Interview de M. François Hollande, premier secrétaire du Parti socialiste, à "France 2" le 4 juillet 2007, sur "l'omni-présidence" du Président de la République, sur le projet de loi sur le service minimum, et sur le débat au sein du parti socialiste. socialiste.

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Média : France 2

Texte intégral

Q- Bonjour à tous et bonjour à vous, F. Hollande. Hier, c'est le Premier ministre qui s'exprimait, mais on a retenu votre formule sur le président de la République : "l'omni président", comme vous l'appelez. Mais qu'est-ce que vous attendiez au juste de F. Fillon, qu'il se différencie finalement du chef de l'Etat, qu'il se démarque ?
R- Mais là était le problème, c'est qu'on n'attendait rien de F. Fillon. C'était un Premier ministre qui venait normalement pour donner son programme, dire ses intentions, mais on les connaissait déjà. Nous avions tout entendu de N. Sarkozy depuis maintenant un mois, tout ce qu'il fallait comprendre de la TVA sociale ou ce qu'il ne fallait pas en comprendre. Tout ce qu'il fallait attendre de prélèvements supplémentaires ou d'efforts à consentir, une nouvelle fois dans une certaine injustice. Nous l'avions déjà eu de N. Sarkozy, donc F. Fillon était un répétiteur.
Q- Sur la réforme des institutions par exemple, il est allé plus loin, il a expliqué en quoi et sur quoi le projet, pendant cinq ans, il allait aboutir. Par exemple, le président de la République viendra s'exprimer devant l'Assemblée, ça ce n'est pas un progrès pour vous la proportionnelle ?
R- Mais c'est la phase ultime cette réforme des institutions. Qu'est-ce qu'est venu dire F. Fillon ? C'est qu'il voulait maintenant que ce soit le président de la République qui vienne à l'Assemblée nationale et au Sénat et plus le Premier ministre pour dire ce qu'est la politique du gouvernement. Donc cette réforme des institutions elle va consacrer ce que j'ai moi-même appelé "l'omni présidence". Alors puisque nous sommes dans cette dérive là, ce que j'ai proposé au nom du Parti socialiste, mais bien au-delà du Parti socialiste, c'est qu'il faut que l'on clarifie nos institutions. Nous pouvons entrer dans un régime présidentiel, il en existe ailleurs et je sais que les Français sont très attachés à l'élection du président de la République au suffrage universel. Mais alors, il faut que le Parlement puisse être renforcé, c'est ce qui se passe dans les grandes démocraties qui ont choisi ce régime, par exemple les Etats- Unis d'Amérique. Alors moi ce que je propose, puisqu'il va y avoir une révision des institutions, si on veut que cela ne soit pas simplement un toilettage pour le seul bénéfice du président de la République, ce que je propose c'est que les droits du Parlement puissent être renforcés : droit de contrôle, droit d'initiative législative, moyens d'investigation qui puissent lui être donnés. Qu'on en termine avec ces procédures contraignantes sur le Parlement, le 49-3 qui oblige le vote d'une loi. Alors donc, nous voulons qu'il y ait un vrai Parlement face à un vrai exécutif, je veux dire par-là, un vrai président de la République.
Q- La prééminence du président, cette dérive comme vous l'appelez, en quoi est-elle différente des pouvoirs par exemple qu'avait F. Mitterrand avec son Premier ministre, qu'il s'appelle, L. Fabius, P. Mauroy ou M. Rocard, quelle est la différence ?
R- Ah, vous avez sans doute noté, vous avez cité M. Rocard, qu'entre F. Mitterrand et M. Rocard, il y avait, certes une prééminence - mais il y avait un rôle qui était donné au Premier ministre. Que le président de la République à l'époque - c'était vrai aussi de J. Chirac - n'intervenait pas sur tout. Mais là, vous avez vu, par exemple ce qui s'est passé pour la réforme des universités, où c'est le président de la République qui ne s'est pas transformé en Premier ministre, qui s'est transformé en secrétaire d'Etat aux universités, allant rédiger le texte avec les étudiants. On peut se dire "c'est bien", il est présent, il intervient. Mais on peut se dire s'il y a un problème, qui va être le recours, qui va être l'arbitre, qui va être celui, qui justement va apaiser ? Donc nous sommes là dans une omni présidence, mais qu'il y a aussi un danger, un risque c'est qu'à un moment, il n'y ait pas d'intermédiaire, il n'y ait pas de fusible comme on le disait. Et le fusible, l'intermédiaire, cela doit être finalement le Parlement, c'est là que les textes doivent être délibérés, c'est là que les réformes doivent être prises.
Q- Alors une réforme justement, celle du service minimum, elle va être examinée ce matin en projet de loi au Conseil des ministres et vous êtes contre. Pourquoi vous êtes contre le service minimum, notamment dans les transports ?
R- Non, il existe le service minimum, mais sans doute faut-il...
Q- Ce n'est pas la sensation des salariés qui sont bloqués par les grèves dans les transports qui sont assez régulières.
R- ...Oui, oui, sans doute faut-il qu'il y ait une négociation sur la meilleure façon, en cas de grève, de permettre que l'usager ne soit pas la victime. Encore que, quand il y a grève, il y a toujours des conséquences.
Q- Alors qu'est-ce que vous dénoncez dans le projet du Gouvernement, parce que c'est ce qu'il veut faire.
