Texte intégral
En tant que secrétaire d'État en charge des entreprises et du commerce extérieur, il me revient de vous commenter les chiffres du commerce extérieur et notamment ceux du premier semestre de l'année qui sont publiés habituellement début août. J'ai décidé, de rompre avec la présentation traditionnelle et simple de ces résultats afin de leur donner un nouvel éclairage qui mette en lumière les défis que ces chiffres révèlent et les moyens que je souhaite mettre en place pour y répondre.
Voilà en effet 25 ans que nous commentons régulièrement et très précisément les résultats de notre commerce extérieur, mensuellement, semestriellement, annuellement, comme si notre monnaie en dépendait encore, comme si la réalité des relations internationales était encore celle des années 80, comme si nos entreprises vivaient toujours leur relation au monde à travers leurs seules exportation et importation.
Il suffit pourtant d'énoncer ces quelques faits pour se convaincre que nous commentons un indicateur qui, sans être, pour autant, dénué d'intérêt, n'apporte aujourd'hui qu'une information partielle sur la compétitivité de nos entreprises et de l'économie française. Dans cette équation, il faut également compter nos services, les investissements directs à l'étranger et l'activité de nos implantations françaises.
Or, c'est pourtant bien la mission que nous a confiée, à Christine Lagarde et moi-même, le Président de la République, que de proposer une politique d'amélioration de la compétitivité de nos entreprises dans une économie très largement mondialisée.
Comment nier, tout d'abord que le chiffre du commerce extérieur avait il y a encore quelques années une signification fondamentale, car de sa dégradation répétée dépendait la valeur de notre propre monnaie. Le passage à l'Euro est passé par là, réduisant à peu de chose la fameuse « contrainte extérieure » qui focalisait alors toutes les attentions.
Deuxième élément, l'entrée dans l'ère de l'énergie chère fait apparaître ici une tout autre contrainte : notre facture énergétique a quintuplé depuis 1998 pour tutoyer désormais les 50 Mdeuros. A l'avenir, elle ne se devrait plus se replier que modestement, pesant ainsi durablement sur notre balance commerciale. L'émergence de cette contrainte énergétique masque les réalités structurelles de la compétitivité de notre économie.
Troisième élément, l'émergence de pays continents comme la Chine, absent des hit parades de l'exportation il y a peu de temps, et qui est aujourd'hui, le 3ème exportateur mondial : la Chine devrait même, selon toute probabilité, être le premier d'ici 2 à 3 ans au plus tard, comprimant mécaniquement les parts de marché des pays industrialisés !
Difficile dans ces conditions de comparer à 25 ans de distance, mais même à 10 ans, un niveau de déficit ou une part de marché.
Je souhaite donc, en vous livrant aujourd'hui les chiffres du commerce extérieur, sans en relativiser l'importance, leur octroyer une autre dimension ;
Celle d'analyser à travers eux les forces et les faiblesses structurelles de notre économie et de dégager des lignes d'action à moyen terme.
PARTIE 1
Nos exportations continuent une progression désormais ininterrompue depuis 4 ans, certes ralentie, ce qui reflète le ralentissement du commerce mondial, mais qui n'est pas enrayée.
Nos exportations atteignent au premier semestre le niveau record de 199 milliards d'Euros.
Leur progression se renforce au premier semestre 2007 (+1,3 %) par rapport au semestre précédent (+ 1,0 %).
La progression de nos importations n'est pas beaucoup plus rapide (+2 %)
Ces évolutions peuvent être mises en perspective avec celles du commerce mondial. Celui-ci avait connu une année 2006 très dynamique, avec une croissance en volume de près de 10 %, qui pourrait s'inscrire environ 3 points plus bas en 2007.
La croissance de nos échanges pour l'ensemble de l'année 2007 marquera donc très vraisemblablement un ralentissement par rapport à celle de 2006.
Au total, notre déficit commercial évolue peu. A 15 Mdseuros au premier semestre de 2007, il se creuse légèrement par rapport au second semestre de 2006 (14 Mdseuros).
