Texte intégral
Monsieur le ministre de l'agriculture et de la Pêche,
Monsieur le président du Sénat et du conseil général,
Monsieur le député-maire,
Monsieur le vice-président du conseil régional,
Monsieur le secrétaire général de la préfecture,
Mesdames, messieurs les parlementaires,
Mesdames, messieurs,
Chers Jeunes agriculteurs,
Je suis particulièrement heureux, au nom des Jeunes agriculteurs, de vous accueillir monsieur le ministre, au sein de notre congrès. Soyez cordialement remercié d'avoir répondu à notre invitation au pied levé. C'est une semaine particulière pour nous tous...
[Missions de l'agriculture, Rapport d'orientation]
La tradition veut que « notre » ministre de l'agriculture clôture les débats de notre congrès.
Un ministère de l'agriculture à part entière, cela n'était pas acquis d'avance, mais vous et nous, j'imagine, pouvons nous montrer particulièrement satisfaits sur le sujet.
Un congrès Jeunes Agriculteurs, hier de CNJA, auparavant de Cercle National des Jeunes, c'est une recette éprouvée, un exercice de démocratie et de débats inégalables au sein de notre réseau de jeunes prompts à proposer.
Un congrès JA, c'est un rapport moral, qui cette année réaffirme la solidité des fondations de notre syndicalisme jeune, renouvelées dans l'action.
C'est également un rapport d'orientation, qui en 2007 lance le défi d'un pacte alimentaire et celui de l'agriculture durable...
En somme, la « pépinière » de nouvelles orientations qui assurent la crédibilité de notre mouvement ; ce que n'ont pas manqué de prouver nos dernières élections professionnelles remportées haut la main grâce à l'alliance de deux syndicats indépendants : JA et FNSEA.
En même temps, dans cette recette, les ingrédients changent d'année en année, les choix s'affinent. A l'image d'une agriculture qui évolue, innove, invente tout comme les politiques agricoles qui l'accompagnent ou qui devraient le faire. A nous d'être créatifs !
Sur ce terrain là, nous souhaitons faire en sorte que nos préoccupations quotidiennes deviennent nos réussites et nos succès économiques, sociaux et environnementaux de demain.
Car, si nous avons besoin de stabilité et de lisibilité des politiques agricoles pour donner toutes les chances de réussites à nos installations, les Jeunes agriculteurs pensent avenir et long terme, et pas uniquement en se rasant chaque matin...
Etre agriculteur est un métier qui se vit, une vraie responsabilité d'entrepreneur, souvent partagée par la famille, un métier fortement ancré dans son environnement, son tissu local.
Alors ne soyez pas étonné que nous revendiquions haut et fort, que l'agriculture est un vrai choix d'avenir, un choix « durable », un choix moderne pour nos enfants ! Nous avons la « positive attitude » !
Promouvoir l'agriculture, c'est nourrir nos concitoyens, soutenir l'économie de notre pays (notre balance commerciale), nos emplois induits, la vitalité des territoires ruraux, la préservation des paysages et l'aménagement des territoires dans le respect des sols, de l'eau, de l'air et du climat.
C'est notre outil de travail que l'on souhaite, par-dessus tout transmettre à nos enfants.
La liste est tellement longue que je me plais à penser que le grand ministère d'état n'est peut-être pas situé là où il faudrait....
Les missions de l'agriculture sont multiples et intensément riches. Alors reconnaissons-les, une bonne fois pour toutes, et assumons les, par delà les différents ministères!
L'augmentation du prix des matières premières, y compris agricoles, a fait réaliser aux économistes et aux experts en tous genres que l'agriculture, c'était bien de l'économie.
N'attendons pas d'autres électrochocs pour comprendre ce que sont les « bien » nommées « externalités positives » de l'agriculture...
En échange, nous voulons et nous pouvons garantir aux citoyens et aux consommateurs une sécurité alimentaire en quantité et en qualité, une agriculture durable, dans l'Europe et pourquoi pas dans le monde.
