Texte intégral
Bonjour F. Hollande.
Bonjour J.-P. Elkabbach.
Q- Merci d'être là. Les Français sont apparemment en désaccord avec vous. D'après le sondage du Parisien de ce matin, ils ne sont pas choqués par ce que vous appelez l'omniprésence, l'hyperactivité du président de la République, ils disent qu'ils l'ont élu pour ça. Alors qui se trompe, eux ou vous ?
R- Moi, je parle d'omniprésidence, c'est-à-dire qu'il est normal que N. Sarkozy qui a été élu par les Français pour agir préside la République, mais doit-il être pour autant ministre de tout ? Regardez, aujourd'hui même, il va à ce qu'on appelle l'Eurogroup quasiment à la place du ministre de l'Economie et des Finances.
Q- C'est pas mal, c'est inédit, c'est une première.
R- C'est inédit, c'est une première, si on pense qu'il faut faire des records, il peut en avoir un de ce point de vue-là, il peut aller aussi à la réunion du Conseil des ministres européens au titre du ministre de l'Intérieur, ministre des Affaires étrangères, ministre des Affaires sociales, mais il faut qu'il y ait un Gouvernement, ne serait-ce que parce que la parole du président de la République dans une instance européenne ou dans une instance internationale soit forte. Si elle se dévalue, si elle est finalement elle-même la parole de chaque instant, quelle va être d'ailleurs l'autorité de N. Sarkozy aujourd'hui même quand on apprend que les chiffres qui avaient été donnés par le Gouvernement précédent, gouvernement dans lequel N. Sarkozy figurait, quand ces engagements-là ne vont même pas être tenus et quand on va faire des cadeaux fiscaux de plus de 13 milliards d'euros qui vont dégrader les comptes publics sans aucun espoir de relance de l'économie. Alors, bien sûr que la parole de la France, en l'occurrence celle de N. Sarkozy sera regardée comme suspecte.
Q- Pas de procès d'intention pour ce qu'il va dire ce soir et qu'on ignore, enfin dans l'après-midi, dans la journée.
R- On le sait déjà parce que N. Sarkozy s'est exprimé, ça ne vous a pas échappé, dans le Journal Du Dimanche, hier, et qu'il a dit que la France ne respecterait pas ses engagements. En matière de quoi ? En matière de dette publique. Précisément, vous vous souvenez, la dette publique c'était le grand sujet de la campagne présidentielle. Tous les candidats, en tout cas les trois principaux disaient, « Ah écoutez, vous allez voir, cette fois-ci on ne va pas altérer la charge qui pèse sur nos enfants, nos petits enfants, on va maîtriser la dette publique ». Et là, que vient dire N. Sarkozy, non pas à ses collègues chefs de gouvernement ou chefs d'Etat mais au ministre de l'Economie et des Finances...
Q- ... il va leur proposer un sommet européen sur l'économie.
R- ... on va reporter, on va différer les engagements, on va dépenser plus en cadeaux fiscaux sans pour autant relancer l'économie européenne ?
Q- Je me souviens qu'à une certaine époque, vous trouviez le président de la République, J. Chirac immobile, inerte, qui ne disait rien, qui ne parlait pas. Celui-là, vous pensez qu'il en fait trop ? Par exemple, demain il sera à Alger, après-demain à Tunis, jeudi à Epinal, aujourd'hui à Bruxelles, vendredi je ne sais pas, donc il est partout. Mais est-ce que ce n'est pas son rôle ?
R- Non, je vous ai dit qu'il était légitime, il est légitime, que le président de la République préside. Il va au Maghreb, je pense que c'est une visite très importante, très attendue, il est parfaitement dans son rôle. Il va ensuite délivrer un discours à Epinal dans les brisées, si je puis dire, du général de Gaulle, il y a maintenant plus de soixante ans. Ecoutez, il vient, là, pour dire ce qu'il attend de nos institutions, changer, eh bien là il y aura un processus. Je tiens à rappeler qu'il ne peut pas décider lui-même du changement de nos institutions, il faut le préciser parce qu'à un moment, on pourrait le croire.
Q- Oui, mais il passe à des changements même au PS, qui ont des conséquences au PS : D. Strauss-Kahn à Washington au FMI... Est-ce que D. Strauss-Kahn vous a informé ?
R- D. Strauss-Kahn n'a pas encore fait savoir s'il est lui-même candidat à cette responsabilité-là.
Q- Il n'a pas démenti !
R- Parce que le nom de D. Strauss-Kahn est sorti de conclaves européens, internationaux, et parce que sa réputation est telle sur le plan financier qu'il est un candidat possible pour cette responsabilité de directeur de Fonds monétaire international.
Q- Mais c'est bien qu'on le défende. Est-ce que vous souhaitez qu'il soit nommé pour représenter la France ?
R- Mais s'il le veut, et si lui-même est candidat, et il ne peut l'être que s'il y a un consensus européen, parce que c'est entre les Européens que le choix se fait même s'il faut qu'il soit ratifié ensuite par l'ensemble du collège des pays composant le Fonds monétaire international, mais si nous pouvons arriver à mettre une telle compétence au service non pas de la France, je le dis, mais au service du monde...
Q- ...du monde.
R- ... oui, et de sa stabilité économique, financière et monétaire, oui je pense que c'est une bonne démarche. Et à cet égard, n'en faisons pas une question de politique intérieure, ce serait d'ailleurs à mon avis mal servir la candidature, peut-être possible, de D. Strauss-Kahn que d'en faire un enjeu de politique intérieure, comme je crois ici ou là le voir dans la démarche de N. Sarkozy.
Q- Mais n'est-ce pas ce que vous faites vous aussi ?