Au cours des dernières années on observe que la dégradation de notre solde s'est surtout effectuée entre la mi-2004 et la fin 2005. Depuis cette date, le solde a peu varié. Si l'appréciation de l'euro a pesé, parmi d'autres facteurs, sur notre commerce extérieur depuis 2002, l'alourdissement récent de notre facture énergétique a également joué un rôle majeur dans la dégradation du solde. C'est désormais une contrainte structurelle sur nos échanges.Or, si je peux espérer que les cours internationaux du pétrole vont diminuer, ce n'est pas vraiment la donnée économique sur laquelle j'ai le plus de prise !
Notre déficit hors énergie révèle le poids d'autres facteurs structurels
En revanche, je constate également que cette contrainte énergétique, tout comme l'euro, ne suffit pas à expliquer à elle seule ce déficit, comme l'atteste le solde négatif ce semestre, de notre balance hors énergie (- 2,6 Mdseuros), qui semble exclusivement liée à celle du secteur manufacturier puisque, par ailleurs, notre excédent agroalimentaire s'est s'accru.
Analysons donc ces résultats du commerce extérieur avec un autre regard.
- en nous attardant moins sur l'analyse des flux et des soldes
- en nous penchant davantage sur l'analyse des facettes de l'internationalisation de
« l'entreprise France » et donc de notre compétitivité par rapport à nos concurrents
- au premier rang desquels je choisis l'Allemagne, qui constitue à mes yeux LA référence à
laquelle nous devons nous comparer, tant ses résultats font figure d'exemple dans bien des
domaines, et tant, aussi, nos relations sont étroites, puisque nous sommes les 1ers
partenaires commerciaux l'un de l'autre.
Je ne vous ai donc parlé jusqu'à présent que du commerce de biens et encore sur la période récente. Me limiter au commerce de biens pour aborder notre relation avec le reste du monde reviendrait pour moi à prendre le sujet par le petit bout de la lorgnette.
- La France est le 4ème exportateur mondial de services, notamment par son positionnement sur des secteurs porteurs tels que le tourisme et les transports. Ce pan denotre activité affiche un excédent, de 8 Mds EUR, qui toutefois a tendance à se réduire. Ce qui confère à cet indicateur, dans un contexte de déficit commercial, une réelle importance.
- Nos entreprises ont aussi su prendre part à la mondialisation.
Les échanges avec l'extérieur peuvent par exemple prendre la forme d'investissements à l'étranger (prises de participation, reprises ou créations de filiales ...). Dans ces investissements, nos grands groupes sont des acteurs majeurs dans le monde. Or, la problématique de l'investissement international recoupe en partie celle de l'exportation : la conquête des marchés à l'étranger se fait sous la forme d'exportations à partir du territoire français mais aussi sous forme d'implantations directes à l'étranger pour se rapprocher des clients.
En la matière, nos entreprises sont particulièrement offensives : elles ont investi pour 92 Mdseuros hors de nos frontières en 2006, soit guère moins qu'en 2005 (97 Mds) où la France avait constitué le 2ème plus grand investisseur mondial. D'après l'OCDE, nous serions toujours le 2ème investisseur de la zone OCDE en 2006. Les entreprises françaises comptent près de 30 000 filiales à travers le monde (en 2004) qui emploient environ 5,5 millions de personnes et génèrent un chiffre d'affaires représentant (chaque année) une fois et demi le montant des exportations totales de la France.
Enfin, la France attire toujours autant d'investissements étrangers, donnant tout son sens à la politique d'attractivité de notre territoire.
La France occupe, selon les données de l'OCDE publiées en juin, la 3ème place (hors Luxembourg) juste derrière les Etats-Unis et le Royaume-Uni. 65 Mdseuros se sont en effet investis en France en 2006 (comme en 2005). Il s'agit de niveaux inégalés en France jusqu'à présent.