En relevant trois défis bien identifiés :
- le défi alimentaire : pour assurer notre indépendance nourricière, garantir une alimentation sûre, de qualité, diversifiée et en quantité suffisante.
L'alimentation des êtres humains est le préalable et l'essence même de notre métier. Nous ne le redirons jamais assez.
- 2nd défi, celui de l'emploi et de l'aménagement du territoire : l'agriculture apporte une contribution essentielle à la vitalité économique et sociale sur tous les territoires. Au niveau mondial, européen et français.
Elle constitue incontestablement le premier maillon de l'économie agricole et agro-alimentaire.
Les délocalisations ne concernent pas que l'industrie. En terme de conséquences, elles sont aussi dramatiques dans les territoires ruraux, quoique moins visibles !
Nous voulons enfin relever le défi environnemental : l'agriculture peut gérer durablement la diversité du vivant, tout comme protéger les paysages.
Elle doit également être considérée comme un atout dans la lutte contre l'effet de serre. Car par l'acte de production, elle capte et séquestre du CO2.
Il est grand temps de faire comprendre que les secteurs agricoles et forestiers sont les seuls à pouvoir le faire. C'est notre grand espoir !
Tout comme les agriculteurs contribuent dans le même temps à réduire leurs émissions de C02.
Que l'on parle de bioénergies, de biocarburants, de biomatériaux... La promotion de ces nouveaux débouchés et la mise en place d'une fiscalité attractive sont la clé du succès de ces nouvelles filières.
Et puis, c'est l'occasion pour notre profession et nos jeunes, de reprendre la main sur la répartition de la valeur ajoutée et de retrouver une fierté renouvelée dans l'exercice de leur métier.
Mais, dès que les agriculteurs imaginent de nouvelles valorisations de leur activité -ici au travers des utilisations non alimentaires, là en lien avec les défis énergétiques et climatiques de demain-, il est toujours regrettable que, le bien fondé de leurs initiatives soit remis en cause.
Et au nom, cette fois-ci d'un éventuel déséquilibre entre les productions alimentaires et non alimentaires !...
C'est caricatural et infondé même si nous voulons bien entendre les interrogations que cela suscite :
- Caricatural car il n'a pas fallu attendre l'apparition des productions non alimentaires pour s'apercevoir qu'une partie du monde était sous alimentée, voire affamée,
- Infondé car avec la montée des prix agricoles et les progrès techniques, certaines terres, peu rentables aujourd'hui, peuvent le devenir dans un futur proche pour augmenter notre capacité de production mondiale.
L'agriculture a trop souffert de débats irrationnels et démesurés par le passé. N'oublions pas que dans les années 60 et 70, on a demandé à nos parents de produire et ils y ont répondu ! Mais depuis, nos pratiques n'ont eu de cesse de répondre aux nouvelles attentes sociétales notamment environnementales. Qu'en est-il de la reconnaissance des efforts réalisés par les agriculteurs ?
Quand je pense à l'épée de Damoclès qui pèse au dessus de la région Bretagne concernant les nitrates, je souhaite que tout soit mis en place pour assurer le règlement de ce litige avec pédagogie, progressivité et réelle concertation. L'installation des jeunes ne doit en aucun cas en faire les frais !
Sachez que les agriculteurs ne manquent ni de bonne volonté, ni de responsabilités !
Ce qui compte, c'est d'avoir des débats et des discussions politiques, équilibrées sur tous ces sujets agricoles et alimentaires.
Discussions qui tiennent compte des besoins présents de l'humanité comme de ses besoins futurs.
C'est cela notre définition de l'agriculture durable !
La « fausse nouveauté » de l'ensemble des discussions auxquelles nous assistons, c'est de reconnaître que nous ne pouvons pas nous passer de la fonction de production de l'agriculture : quelle découverte !