R- Pourquoi ? Non.
Q- Vous critiquez parce que vous estimez que c'est une exploitation politique intérieure alors que vous dites que, sur le plan mondial, c'est une personnalité qui a les compétences pour la fonction. Si jamais on le lui demande et on le nomme.
R- Alors, n'en faisons qu'un débat mondial, si je puis dire, un débat financier, monétaire, économique et, en aucune façon - car je crois qu'il y a eu quelques commentaires, J.-P. Elkabbach, ou alors j'ai dû mal entendre- en aucune façon une démarche d'ouverture ou une démarche de récupération de tel ou tel au Parti socialiste. Ce serait là, je crois, effectivement, un détournement de sens.
Q- Il avait promis un Gouvernement d'ouverture, il le fait avec six ministres qui viennent de la gauche. Il confie des missions...
R- Attendez, attendez, attendez...
Q- ...des missions et des commissions.
R- C'est un débat d'il y a quelques semaines. De quels ministres me parlez vous ? D'E. Besson qui a commencé une campagne...
Q- ... B. Kouchner, Jouyet...
R- ... attendez, attendez, attendez...
Q- ... votre ami Jouyet, Bockel...
R- ... qui a commencé une campagne...
Q- ... M. Hirsch, qui n'était à droite.
R- ... avec S. Royal et l'a terminée avec N. Sarkozy ? De B. Kouchner qui a fait campagne pour S. Royal, et qui au lendemain, est allé avec N. Sarkozy ? Ecoutez, ça, c'est des choix qui ont été faits, d'ailleurs qui n'ont rien changé au plan de la campagne des élections législatives, parce que c'était quand même ça qui était l'intention. Les Français ne nous ont pas donné la majorité aux élections législatives mais ils nous ont donné une force, cette force s'appelle le Parti socialiste. Je mettrai à la disposition des Français cette force-là pour qu'elle leur soit utile, et pour être utile, il ne faut pas être dans la confusion, il ne faut pas être dans la mystification, il ne faut pas être à mon avis dans la complicité, il faut être dans le respect, voilà. Le mot-clé pour moi c'est la morale et le respect. Qu'est-ce que ça veut dire le respect ? Dans une démocratie, il faut dialoguer. Quand on est l'opposition avec la majorité, sur des sujets d'intérêt général, il faut le faire. Quand on est consulté sur des grands sujets et quand le Parti socialise le sera, il sera partie prenante de cette démarche-là. Mais si on...
Q- Attendez, si je peux vous poser la question, si le président de la République veut proposer D. Strauss-Kahn, il doit vous le demander ? Si J. Lang doit être proposé pour la Commission de réformes des institutions que va présider E. Balladur, est-ce qu'il doit le demander au n° 1 du Parti socialiste ? Ou il fait ce qu'il veut avec les intéressés eux-mêmes ?
R- Sur D. Strauss-Kahn, je me suis déjà exprimé.
Q- Et J. Lang ?
R- Attendez, le nom est venu de chefs d'Etat et de gouvernement européen, il est normal que la France, si cette démarche peut s'engager, appuie une candidature de la qualité de celle de D. Strauss-Kahn, si lui-même bien sûr s'inscrit dans cette démarche-là. Sur maintenant des commissions qui peuvent être proposées, s'il est demandé au Parti de socialiste de figurer dans une commission de réflexion, y compris dans un cadre parlementaire ou extra parlementaire...
Q- ... vous iriez, vous ?
R- ... le Parti socialiste délèguera bien sûr un de ses représentants dans cette commission ou dans ce comité de réflexion, que ce soit sur les institutions ou sur d'autres sujets. Nous sommes, je l'ai dit, toujours prêts pour le dialogue dans le respect. Si une personnalité est choisie par le président de la République de lui même, c'est lui qui ferait finalement la distinction - « je prendrai celui-ci ou celle là » - alors cette personnes-là, je ne sais qui elle sera, n'engagera qu'elle-même, ce qui est bien la logique quand on fait cette démarche-là.
Q- Est-ce que ça veut dire qu'elle sort du parti, qu'elle se met à l'extérieur du Parti socialiste ?
R- Cela veut dire qu'elle n'engage pas le Parti socialiste, tout simplement. Elle n'engage qu'elle-même. Et je ne crois pas que ce soit d'ailleurs la bonne démarche, voyez-vous. Dans une démocratie, quand on veut changer une partie de nos institutions, c'est un sujet important, il faut d'ailleurs une majorité des 3/5e au Congrès, ce qu'on appelle le Congrès.
Q- A Versailles.
R- Le rassemblement de l'Assemblée nationale et du Sénat. Le Parti socialiste, les radicaux de gauche, tous ceux qui sont dans notre groupe, eh bien nous avons la possibilité de voter ou de ne pas voter cette réforme et de la faire passer ou de ne pas la faire passer.
Q- Alors, que faudrait-il pour que vous la votiez ?
R- Donc, le mot-clé c'est le respect. Le respect de nos positions, de nos engagements, et si nous nous retrouvons sur un texte, nous le voterons, si nous n'y retrouvons pas ce que nous proposons dans le sens de l'intérêt général, eh bien nous ne le voterons pas et il n'y aura pas de changement.
Q- Mais vous avez vu que pour l'ouverture, il continue et il va accentuer.
R- Je ne sais pas ! Vous avez des informations ?
Q- D'après ce que j'entends, vous lisez, vous entendez comme moi, vous écoutez Europe 1, vous avez des journalistes, F. Namias le disait tout à l'heure. Et les socialistes, il ne les prend pas de force, ils y vont de leur plein gré. Comment ça se fait ? Quelles sont les raisons et quelles raisons vous avez et quels moyens vous avez, vous, F. Hollande, pour stopper cette hémorragie.