Ces IDE jouent un rôle fondamental dans notre économie et contribuent tout autantà notre compétitivité internationale lorsqu'on sait que :
- les IDE auraient permis de créer ou de maintenir environ 40 000 emplois en France l'an passé, soit 37 % de plus qu'en 2005.
- au total, un emploi sur trois dans l'industrie manufacturière provient d'entreprises à capitauxétrangers
- la contribution des entreprises à capitaux étrangers en termes de dépenses de R&D privée en France est fondamentale.
Pour en revenir à l'examen des tendances de notre commerce extérieur, c'est l'évolution de nos parts de marché mondial que je retiendrai. Alors que celles de la Chine progressent vivement, les nôtres sont en baisse comme celles de tous nos grands partenaires ... sauf l'Allemagne.
Une chose est frappante, la part de marché de tous les pays développés baisse, en particulier sur la période récente : ceci est dû à la montée en puissance dans le commerce international d'un certain nombre d'acteurs majeurs dans le monde émergent, au premier rang desquels figure la Chine. Les exportations de la Chine devraient ainsi bientôt dépasser celles des Etats-Unis alors qu'elles étaient dix fois plus faibles au début des années 1980.
C'est donc cela notre défi.... et l'examen de l'impact que peuvent avoir des mesures gouvernementales sur l'orientation de nos échanges prouve que ce défi peut être relevé.
Nos exportations sont aujourd'hui dynamiques sur les zones en forte croissance.
L'Union européenne, et plus spécialement l'UE 15, constitue traditionnellement toujours un débouché majeur pour nos exportations : les deux tiers de nos exportations vont vers cette zone (61 % pour l'UE 15). Mais cette part a tendance à diminuer (+ 0,6 % au premier semestre de 2007, contre + 1,9 % au second semestre de 2006) pour connaître une autre orientation.
Elle a ainsi été tirée par les nouveaux Etats membres de l'Union européenne (+4,5 %).
Le dynamisme de nos ventes vers ces pays ne se dément pas depuis plusieurs années, même s'il nous faut en cela rattraper un certain retard par rapport à l'Allemagne.
Vers les pays industrialisés non européens, nos exportations ont été tirées vers le bas (-5,1 %) par les Etats-Unis (-8,4 %) alors qu'elles ont connu globalement une orientation favorable sur cette zone.
Hors Europe, nos exportations ont été particulièrement dynamiques à destination de certaines grandes zones émergentes, notamment en Asie (+3,1 %), telles que définies, au travers du plan Cap Export.
La politique d'appui à la réorientation de nos ventes vers les pays émergents, menée par mes prédécesseurs depuis 5 ans, porte donc bien ses fruits : la part des grandsémergents dans le total de nos exportations augmente sensiblement depuis le début des années 2000.
C'est particulièrement vrai sur l'Inde, la Chine et la Russie, qui font partie de nos 5 « payspilotes». Sur ces zones, nous montrons d'ailleurs une performance supérieure à notre voisin allemand.
Vous comprendrez que je dois en retenir la conclusion suivante : c'est bien notre compétiteur allemand qu'il nous faut challenger. Au-delà des comparaisons de nos performances à laquelle je viens de me livrer, je souhaite en analyser un certain nombre de facteurs explicatifs structurels, qui fonderont l'action que je souhaite mener.
PARTIE 2
Force est de constater que la France manque d'entreprises de taille moyenne, ce qui pénalise l'internationalisation de notre tissu industriel.
Nous nous inscrivons à cet égard dans une configuration un peu moins favorable que celle de l'Allemagne.
Par rapport à l'Allemagne et pour se limiter au secteur industriel (agro-alimentaire et manufacturier), qui est celui le plus naturellement tourné vers l'international, notre tissu industriel apparaît plus concentré sur les petites entreprises.
Ainsi, 82 % de nos entreprises industrielles ont moins de 10 salariés (76,5 % en Allemagne). En revanche, nos entreprises de plus de 50 salariés représentent 4,3 % du total des entreprises industrielles, contre 6,7 % en Allemagne. L'Allemagne est également mieux « dotée » en entreprises de 10 à 50 salariés.
