous dit Jacques Attali dans son dernier ouvrage. Mais, et votre présence ici en témoigne, vous êtes aussi une jeunesse qui croit en l'engagement, qui peut s'exprimer de nombreuses façons : je sais par exemple la confiance que vous accordez aux valeurs du monde associatif, comme acteur d'une société meilleure.
Pour encourager la jeunesse de notre pays à s'investir dans les associations, notamment celles qui portent un projet d'intérêt général, j'entends développer, d'une part, le volontariat associatif créé l'année dernière, et d'autre part, la formation à la gestion associative qui doit soutenir les jeunes - dont les mineurs - dans leur désir de prise de responsabilité. Ces deux actions permettent aux jeunes de découvrir la vitalité associative, d'acquérir en la matière un véritable savoir-faire, tout en bénéficiant d'une indemnité et d'une couverture sociale. Par ailleurs, je veux donner à la génération du numérique les moyens de faire du bénévolat en ligne.
Le Président de la République est très attaché à cette notion de bénévolat, et, dans cette perspective, j'ai l'intention d'oeuvrer pour que la société encourage toutes celles et tous ceux qui se dévouent pour elle. Il faut réfléchir aux modalités de cette valorisation, qui n'est pas, entendons-nous bien, une « récompense », puisque nous parlons ici de dévouement et de désintéressement, mais une juste reconnaissance : on peut donc envisager que le bénévolat donne droit, par exemple, à des stages de formation, ou qu'il soit pris en compte dans le cadre d'un cursus universitaire ou professionnel... Ces acquis pourraient être consignés dans une sorte de « livret d'épargne civique ».
Une jeunesse engagée, c'est aussi une jeunesse entreprenante et audacieuse, porteuse de projets, exprimant ses talents, et qui doit être aidée en cela. Dans cette perspective, je veux dire mon attachement au programme « Envie d'agir », qui a vocation notamment à aider les jeunes qui s'investissent dans la création ou la reprise d'activités économiques. Je veux renforcer sa lisibilité pour qu'il devienne moteur dans les dispositifs d'engagement et d'accompagnement des initiatives des jeunes. Je n'oublie pas que le quart des créateurs d'entreprise ont moins de 30 ans... Dans cette logique, je demande à la commission « Engagement » du CNJ de plancher sur la manière d'aider les jeunes à créer des entreprises et à les pérenniser. Je souhaite aussi que l'on puisse réfléchir à la mise en place de lieux dédiés à cette aide à la création, qui soient des espaces de conseil, de soutien, de formation, et aussi d'échanges et de croisements d'idées et d'expériences ; des lieux qui « inventent l'avenir », pour reprendre une expression chère à Nicolas Sarkozy.
Un autre point me tient particulièrement à coeur : celui qui allie santé et jeunesse. Vous avez peut-être été surpris de ce rapprochement, et pourtant il apporte une grande cohérence. Une enquête IPSOS de 2006 montrait que, à la question « qu'est-ce qui compte le plus pour vous », les jeunes citaient la santé en 4e position sur 12 items, après les relations personnelles (famille, amis, amour). Parmi les problèmes redoutés pour l'avenir, la santé est toujours au coeur de leurs préoccupations, de nouveau en 4e position. Il y a donc bien une prise de conscience. Je n'ai pas l'intention de vous considérer comme une catégorie statistique, sous le seul angle d'une « population à risques » ! mais comme des acteurs responsables, car vous êtes tous dépositaires d'un capital-santé inestimable qui doit être préservé et entretenu. Cette notion de capital-santé peut vous paraître aujourd'hui un concept vague et lointain, et pourtant elle est fondamentale pour le parcours de vie de chacun. Il faut donc s'efforcer de toujours affiner les connaissances épidémiologiques sur l'état de santé et les besoins des populations jeunes, car cela constitue un enjeu majeur de santé publique. Nous nous devons d'apporter les réponses les plus adaptées, dans un souci constant d'améliorer la qualité de vie des jeunes, de favoriser leur bien-être, d'encourager leur autonomie et de permettre l'acquisition des bons réflexes en matière de prévention et de suivi tout au long de la vie. Sur cette dimension qui sera essentielle dans la politique, je souhaite que la commission « Parcours individuel » du CNJ travaille sur le thème « santé et jeunesse ».