R- Mais d'abord, écoutez, regardez les choses telles qu'elles sont. Les membres du Gouvernement qui sont supposés venir de la gauche étaient des soldats perdus pour l'essentiel, ou des personnes qui considéraient que...
Q- ... mais vous voyez que vous n'appliquez pas ce que vous demandez. Vous dites « le respect », vous dites « les soldats perdus ».
R- Mais écoutez, qu'est-ce que vous pensez de tel ou tel ? E. Besson en particulier ? Ecoutez, franchement...
Q- Les autres qui étaient vos amis ?
R- Mais sur le plan de l'amitié c'est autre chose, qui font fait un choix, qui n'avaient pas de responsabilité éminente au Parti socialiste. Alors, maintenant vous m'interrogez, vous me dites : « Finalement, qu'est-ce qui va se produire ? ». Mais vous savez, nous n'inventons rien, ou plus exactement N. Sarkozy n'invente rien. En 1974 déjà, V. Giscard d'Estaing après sa victoire contre F. Mitterrand essayait, et non sans succès parfois, de prendre tel ou tel, de débaucher celui-ci, d'engager celui là. Et finalement, qu'est-ce qui s'est produit ? Il s'est produit qu'il y a eu une politique qui s'est appliquée, et il y aura demain la politique de N. Sarkozy, et c'est sur cette politique-là, je pense, et c'est là aussi le sens d'une démocratie, qu'il faudra porter jugement, qu'il faudra évaluer les résultats. Il est bon qu'il y ait une majorité - c'est N. Sarkozy qui la constitue autour de lui - et qu'il y ait une opposition. Cette opposition ne peut pas être systématique, elle ne doit pas être dans une critique toujours répétée, elle doit être dans la contre-proposition. Et cette opposition qui pendant ces prochains mois va travailler, va juger les résultats et va faire des contre propositions, c'est cette opposition qui sera demain j'espère la majorité.
Q- Vous allez créer au PS un cabinet fantôme, un shadow cabinet ?
R- Il ne s'agit pas du tout de cela. Je pense que J.-M. Ayrault a eu raison au niveau du groupe d'avoir un suivi de l'action gouvernementale par des députés qui, justement, sujet par sujet, projet par projet, à la fois porteront des critiques quand elles seront nécessaires et surtout donneront des contre-propositions.
Q- Mais apparemment, ces fantômes ne font plus peur à personne. Au passage, jeudi...
R- Mais, parce que les fantômes n'existent pas, vous le savez très bien et vous êtes mieux informé que d'autres, vous êtes un grand journaliste, vous savez que les fantômes n'existent pas.
Q- Oui ! X. Bertrand, hier, au « Grand rendez-vous », a annoncé des décisions pour redresser les déficits de la Sécurité Sociale et il a défendu le prochain contrat unique de travail qui ne ressemblera pas ou plus au CNE. Qu'est-ce que vous en pensez ?
R- Je pense que d'abord que le contrat Nouvelles embauches c'était une idée et un projet et c'est devenu une ordonnance du précédent Gouvernement dans lequel figuraient justement X. Bertrand, N. Sarkozy.
Q- 900.000 contrats signés, un millier de litiges.
R- ...900.000 personnes sont dans ce cas-là et il y a de nombreux contentieux qui débouchent aujourd'hui sur une mise en cause du contrat Nouvelles embauches. Mais qu'est-ce qu'on nous propose avec le contrat unique de N. Sarkozy ? C'est en définitive, la généralisation du contrat Nouvelles embauches. On nous dira, « oui mais maintenant on pourra justifier le licenciement » - c'était le propos de X. Bertrand. Mais si les causes du licenciement sont tellement larges, eh bien ça sera une forme déguisée de contrat Nouvelles embauches. Voilà ce que je dis à votre micro : le contrat unique du travail c'est une forme déguisée de contrat Nouvelles embauches.
Q- Vous le savez déjà !
R- Mais bien sûr puisque ça été annoncé dans la campagne présidentielle, et comme vous le savez, c'est le mot d'ordre de N. Sarkozy : "ce qui a été dit dans la campagne sera tenu". Donc on le sait déjà. Sur le déficit de la Sécurité Sociale, parce que X. Bertrand en est chargé, c'est un échec considérable. Nous avons aujourd'hui plus de 12 milliards d'euros de déficit. Qui va payer ? Alors, au moment où on nous fait des cadeaux, plus exactement où on fait fiscaux à quelques uns, bouclier fiscal, suppression de l'impôt sur la fortune, détaxation de la taxe sur les patrimoines...
Q- ... vous l'avez dit.
R- ... au moment où on fait ces cadeaux fiscaux, au moment où la France va être jugée à l'Eurogroup, là où va aller N. Sarkozy, comme excédant les niveaux d'endettement public autorisés de déficit, on va laisser la Sécurité Sociale dans cette situation-là en demandant aux Français - TVA sociale ou antisociale, franchise médicale - de payer l'addition. Eh bien, c'est sur cette politique-là, J.-P. Elkabbach, que nous allons porter jugement et préparer une autre politique.
Q- F. Hollande, puis-je vous parler de S. Royal ? Elle a dénoncé, hier, sur TF1, les attaques condescendantes qu'elle a subies pendant la campagne. Elle a reconnu de l'improvisation dans l'organisation de sa propre campagne, mais elle a critiqué, ce qui frappait, les critiques qui venaient de son propre camp. Est-ce que vous vous sentez en tant que premier secrétaire du PS concerné ?