L'Allemagne dispose de deux fois plus d'entreprises moyennes que la France.
C'est une vérité d'évidence mais on ne le répétera jamais assez : les chiffres montrent bien que plus les entreprises sont grandes, plus elles exportent.
En effet, plus une entreprise est grande et plus le taux d'exportation - c'est-à-dire le nombre d'entreprises de cette classe de taille qui exportent sur le nombre total d'entreprises de cette classe de taille - est important. Par exemple, pour les entreprises de moins de 10 salariés, ce taux ne dépasse pas 5 % alors qu'il est de près de 60 % pour les entreprises de 250 à 500 salariés.
Or, notre appareil exportateur est, à l'image de notre tissu productif en général, extrêmement concentré sur les petites entreprises. Les entreprises de plus de 250 salariés, qui ont pourtant la propension à exporter la plus forte, sont extrêmement minoritaires.
Ces questions de taille sont importantes pour l'exportation. Par exemple, il a pu être établi que, pour pouvoir exporter dans de bonnes conditions, certains seuils semblent significatifs : les seuils de 10 ou 20 salariés sont importants pour pouvoir exporter dans de bonnes conditions (où que ce soit) et celui d'une centaine de salariés ressort bien pour pouvoir exporter vers des pays lointains - notamment les zones émergentes porteuses
Si on considère les seules PME indépendantes, le déséquilibre est prononcé : si celles-ci représentent les trois quarts de la population d'entreprises exportatrices, elles ne génèrent que 16 % du chiffre d'affaires total à l'exportation.
Regardons dans ce domaine notre étalon allemand : non seulement la taille des entreprises est plus importante outre-Rhin, mais les PME allemandes exportent plus
Si on se compare avec l'Allemagne, le nombre d'entreprises exportatrices représente dans ce pays près du double du chiffre français. Au total, un peu plus de 6 % de l'ensemble des entreprises françaises exportent, contre 11 % en Allemagne. En termes d'évolution du nombre total d'exportateurs, les tendances sont divergentes : entre 2000 et 2004, le nombre d'exportateurs allemands aurait augmenté de 10 % alors que l'on aurait eu en France une baisse de 4 %.
Les entreprises allemandes ont globalement, quelle que soit la tranche d'effectifs, une propension à exporter largement supérieure à la nôtre.
La différence de propension à exporter entre les entreprises de faible taille et les plus grandes semble sensiblement moins marquée qu'en France. La bipolarisation entre grandes entreprises fortement exportatrices d'un côté et petites entreprises peu exportatrices de l'autre est ainsi moins marquée en Allemagne qu'en France puisque la propension à exporter des entreprises de plus de 500 salariés est 2 fois plus forte que celle des moins de 20 salariés en Allemagne alors qu'elle est 4 fois plus forte en France.
L'examen de la structure par taille d'entreprises de nos échanges révèle bien où se situe notre faiblesse : notre déficit est lié à un nombre plus faible de PME, par ailleurs globalement moins exportatrices, quelle que soit leur taille.
Je constate aussi qu'innovation et exportation sont liées : les PME innovantes sont celles qui exportent le plus.
La taille n'est pas le seul critère important pour l'internationalisation et la capacité à exporter d'une entreprise. L'innovation est également un critère fondamental : si une entreprise est innovante, sa capacité à exporter est plus grande.
Il est donc fondamental pour améliorer nos performances à l'international de renforcer le caractère innovant de nos entreprises. Produire plus de biens innovants ou plus de produits à fort contenu technologique renforcera nos entreprises à l'international et nous mettra davantage à l'abri de la concurrence exercée sur les autres segments de biens par les pays émergents.
D'où un besoin de faire progresser la R&D pour répondre à notre déficit de présence international.
Les dépenses consacrées à la R&D rapportées au PIB mesurent l'intensité de la R&D. En France, les dépenses de R&D s'élevaient en 2004 à près de 36 Mdseuros, soit 2,14 % du PIB.