Je souhaite aussi naturellement que soit écouté avec beaucoup d'attention le discours d'une jeunesse qui a du mal à trouver du sens à sa vie, qui peut se réfugier dans des conduites addictives et des comportements à risque. Certains jeunes sont touchés par des pathologies graves, des handicaps, ou concernés par des affections susceptibles d'altérer à plus ou moins long terme leur santé. Parmi celles-ci, les différents troubles liés à la souffrance psychique, qui vont du mal-être jusqu'au suicide mais comprennent aussi, par exemple, les violences subies ou agies, les troubles des conduites alimentaires, les conduites à risque dans le domaine de la sexualité, des consommations de substances psycho-actives ou sur la route. Tout ceci nous interpelle d'autant plus vivement qu'en France, la mortalité prématurée et évitable due aux accidents et suicides additionnés est beaucoup trop élevée. La souffrance des jeunes est une notion encore mal précisée et ce mal-être bien souvent silencieux. Pour cela également, je veux être à votre écoute.
Je veux aussi aborder devant vous un point qui me paraît majeur pour notre jeunesse : c'est la conquête de l'autonomie. Celle-ci revêt de nombreux aspects : autonomie intellectuelle - en faisant en sorte que personne ne soit exclu d'un corpus de connaissances élémentaire -, autonomie financière - la question des difficultés de logement est cruciale et nécessitera un travail interministériel approfondi -, autonomie citoyenne... Bien souvent, les jeunes ne disposent pas des bons codes, des bonnes clés d'entrée à l'exercice de leurs droits civiques, à l'accès au premier stage ou au premier emploi, aux lieux de culture... et je pourrais multiplier les exemples. Beaucoup trop de jeunes intériorisent une prétendue infériorité et s'interdisent d'eux-mêmes l'accès à certains cursus ou à certains espaces de savoir à cause de leur origine sociale, ethnique... De façon manifeste, les bons réflexes pour chercher un stage, approcher les décideurs, trouver les interlocuteurs adéquats ne sont pas acquis par tous et de telles démarches deviennent alors très anxiogènes. N'oublions pas que la coupure entre les quartiers et la ville, si elle est physique (ne serait-ce que pour des problèmes de mobilité...), est aussi psychologique : c'est ce qu'on peut appeler l'intériorisation de la logique du ghetto. Il faut mener une action collective pour combler ce fossé. On aura beau, par exemple, multiplier les lieux culturels, encourager la gratuité, si certaines barrières psychologiques ne sont pas levées, ils resteront déserts. C'est un vrai défi là aussi pour une politique de la jeunesse, et je vous invite à vous emparer de ces sujets. Je constate d'ailleurs avec satisfaction que la commission « Cohésion sociale » a pris en considération cette dimension territoriale en projetant de travailler sur les disparités régionales vis-à-vis de la culture. Je voudrais aussi souligner l'intérêt de l'opération « Jobs d'été » qui s'adresse à la jeunesse dans toute sa diversité et favorise ainsi le premier contact avec le monde de l'emploi. Ces « Jobs » sont avant tout une passerelle, une première étape qui permet de lever bien des inhibitions et de considérer avec moins d'appréhension la sphère professionnelle. Il faut développer de telles initiatives, notamment auprès de ceux qui en ont le plus besoin.
Je sais aussi votre implication sur d'autres sujets de société, car à bien des égards, vous voudriez voir notre société changer. Certains comportements, certaines pratiques de vos aînés viennent heurter violemment vos croyances dans les valeurs de fraternité, de solidarité et de respect. Les « parachutes dorés » de quelques grands dirigeants d'entreprise ; les contre-valeurs véhiculées par la télévision ; l'homme sacrifié sur l'autel d'une mondialisation mal maîtrisée ; les atteintes en tout genre à la planète ; les discriminations et les atteintes aux droits des minorités... Sur tout ceci, vous portez un regard sévère et vous avez raison. Si, comme le dit Claudel, « c'est par la vertu que l'on est un homme », c'est bien à votre âge que vous vous devez de porter un regard à la fois constructif et critique sur le monde qui vous entoure, vous qui allez exercer vos pleines responsabilités de citoyens. Je vous engage à ne jamais abdiquer, à ne jamais faire de concession avec la vertu et l'éthique.
Je sais que la commission « Europe » du CNJ a déjà travaillé sur le développement durable. Voici clairement un domaine où les comportements vertueux doivent s'exercer, où la contribution de chacun, par des gestes citoyens, est indispensable. Dans le prolongement de ses travaux, je souhaite que cette Commission « Europe » se penche à présent sur la sensibilisation des jeunes à la question du développement durable, et sur la conciliation du DD avec les disparités économiques et sociales des 27 pays de l'Union. Je vous propose d'être très concrets et d'imaginer une action commune et fédératrice. Plus largement, j'aimerais vous inviter à réfléchir sur le rapport entre éthique et société et sur les voies pour conforter les comportements éthiques.