R- Je pense qu'il faut revenir sur la campagne, non pas pour pointer l'index sur tel ou tel, et prendre cette campagne comme une responsabilité collective, et donc j'y prends ma part, mais je crois que s'il y a une leçon - parce que c'est pour nous projeter qu'il faut tirer les leçons de ce qui n'a pas pu être un succès mais qui a été néanmoins, j'allais dire une honorable défaite - eh bien si on doit tirer la leçon c'est qu'il faut désigner plus tôt notre candidat ou notre candidate pour que ce soit autour
de lui ou autour d'elle que se construisent les propositions du Parti socialiste, et donc du candidat ou de la candidate socialiste, et qu'on le fasse en cohérence. Les primaires - j'en étais moi-même tout à fait fier, mais c'est vrai que venant près de l'élection présidentielle - pouvaient laisser quelques cicatrices et on l'a vues.
Q- Donc, cette fois, il faut le désigner combien de temps avant ?
R- Je crois que tout le monde a dit...
Q- ... 2010, 2008 ou 2009.
R- 2010, à partir de 2010t...
Q- ...A partir de 2010 ? Mais c'est tard ça !
R- Ecoutez, c'est deux ans avant, je crois que c'est le bon... mais nous en discuterons collectivement, mais c'est vrai que c'est une leçon à tirer.
Q- S. Royal, en attendant la rentrée, va publier son autocritique. Elle va réunir la semaine prochaine, à Paris, ses proches pour réfléchir à ce qui s'est passé, à la campagne et aussi sur son avenir. Est-ce que vous allez participer, vous, à cette réunion ?
R- Elle a voulu réunir ceux qui avaient été autour d'elle, au plus près de la campagne, son équipe, pour justement faire cet examen, cette autocritique ou auto-regard, parce qu'il y a eu aussi des choses qui ont formidablement marché. Et puis elle m'a dit qu'elle verserait les conclusions de ce travail à nos débats de rénovation du Parti socialiste.
Q- Elle vous a dit, parce que vous parlez, vous continuez à vous voir, etc., sans entrer dans des problèmes personnels et privés ?
R- Et heureusement que nous nous parlons !
Q- Il y a trois mois, F. Hollande, vous étiez affaibli, blessé, donné partant, poussé vers la sortie, et aujourd'hui les uns et les autres ont l'air de se chercher. D. Strauss-Kahn, L. Fabius, J. Lang ont d'autres ambitions, des projets, etc. Et vous, vous êtes là jusqu'en 2008. Est-ce qu'à votre place, vous n'êtes pas un des vainqueurs des cents derniers jours ?
R- Ecoutez, j'aurais préféré être sur le plan personnel moins à l'aise peut-être et que mon camp globalement soit sorti victorieux de la campagne.
Q- Vous avez dit "moins à l'aise sur le plan personnel" ? Ou vous dites sur le plan "politique" ?
R- Non, sur le plan de mon autorité personnelle. Mais, je crois que ce qui compte c'est le collectif, c'est toujours ce que j'ai fait prévaloir. Et aujourd'hui, si j'ai une responsabilité dans ce moment qui n'est pas facile -les lendemains de défaite sont souvent rudes, où il faut résister aux pressions de l'adversaire qui veut marquer son avantage, où il faut dire à son camp, « mais relevez-vous, soyez fiers de ce que vous avez fait, vous avez encore un bel espoir de victoire pour demain, les élections municipales approchent »... Tiens ! Justement, les élections municipales. On lit ici ou là que c'est ce qui inquiète N. Sarkozy. Eh bien, je dis à mes amis socialistes : si ça inquiète N. Sarkozy, ça devrait vous réjouir parce que vous pouvez vous préparer effectivement à des succès aux élections municipales...
Q- Et s'il vous bat une nouvelle fois ?
R- ... mais à la condition que vous en soyez dignes et que vous le méritiez, ce qui suppose au plan des comportements personnels, l'exemplarité, et au plan du travail collectif, l'intensité.
Q- Vous vouliez dire un mot sur Les Echos, sur l'état de la presse.
R- Je veux dire que pour l'état de la presse, il ne s'agit pas simplement de verser une larme, là, parce qu'il y a une difficulté dans deux journaux.
Q- La Tribune, Les Echos.
R- Mais nous sommes à un moment où il faut affirmer l'indépendance de la presse non pas à l'égard simplement des milieux d'argent, il faut de l'argent pour faire vivre les journaux, mais pour l'indépendance...
Q- ... et surtout que la presse manque d'argent...
R- ...l'indépendance des rédactions.
Q- ... sous-capitalisées.
R- Et ce qu'a dit notamment N. Sarkozy en disant : « finalement Les Echos, La Tribune, les uns se plaignent que monsieur Arnault les vende, les autres que plaignent que monsieur Arnault les rachète »... Ce n'est pas simplement le problème de monsieur Arnault, c'est le problème de l'indépendance des rédactions par rapport à leurs actionnaires, et notamment dans la presse économique et financière, il faut que ce qui se lit dans la presse économique et financière et qui intéresse des millions de gens qui participent à la vie économique à travers leurs placements, il faut que cette information soit incontestable.
Q- Et sur le plan mondial, parce que le problème se pose de l'indépendance de la presse sur le plan mondial. Quand on lit des papiers sur Monsieur Murdoch, on peut s'interroger aussi...
R- ... parce que la place aussi est dans une économie du monde.
Q- Merci d'être venu.
R- Merci à vous de m'avoir invité.
Q- Où vous passez vos vacances ?
R- Toujours dans le Midi de la France et j'ai compris qu'il y faisait beau.
Q- Et vous partez tout de suite ? Non ?
R- Ah ben non, je travaille moi monsieur Elkabbach.
Jusqu'à la fin de la session comme nous. Ben, vous faites bien de prendre
exemple sur EUROPE 1, on est tous présents.