La « vraie nouveauté » serait de promouvoir de façon étroite et harmonieuse - impératif écologique et sursaut économique général- y compris en agriculture.
Il semblerait que certains Etats américains l'aient déjà compris, en finançant activement recherche et développement autour de la croissance écologique. Même si au niveau fédéral, aucune avancée n'est affichée.
A nous de faire aussi bien en termes de développement et d'initiatives, voire mieux dans la mesure où nous voulons nous différencier par nos produits « made in Europe » !
Produits qui assurent une protection plus élevée en termes sanitaire, de bien-être animal, environnemental et social...
Mais, qui dit produits européens, dit conditions de travail et de production particulières.
Alors oui, nous n'avons pas peur de demander une « préférence communautaire » en Europe « nouvelle formule », qui soit confortée par le consommateur européen.
Tout comme nous reconnaissons aux autres grandes régions du monde la possibilité de définir leurs propres politiques de développement agricole.
Car il n'y a pas plus stratégique que l'arme alimentaire, dans les pays en développement mais également dans ceux particulièrement développés.
Face à l'actuel démantèlement des politiques agricoles, nous devons y substituer une nouvelle logique d'organisation.
[OMA-OMC]
Et si c'est à l'organisation Mondiale du Commerce que se décide l'histoire, à nous d'y proposer une « révolution culturelle et idéologique ».
En matière agricole, nous, les Jeunes agriculteurs, revendiquons la mise en place d'une Organisation Mondiale de l'agriculture, sorte de grand médiateur agricole :
- qui prendrait fait et cause pour les questions alimentaires, agricoles et de développement,
- qui régulerait les marchés agricoles et l'organisation des échanges agricoles internationaux.
Nous ne pouvons plus nous permettre que l'agriculture soit noyée au sein d'organisations internationales sectorielles : FAO, banque mondiale, FMI, OMS, OIT... Ces organisations sont indispensables à la condition qu'elles travaillent ensemble. Ce qui n'est pas le cas...
L'OMC est dans une impasse car chaque région du monde possède sa propre stratégie de développement. Doit-elle pour autant nuire aux autres régions concurrentes ?
Nous ne le croyons pas.
La véritable faillite de nos organisations mondiales actuelles, c'est d'avoir laissé croire que le cycle de Doha serait le cycle des pays en voie de développement.
Et puis, arrêtons de faire preuve de naïveté dans les négociations internationales (je préfère penser qu'il s'agit de naïveté plutôt que d'intérêts particuliers de la part de nos commissaires à vouloir dépasser leur mandat de négociation).
Peter Mandelson n'a eu de cesse de proposer de nouvelles concessions de négociations unilatérales, pour bien entendu tenter de sauver le cycle de Doha !
Résultat : c'est l'accès à nos marchés agricoles qui est en train d'être bradé ! Et ce sont nos filières animales particulièrement qui en feront les frais !
Et s'il est de bon ton aujourd'hui de dire que l'on recherche « un accord équilibré » entre les trois volets de l'agriculture et entre les secteurs ouverts à la négociation, sachez que, nous les Jeunes agriculteurs, nous pensons que nous nous sommes déjà laissés débordés!
D'autant plus que Pascal Lamy est prêt depuis peu à proposer un accord intermédiaire, uniquement agricole en l'occurrence, histoire de s'accrocher à un semblant de victoire personnelle.
Nous comptons sur votre vigilance, votre compétence et vos talents de diplomatie, monsieur le ministre, pour convaincre nos partenaires européens que, tels que nous sommes partis, nous frôlons le dérapage incontrôlé!
[Assises de l'agriculture-Grenelle de l'environnement]
Alors, à l'approche du Grenelle de l'environnement et des assises de l'agriculture que vous pourriez reprendre à votre compte, nous sommes prêts à nous y impliquer mais sous certaines réserves....
