Texte intégral
Bonjour à tous, désolé d'avoir "mordu" à ce point sur votre week-end, même si vous aviez la possibilité entre ce matin et cette fin d'après-midi de partir, ce qui n'était pas notre cas.
Le Gouvernement s'est donc réuni en séminaire pendant ce samedi. C'est à la fois un rendez-vous classique dans la mesure où nous avons déjà tenu de tels séminaires gouvernementaux de réflexion, où le Gouvernement agit dans la continuité. Vous savez que ce Gouvernement s'est toujours voulu comme un organe politique fondé sur un fonctionnement collégial. En même temps, c'est un moment un peu particulier puisque ce séminaire a été réuni, par moi, au lendemain des élections municipales et cantonales, et à 1 an environ du rendez-vous démocratique de 2002.
Dans mon propos introductif, j'ai souhaité que notre échange avec les ministres soit ouvert et politique. Tous les ministres se sont exprimés au cours d'une discussion libre, dans une ambiance concentrée et chaleureuse. Ce fut donc un débat politique portant sur nos perceptions des résultats des élections locales, sur les enjeux de la période, et enfin sur les priorités de l'action du Gouvernement nécessaires aux yeux des ministres.
Il ne s'agissait pas d'arrêter dès maintenant des mesures précises, même si, bien sûr, certaines d'entre elles ont été évoquées ou suggérées, mais d'avoir ensemble un débat d'analyse et d'orientation pour l'action. C'est une très brève synthèse de nos travaux que je voudrais vous présenter maintenant.
Ces élections ont eu des résultats contrastés, nous l'avons analysé comme vous. Elles ont été moins bonnes que l'on pouvait l'espérer, et surtout que cela n'avait été parfois imprudemment pronostiqué, ce qui a accusé l'effet de contraste. Elles ont été des élections locales, les prochaines seront des élections nationales. Mais ce qui importe pour le Gouvernement, au lendemain des premières, c'est que les citoyens ont à cette occasion émis un certain nombre de messages. Le Gouvernement, qui est à l'écoute des Français, les a entendus. C'est pourquoi le Gouvernement souhaite, tout en maintenant le cap, procéder à des ajustements de sa politique. Certes, la politique économique et sociale que nous conduisons depuis presque quatre ans connaît de bons résultats : croissance forte, bons indicateurs économiques, baisse massive du chômage, progrès sociaux. Un changement de cap n'a donc pas paru nécessaire et personne ne l'a d'ailleurs demandé lors de cette rencontre. Mais des ajustements sont utiles ; certains problèmes anciens ont pris une dimension nouvelle, la violence et l'insécurité en particulier. La croissance forte mais, nous le pensons, durable ne bénéficie pas également à tous les Français et des inégalités graves persistent. Enfin, des attentes fortes doivent être prises en compte encore davantage sur la précarité du travail, le logement, mais aussi le pouvoir d'achat.
Le Gouvernement se mobilise sur trois priorités : plutôt que de changer de cap, il s'agit, pour employer l'expression utilisée par un des ministres, plutôt de "remettre du vent dans les voiles." Tous les ministres après le temps de la campagne sont à nouveau pleinement disponibles, ils sont tous entièrement à leur travail.
La lutte contre le chômage reste l'objectif central de notre politique. En même temps, le Gouvernement va mettre les bouchées doubles sur trois priorités : la lutte contre la violence, la réduction des inégalités, la qualité de la vie, notamment dans les villes. Des mesures précises seront prises dans ces trois directions.
Le Gouvernement, chacun des ministres, s'attacheront tout particulièrement à la mise en oeuvre concrète, rapide, quotidienne, perceptible par tous nos concitoyens de ce qui a déjà pu être décidé ou des décisions nouvelles que nous prendrons. Sur le plan parlementaire, compte tenu du temps utile qui restera, une hiérarchie des priorités sera bientôt établie.
Voilà de façon très dense peut-être, la brève synthèse que je veux faire des échanges qui ont été évidemment beaucoup plus précis, politiques, riches, divers dans leur foisonnement. Mais il me prendrait trop de temps de vous les retranscrire.
Y a-t-il un calendrier pour l'annonce des mesures ?
- "Le Gouvernement a devant lui une série de rendez-vous obligés. Il a la possibilité de créer des événements ou de prendre des décisions. Il a la préparation de sa politique budgétaire à conduire, et c'est donc dans le cadre normal de l'action gouvernementale que ces mesures seront déclinées. Nous nous réservons bien sûr le soin de les annoncer à tel ou tel moment."
Allez-vous intervenir bientôt à la télévision ?
- "Bien que nous comptions évidemment sur vous et que nous ne voulions pas court-circuiter les médias, vous aurez l'occasion de retranscrire ce que nous disons et dirons. Au-delà de la présence des ministres dans les réponses aux Questions d'actualité, dans les débats parlementaires sur nos projets, à nouveau sur le terrain, hors de la campagne, la décision a été prise que leur présence soit sans doute accentuée, y compris pour nourrir l'échange, le débat avec nos concitoyens souvent avides de discussions précises sur des problèmes qui les touchent de près ; en dehors de cela, oui, il est vraisemblable que je m'exprimerai. J'ai un déplacement à l'étranger et j'ai donc à en tenir compte. Vous savez, il y a toujours un avant et un après. Alors, laissez-moi le soin de décider de l'avant et puis, après le voyage, il y aura aussi une expression. Mais je peux très bien dire un certain nombre de choses avant."
