Déclaration de M. Alain Richard, ministre de la défense, sur la cession du patrimoine foncier de la défense en lien avec la professionnalisation de l'armée, Issy-les-Moulineaux le 16 février 1999.

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Circonstance : Signature d'un protocole entre le ministère de la défense et la municipalité d'Issy-les-Moulineaux le 16 février 1999

Texte intégral

Monsieur le Ministre,
Mesdames, Messieurs,
Laccord que le Ministère de la Défense passe aujourdhui avec Issy-les-Moulineaux est un accord ingénieux et mutuellement bénéfique.
En effet, vous connaissez tous les grandes lignes de cet accord, aux termes duquel le Ministère cède le fort ainsi quune bande de terrain située Quai des Chartreux à la municipalité, en échange dun immeuble de bureaux de 16 000 m² répondant aux normes les plus modernes, et situé à proximité immédiate des implantations militaires de Balard où travaillent la Direction Générale pour lArmement et lArmée de lAir. La municipalité est gagnante, puisquelle dispose dun site superbe pour réaliser ses projets ambitieux et aller de lavant. Cette opération nous permet de moderniser notre patrimoine et de le rationaliser, ce qui est le principe premier qui guide notre politique : le bien public et lintérêt général en sortent gagnants.

Si je parle daccord ingénieux et imaginatif, cest quil sagit dun échange, qui est une formule originale et inhabituelle, de cession du patrimoine de la Défense. Je souhaiterais dailleurs marrêter un instant sur ce point, parce que les Français sintéressent de plus en plus à cette question de la vente du patrimoine foncier du Ministère de la Défense, à loccasion des opérations les plus symboliques. Certains se demandent si lEtat ne brade pas le bien public ; dautres sinterrogent à linverse sur la charge que représentent ces cadeaux forcés pour les petites communes ; dautres enfin sinquiètent de lavenir de certains bâtiments qui appartiennent à nos lieux de mémoire.
Je voudrais les rassurer en donnant les trois règles dor de notre politique en matière de patrimoine, à un moment de forte évolution. Vous savez en effet quelles mutations de grande envergure connaît actuellement larmée, avec la professionnalisation et lensemble des réorganisations consécutives à notre nouvelle situation géopolitique. Cette nouvelle situation nous amène logiquement à nous séparer dune partie de lemprise foncière autrefois nécessaire à la Défense du territoire. En 1998, nous avons ainsi négocié 172 cessions, soit une valeur potentielle de 332 Millions de Francs. Je précise que, hormis les nombreux changements daffectation, en particulier au profit dautres ministères, il sagit dans la plupart des cas de terrains et de bâtiments sans grand intérêt historique et situés dans des petites et moyennes communes de la France rurale.

1.La première règle qui nous guide dans ces cas est daider la municipalité à penser la reconversion des lieux, car il est rare que de petites ou moyennes communes disposent des ressources de conception et daménagement nécessaires pour gérer. Il y a donc un vrai partenariat qui sétablit.
2.La seconde règle est que ce partenariat fonctionne également pour fixer le prix de la vente (ce sont des communes qui achètent dans 70 % des cas) ; notre principe est de partir du bilan projeté de lopération de reconversion, et de trouver ensuite un juste prix entre lEtat et la commune, qui laisse celle-ci respirer financièrement sans pour autant brader les avoirs de notre Ministère. En tout état de cause, les prix sont toujours agréés par les services fiscaux.
3.La troisième et dernière règle est le souci de la dimension historique et artistique, même sil arrive que les biens cédés présentent un intérêt majeur de ce point de vue cest le cas de 3% des dossiers seulement. Certains sont officiellement protégés, voire classés monuments historiques. Pour les autres, nous sommes attentifs à ce que le patrimoine architectural ou naturel et la mémoire des lieux soient préservés par la reconversion projetée.