Les Jeunes agriculteurs ne comptent pas faire que de l'affichage : c'est le fond des débats qui nous intéresse « avec des gens représentatifs ».
Nous avons la tête sur les épaules et une légitimité, nous demandons la même chose à nos interlocuteurs !
Alors ce Grenelle de l'environnement, doit être l'occasion pour les Jeunes agriculteurs de donner leurs avis en propre sur les différentes thématiques qu'il propose : le climat, la biodiversité, la santé.
En fait, dans tous les groupes de travail quitte à répartir nos rôles et nos forces entre les membres du CAF. Une chose est certaine, le réseau JA c'est la génération des agriculteurs nés avec l'environnement !
Ne nous cachons pas derrière toutes ces rendez vous annoncés pour travailler dès à présent sur des propositions concrètes.
[Renouvellement des générations= installation + transmission + foncier+ protection sociale] A l'image des précédents gouvernements qui se sont succédé, nous attendons de votre part que vous puissiez nous redire haut et fort, que le renouvellement des générations en agriculture, en un mot l'installation, est une des priorités de votre ministère. Nous sommes impatients !
S'il n'y avait qu'une seule chose à retenir, ce serait de miser sur :
- des installations accompagnées,
- des installations viables, c'est-à-dire pérennes dans le temps
- et « vivables » adaptées aux nouvelles conditions de vie et de travail ! Les agriculteurs ne vivent pas en dehors de la société !
C'est le triptyque incontournable !
Je ne doute pas, monsieur le ministre, que vous connaissiez le milieu agricole, de part vos responsabilités antérieures, locales, nationales ou européennes.
Mais je reconnais que notre profession a le don de parler en langage codé pour les non initiés.
Alors, je vous propose un petit lexique à usage pédagogique de l'accompagnement à l'installation que j'espère vous aurez toujours à coeur de conserver dans les premières pages de vos priorités.
Quand les Jeunes agriculteurs vous parlent de VDC (c'est-à-dire de valorisation des compétences), j'espère vous penserez dès demain au nouvel accompagnement des jeunes agriculteurs, personnalisé et modernisé, expérimenté dans cinq départements.
Notre ambition est que pour le début de l'année 2008, l'ensemble des autres départements puisse se l'approprier, grâce à des financements publics à la hauteur de ces ambitions.
On nous a toujours affirmé qu'il y avait continuité de l'Etat. J'imagine que cette continuité concerne aussi les engagements politiques et financiers passés. Là dessus notre réseau entier est inquiet.
Nous nous heurtons, à peine à mi année, à des insuffisances annoncées !
Je pense pour votre lexique de sigles :
- à l'enveloppe des prêts bonifiés Jeunes Agriculteurs (MTS JA),
- à celle des stages de préparation à l'installation et de découverte du milieu professionnel (SPI et « stages 6 mois »),
- à l'animation de l'accompagnement des porteurs de projet (FICIA)...
- au Plan de Modernisation des Bâtiments d'élevage et Plan Végétal Environnemental (PMBE et PVE)...qui doivent afficher une priorité à l'installation mais faute de crédits n'est pas honorée.
Et pendant ce temps, la mise aux normes pour l'installation des jeunes est passée, sans possibilité d'y redire, de cinq à trois ans !
Nous sommes alarmés et alarmistes sur ces sujet car cela devient récurrent !
Et puis, il faut dire que sur le début de l'année 2007, nous avons cumulé les lenteurs et les incertitudes :
- nouvelles règles pour le développement rural (PDRH) : serons-nous assurés pour autant d'obtenir un cofinancement européen ? Une réponse est urgente. Si les règles et les contraintes sont anticipées, les financements jamais !
- nouveaux contrats de projets état régions (CPER), qui tournent parfois en des querelles politiciennes que nous subissons de plein fouet, Conseils régionaux contre état, jamais avec !
- nouvelles conventions de prêts bonifiés état banques, ...Par où devrais je commencer pour vous expliquer ?