Monsieur le Premier ministre, un certain nombre de restructurations ont été annoncées ces derniers jours. Le sujet a t-il évoqué au cours du séminaire et quel est votre commentaire de cette situation ?
- "Oui, ce sujet a été évoqué. De toute façon, il avait été évoqué entre nous, par plusieurs ministres, au cours des derniers jours. E. Guigou s'est exprimée sur ce sujet, le ministre de l'Economie et des Finances, L. Fabius, également. J. Glavany aussi, parce qu'une entreprise se trouve, au sens large, dans son secteur d'activités. Ce que je dois dire à cet égard, c'est que j'ai été, comme d'ailleurs tous mes ministres et aussi comme beaucoup de Français, choqué par les annonces brutales de suppressions d'emplois qui ont été faites dans deux groupes : Danone et Marks Spencer. Nous comprenons la colère, l'irritation, le sentiment d'indignation des salariés concernés et l'inquiétude, et aussi la mobilisation des élus locaux, dont certains que je connais bien.
Le cas de Marks Spencer est particulièrement inacceptable, puisqu'il semble que les salariés, et même, semble-t-il, les responsables des magasins en France ont été informés pas la direction britannique en même temps que la presse et la bourse, par un simple e-mail. Les salariés qui font vivre ce groupe et enrichissent ses actionnaires méritent d'être traités autrement et de tels comportements doivent être sanctionnés. Ils doivent l'être, parce qu'il y a en France une législation. Au Royaume-Uni, il n'y a pas de règle, semble-t-il, en matière d'information et de consultation préalable des travailleurs et de leurs représentants. C'est d'ailleurs pourquoi nous sommes d'autant plus déterminés à faire adopter au plan européen la directive Information-consultation des travailleurs sur laquelle nous avons beaucoup travaillé pendant la présidence française et que nous souhaiterions voir adopter en 2001, malgré justement l'opposition britannique. Mais chez nous, il y a des règles, et pour ce qui concerne les fermetures de magasins en France, tout semble indiquer qu'elles n'ont pas été respectées. Le comité d'entreprise aurait dû être informé préalablement. C'est pourquoi E. Guigou a demandé une enquête à ses services, qui devrait déboucher dans les jours qui viennent sur le signalement au procureur de la République d'un délit d'entrave de la direction française qui est réprimée par des dispositions du code du travail. D'ailleurs, à cet égard, les organisations syndicales ont elles aussi la possibilité de saisir la justice.
Je voudrais en profiter pour vous rappeler que ces règles actuelles en France seront renforcées par les dispositions dites Michelin. Elles sont en cours d'examen au Parlement dans le cadre de la loi de modernisation sociale et précisent qu'il y a une interdiction d'annoncer non pas seulement une décision mais même une intention de supprimer des emplois, sans consultation préalable et sans avoir négocié aussi préalablement un accord des 35 heures.
Pour ce qui concerne Danone où les méthodes n'ont pas été les mêmes, nous constatons quand même que nous sommes face à un groupe qui fait d'importants profits et qui veut réorganiser une branche de production - c'est de la responsabilité de l'entreprise - pour la rendre encore plus profitable. Nous, nous disons simplement que la logique du profit ne doit pas s'exercer au détriment de l'emploi. Et donc les projets - parce que pour moi, ce ne sont que des projets - annoncés par le groupe aussi bien à Calais qu'à Evry doivent être maintenant débattus avec les représentants du personnel et avec les élus locaux, et toutes les solutions alternatives à des suppressions d'emploi devront être en priorité étudiées. Quel que soit le résultat de cette confrontation, ce grand groupe français devra assumer ses responsabilités sociales vis-à-vis des salariés, économiques vis-à-vis des territoires concernés. Je peux vous assurer que les pouvoirs publics y veilleront, et d'ailleurs E. Guigou recevra dès lundi 2 avril, les préfets concernés pour leur demander d'être particulièrement vigilants sur ce point."
Les impatiences se sont manifestées sur le pouvoir d'achat notamment dans la fonction publique et dans le secteur privé. Que pouvez-vous répondre à ces impatiences aujourd'hui ?
- "Dans le secteur privé, les questions de salaire et donc de pouvoir d'achat dépendent des politiques des entreprises et des négociations qui peuvent être conduites par les partenaires sociaux et par les organisations syndicales. J'ai déjà eu l'occasion de dire que le Gouvernement en tant que tel n'avait à aucun moment prêché la modération salariale. J'ai même ajouté qu'à partir du moment où la situation avait changé puissamment sur le marché du travail en France - puisque plus d'un million de chômeurs n'étaient plus chômeurs - le rapport de force, d'une certaine façon, notamment quand on nous parle dans certains secteurs de pénurie d'emplois, se modifiait positivement en faveur des salariés. Je pense personnellement que l'année 2001 sera une année où on constatera plutôt à cet égard une évolution positive.
En ce qui concerne l'Etat par rapport à ses propres salariés, la discussion et les négociations n'avaient pas pu aboutir au mois de janvier-février avant les élections municipales et cantonales. Il va revenir au Gouvernement d'apprécier comment ce dossier est traité. C'est d'ailleurs un point qui a été abordé aussi aujourd'hui."
S'agissant du pouvoir d'achat, envisagez-vous une nouvelle baisse de TVA par exemple ?
- "Ceux qui suivent les Questions d'actualité m'ont entendu répondre à cette question. J'ai rappelé un certain nombre de mesures que nous avions prises dans le passé, notamment dans le domaine fiscal. Puis, en est sortie une dépêche qui avait l'air de dire que je l'avais envisagé ou laissé entendre. C'était évidemment était un contresens - ce qui peut arriver - qui n'avait aucun rapport avec mes propos.
