Déclaration de Mme Christine Albanel, ministre de la culture et de la communication, sur la création et la diffusion télévisuelles, Sénat le 25 juin 2007.

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Circonstance : Journée de la création télévisuelle au Sénat le 25 juin 2007

Texte intégral

Monsieur le Président de la commission des affaires culturelles, cher Jacques Valade,
Mesdames, Messieurs les Sénateurs,
Monsieur le Président de l'Association pour la Promotion de la Production Audiovisuelle, cher Jean-François Boyer,
Monsieur le Délégué général de l'APPA, cher Jacques Peskine,
Chers Amis,
Je suis très heureuse de clore cette Journée de travail organisée par l'Association pour la Promotion de la Production Audiovisuelle. Cette manifestation est accueillie au Sénat. J'y vois un symbole de l'attention et de la bienveillance que la Haute Assemblée porte à toutes les questions de culture et de création. Les échanges très amicaux que j'ai eus avec le Président Jacques Valade il y a quelques jours au Ministère en sont un autre témoignage, et je tiens à l'en remercier.
Ensemble, nous voulons agir, améliorer les conditions de la création et de la diffusion télévisuelles. Je crois que cela implique des réponses partagées à trois questions essentielles :
La première : dans quel paysage télévisuel allons-nous évoluer pour les années à venir ?
La deuxième : quels sont les leviers d'action dont nous disposons, et comment améliorer leur efficacité ?
Enfin, quels sont les objectifs culturels et artistiques que nous devons poursuivre ensemble ?
Sur ces trois questions, je voudrais brièvement vous dire ma sensibilité.
Quel paysage télévisuel pour les années à venir ?
La télévision hertzienne, dans sa dimension publique et privée, demeure le socle sur lequel beaucoup repose. Les contrats d'objectifs et de moyens signés par l'Etat avec France Télévisions et Arte pour la période 2007-2010 constituent aujourd'hui un cadre de discussion et d'action favorable pour que la création, sujet qui nous réunit aujourd'hui, prenne toute sa place. Je veillerai très attentivement à ce que tous les engagements en matière de de création audiovisuelle comme de diffusion, soient honorés. C'est d'ailleurs la volonté du chef de l'Etat.
La généralisation de la Télévision Numérique Terrestre, accessible, dès la fin juillet, à 70% de la population, représente une véritable chance pour la création. La loi sur la télévision du futur a aménagé un cadre juridique qui permettra à la création audiovisuelle de se déployer dans le nouvel horizon numérique.
Mais le paysage télévisuel est également marqué par l'apparition de toute une gamme de nouveaux services, et de nouveaux modes de diffusion. C'est un espace en expansion qui s'offre aujourd'hui aux créateurs. Mesurons-nous les changements que va induire la télévision mobile personnelle dans la réception des oeuvres, mais aussi dans leur conception ? Ces changements seront sans doute profonds, et comme toujours dans ce secteur, très rapides. Nous devons les penser, les anticiper.
Quels sont les leviers d'action dont nous disposons, et sur lesquels nous pouvons jouer ?
Nous touchons là à la question toujours très sensible du financement de la création. La loi sur la télévision du futur, à cet égard, apporte de réelles avancées. En élargissant l'assiette du compte de soutien, elle implique les fournisseurs d'accès à Internet dans la promotion de la création. Cela va permettre de conforter les aides publiques à la création, d'assurer leur pérennité, ce qui est indispensable. Elle prévoit également la création d'un sous-ensemble d'oeuvres patrimoniales, apportant - à mon sens - à la notion d'oeuvre une vraie et nécessaire consolidation, au sein de l'obligation de production audiovisuelle des chaînes terrestres.
J'évoquais tout à l'heure également les contrats d'objectifs et de moyens des chaînes du secteur public. Celles-ci peuvent jouer un rôle essentiel pour stimuler la création, renouveler les genres et les styles, prendre le risque de la nouveauté. Mais je suis consciente que cette mobilisation doit être accompagnée financièrement par l'Etat actionnaire. Une réflexion doit s'ouvrir. Pour l'heure, les contrats d'objectifs et de moyens prévoient une progression de 3% par an, en moyenne, de la dotation allouée à France Télévisions, jusqu'en 2010. Et pour l'année 2008, cette progression sera de 3,5%. Pour Arte France, la progression de ses moyens sera de 3,4%. Ces engagements de l'Etat sont d'autant plus importants qu'ils sont pour l'essentiel orientés vers le financement de la création.