Une chose est certaine, nous sommes dans l'incapacité aujourd'hui de dire pourquoi les prêts bonifiés JA ne sont toujours pas honorés. C'est le flou artistique et le comble de la complexité administrative !
Tout cela étant arrivé simultanément ! Rajouté à cela un peu de mauvaise volonté (ce n'est pas moi, c'est ...), de mauvais tuyaux de financements ainsi qu'un zeste de complication.
Mais derrière ces coups d'arrêt au financement, nous ne savons plus comment rassurer les jeunes dont l'installation est stoppée.
En tous cas, nous sommes pris en otage depuis 6 mois mais nous ne supporterons pas un mois de plus (c'est une demande forte de notre huis clos) ? Nous attendons une réponse urgente de votre part car toutes les régions françaises sans exception sont concernées.
Des questionnements sur l'état fébrile des finances du ministère de l'agriculture sont apparus récemment.
Mais s'y avait deux options à choisir, nous voudrions, nous les Jeunes agriculteurs, que vous preniez votre bâton de pèlerin pour négocier auprès de vos collègues du gouvernement un budget agricole significatif, répondant à notre stratégie de développement de l'agriculture.
Car si l'installation des jeunes n'est pas une fin en soi : ce qui compte, c'est bien de renouveler les actifs de ce métier pour qu'il reste innovant et moderne.
(transmission)
Renouveler, cela passe avant tout par de la transmission.
Transmettre à un jeune, c'est transmettre un avenir pour l'agriculture et un gain de valeur ajoutée pour la ruralité et la ferme France.
Deux exploitations qui fusionnent au profit d'un agrandissement, cela n'a jamais donné le même résultat que le maintien de deux exploitations.
1 et 1 ne font pas deux. Ce n'est pas de l'arithmétique. Le jeune agriculteur qui reprend une exploitation privilégie toujours la recherche de valeur ajoutée, donc l'emploi.
Nous avons besoin d'une prise de conscience des cédants sur le sujet. Certains d'entre eux ont fait de la transmission à un jeune un acte citoyen. Mais les cédants ont parfois besoin d'encouragements....
Alors, en guise d'incitation, nous vous proposons de mettre en oeuvre un abattement fiscal significatif sur l'ensemble des revenus imposables du cédant dans les années qui suivent sa transmission à un créateur d'entreprise.
Abattement qui pourrait être bonifié dans le cadre du Plan crédit-transmission, en plus de se voir renforcé par la mise en place d'une garantie de l'état.
J'ai cru comprendre que de telles propositions pourraient coller à l'air du temps, symboliser des programmes d'élections de récent gouvernement....Nous ne demandons qu'à voir !
(protection sociale)
Autre question, l'installation des jeunes et la « vivabilité » de la profession dans son ensemble.
Notre protection sociale agricole, nous y tenons et nous la revendiquons. Et pour cela, elle doit susciter l'adhésion de tous les jeunes qui s'installent. Encore faut-il qu'ils soient traités avec équité avec les autres catégories de personnes tant en termes de droits que de contributions. Les cotisations sociales agricoles devraient être fonction du revenus, pas plus, pas moins.
Une modernisation sociale doit être réfléchie rapidement pour 2008 pour éviter que certains agriculteurs, touchés plus spécifiquement par des crises, ne soient tentés ou contraints de ne plus payer leurs cotisations.
(foncier)
Enfin, l'installation de nos jeunes ne doit pas s'exonérer d'une réflexion approfondie et vitale autour des questions foncières. Le foncier mondial, européen, français sera l'une de clé de répartition des richesses mondiales.
Alors, il est temps de réagir pour le protéger, à l'image des espaces forestiers. Les politiques foncières ont besoin de stabilité et ne doivent pas subir l'alternance politique ! Elles doivent trouver toute leur place dans les Assises de l'agriculture.