Concernant ces dossiers fiscaux, le Gouvernement a engagé une politique résolue de baisse des impôts avec un certain nombre de mesures favorables justement à ce qu'on appelle les milieux populaires : il y a eu des baisses importantes de la TVA,; il y a eu des mesures touchant la taxe d'habitation, il y a la prime pour l'emploi, même si elle ne pourra pas être mise en oeuvre, comme nous le souhaitions, au début de cette année, mais elle le sera à la fin - donc cela jouera son rôle, à un moment ou à un autre. Mais les questions fiscales, dans le débat d'aujourd'hui, n'ont pas été abordées particulièrement. Ce sont des questions que nous réexaminerons dans le cadre du budget."
Est-ce que la question de l'insécurité est toujours présente ?
- "Aujourd'hui, c'était un séminaire, c'était un débat. Nous pensons qu'au-delà des problèmes d'insécurité, de petite délinquance, d'"incivilité" comme on dit, il y a un phénomène plus spécifique qui préoccupe nos concitoyens, qui est la montée des actes de violence. Cela peut accompagner des formes de petite délinquance mais c'est aussi un phénomène je dirais presque "en soi". Nous avons l'intention d'engager une lutte encore plus résolue contre ce phénomène. Nos concitoyens dans tous les quartiers aspirent à la tranquillité. Nous devons contribuer à ce que celle-ci soit assurée. C'est certainement un des thèmes majeurs sur lequel le Gouvernement, après ce séminaire, va retravailler dans le prolongement des actions qu'il a conduites. Laissez-nous le temps de le faire."
Question inaudible
- "J'ai rappelé que la lutte contre le chômage et la lutte pour l'emploi restaient un axe central de l'action du Gouvernement. C'est un secteur dans lequel nous avons beaucoup progressé. Je crois qu'on mesure assez mal - et peut-être qu'on sous-estime ou qu'on prend un peu légèrement - ce que peut représenter en moins de quatre ans, le fait d'avoir fait baisser de plus de 1 million de chômeurs - 1 million 50 000 maintenant - le nombre des sans-emploi dans un pays comme le nôtre, compte tenu de ce qu'avait été la montée inexorable du chômage. Mais pour autant, le chômage touche encore plus de 2 millions de personnes et donc cela doit être un axe essentiel. J'ai insisté sur d'autres priorités que je vous ai indiquées tout à l'heure."
Vous avez indiqué tout à l'heure que personne n'avait demandé un changement de cap. Est-ce que les ministres communistes ont souhaité un ajustement de la politique du Gouvernement ?
- "Si je voulais citer J.-C. Gayssot, je crois me souvenir qu'il a parlé d'un nouvel élan ; M.-G. Buffet, dans une intervention qui a frappé tout le monde par sa pertinence, a axé son analyse sur les problèmes de la jeunesse, sur la façon de la réintégrer, - y compris la jeunesse des quartiers - dans la cité, dans la communauté nationale. Eux, comme d'autres ministres, ont évoqué un certain nombre de mesures allant dans le sens par exemple du pouvoir d'achat ou d'un certain nombre de mesures sociales qui pouvaient être prises. Mais, comme je vous l'ai dit, sur cette question de l'orientation fondamentale de la politique économique, avec ce qu'elle comporte de réalisme, pour respecter le fait que nous sommes une économie ouverte dans un système mondialisé, et de volontarisme, de volonté de régulation et en même de réformes sociales ; c'est-à-dire d'utiliser toutes les marges possibles pour modifier au profit des catégories les moins favorisées les dynamiques naturelles d'une économie très inégalitaire - spontanément inégalitaire - ; sur cette orientation fondamentale qui a des résultats significatifs pour la France et par rapport aux autres pays européens, notamment aux plus grands, je crois que tout le monde a convenu - et a dit même spontanément - que cette politique ne devait pas être fondamentalement changée."
Question inaudible
- "Je ne fonctionne pas comme cela par rapport au Gouvernement. Je vous ai répondu par rapport à tel ou tel ministre. En tant qu'individu, je ne distingue pas mes ministres par formation politique ou par sensibilité."
Qu'est-ce que vous pensez de la hausse du Smic... parce que nous n'avez pas mis le pouvoir d'achat dans vos trois priorités ?
- "Si, j'ai évoqué très clairement ..."
Vous avez dit priorité à la lutte contre les violences, la réduction des inégalités, qualité de vie, mais il n'y a pas le pouvoir d'achat...
- "Il va falloir que je me réfère à mon propos exact [se relisant, ndlr] : "des attentes fortes doivent être prises en compte : précarité du travail, logement, pouvoir d'achat."
Question inaudible
- " La question du pouvoir d'achat est une question - j'en ai parlé tout à l'heure à propos des 35 heures, j'en ai parlé dans mon intervention et là, je vous traduis le résultat ; j'ai fait cela à la fin de mon débat - tout à fait essentielle.
Question inaudible
- "La question du Smic viendra quand elle devra être posée. C'est en principe au 1er juillet, donc on a quand même encore un peu de temps. Cela fait partie de ce que j'appelais tout à l'heure "la déclinaison des décisions gouvernementales" en fonction d'un calendrier ordonné d'un Gouvernement qui travaille sérieusement."
Question inaudible
- "Je vous ai répondu."
(Question en partie inaudible) Comment analysez-vous le fait que l'essentiel des emplois créés depuis 4 ans sont des salaires relativement bas ?