Cette politique générale place laccord que nous signons aujourdhui dans une situation dexception parce quil ne sagit pas dune municipalité sans projet davenir, parce quil sagit dun bâtiment intéressant, et enfin parce quil ny a pas dopération de vente mais un mécanisme déchange ingénieux.
Cette démarche me semble si intéressante que je souhaiterais pouvoir la reproduire ailleurs.
Nous avons par exemple des anciens forts qui peuvent être des éléments de patrimoine valorisables par les communes. Ils peuvent nous permettre de répondre à un problème dadaptation croissante dune partie de nos anciens locaux qui sont parfois valables historiquement et plus ou moins fonctionnels. Ils peuvent aussi servir aux employeurs qui ont une grande partie de leur personnel en province : les règles dégalité dans la fonction publique donnent à un grade donné la même rémunération. Nous rencontrons ainsi des difficultés de logement de notre personnel, notamment pour les moins gradés. Il y a une possibilité de réaliser des échanges avec des communes de la proche périphérie en matière de logements, ce qui serait pour le ministère une réelle avancée de la résolution dun difficile problème.
Je voudrais achever mon propos par quelques considérations locales, sur les conditions de notre accord.
Dabord, jai confiance en la municipalité pour garder lesprit des lieux, pour faire perdurer ces mystères et ces charmes du fort quévoquait tout à lheure M. Santini, député-maire dIssy-les-Moulineaux, et ce, même dans une « villa Médicis » des technologies de linformation. Je suis bien sûr prêt à faciliter la visite du fort à tous les élus qui le souhaiteraient.
Après tout, la collaboration entre Issy-les-Moulineaux et le ministère de la Défense ne date pas dhier. Avec ce protocole, nous écrivons une nouvelle page dhistoire après quelques grandes étapes : lédification de ce fort sous le régime de Louis-Philippe ; la création dun terrain de manuvres en 1890 transférant lentraînement de larmée de terre du Champ de Mars à Issy ; ou encore la vocation aéronautique de votre commune, qui a accompagné les débuts de laviation illustrés par les grands pionniers que sont Bleriot, Farman ou Guynemer. Enfin, les chars AMX ne doivent-ils pas leurs noms aux initiales des « Ateliers des Moulineaux », et la ville nest-elle pas la marraine de lescadron dhélicoptères Parisis stationné à Villacoublay ?
En période de professionnalisation, certains liens humains à travers la construction entre notre communauté et lensemble de nos concitoyens, doivent être gardés. Toutes les initiatives que peut créer cette relation entre collectivités locales et ministère de la Défense, sont les bienvenues. Cette collaboration continue donc pour le meilleur et se poursuivra encore à lavenir : le souhait de la Défense est en effet de conserver une présence importante sur le territoire de la commune. Le nouvel immeuble de bureaux qui lui sera cédé sera en effet implanté sur son territoire. Je tiens donc là à rassurer le personnel et le maire dIssy-les-Moulineaux.
Par ailleurs, le plan de réimplantation à Issy-les-Moulineaux des services de la Délégation Générale pour lArmement, qui nest pas encore arrêté, devra impérativement sattacher à éviter toute perturbation majeure dans la vie quotidienne des personnels.
Le protocole pose également, au profit des personnels du ministère de la Défense, le principe dune réservation de logements sociaux dans les programmes envisagés par la ville. Ce simple élément illustre parfaitement que non seulement le ministère de la Défense entend continuer à travailler à Issy-les-Moulineaux, mais que ses agents apprécient la qualité de vie des Isséens et souhaitent la partager en sy installant.
Enfin, si le protocole que nous allons signer exprime clairement nos intentions réciproques, sa concrétisation nécessitera encore beaucoup de travail. Sachez à cet égard que mes services et moi-même veillerons à ce que toutes les chances accompagnent sa mise en uvre, parce que cet accord est un bon accord, réalisé dans le seul souci de lintérêt général et du bien public.
Je vous remercie.
(Source http://www.defense.gouv.fr, le 3 mars 1999)