Bonjour J.-P. Elkabbach.
Q- Merci d'être là. Les Français sont apparemment en désaccord avec vous. D'après le sondage du Parisien de ce matin, ils ne sont pas choqués par ce que vous appelez l'omniprésence, l'hyperactivité du président de la République, ils disent qu'ils l'ont élu pour ça. Alors qui se trompe, eux ou vous ?
R- Moi, je parle d'omniprésidence, c'est-à-dire qu'il est normal que N. Sarkozy qui a été élu par les Français pour agir préside la République, mais doit-il être pour autant ministre de tout ? Regardez, aujourd'hui même, il va à ce qu'on appelle l'Eurogroup quasiment à la place du ministre de l'Economie et des Finances.
Q- C'est pas mal, c'est inédit, c'est une première.
R- C'est inédit, c'est une première, si on pense qu'il faut faire des records, il peut en avoir un de ce point de vue-là, il peut aller aussi à la réunion du Conseil des ministres européens au titre du ministre de l'Intérieur, ministre des Affaires étrangères, ministre des Affaires sociales, mais il faut qu'il y ait un Gouvernement, ne serait-ce que parce que la parole du président de la République dans une instance européenne ou dans une instance internationale soit forte. Si elle se dévalue, si elle est finalement elle-même la parole de chaque instant, quelle va être d'ailleurs l'autorité de N. Sarkozy aujourd'hui même quand on apprend que les chiffres qui avaient été donnés par le Gouvernement précédent, gouvernement dans lequel N. Sarkozy figurait, quand ces engagements-là ne vont même pas être tenus et quand on va faire des cadeaux fiscaux de plus de 13 milliards d'euros qui vont dégrader les comptes publics sans aucun espoir de relance de l'économie. Alors, bien sûr que la parole de la France, en l'occurrence celle de N. Sarkozy sera regardée comme suspecte.
Q- Pas de procès d'intention pour ce qu'il va dire ce soir et qu'on ignore, enfin dans l'après-midi, dans la journée.
R- On le sait déjà parce que N. Sarkozy s'est exprimé, ça ne vous a pas échappé, dans le Journal Du Dimanche, hier, et qu'il a dit que la France ne respecterait pas ses engagements. En matière de quoi ? En matière de dette publique. Précisément, vous vous souvenez, la dette publique c'était le grand sujet de la campagne présidentielle. Tous les candidats, en tout cas les trois principaux disaient, « Ah écoutez, vous allez voir, cette fois-ci on ne va pas altérer la charge qui pèse sur nos enfants, nos petits enfants, on va maîtriser la dette publique ». Et là, que vient dire N. Sarkozy, non pas à ses collègues chefs de gouvernement ou chefs d'Etat mais au ministre de l'Economie et des Finances...
Q- ... il va leur proposer un sommet européen sur l'économie.
R- ... on va reporter, on va différer les engagements, on va dépenser plus en cadeaux fiscaux sans pour autant relancer l'économie européenne ?
Q- Je me souviens qu'à une certaine époque, vous trouviez le président de la République, J. Chirac immobile, inerte, qui ne disait rien, qui ne parlait pas. Celui-là, vous pensez qu'il en fait trop ? Par exemple, demain il sera à Alger, après-demain à Tunis, jeudi à Epinal, aujourd'hui à Bruxelles, vendredi je ne sais pas, donc il est partout. Mais est-ce que ce n'est pas son rôle ?
R- Non, je vous ai dit qu'il était légitime, il est légitime, que le président de la République préside. Il va au Maghreb, je pense que c'est une visite très importante, très attendue, il est parfaitement dans son rôle. Il va ensuite délivrer un discours à Epinal dans les brisées, si je puis dire, du général de Gaulle, il y a maintenant plus de soixante ans. Ecoutez, il vient, là, pour dire ce qu'il attend de nos institutions, changer, eh bien là il y aura un processus. Je tiens à rappeler qu'il ne peut pas décider lui-même du changement de nos institutions, il faut le préciser parce qu'à un moment, on pourrait le croire.
Q- Oui, mais il passe à des changements même au PS, qui ont des conséquences au PS : D. Strauss-Kahn à Washington au FMI... Est-ce que D. Strauss-Kahn vous a informé ?
R- D. Strauss-Kahn n'a pas encore fait savoir s'il est lui-même candidat à cette responsabilité-là.
Q- Il n'a pas démenti !
R- Parce que le nom de D. Strauss-Kahn est sorti de conclaves européens, internationaux, et parce que sa réputation est telle sur le plan financier qu'il est un candidat possible pour cette responsabilité de directeur de Fonds monétaire international.
Q- Mais c'est bien qu'on le défende. Est-ce que vous souhaitez qu'il soit nommé pour représenter la France ?
R- Mais s'il le veut, et si lui-même est candidat, et il ne peut l'être que s'il y a un consensus européen, parce que c'est entre les Européens que le choix se fait même s'il faut qu'il soit ratifié ensuite par l'ensemble du collège des pays composant le Fonds monétaire international, mais si nous pouvons arriver à mettre une telle compétence au service non pas de la France, je le dis, mais au service du monde...
Q- ...du monde.
R- ... oui, et de sa stabilité économique, financière et monétaire, oui je pense que c'est une bonne démarche. Et à cet égard, n'en faisons pas une question de politique intérieure, ce serait d'ailleurs à mon avis mal servir la candidature, peut-être possible, de D. Strauss-Kahn que d'en faire un enjeu de politique intérieure, comme je crois ici ou là le voir dans la démarche de N. Sarkozy.
Q- Mais n'est-ce pas ce que vous faites vous aussi ?
R- Pourquoi ? Non.