- "Si c'est le cas, cela a au moins un aspect positif ; non pas le fait que les salaires soient bas mais le fait que 7/8ème des salaires des emplois créés sont sur des salaires relativement bas, prouve que cela a touché des catégories de la population qui ne sont pas les catégories les plus élevées. Parce que parfois j'entends dire que la croissance, l'emploi, les 1,5 million emplois créés, les plus d'1 million de chômeurs disparus ne concerneraient que certaines catégories parmi les plus favorisées de la population : classe moyenne supérieure, cadres, ingénieurs, techniciens. Bien sûr, je suis sûr qu'ils profitent de cela et d'ailleurs dans certains secteurs que vous connaissez bien - les hautes technologies -, on a même des besoins que nous ne pouvons pas encore satisfaire aujourd'hui. Mais l'indication que vous donnez - dont je ne me satisfais pas, bien sûr, en tant qu'elle concerne des salaires relativement bas en dessous du salaire médian - montre quand même que ces emplois ont été massivement créés dans ce qu'on appelait hier le prolétariat, la classe ouvrière ; il s'agit d'ouvriers d'usine ou de service - l'emploi a beaucoup changé. Mais je pense que nous devons nous poser une question - et E. Guigou a évoqué cette question - : c'est celle des grilles salariales dans les conventions collectives. C'est certainement un débat qui doit être repris. Nous sommes disposés à ce que débat soit ouvert avec le patronat et les syndicats."
On va passer à l'euro l'année prochaine. Avez-vous évoqué ces questions...(fin inaudible)
- "oui, absolument. On l'a naturellement évoqué. Dans une de nos dernières réunions de ministres - celles qui se tiennent tous les quinze jours -, sur la base d'une introduction de L. Fabius, il y avait eu une discussion concentrée sur ce seul problème du passage à l'euro qui pose des problèmes économiques et financiers, mais aussi des problèmes de sécurité, des problèmes de transport, de sensibilisation de publics plus fragiles, moins informés, moins habitués aux réalités monétaires. Nous avons donc décidé que tout le Gouvernement devait se mobiliser sur le passage à l'euro. Cette question de passage à l'euro n'est pas une question de politique économique, il ne s'agit pas de savoir si on met plus sur les salaires, plus sur l'investissement, ce qu'on met à la maîtrise des déficits... Ce n'est pas un problème de choix, d'orientation. C'est une immense question technique parce qu'il faudra maîtriser ce passage comme nous avons su maîtriser le bug - le non bug plus exactement - de l'an 2000. Mais c'est en même temps quelque chose qui concerne un peu l'identité de la France avec le franc, le rapport des Françaises et des Français à une monnaie qui leur est familière. C'est donc quelque chose qui relève à la fois d'une organisation technique qui doit être maîtrisée et quelque chose qui relève de l'identité, de souvenirs collectifs ; quelque chose qui relève aussi de la capacité de toutes les catégories de la population en France à faire ce passage dans des conditions égales et équitables. Naturellement, nous devrons profiter de cette situation ou veiller dans cette situation, à ce qu'en aucun cas - par exemple, dans une insuffisante transparence - cela pousse à une certaine hausse des prix. C'est un problème auquel nous veillerons.
Le Gouvernement autour de moi bien sûr, mais de L. Fabius en tant qu'il est le ministre de l'économie et des Finances directement chargé de cette question, va se mobiliser totalement pour avancer. Mais puisque vous me dites cela et sans le moindre esprit de polémique - j'avais lu dans un grand journal un certain nombre de déclarations -, autant le Gouvernement a commencé à assumer totalement ses responsabilités parce que nous avons déjà pris toute une série de dispositions - la France d'ailleurs ne paraît pas en retard par rapport à ses partenaires sur ce point - autant, il serait quand même un peu étonnant de penser que les banques par exemple, les institutions financières dont le rôle même est de faire circuler la monnaie, pourraient en quelque sorte ne pas être aussi directement concernées que nous. Donc les banques, les institutions financières mais aussi les entreprises doivent totalement se mobiliser et non pas toujours continuer à se reposer sur l'Etat. Et je peux vous assurer que l'Etat, c'est-à-dire le Gouvernement, assumera toutes ses responsabilités et montera en puissance sur ce point."
Question inaudible
- 'Naturellement, nous suivons de très près - et le ministre des Affaires étrangères en particulier - les développements réels, c'est-à-dire la question de savoir si M. Milosevic est effectivement arrêté, détenu ou s'il est encore, malgré la décision de l'arrêter, dans sa maison ou son bunker. La situation n'est pas tout à fait la même. Nous suivons donc cela, je dirais, presque heure après heure. Sur le plan du fond - parce que de toute façon cette situation va, à un moment ou un autre, se dénouer -, nous avons toujours dit que M. Milosevic devait rendre compte de ses actes et en l'espèce - c'est le point de vue du politique qui s'exprime non pas celui d'un juge - de ses crimes. Pour nous, la décision prise par les autorités de Belgrade de procéder à son arrestation - même si au moment où je parle je n'ai pas l'indication qu'elle aurait été faite - est un pas extrêmement important dans cette direction. Vous savez que le Président Kostunica a reconnu publiquement la nécessité pour la République Fédérale de Yougoslavie de remplir des obligations internationales. La coopération avec le TPI sur la Yougoslavie fait partie de ces obligations et nous continuons à faire confiance aux autorités démocratiques nouvelles de Belgrade pour aller dans cette direction. Toute avancée dans le sens de la coopération, de la traduction de Milosevic devant les autorités judiciaires, de la coopération directe avec le TPI, sera bénéficiaire pour la Yougoslavie à notre sens.