S'agissant des engagements pris par les chaînes, il me semble particulièrement intéressant que les contrats mettent l'accent sur un soutien intervenant très en amont, dès le stade de l'écriture de l'oeuvre. C'est ainsi que celui signé avec France Télévisions prévoit une augmentation significative de la part des dépenses consacrées par les chaînes du groupe à l'écriture et au développement. Quant au contrat signé avec Arte, il prévoit de doubler la part des dépenses de production consacrées aux conventions de développement.
Mais ces leviers, qui ont le mérite d'exister, et qu'il nous appartient de perfectionner encore- et je souhaite que cela se fasse dans la concertation la plus large possible- au service de quels objectifs culturels et artistiques souhaitons-nous les mettre ?
Je parle ici, devant vous, en tant que ministre responsable, mais aussi en tant que spectatrice, qui regarde et qui aime la télévision, qui est curieuse des programmes, qui y trouve beaucoup de plaisir, qui y apprend beaucoup de choses, et qui ne nourrit aucune nostalgie à l'égard d'un prétendu âge d'or révolu.
Que voyons-nous lorsque nous allumons notre télévision ? De très belles réussites : Greco, sur France 2, Tropiques amers, sur France 3, Reporters, sur Canal+, La dame d'Izieu sur TF1, Suspectes, sur M6. Bravo pour Maupassant, sur France 2, et pour Lady Chatterley sur Arte, qui a battu les records d'audience de la chaîne, mais, permettez-moi de vous le dire, ce sont aussi les oeuvres contemporaines qu'il faut adapter. Parce que la télévision a un vrai rôle à jouer pour orienter le public dans le paysage de la littérature de notre temps. C'est évidemment un sujet qui me tient à coeur.
Ces réussites sont nombreuses, variées, et les chaînes les revendiquent à bon droit. Mais bien sûr, nous sommes tous d'accord, il ne doit pas y avoir, d'un côté, une vitrine rutilante, et de l'autre, des magasins dégarnis, ou remplis de sous-produits. Comment se garantir de ce risque qu'une poursuite effrénée de la seule rentabilité pourrait nous faire courir
Il faut de l'inventivité, de l'innovation chez les créateurs. Il faut de la souplesse chez les diffuseurs. Il faut innover, ensemble, dans les contenus, dans les formats, dans les grilles. Il faut un vrai désir de diversité dans les genres et dans les thèmes.
Evidemment, l'Etat peut vous aider. Il doit le faire. L'amélioration des aides à l'écriture et au développement du CNC est une bonne chose. Je souhaite qu'on poursuive dans cette voie, en étant toujours à l'écoute de vos attentes. S'il veut encourager l'innovation, notre système d'aide doit savoir innover lui-même et se soumettre à l'évaluation afin d'en mesurer l'efficacité et d'envisager les évolutions à apporter.
Mais la concertation entre les professionnels, entre vous, créateurs, et vous, diffuseurs, est également indispensable. En particulier sur le sujet de la circulation des oeuvres.
L'oeuvre n'a pas vocation en effet à nourrir une case horaire unique et exclusive sur une chaîne de télévision déterminée, et encore moins à rester ensuite sur les étagères pendant de longs mois. Dans le nouvel ordre numérique, les oeuvres seront de plus en plus amenées à voyager d'un média à l'autre, d'un mode d'exploitation à l'autre (comme la vidéo à la demande). Cela se fera de façon volontaire, et maîtrisée, si nous parvenons à fluidifier leur circulation, ou bien de façon anarchique, si nous laissons le piratage se développer. Il est donc urgent de reprendre cette réflexion visant à optimiser la circulation des oeuvres. Cela implique également d'imaginer une meilleure association des partenaires concernés aux recettes d'exploitation suscitées par cette nouvelle fluidité. Le gouvernement ne peut qu'encourager le CSA à poursuivre ses travaux en la matière.
Je veux vous dire que l'Etat est évidemment toujours disponible pour vous aider dans cette concertation. Je veux vous exhorter à travailler ensemble, à dépasser les postures d'opposition. Il n'y a pas, d'un côté, les créateurs, et de l'autre les diffuseurs, comme un camp contre l'autre. Je sais que nous avons des ennemis communs : l'uniformité, l'autosatisfaction, la routine, la médiocrité. Je veux que nous ayons un enjeu commun : l'exigence.
Vous pourrez compter sur moi pour servir de toutes mes forces cette belle ambition collective.
Je vous remercie.Source http://www.culture.gouv.fr, le 26 juin 2007