Q- Vous critiquez parce que vous estimez que c'est une exploitation politique intérieure alors que vous dites que, sur le plan mondial, c'est une personnalité qui a les compétences pour la fonction. Si jamais on le lui demande et on le nomme.
R- Alors, n'en faisons qu'un débat mondial, si je puis dire, un débat financier, monétaire, économique et, en aucune façon - car je crois qu'il y a eu quelques commentaires, J.-P. Elkabbach, ou alors j'ai dû mal entendre- en aucune façon une démarche d'ouverture ou une démarche de récupération de tel ou tel au Parti socialiste. Ce serait là, je crois, effectivement, un détournement de sens.
Q- Il avait promis un Gouvernement d'ouverture, il le fait avec six ministres qui viennent de la gauche. Il confie des missions...
R- Attendez, attendez, attendez...
Q- ...des missions et des commissions.
R- C'est un débat d'il y a quelques semaines. De quels ministres me parlez vous ? D'E. Besson qui a commencé une campagne...
Q- ... B. Kouchner, Jouyet...
R- ... attendez, attendez, attendez...
Q- ... votre ami Jouyet, Bockel...
R- ... qui a commencé une campagne...
Q- ... M. Hirsch, qui n'était à droite.
R- ... avec S. Royal et l'a terminée avec N. Sarkozy ? De B. Kouchner qui a fait campagne pour S. Royal, et qui au lendemain, est allé avec N. Sarkozy ? Ecoutez, ça, c'est des choix qui ont été faits, d'ailleurs qui n'ont rien changé au plan de la campagne des élections législatives, parce que c'était quand même ça qui était l'intention. Les Français ne nous ont pas donné la majorité aux élections législatives mais ils nous ont donné une force, cette force s'appelle le Parti socialiste. Je mettrai à la disposition des Français cette force-là pour qu'elle leur soit utile, et pour être utile, il ne faut pas être dans la confusion, il ne faut pas être dans la mystification, il ne faut pas être à mon avis dans la complicité, il faut être dans le respect, voilà. Le mot-clé pour moi c'est la morale et le respect. Qu'est-ce que ça veut dire le respect ? Dans une démocratie, il faut dialoguer. Quand on est l'opposition avec la majorité, sur des sujets d'intérêt général, il faut le faire. Quand on est consulté sur des grands sujets et quand le Parti socialise le sera, il sera partie prenante de cette démarche-là. Mais si on...
Q- Attendez, si je peux vous poser la question, si le président de la République veut proposer D. Strauss-Kahn, il doit vous le demander ? Si J. Lang doit être proposé pour la Commission de réformes des institutions que va présider E. Balladur, est-ce qu'il doit le demander au n° 1 du Parti socialiste ? Ou il fait ce qu'il veut avec les intéressés eux-mêmes ?
R- Sur D. Strauss-Kahn, je me suis déjà exprimé.
Q- Et J. Lang ?
R- Attendez, le nom est venu de chefs d'Etat et de gouvernement européen, il est normal que la France, si cette démarche peut s'engager, appuie une candidature de la qualité de celle de D. Strauss-Kahn, si lui-même bien sûr s'inscrit dans cette démarche-là. Sur maintenant des commissions qui peuvent être proposées, s'il est demandé au Parti de socialiste de figurer dans une commission de réflexion, y compris dans un cadre parlementaire ou extra parlementaire...
Q- ... vous iriez, vous ?
R- ... le Parti socialiste délèguera bien sûr un de ses représentants dans cette commission ou dans ce comité de réflexion, que ce soit sur les institutions ou sur d'autres sujets. Nous sommes, je l'ai dit, toujours prêts pour le dialogue dans le respect. Si une personnalité est choisie par le président de la République de lui même, c'est lui qui ferait finalement la distinction - « je prendrai celui-ci ou celle là » - alors cette personnes-là, je ne sais qui elle sera, n'engagera qu'elle-même, ce qui est bien la logique quand on fait cette démarche-là.
Q- Est-ce que ça veut dire qu'elle sort du parti, qu'elle se met à l'extérieur du Parti socialiste ?
R- Cela veut dire qu'elle n'engage pas le Parti socialiste, tout simplement. Elle n'engage qu'elle-même. Et je ne crois pas que ce soit d'ailleurs la bonne démarche, voyez-vous. Dans une démocratie, quand on veut changer une partie de nos institutions, c'est un sujet important, il faut d'ailleurs une majorité des 3/5e au Congrès, ce qu'on appelle le Congrès.
Q- A Versailles.
R- Le rassemblement de l'Assemblée nationale et du Sénat. Le Parti socialiste, les radicaux de gauche, tous ceux qui sont dans notre groupe, eh bien nous avons la possibilité de voter ou de ne pas voter cette réforme et de la faire passer ou de ne pas la faire passer.
Q- Alors, que faudrait-il pour que vous la votiez ?
R- Donc, le mot-clé c'est le respect. Le respect de nos positions, de nos engagements, et si nous nous retrouvons sur un texte, nous le voterons, si nous n'y retrouvons pas ce que nous proposons dans le sens de l'intérêt général, eh bien nous ne le voterons pas et il n'y aura pas de changement.
Q- Mais vous avez vu que pour l'ouverture, il continue et il va accentuer.
R- Je ne sais pas ! Vous avez des informations ?
Q- D'après ce que j'entends, vous lisez, vous entendez comme moi, vous écoutez Europe 1, vous avez des journalistes, F. Namias le disait tout à l'heure. Et les socialistes, il ne les prend pas de force, ils y vont de leur plein gré. Comment ça se fait ? Quelles sont les raisons et quelles raisons vous avez et quels moyens vous avez, vous, F. Hollande, pour stopper cette hémorragie.