Merci à tous.
(source http://www.premier-ministre.gouv.fr, le 3 avril 2001)
Le Gouvernement s'est donc réuni en séminaire pendant ce samedi. C'est à la fois un rendez-vous classique dans la mesure où nous avons déjà tenu de tels séminaires gouvernementaux de réflexion, où le Gouvernement agit dans la continuité. Vous savez que ce Gouvernement s'est toujours voulu comme un organe politique fondé sur un fonctionnement collégial. En même temps, c'est un moment un peu particulier puisque ce séminaire a été réuni, par moi, au lendemain des élections municipales et cantonales, et à 1 an environ du rendez-vous démocratique de 2002.
Dans mon propos introductif, j'ai souhaité que notre échange avec les ministres soit ouvert et politique. Tous les ministres se sont exprimés au cours d'une discussion libre, dans une ambiance concentrée et chaleureuse. Ce fut donc un débat politique portant sur nos perceptions des résultats des élections locales, sur les enjeux de la période, et enfin sur les priorités de l'action du Gouvernement nécessaires aux yeux des ministres.
Il ne s'agissait pas d'arrêter dès maintenant des mesures précises, même si, bien sûr, certaines d'entre elles ont été évoquées ou suggérées, mais d'avoir ensemble un débat d'analyse et d'orientation pour l'action. C'est une très brève synthèse de nos travaux que je voudrais vous présenter maintenant.
Ces élections ont eu des résultats contrastés, nous l'avons analysé comme vous. Elles ont été moins bonnes que l'on pouvait l'espérer, et surtout que cela n'avait été parfois imprudemment pronostiqué, ce qui a accusé l'effet de contraste. Elles ont été des élections locales, les prochaines seront des élections nationales. Mais ce qui importe pour le Gouvernement, au lendemain des premières, c'est que les citoyens ont à cette occasion émis un certain nombre de messages. Le Gouvernement, qui est à l'écoute des Français, les a entendus. C'est pourquoi le Gouvernement souhaite, tout en maintenant le cap, procéder à des ajustements de sa politique. Certes, la politique économique et sociale que nous conduisons depuis presque quatre ans connaît de bons résultats : croissance forte, bons indicateurs économiques, baisse massive du chômage, progrès sociaux. Un changement de cap n'a donc pas paru nécessaire et personne ne l'a d'ailleurs demandé lors de cette rencontre. Mais des ajustements sont utiles ; certains problèmes anciens ont pris une dimension nouvelle, la violence et l'insécurité en particulier. La croissance forte mais, nous le pensons, durable ne bénéficie pas également à tous les Français et des inégalités graves persistent. Enfin, des attentes fortes doivent être prises en compte encore davantage sur la précarité du travail, le logement, mais aussi le pouvoir d'achat.
Le Gouvernement se mobilise sur trois priorités : plutôt que de changer de cap, il s'agit, pour employer l'expression utilisée par un des ministres, plutôt de "remettre du vent dans les voiles." Tous les ministres après le temps de la campagne sont à nouveau pleinement disponibles, ils sont tous entièrement à leur travail.
La lutte contre le chômage reste l'objectif central de notre politique. En même temps, le Gouvernement va mettre les bouchées doubles sur trois priorités : la lutte contre la violence, la réduction des inégalités, la qualité de la vie, notamment dans les villes. Des mesures précises seront prises dans ces trois directions.
Le Gouvernement, chacun des ministres, s'attacheront tout particulièrement à la mise en oeuvre concrète, rapide, quotidienne, perceptible par tous nos concitoyens de ce qui a déjà pu être décidé ou des décisions nouvelles que nous prendrons. Sur le plan parlementaire, compte tenu du temps utile qui restera, une hiérarchie des priorités sera bientôt établie.
Voilà de façon très dense peut-être, la brève synthèse que je veux faire des échanges qui ont été évidemment beaucoup plus précis, politiques, riches, divers dans leur foisonnement. Mais il me prendrait trop de temps de vous les retranscrire.
Y a-t-il un calendrier pour l'annonce des mesures ?
- "Le Gouvernement a devant lui une série de rendez-vous obligés. Il a la possibilité de créer des événements ou de prendre des décisions. Il a la préparation de sa politique budgétaire à conduire, et c'est donc dans le cadre normal de l'action gouvernementale que ces mesures seront déclinées. Nous nous réservons bien sûr le soin de les annoncer à tel ou tel moment."
Allez-vous intervenir bientôt à la télévision ?
- "Bien que nous comptions évidemment sur vous et que nous ne voulions pas court-circuiter les médias, vous aurez l'occasion de retranscrire ce que nous disons et dirons. Au-delà de la présence des ministres dans les réponses aux Questions d'actualité, dans les débats parlementaires sur nos projets, à nouveau sur le terrain, hors de la campagne, la décision a été prise que leur présence soit sans doute accentuée, y compris pour nourrir l'échange, le débat avec nos concitoyens souvent avides de discussions précises sur des problèmes qui les touchent de près ; en dehors de cela, oui, il est vraisemblable que je m'exprimerai. J'ai un déplacement à l'étranger et j'ai donc à en tenir compte. Vous savez, il y a toujours un avant et un après. Alors, laissez-moi le soin de décider de l'avant et puis, après le voyage, il y aura aussi une expression. Mais je peux très bien dire un certain nombre de choses avant."
Monsieur le Premier ministre, un certain nombre de restructurations ont été annoncées ces derniers jours. Le sujet a t-il évoqué au cours du séminaire et quel est votre commentaire de cette situation ?