Enfin, puisque je viens de faire référence à l'Europe - et comment ne pas en parler, surtout ici, à Strasbourg ? - il faut que vous ayez bien conscience que c'est une des plus formidables aventures collectives qu'il vous sera donné de vivre. L'Europe, c'est votre passé, votre présent et votre avenir. C'est un projet de paix et de civilisation. Si l'Europe n'est qu'une zone de libre-échange, tout l'idéal des pères fondateurs qui a présidé à sa création s'effondre. L'Europe doit progresser vers toujours plus de cohérence politique et d'appropriation démocratique, pour que les peuples se reconnaissent dans les décisions qui seront prises. Malraux disait : « L'Europe ne sera pas un héritage, ce sera une volonté ou la mort », et il avait raison. Vous avez, vous aussi, vocation à être les artisans de cette volonté.
Une échéance majeure est toute proche, celle de la présidence de l'Union européenne par la France au deuxième semestre 2008. Je tiens à ce que vous preniez une place décisive dans l'organisation de l'événement jeunesse de cette Présidence française. Ceci vous permettra non seulement d'apporter un regard jeune sur l'organisation elle-même, mais aussi de gagner en notoriété et de nouer de nouveaux contacts avec le Forum européen jeunesse, dont je n'ignore pas que vous voulez l'intégrer. Dans mon esprit, un tel événement nécessite une préparation très en amont afin qu'il puisse aboutir à des avancées substantielles, susceptibles de constituer un réel apport dans le cadre de cette Présidence. Pour cela, je vous ferai parvenir rapidement les grandes lignes de notre projet de programme pour cette Présidence française, afin que vous puissiez d'ores et déjà vous placer dans la perspective de travailler sur ces thématiques, au sein d'un groupe de travail ad hoc. A n'en pas douter, le sport, la lutte contre le dopage, les thématiques de santé, l'avenir du Pacte européen de la jeunesse... en feront partie.
La France a la chance de disposer d'un CNJ qui est un lieu privilégié d'échange entre le Gouvernement et une jeunesse responsable, concernée, créative. A la lecture de vos propositions, je sais pouvoir compter sur votre efficacité et votre sens des responsabilités pour travailler sur les grands débats de notre société. Nous avons aussi tracé ensemble une feuille de route ambitieuse pour les prochains mois, pour chacune des quatre commissions : travail sur la création d'entreprise, sur la santé et les jeunes, sur les inégalités territoriales face à la culture, sur l'Europe et le développement durable. Sur tous ces sujets, vous pourrez compter sur mon écoute et ma réactivité, pour donner à vos travaux l'écho qu'ils méritent. A chaque fois que l'actualité le demandera, je ne manquerai pas de vous consulter. Je vous solliciterai sur les questions de sport, de santé. Je veillerai aussi à ce que vous poursuiviez vos rencontres avec les autres membres du gouvernement. De même, je demande à votre déléguée nationale d'amplifier le rythme des rendez-vous avec les parlementaires, pour que vous puissiez porter vos propositions vous-mêmes. Vous allez en outre élire cet après-midi un nouveau secrétariat qui aura à coeur de rédiger le rapport d'activité 2006/2007. Je vous annonce que ce rapport continuera d'être adressé à l'ensemble des parlementaires ainsi qu'à l'association des Maires de France.
Pour la suite de vos travaux, je vous demande de continuer à rencontrer des experts et à émettre des propositions concrètes, au plus proche des attentes du terrain. 2008 sera une grande année pour vous, puisque vous fêterez vos 10 ans ! Je sais que vous voulez profiter de l'occasion pour communiquer sur les conseils de la jeunesse, et mes services vous assisteront dans cette démarche.
Un monde inquiet, en perte de repères, a parfois tendance à se faire de sa jeunesse une vision déformée, qui porterait en miroir grossissant les maux de la société. Je crois au contraire que notre jeunesse est inventive, entreprenante, dotée d'une vraie conscience politique et citoyenne, alliant effort de volonté et qualité de l'imagination.
Je vous remercie de votre attention.
Source http://www.jeunesse-sports.gouv.fr, le 26 juin 2007