R- Alors ce que nous disons, c'est un problème de méthode, il fallait d'abord engager la négociation. Si elle n'aboutissait pas, entreprise par entreprise, dire à ce moment là, c'est à la loi de jouer son rôle. Eh bien c'est exactement l'inverse qu'ont fait le Gouvernement et le président de la République. C'est d'abord une loi qui va être votée et ensuite, entreprise par entreprise, il va y avoir une éventuelle négociation. Je crois que l'on va avoir finalement une longueur du processus, des incidents nombreux, une inefficacité de la loi. Mieux aurait fallu commencer par la négociation, regarder si elle aboutissait et à ce moment là intervenir.
Q- Mais sur le fond, F. Hollande, le Pari socialiste n'est pas opposé à un service garanti, à un service minimum dans les transports ?
R- Mais il existe, il est déjà prévu, donc, faut-il encore le préciser, l'appliquer, le mettre en oeuvre, oui. Mais faut-il aussi que le droit de grève, qui est un droit constitutionnel puisse être garanti. D'ailleurs le Conseil constitutionnel, s'il est saisi, veillera, je n'en doute pas à ce que des limites soient posées. Le droit de grève doit exister, mais en même temps, il a une limite qu'elle-même doit être le droit de l'usager.
Q- Autre mesure, autre piste de travail, la franchise médicale modulée en fonction du revenu, ce que le gouvernement appelle le bouclier sanitaire, vous êtes opposé à cela aujourd'hui ?
R- Vous savez, il y a de très graves déficits de la Sécurité sociale aujourd'hui et ce n'est
pas le Gouvernement d'aujourd'hui, vous allez, me dire, c'est le Gouvernement
d'hier ! Oui, mais c'était le même, c'était F. Fillon qui était ministre des Affaires
sociales dans le gouvernement Raffarin. Et nous avons aujourd'hui 11 milliards,rendez-vous compte, 11 milliards d'euros de déficit de la Sécurité sociale. Donc il faut bien faire quelque chose ! Qu'est-ce que nous propose le président de la République ? Puisque F. Fillon n'a fait que le répéter...
Q- Une franchise médicale adaptée en fonction des revenus.
R- Une franchise médicale adaptée, cela veut dire quoi ?
Q- Adaptée en fonction des revenus de chacun, ceux qui gagnent moins, eh bien pour le coup paieront une franchise moins importante.
R- Cela veut dire d'abord, cela veut dire, une franchise, le mot, comme je le dis souvent, le mot n'est pas sincère, c'est un prélèvement, c'est un impôt. C'est-à-dire que sur chaque acte médical que vous allez accomplir, aller chez le médecin, aller à l'hôpital, vous allez payer un impôt sur cet acte là - on ne va pas vous rembourser, donc vous allez payer davantage. Eh bien nous, nous disons, peut-être faut-il l'adapter par rapport au revenu dit le gouvernement, non, il faut que cela soit d'abord une régulation de l'offre de soin. Il faut que chacun soit responsabilisé, mais on ne peut pas faire payer un impôt de plus sur la santé des Français.
Q- On va parler rapidement du climat au Parti socialiste qui n'est pas au beau fixe ces temps ci. D. Strauss-Kahn et L. Fabius qui quittent le bureau national, S. Royal qui ne vient pas au Conseil national, le parlement du parti. Est-ce que tout ça, ce n'est pas un petit peu un désaveu pour vous, qui est à la tête de toutes ces institutions ?
R- Eh bien écoutez, je pense que d'abord, on a beaucoup dit, un certain nombre de grands dirigeants du Parti socialiste devaient prendre du champ, ils l'ont décidé. Ils disent, finalement qu'il faut qu'il y ait un renouvellement des générations, nous nous éloignons pour réfléchir. Nous n'abandonnons pas bien sûr le débat au sein du Parti socialiste, mais nous prenons un peu de recul. Eh bien écoutez, c'est ce qui était plutôt demandé par beaucoup. Et moi je crois qu'ils ont bien sûr...
Q- Eux ils en prennent et vous, vous n'en prenez pas, c'est ce qu'ils vous reprochent.
R- Ecoutez, moi, je suis premier secrétaire du Parti socialiste, il faut bien qu'il y ait une direction, une autorité, une force qui emmène le Parti socialiste jusqu'à des débats qui doivent avoir lieu, ce qu'on appelle la rénovation. Des choix à un moment qui devront être pris, d'orientation ou de ligne de direction du Parti socialiste. C'est ce qu'on appelle le congrès du Parti socialiste, moi je joue mon rôle, les dirigeants...
Q- Qui aura lieu à la date prévue ? Le congrès c'est 2008, pas avant ?
R- Non, non c'est 2008, on en a décidé, mais que certaines personnalités prennent le temps de la réflexion, c'est bien, ils l'ont décidé ainsi, c'est bien. Qu'ils le fassent même s'ils seront toujours présents, on le sait bien... elles seront toujours présentes ces personnalités dans le débat du Parti socialiste.
Q- Aujourd'hui, les critiques commencent à pleuvoir sur la campagne de S. Royal, manque de crédibilité, de collégialité dit par exemple L. Fabius, c'est très sévère comme jugement, vous avez l'impression qu'on commence à régler des comptes ?
R- Moi je pense que ce serait la pire des manières. On n'est pas là pour juger une campagne, on est là pour comprendre un résultat qui n'est pas lié simplement à une campagne. Qu'effectivement sur un certain nombre de sujets, nous n'avons pas été tous convaincants, suffisamment convaincants. Vous venez de parler de sujets qui sont pourtant graves - la TVA sociale, la franchise santé - nous aurions du dénoncer davantage les risques d'un gouvernement ou d'une présidence de droite. Et nous,
faire davantage apparaître que nous avions, sujet par sujet, retraite, santé, emploi des
réponses plus précises. Eh bien quand on a eu à la fois ce résultat qui est honorable,
mais qui n'a pas permis la victoire, on doit regarder les causes profondes d'une telle
tendance et pas simplement ce qui s'est passé dans une campagne !