- "Oui, ce sujet a été évoqué. De toute façon, il avait été évoqué entre nous, par plusieurs ministres, au cours des derniers jours. E. Guigou s'est exprimée sur ce sujet, le ministre de l'Economie et des Finances, L. Fabius, également. J. Glavany aussi, parce qu'une entreprise se trouve, au sens large, dans son secteur d'activités. Ce que je dois dire à cet égard, c'est que j'ai été, comme d'ailleurs tous mes ministres et aussi comme beaucoup de Français, choqué par les annonces brutales de suppressions d'emplois qui ont été faites dans deux groupes : Danone et Marks Spencer. Nous comprenons la colère, l'irritation, le sentiment d'indignation des salariés concernés et l'inquiétude, et aussi la mobilisation des élus locaux, dont certains que je connais bien.
Le cas de Marks Spencer est particulièrement inacceptable, puisqu'il semble que les salariés, et même, semble-t-il, les responsables des magasins en France ont été informés pas la direction britannique en même temps que la presse et la bourse, par un simple e-mail. Les salariés qui font vivre ce groupe et enrichissent ses actionnaires méritent d'être traités autrement et de tels comportements doivent être sanctionnés. Ils doivent l'être, parce qu'il y a en France une législation. Au Royaume-Uni, il n'y a pas de règle, semble-t-il, en matière d'information et de consultation préalable des travailleurs et de leurs représentants. C'est d'ailleurs pourquoi nous sommes d'autant plus déterminés à faire adopter au plan européen la directive Information-consultation des travailleurs sur laquelle nous avons beaucoup travaillé pendant la présidence française et que nous souhaiterions voir adopter en 2001, malgré justement l'opposition britannique. Mais chez nous, il y a des règles, et pour ce qui concerne les fermetures de magasins en France, tout semble indiquer qu'elles n'ont pas été respectées. Le comité d'entreprise aurait dû être informé préalablement. C'est pourquoi E. Guigou a demandé une enquête à ses services, qui devrait déboucher dans les jours qui viennent sur le signalement au procureur de la République d'un délit d'entrave de la direction française qui est réprimée par des dispositions du code du travail. D'ailleurs, à cet égard, les organisations syndicales ont elles aussi la possibilité de saisir la justice.
Je voudrais en profiter pour vous rappeler que ces règles actuelles en France seront renforcées par les dispositions dites Michelin. Elles sont en cours d'examen au Parlement dans le cadre de la loi de modernisation sociale et précisent qu'il y a une interdiction d'annoncer non pas seulement une décision mais même une intention de supprimer des emplois, sans consultation préalable et sans avoir négocié aussi préalablement un accord des 35 heures.
Pour ce qui concerne Danone où les méthodes n'ont pas été les mêmes, nous constatons quand même que nous sommes face à un groupe qui fait d'importants profits et qui veut réorganiser une branche de production - c'est de la responsabilité de l'entreprise - pour la rendre encore plus profitable. Nous, nous disons simplement que la logique du profit ne doit pas s'exercer au détriment de l'emploi. Et donc les projets - parce que pour moi, ce ne sont que des projets - annoncés par le groupe aussi bien à Calais qu'à Evry doivent être maintenant débattus avec les représentants du personnel et avec les élus locaux, et toutes les solutions alternatives à des suppressions d'emploi devront être en priorité étudiées. Quel que soit le résultat de cette confrontation, ce grand groupe français devra assumer ses responsabilités sociales vis-à-vis des salariés, économiques vis-à-vis des territoires concernés. Je peux vous assurer que les pouvoirs publics y veilleront, et d'ailleurs E. Guigou recevra dès lundi 2 avril, les préfets concernés pour leur demander d'être particulièrement vigilants sur ce point."
Les impatiences se sont manifestées sur le pouvoir d'achat notamment dans la fonction publique et dans le secteur privé. Que pouvez-vous répondre à ces impatiences aujourd'hui ?
- "Dans le secteur privé, les questions de salaire et donc de pouvoir d'achat dépendent des politiques des entreprises et des négociations qui peuvent être conduites par les partenaires sociaux et par les organisations syndicales. J'ai déjà eu l'occasion de dire que le Gouvernement en tant que tel n'avait à aucun moment prêché la modération salariale. J'ai même ajouté qu'à partir du moment où la situation avait changé puissamment sur le marché du travail en France - puisque plus d'un million de chômeurs n'étaient plus chômeurs - le rapport de force, d'une certaine façon, notamment quand on nous parle dans certains secteurs de pénurie d'emplois, se modifiait positivement en faveur des salariés. Je pense personnellement que l'année 2001 sera une année où on constatera plutôt à cet égard une évolution positive.
En ce qui concerne l'Etat par rapport à ses propres salariés, la discussion et les négociations n'avaient pas pu aboutir au mois de janvier-février avant les élections municipales et cantonales. Il va revenir au Gouvernement d'apprécier comment ce dossier est traité. C'est d'ailleurs un point qui a été abordé aussi aujourd'hui."
S'agissant du pouvoir d'achat, envisagez-vous une nouvelle baisse de TVA par exemple ?
- "Ceux qui suivent les Questions d'actualité m'ont entendu répondre à cette question. J'ai rappelé un certain nombre de mesures que nous avions prises dans le passé, notamment dans le domaine fiscal. Puis, en est sortie une dépêche qui avait l'air de dire que je l'avais envisagé ou laissé entendre. C'était évidemment était un contresens - ce qui peut arriver - qui n'avait aucun rapport avec mes propos.