R- Mais d'abord, écoutez, regardez les choses telles qu'elles sont. Les membres du Gouvernement qui sont supposés venir de la gauche étaient des soldats perdus pour l'essentiel, ou des personnes qui considéraient que...
Q- ... mais vous voyez que vous n'appliquez pas ce que vous demandez. Vous dites « le respect », vous dites « les soldats perdus ».
R- Mais écoutez, qu'est-ce que vous pensez de tel ou tel ? E. Besson en particulier ? Ecoutez, franchement...
Q- Les autres qui étaient vos amis ?
R- Mais sur le plan de l'amitié c'est autre chose, qui font fait un choix, qui n'avaient pas de responsabilité éminente au Parti socialiste. Alors, maintenant vous m'interrogez, vous me dites : « Finalement, qu'est-ce qui va se produire ? ». Mais vous savez, nous n'inventons rien, ou plus exactement N. Sarkozy n'invente rien. En 1974 déjà, V. Giscard d'Estaing après sa victoire contre F. Mitterrand essayait, et non sans succès parfois, de prendre tel ou tel, de débaucher celui-ci, d'engager celui là. Et finalement, qu'est-ce qui s'est produit ? Il s'est produit qu'il y a eu une politique qui s'est appliquée, et il y aura demain la politique de N. Sarkozy, et c'est sur cette politique-là, je pense, et c'est là aussi le sens d'une démocratie, qu'il faudra porter jugement, qu'il faudra évaluer les résultats. Il est bon qu'il y ait une majorité - c'est N. Sarkozy qui la constitue autour de lui - et qu'il y ait une opposition. Cette opposition ne peut pas être systématique, elle ne doit pas être dans une critique toujours répétée, elle doit être dans la contre-proposition. Et cette opposition qui pendant ces prochains mois va travailler, va juger les résultats et va faire des contre propositions, c'est cette opposition qui sera demain j'espère la majorité.
Q- Vous allez créer au PS un cabinet fantôme, un shadow cabinet ?
R- Il ne s'agit pas du tout de cela. Je pense que J.-M. Ayrault a eu raison au niveau du groupe d'avoir un suivi de l'action gouvernementale par des députés qui, justement, sujet par sujet, projet par projet, à la fois porteront des critiques quand elles seront nécessaires et surtout donneront des contre-propositions.
Q- Mais apparemment, ces fantômes ne font plus peur à personne. Au passage, jeudi...
R- Mais, parce que les fantômes n'existent pas, vous le savez très bien et vous êtes mieux informé que d'autres, vous êtes un grand journaliste, vous savez que les fantômes n'existent pas.
Q- Oui ! X. Bertrand, hier, au « Grand rendez-vous », a annoncé des décisions pour redresser les déficits de la Sécurité Sociale et il a défendu le prochain contrat unique de travail qui ne ressemblera pas ou plus au CNE. Qu'est-ce que vous en pensez ?
R- Je pense que d'abord que le contrat Nouvelles embauches c'était une idée et un projet et c'est devenu une ordonnance du précédent Gouvernement dans lequel figuraient justement X. Bertrand, N. Sarkozy.
Q- 900.000 contrats signés, un millier de litiges.
R- ...900.000 personnes sont dans ce cas-là et il y a de nombreux contentieux qui débouchent aujourd'hui sur une mise en cause du contrat Nouvelles embauches. Mais qu'est-ce qu'on nous propose avec le contrat unique de N. Sarkozy ? C'est en définitive, la généralisation du contrat Nouvelles embauches. On nous dira, « oui mais maintenant on pourra justifier le licenciement » - c'était le propos de X. Bertrand. Mais si les causes du licenciement sont tellement larges, eh bien ça sera une forme déguisée de contrat Nouvelles embauches. Voilà ce que je dis à votre micro : le contrat unique du travail c'est une forme déguisée de contrat Nouvelles embauches.
Q- Vous le savez déjà !
R- Mais bien sûr puisque ça été annoncé dans la campagne présidentielle, et comme vous le savez, c'est le mot d'ordre de N. Sarkozy : "ce qui a été dit dans la campagne sera tenu". Donc on le sait déjà. Sur le déficit de la Sécurité Sociale, parce que X. Bertrand en est chargé, c'est un échec considérable. Nous avons aujourd'hui plus de 12 milliards d'euros de déficit. Qui va payer ? Alors, au moment où on nous fait des cadeaux, plus exactement où on fait fiscaux à quelques uns, bouclier fiscal, suppression de l'impôt sur la fortune, détaxation de la taxe sur les patrimoines...
Q- ... vous l'avez dit.
R- ... au moment où on fait ces cadeaux fiscaux, au moment où la France va être jugée à l'Eurogroup, là où va aller N. Sarkozy, comme excédant les niveaux d'endettement public autorisés de déficit, on va laisser la Sécurité Sociale dans cette situation-là en demandant aux Français - TVA sociale ou antisociale, franchise médicale - de payer l'addition. Eh bien, c'est sur cette politique-là, J.-P. Elkabbach, que nous allons porter jugement et préparer une autre politique.
Q- F. Hollande, puis-je vous parler de S. Royal ? Elle a dénoncé, hier, sur TF1, les attaques condescendantes qu'elle a subies pendant la campagne. Elle a reconnu de l'improvisation dans l'organisation de sa propre campagne, mais elle a critiqué, ce qui frappait, les critiques qui venaient de son propre camp. Est-ce que vous vous sentez en tant que premier secrétaire du PS concerné ?