Nous ne voulons plus de gestion des politiques publiques à la « petite semaine ». Nous devons leur fixer des objectifs qui guident notre action. Les outils et la technique doivent être au service de nos ambitions. C'est trop souvent le contraire !
Alors, oui à la simplification des démarches administratives, non à la « déstructuration » des politiques publiques ....
[OCM]
Ainsi, lorsque l'on nous parle de nouvelles Organisations communes de marché, d' « OCM unique », je m'interroge. Je ne voudrais pas que nous prenions des décisions de court terme que nous pourrions regretter.
Ce n'est pas par ce que les prix de matières agricoles sont hauts que les Etats-Unis ont supprimé leur Farm Bill !
Les OCM que l'on nous propose, sont une véritable « déstructuration » de nos marchés.
Simplification ne doit pas rimer avec suppression !
[Filières]
Mariann Fischer Boel propose une réforme incompréhensible qui libéraliserait dans le même temps les droits de plantation viticole et prônerait l'arrachage massif et définitif. C'est une véritable mesure anti jeunes !
On croit rêver, surtout lorsque l'on sait que l'avenir du vignoble français se joue sur les nouveaux marchés mondiaux.
En 2006 le vignoble européen a perdu 31 000 hectares dont 12 000 ha pour la France seule. Dans le « Nouveau monde » en revanche, il augmente depuis 2005, gagnant 26 000 ha en 2006.
Et pendant ce temps, la Commission propose d'arracher 200 000 ha en Europe. Cherchez l'erreur !
Concernant les fruits et légumes, il semblerait que la messe soit dite...et pas forcément à notre avantage... !La concurrence sauvage entre pays européens est sur le point de s'exacerber par la possibilité de mettre en place des Droits à Paiements Uniques !
A l'état membre bien entendu de trouver les fonds pour attribuer ces nouvelles dotations.
Quelle générosité !
La renationalisation des politiques publiques agricoles est en cours, c'est vrai pour les fruits et légumes. C'est également le cas pour la nouvelle PHAE.
La PHAE, c'est le symbole de l'Europe qui fait des exclus ! C'est le symbole de l'Europe des obligations sans les financements ! Et cela ne nous rassure pas au vu de l'état des finances du ministère de l'agriculture...
Quelle piètre image alors que nous voulons relancer le débat sur l'Europe !
Une chose est sûre, nous n'accepterons jamais que la priorité à l'installation dans l'attribution des droits à produire soit remise en cause !
C'est un combat sur lequel nous serons mordants.
[DPU, Bilan de santé de la PAC]
Diviser les producteurs entre eux pour mieux régner, si telle est la devise de la Commission, cela augure de rapports de force difficiles à l'aube du bilan de santé de la PAC.
Les DPU divisent déjà nos producteurs entre eux, car ils ne prennent pas toujours en compte la réalité des difficultés de certaines filières : les ovins en sont l'exemple même !
Alors nous les jeunes agriculteurs européens (le CEJA) et le COPA devons faire en sorte de ne pas tomber dans le piège de la division car la vraie échéance, c'est l'après 2013...
D'ici là, nous voulons que les engagements politiques pris soient respectés : à savoir un budget agricole européen stable jusqu'en 2013, un premier pilier préservé intact, des adaptations mineures de la réforme de la PAC que nous commençons à peine à tester en France.
En guise d'adaptation, il en est une qui nous semble incontournable, et d'autant plus qu'elle est partagée par les autres pays européens. Elle concerne les conditions d'application de la conditionnalité des aides.
[Conditionnalité des aides]
Nous ne la rejetons ni dans le principe, ni dans son contrôle. Mais, la présomption d'innocence n'existe-t-elle pas en matière de conditionnalité ? Les agriculteurs sont des professionnels, des passionnés par leur métier. La souplesse des points contrôlés s'impose car nous produisons du vivant...
Alors trouvons une solution ensemble pour que les contrôles sur la conditionnalité se passent avec humanité et objectivité.