Concernant ces dossiers fiscaux, le Gouvernement a engagé une politique résolue de baisse des impôts avec un certain nombre de mesures favorables justement à ce qu'on appelle les milieux populaires : il y a eu des baisses importantes de la TVA,; il y a eu des mesures touchant la taxe d'habitation, il y a la prime pour l'emploi, même si elle ne pourra pas être mise en oeuvre, comme nous le souhaitions, au début de cette année, mais elle le sera à la fin - donc cela jouera son rôle, à un moment ou à un autre. Mais les questions fiscales, dans le débat d'aujourd'hui, n'ont pas été abordées particulièrement. Ce sont des questions que nous réexaminerons dans le cadre du budget."
Est-ce que la question de l'insécurité est toujours présente ?
- "Aujourd'hui, c'était un séminaire, c'était un débat. Nous pensons qu'au-delà des problèmes d'insécurité, de petite délinquance, d'"incivilité" comme on dit, il y a un phénomène plus spécifique qui préoccupe nos concitoyens, qui est la montée des actes de violence. Cela peut accompagner des formes de petite délinquance mais c'est aussi un phénomène je dirais presque "en soi". Nous avons l'intention d'engager une lutte encore plus résolue contre ce phénomène. Nos concitoyens dans tous les quartiers aspirent à la tranquillité. Nous devons contribuer à ce que celle-ci soit assurée. C'est certainement un des thèmes majeurs sur lequel le Gouvernement, après ce séminaire, va retravailler dans le prolongement des actions qu'il a conduites. Laissez-nous le temps de le faire."
Question inaudible
- "J'ai rappelé que la lutte contre le chômage et la lutte pour l'emploi restaient un axe central de l'action du Gouvernement. C'est un secteur dans lequel nous avons beaucoup progressé. Je crois qu'on mesure assez mal - et peut-être qu'on sous-estime ou qu'on prend un peu légèrement - ce que peut représenter en moins de quatre ans, le fait d'avoir fait baisser de plus de 1 million de chômeurs - 1 million 50 000 maintenant - le nombre des sans-emploi dans un pays comme le nôtre, compte tenu de ce qu'avait été la montée inexorable du chômage. Mais pour autant, le chômage touche encore plus de 2 millions de personnes et donc cela doit être un axe essentiel. J'ai insisté sur d'autres priorités que je vous ai indiquées tout à l'heure."
Vous avez indiqué tout à l'heure que personne n'avait demandé un changement de cap. Est-ce que les ministres communistes ont souhaité un ajustement de la politique du Gouvernement ?
- "Si je voulais citer J.-C. Gayssot, je crois me souvenir qu'il a parlé d'un nouvel élan ; M.-G. Buffet, dans une intervention qui a frappé tout le monde par sa pertinence, a axé son analyse sur les problèmes de la jeunesse, sur la façon de la réintégrer, - y compris la jeunesse des quartiers - dans la cité, dans la communauté nationale. Eux, comme d'autres ministres, ont évoqué un certain nombre de mesures allant dans le sens par exemple du pouvoir d'achat ou d'un certain nombre de mesures sociales qui pouvaient être prises. Mais, comme je vous l'ai dit, sur cette question de l'orientation fondamentale de la politique économique, avec ce qu'elle comporte de réalisme, pour respecter le fait que nous sommes une économie ouverte dans un système mondialisé, et de volontarisme, de volonté de régulation et en même de réformes sociales ; c'est-à-dire d'utiliser toutes les marges possibles pour modifier au profit des catégories les moins favorisées les dynamiques naturelles d'une économie très inégalitaire - spontanément inégalitaire - ; sur cette orientation fondamentale qui a des résultats significatifs pour la France et par rapport aux autres pays européens, notamment aux plus grands, je crois que tout le monde a convenu - et a dit même spontanément - que cette politique ne devait pas être fondamentalement changée."
Question inaudible
- "Je ne fonctionne pas comme cela par rapport au Gouvernement. Je vous ai répondu par rapport à tel ou tel ministre. En tant qu'individu, je ne distingue pas mes ministres par formation politique ou par sensibilité."
Qu'est-ce que vous pensez de la hausse du Smic... parce que nous n'avez pas mis le pouvoir d'achat dans vos trois priorités ?
- "Si, j'ai évoqué très clairement ..."
Vous avez dit priorité à la lutte contre les violences, la réduction des inégalités, qualité de vie, mais il n'y a pas le pouvoir d'achat...
- "Il va falloir que je me réfère à mon propos exact [se relisant, ndlr] : "des attentes fortes doivent être prises en compte : précarité du travail, logement, pouvoir d'achat."
Question inaudible
- " La question du pouvoir d'achat est une question - j'en ai parlé tout à l'heure à propos des 35 heures, j'en ai parlé dans mon intervention et là, je vous traduis le résultat ; j'ai fait cela à la fin de mon débat - tout à fait essentielle.
Question inaudible
- "La question du Smic viendra quand elle devra être posée. C'est en principe au 1er juillet, donc on a quand même encore un peu de temps. Cela fait partie de ce que j'appelais tout à l'heure "la déclinaison des décisions gouvernementales" en fonction d'un calendrier ordonné d'un Gouvernement qui travaille sérieusement."
Question inaudible
- "Je vous ai répondu."
(Question en partie inaudible) Comment analysez-vous le fait que l'essentiel des emplois créés depuis 4 ans sont des salaires relativement bas ?