R- Je pense qu'il faut revenir sur la campagne, non pas pour pointer l'index sur tel ou tel, et prendre cette campagne comme une responsabilité collective, et donc j'y prends ma part, mais je crois que s'il y a une leçon - parce que c'est pour nous projeter qu'il faut tirer les leçons de ce qui n'a pas pu être un succès mais qui a été néanmoins, j'allais dire une honorable défaite - eh bien si on doit tirer la leçon c'est qu'il faut désigner plus tôt notre candidat ou notre candidate pour que ce soit autour
de lui ou autour d'elle que se construisent les propositions du Parti socialiste, et donc du candidat ou de la candidate socialiste, et qu'on le fasse en cohérence. Les primaires - j'en étais moi-même tout à fait fier, mais c'est vrai que venant près de l'élection présidentielle - pouvaient laisser quelques cicatrices et on l'a vues.
Q- Donc, cette fois, il faut le désigner combien de temps avant ?
R- Je crois que tout le monde a dit...
Q- ... 2010, 2008 ou 2009.
R- 2010, à partir de 2010t...
Q- ...A partir de 2010 ? Mais c'est tard ça !
R- Ecoutez, c'est deux ans avant, je crois que c'est le bon... mais nous en discuterons collectivement, mais c'est vrai que c'est une leçon à tirer.
Q- S. Royal, en attendant la rentrée, va publier son autocritique. Elle va réunir la semaine prochaine, à Paris, ses proches pour réfléchir à ce qui s'est passé, à la campagne et aussi sur son avenir. Est-ce que vous allez participer, vous, à cette réunion ?
R- Elle a voulu réunir ceux qui avaient été autour d'elle, au plus près de la campagne, son équipe, pour justement faire cet examen, cette autocritique ou auto-regard, parce qu'il y a eu aussi des choses qui ont formidablement marché. Et puis elle m'a dit qu'elle verserait les conclusions de ce travail à nos débats de rénovation du Parti socialiste.
Q- Elle vous a dit, parce que vous parlez, vous continuez à vous voir, etc., sans entrer dans des problèmes personnels et privés ?
R- Et heureusement que nous nous parlons !
Q- Il y a trois mois, F. Hollande, vous étiez affaibli, blessé, donné partant, poussé vers la sortie, et aujourd'hui les uns et les autres ont l'air de se chercher. D. Strauss-Kahn, L. Fabius, J. Lang ont d'autres ambitions, des projets, etc. Et vous, vous êtes là jusqu'en 2008. Est-ce qu'à votre place, vous n'êtes pas un des vainqueurs des cents derniers jours ?
R- Ecoutez, j'aurais préféré être sur le plan personnel moins à l'aise peut-être et que mon camp globalement soit sorti victorieux de la campagne.
Q- Vous avez dit "moins à l'aise sur le plan personnel" ? Ou vous dites sur le plan "politique" ?
R- Non, sur le plan de mon autorité personnelle. Mais, je crois que ce qui compte c'est le collectif, c'est toujours ce que j'ai fait prévaloir. Et aujourd'hui, si j'ai une responsabilité dans ce moment qui n'est pas facile -les lendemains de défaite sont souvent rudes, où il faut résister aux pressions de l'adversaire qui veut marquer son avantage, où il faut dire à son camp, « mais relevez-vous, soyez fiers de ce que vous avez fait, vous avez encore un bel espoir de victoire pour demain, les élections municipales approchent »... Tiens ! Justement, les élections municipales. On lit ici ou là que c'est ce qui inquiète N. Sarkozy. Eh bien, je dis à mes amis socialistes : si ça inquiète N. Sarkozy, ça devrait vous réjouir parce que vous pouvez vous préparer effectivement à des succès aux élections municipales...
Q- Et s'il vous bat une nouvelle fois ?
R- ... mais à la condition que vous en soyez dignes et que vous le méritiez, ce qui suppose au plan des comportements personnels, l'exemplarité, et au plan du travail collectif, l'intensité.
Q- Vous vouliez dire un mot sur Les Echos, sur l'état de la presse.
R- Je veux dire que pour l'état de la presse, il ne s'agit pas simplement de verser une larme, là, parce qu'il y a une difficulté dans deux journaux.
Q- La Tribune, Les Echos.
R- Mais nous sommes à un moment où il faut affirmer l'indépendance de la presse non pas à l'égard simplement des milieux d'argent, il faut de l'argent pour faire vivre les journaux, mais pour l'indépendance...
Q- ... et surtout que la presse manque d'argent...
R- ...l'indépendance des rédactions.
Q- ... sous-capitalisées.
R- Et ce qu'a dit notamment N. Sarkozy en disant : « finalement Les Echos, La Tribune, les uns se plaignent que monsieur Arnault les vende, les autres que plaignent que monsieur Arnault les rachète »... Ce n'est pas simplement le problème de monsieur Arnault, c'est le problème de l'indépendance des rédactions par rapport à leurs actionnaires, et notamment dans la presse économique et financière, il faut que ce qui se lit dans la presse économique et financière et qui intéresse des millions de gens qui participent à la vie économique à travers leurs placements, il faut que cette information soit incontestable.
Q- Et sur le plan mondial, parce que le problème se pose de l'indépendance de la presse sur le plan mondial. Quand on lit des papiers sur Monsieur Murdoch, on peut s'interroger aussi...
R- ... parce que la place aussi est dans une économie du monde.
Q- Merci d'être venu.
R- Merci à vous de m'avoir invité.
Q- Où vous passez vos vacances ?
R- Toujours dans le Midi de la France et j'ai compris qu'il y faisait beau.
Q- Et vous partez tout de suite ? Non ?
R- Ah ben non, je travaille moi monsieur Elkabbach.
Jusqu'à la fin de la session comme nous. Ben, vous faites bien de prendre
exemple sur EUROPE 1, on est tous présents.