Quant aux jeunes, ils doivent pouvoir bénéficier d'une sorte de période transitoire supplémentaire (une franchise « + ») afin de les aider à mettre aux normes l'exploitation qu'ils ont reprise. C'est une question d'équité.
Concernant les autres propositions de la Commission sur le bilan de santé, nous voyons défiler, impuissants, la suppression des outils de régulation de marchés (jachères, prix d'intervention en matière de céréales,...) sans aucune proposition en retour et cela nous inquiète.
Et notamment au regard des fluctuations de prix de plus en plus rapides et de plus en plus amples (je pense à la filière volaille, porc, veau de boucherie, à toutes les filières), pour les agriculteurs mais aussi pour les entreprises agro-alimentaires.
Alors, dans le secteur laitier, nous veillons avec attention à ne pas perdre nos quotas laitiers avant l'heure, si cela devenait incontournable.
[OCF]
En guise d'alternative, nous, les Jeunes agriculteurs proposons un nouveau schéma européen d'organisation des marchés agricoles : des organisations communes de filières (OCF) -encore un sigle ! -...OCF qui prônent la responsabilisation de tous les acteurs de la filière.
Ainsi que le développement de la recherche et de l'innovation, ce qui amènerait à un vrai positionnement commun au niveau européen, y compris sur les biotechnologies...
Les OCF permettent aussi :
la rationalisation de l'offre de production par des centrales de vente, la gestion des marchés par des contrats, des outils de retrait ou de mise sur le marché.
Car notre avenir, c'est de repenser les rapports entre les producteurs, les transformateurs, les distributeurs....pour vivre du prix de nos produits. Notre combat reste celui des prix rémunérateurs !
Les OCF sont notre garantie pour restaurer des rapports équitables avec les distributeurs, les transformateurs. Nos filières porcines, volaille, bovines subissent de plein fouet la mauvaise répartition de la valeur ajoutée ! Il faut que cela cesse.
D'autant que l'unique fois où nous avons tenté de faire le contrepoids, nous les producteurs avons été condamnés. Nous ne pourrons plus assumer d'autres amendes telles que celle relative à la viande bovine. Nous comptons sur le gouvernement nouvellement nommé pour assumer sa responsabilité engagée sur le sujet.
Nous ne voulons plus être condamnés pour avoir défendu un revenu de survie pour les producteurs.
C'est notre liberté syndicale que l'on a bafouée. Nous ne l'accepterons plus !
Avec les OCF, nos souhaitons reprendre notre avenir en main!
Et pour aller encore plus loin, nous ne pourrons plus faire l'impasse longtemps sur manque de courage politique et professionnel sur la mise en place d'une gestion des risques élargie (climat, chiffres d'affaires), qui soit fortement mutualisée (obligatoire par région et par production) qui nous exonère de tous reproches sur nos soutiens directs.
Nous n'avons plus le choix que de nous y intéresser !
Nos filières de productions doivent retrouver de la sérénité et de la stabilité pour les producteurs.
Et puis ce sera l'occasion d'imposer l'harmonisation européenne des normes sanitaires, phytosanitaires, environnementales et sociales, une harmonisation par le haut bien sûr car nous ne souhaitons pas « une Europe au rabais » !
Et en attendant, la TVA sociale doit nous permettre de restaurer la compétitivité de nos producteurs français en Europe et hors Europe en termes de coûts du travail notamment. Les Jeunes agriculteurs y avaient réfléchi dès 1998 !
La compétitivité ne doit pas être synonyme de prix toujours plus bas, alignés sur les moins disant. Elle doit plutôt nous conduire vers des prix rémunérateurs, en tenant compte des spécificités et des atouts de nos régions.
[Montagne-Vosges]
Les Vosges méritent aussi la compétitivité de leur outil de production. Au sens large, ce sont les zones de montagne, moteurs d'une économie dynamiques, qui méritent d'être accompagnées.
