Entretien de M. Jean-Pierre Jouyet, secrétaire d'Etat aux affaires européennes, dans le quotidien allemand "Handelsblatt" du 29 juin 2007, sur la politique économique européenne et sur la réduction du déficit budgétaire français.

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Média : Handelsblatt

Texte intégral

Q - Monsieur le Secrétaire d'Etat, le président Sarkozy sera le premier chef d'Etat à prendre part à une réunion de l'Eurogroupe. Pourquoi ?
R - Dans une Europe nouvelle, avec des dirigeants nouveaux, il y a aussi des méthodes nouvelles. Le président Sarkozy est un fervent Européen, et il tient à présenter sa politique et à en discuter en personne.
Q - Et que peut attendre l'Euroland de M. Sarkozy ?
R - Nous sommes très attachés à une politique économique européenne au service de la croissance et de l'emploi. Nous souhaitons un meilleur dialogue sur l'orientation de la politique économique de la zone euro. Nous voulons aussi discuter de la manière dont on peut concilier le Pacte de stabilité de l'Union européenne et les réformes. Nous appelons également de nos voeux un meilleur dialogue entre la BCE et les ministres des Finances, sans toutefois remettre en question l'indépendance et les statuts de la BCE. Un dialogue sur la politique de change nous paraît particulièrement important.
Q - Ce dialogue n'existe-t-il pas déjà depuis longtemps ?
R - Non, jusqu'ici, il n'y a pas eu de véritable discussion sur les objectifs de la politique de change au niveau européen. Pour nous, la politique de change n'est pas un objectif en soi, mais un instrument. Il est normal de discuter de l'utilisation de cet instrument. C'est ce que font aussi nos principaux partenaires.
Q - M. Sarkozy réclame une gouvernance économique pour la zone euro. Qu'entend-il exactement par là ?
R - Je sais que le concept de gouvernance économique pose problème à nos amis allemands. C'est pourquoi je préfère celui de pilotage de la politique économique. Ce pilotage comporte quatre axes. Il s'agit tout d'abord de mieux coordonner notre politique économique, à savoir la politique budgétaire, fiscale et salariale. De plus, nous avons besoin d'une bonne articulation entre politique fiscale et monétaire. Troisièmement, le Conseil des ministres, la BCE et la Commission doivent s'entendre sur une analyse commune de la situation économique de l'Europe et du monde. Nous devons savoir à quelle phase du cycle nous nous trouvons, afin d'adapter notre politique conjoncturelle en conséquence. C'est ce dont parle déjà l'Eurogroupe, mais nous devons tirer les conséquences du résultat de ces réflexions. De plus, il serait intéressant d'avoir une discussion approfondie sur les réformes structurelles de la politique du marché du travail, de la concurrence, de la recherche et de la politique industrielle. Bref, nous voulons élargir l'éventail des questions examinées par l'Eurogroupe.
Q - Dans quel but ?
R - Notre objectif est ambitieux. Il serait bon qu'au sein de l'Eurogroupe, nous puissions rapprocher progressivement nos politiques fiscales nationales. Concrètement, pourquoi ne pas adopter une démarche commune sur la fiscalité des entreprises ? J'entends par là une coopération volontaire renforcée au sein de l'Eurogroupe, sans obligation juridique.
Q - Vous avez évoqué la politique budgétaire. La France va-t-elle assainir ses finances, comme promis ?
R - Comme l'ont dit le président et le Premier ministre, nous tiendrons nos engagements, que ce soit pour le déficit ou pour le désendettement. D'ailleurs, nous avons déjà commencé à vendre des parts dans des entreprises publiques...
Q - Vous voulez parler d'une participation de 5 % dans France Télécom...
R - Ce qui prouve notre réelle volonté de réduire notre déficit. Pendant cette législature, nous allons parvenir à l'équilibre budgétaire et ramener notre endettement sous le plafond des 60 % du produit intérieur brut fixé par l'Union européenne.
Q - La France a promis à Bruxelles d'y parvenir d'ici 2010...
R - Je fais une différence entre la coordination rigide et la coordination souple. Le recul du déficit relève de la première catégorie. La question de savoir si nous allons équilibrer notre budget en 2010 ou en 2012 appartient à la seconde.
Q - Il faudra donc plutôt attendre jusqu'en 2012.
R - Oui.Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 3 juillet 2007