- "Si c'est le cas, cela a au moins un aspect positif ; non pas le fait que les salaires soient bas mais le fait que 7/8ème des salaires des emplois créés sont sur des salaires relativement bas, prouve que cela a touché des catégories de la population qui ne sont pas les catégories les plus élevées. Parce que parfois j'entends dire que la croissance, l'emploi, les 1,5 million emplois créés, les plus d'1 million de chômeurs disparus ne concerneraient que certaines catégories parmi les plus favorisées de la population : classe moyenne supérieure, cadres, ingénieurs, techniciens. Bien sûr, je suis sûr qu'ils profitent de cela et d'ailleurs dans certains secteurs que vous connaissez bien - les hautes technologies -, on a même des besoins que nous ne pouvons pas encore satisfaire aujourd'hui. Mais l'indication que vous donnez - dont je ne me satisfais pas, bien sûr, en tant qu'elle concerne des salaires relativement bas en dessous du salaire médian - montre quand même que ces emplois ont été massivement créés dans ce qu'on appelait hier le prolétariat, la classe ouvrière ; il s'agit d'ouvriers d'usine ou de service - l'emploi a beaucoup changé. Mais je pense que nous devons nous poser une question - et E. Guigou a évoqué cette question - : c'est celle des grilles salariales dans les conventions collectives. C'est certainement un débat qui doit être repris. Nous sommes disposés à ce que débat soit ouvert avec le patronat et les syndicats."
On va passer à l'euro l'année prochaine. Avez-vous évoqué ces questions...(fin inaudible)
- "oui, absolument. On l'a naturellement évoqué. Dans une de nos dernières réunions de ministres - celles qui se tiennent tous les quinze jours -, sur la base d'une introduction de L. Fabius, il y avait eu une discussion concentrée sur ce seul problème du passage à l'euro qui pose des problèmes économiques et financiers, mais aussi des problèmes de sécurité, des problèmes de transport, de sensibilisation de publics plus fragiles, moins informés, moins habitués aux réalités monétaires. Nous avons donc décidé que tout le Gouvernement devait se mobiliser sur le passage à l'euro. Cette question de passage à l'euro n'est pas une question de politique économique, il ne s'agit pas de savoir si on met plus sur les salaires, plus sur l'investissement, ce qu'on met à la maîtrise des déficits... Ce n'est pas un problème de choix, d'orientation. C'est une immense question technique parce qu'il faudra maîtriser ce passage comme nous avons su maîtriser le bug - le non bug plus exactement - de l'an 2000. Mais c'est en même temps quelque chose qui concerne un peu l'identité de la France avec le franc, le rapport des Françaises et des Français à une monnaie qui leur est familière. C'est donc quelque chose qui relève à la fois d'une organisation technique qui doit être maîtrisée et quelque chose qui relève de l'identité, de souvenirs collectifs ; quelque chose qui relève aussi de la capacité de toutes les catégories de la population en France à faire ce passage dans des conditions égales et équitables. Naturellement, nous devrons profiter de cette situation ou veiller dans cette situation, à ce qu'en aucun cas - par exemple, dans une insuffisante transparence - cela pousse à une certaine hausse des prix. C'est un problème auquel nous veillerons.
Le Gouvernement autour de moi bien sûr, mais de L. Fabius en tant qu'il est le ministre de l'économie et des Finances directement chargé de cette question, va se mobiliser totalement pour avancer. Mais puisque vous me dites cela et sans le moindre esprit de polémique - j'avais lu dans un grand journal un certain nombre de déclarations -, autant le Gouvernement a commencé à assumer totalement ses responsabilités parce que nous avons déjà pris toute une série de dispositions - la France d'ailleurs ne paraît pas en retard par rapport à ses partenaires sur ce point - autant, il serait quand même un peu étonnant de penser que les banques par exemple, les institutions financières dont le rôle même est de faire circuler la monnaie, pourraient en quelque sorte ne pas être aussi directement concernées que nous. Donc les banques, les institutions financières mais aussi les entreprises doivent totalement se mobiliser et non pas toujours continuer à se reposer sur l'Etat. Et je peux vous assurer que l'Etat, c'est-à-dire le Gouvernement, assumera toutes ses responsabilités et montera en puissance sur ce point."
Question inaudible
- 'Naturellement, nous suivons de très près - et le ministre des Affaires étrangères en particulier - les développements réels, c'est-à-dire la question de savoir si M. Milosevic est effectivement arrêté, détenu ou s'il est encore, malgré la décision de l'arrêter, dans sa maison ou son bunker. La situation n'est pas tout à fait la même. Nous suivons donc cela, je dirais, presque heure après heure. Sur le plan du fond - parce que de toute façon cette situation va, à un moment ou un autre, se dénouer -, nous avons toujours dit que M. Milosevic devait rendre compte de ses actes et en l'espèce - c'est le point de vue du politique qui s'exprime non pas celui d'un juge - de ses crimes. Pour nous, la décision prise par les autorités de Belgrade de procéder à son arrestation - même si au moment où je parle je n'ai pas l'indication qu'elle aurait été faite - est un pas extrêmement important dans cette direction. Vous savez que le Président Kostunica a reconnu publiquement la nécessité pour la République Fédérale de Yougoslavie de remplir des obligations internationales. La coopération avec le TPI sur la Yougoslavie fait partie de ces obligations et nous continuons à faire confiance aux autorités démocratiques nouvelles de Belgrade pour aller dans cette direction. Toute avancée dans le sens de la coopération, de la traduction de Milosevic devant les autorités judiciaires, de la coopération directe avec le TPI, sera bénéficiaire pour la Yougoslavie à notre sens.
Merci à tous.
(source http://www.premier-ministre.gouv.fr, le 3 avril 2001)