Nous attendons la revalorisation de l'ICHN promise à hauteur de 50% depuis 2003.
[FCO]
Et puisque l'on parle des Vosges, je n'oublie pas que vous êtes en plein périmètre de la fièvre catarrhale ovine. Plus largement, ce sont les éleveurs du Nord Est qui constituent le bouclier sanitaire de la France.
Démontrons que les valeurs fondatrices du syndicalisme (solidarité, mutualisme...) ne sont pas que des mots.
Je m'adresse à vous le gouvernement, à l'ensemble de la filière mais aussi aux producteurs par leurs organisations représentatives spécialisées et généralistes pour que soit mise en place une solidarité partagée entre les producteurs, les abatteurs transformateurs et l'état pour régler le différentiel de prix subi par cette zone en 2007.
Pour l'heure, nulle réponse, nul avis sur notre proposition. Nulle alternative non plus !
D'autant que les aides promises en 2006 ne sont toujours pas honorées, et les jeunes agriculteurs sont les premiers à en souffrir ! Nous attendons que de nouveaux critères soient proposés en la matière. Le travail en cours sur le sujet doit trouver une fin rapide.
Et ne nous cachons pas derrière la règle du « de minimis » pour refuser de répondre aux crises.
Bien sûr nous sommes satisfaits qu'un arrêté ait été publié pour répondre aux effets de la sécheresse par l'utilisation des surfaces en jachère pour l'alimentation animale dans 25 départements.
Mais il serait tendancieux de dire que nous avons résolu par là même les difficultés de cette zone !
Il ne faudrait pas que la détresse des éleveurs prenne le pas sur le pragmatisme que nous affichons parce que nous tous perdrions la légitimité que nous avons. Nous ferions le jeu de la démagogie et des extrêmes. REAGISSONS vite !
[Conclusion]
Vous rappeler une citation pour conclure que :
« Le CNJA est un lieu privilégié où la jeunesse agricole se forme et concrétise son enthousiasme dans l'action et les réalisations. C'est pour cela que le CNJA a été créé. C'est pour cela que le CNJA doit continuer. Sa limite d'âge, le renouvellement de ses responsables, y compris de son président, son esprit de remise en cause sont un aiguillon permanent ».
Ces propos des années 1970 n'ont pas pris une ride. Nous les revendiquons pleinement. Aujourd'hui nous nous considérons comme un GPS (encore un sigle) : la traduction en étant la génération qui propose des solutions...
Nous sommes des jeunes qui ne manquons pas de « bravitude » devant les combats et les épreuves ; nous l'avons prouvé à l'occasion des dernières élections aux chambres d'agriculture.
C'est par notre alliance JA-FNSEA que nous avons fait un score dépassant les 57% de suffrages en janvier dernier, avec un taux de participation de 66%.
C'était du 50/50 pendant la campagne, c'est du 50/50 dans la victoire ! Nous ne voulons pas être que de simples petits soldats.
A tous ceux qui aujourd'hui s'attaquent à notre légitimité par des procédures judiciaires (certaines sont officiellement lancées) ou par des moyens détournés, j'en conclue que ce sont des adversaires de la démocratie ou qu'ils se sentent « débordés » par la jeunesse car les résultats aux élections des chambres parlent pour nous.
Des corps intermédiaires forts, c'est le gage d'une démocratie vivante et d'un travail constructif : l'agriculture peut à ce titre rester exemplaire !
Notre indépendance, vis-à-vis des autres syndicats, des partis politiques, nous y tenons et nous la défendrons !
Vous l'aurez compris, Jeunes agriculteurs n'a d'autre choix que de rester fort, pour que devenir agriculteur soit encore un rêve possible, être agriculteur demain, soit encore un rêve accessible !
Monsieur le Ministre, je vous cède la parole.Source http://www.cnja.com, le 25 juin 2007