L'effort de R&D de la France demeure insuffisant, il est notamment inférieur à celui de l'Allemagne (2,5 %). Il est également inférieur à l'objectif de 3 % fixé par l'UE dans le cadre de l'agenda de Lisbonne vers lequel nous devons converger. La France se compare toutefois favorablement aux autres pays européens (moyenne des pays de l'UE 15 : 1,9 %, Royaume-Uni : 1,7 % et Italie : 1,1 %).
Cependant, les dépenses publiques de recherche sont en France parmi les plus importantes du monde en part du PIB (la part des dépenses publiques dans la dépense nationale y est de 48 % contre 40 % pour l'Allemagne, 32 % pour les Etats-Unis et 28 % pour le Japon). L'effort de R&D de nos entreprises est clairement insuffisant, notamment en comparaison de l'Allemagne ou des Etats-Unis. A ce titre, la forte propension à innover des entreprises étrangères implantées sur notre territoire incite à leur accorder toute l'attention qu'elles méritent dans notre stratégie d'ensemble.
En France, les efforts de R&D sont très concentrés et concernent une faible part des PME :
- 50 % de l''effort de R&D est réalisé par 13 entreprises (Thales, Renault, PSA, EADS, Sanofi, France Telecom, Michelin, etc.). Il concerne plus particulièrement 4 secteurs : l'automobile, la pharmacie, les composants électroniques et le secteur aéronautique et spatial.
- Les PME représentent 72 % du nombre d''entreprises innovantes mais seulement 16% de l''effort national de R&D, part qui tombe à 12 % pour les PME indépendantes.
- Il est toutefois intéressant de constater que la politique des pôles de compétitivité a un effet fortement mobilisateur pour les PME. Elles représentent (projets 2005 et 2006) 31% du nombre de projets acceptés et 28% des aides accordées aux entreprises (hors aides aux laboratoires).
La performance de la France se mesure aussi par sa performance
Comme les autres pays de la zone euro, nous avons dû faire face à la modération salarialeà l'oeuvre en Allemagne depuis un peu plus de 10 ans. De plus, les gains de productivité en Allemagne ont été relativement forts sur la période récente. Au total, notre compétitivité coût s'est dégradée.
Nos entreprises ont donc dû comprimer fortement leurs marges afin de réduire ou maintenir leurs prix et compenser ainsi les pertes de compétitivité coût. Inversement, dans le même temps, les entreprises allemandes ont pu accroître leur marge en ne répercutant pas la totalité de la modération salariale sur les prix à l'exportation.
Au total, notre compétitivité-prix s'est relativement bien maintenue, mais au détriment des marges.
Notre spécialisation sectorielle est comparable à celle de l'Allemagne.
D'un point de vue sectoriel, la France présente quelques secteurs où notre spécialisation est assez bien reconnue : c'est le cas notamment de l'aéronautique, de l'agroalimentaire, du secteur automobile, de la chimie/pharmacie ... secteurs où nous avons d'ailleurs une position forte sur le marché allemand, en dépit du fait qu'il s'agit de secteurs où l'Allemagne elle-même est également bien spécialisée.
De plus, nous présentons de manière plus globale une spécialisation relativementéquilibrée dans la mesure où nous exportons dans tous les secteurs, comme l'Allemagne.
L'Italie parait en revanche plus éloignée de nous par sa spécialisation sectorielle, très marquée par le textile-habillement mais également par la mécanique (machines et moteurs). Il est clair que notre plus faible spécialisation dans ce dernier secteur (par rapport à l'Allemagne ou l'Italie) nous rend moins sensible à la forte croissance de la demande des pays émergents pour les biens d'équipement.
En résumé et contrairement à une idée reçue, la France est le pays européen qui apparaît le plus proche sectoriellement de l'Allemagne. Imputer à des facteurs de spécialisation sectorielle nos résultats plus mitigés que ceux de l'Allemagne en matière d'exportation nous paraît donc abusif.
Mais, il convient de poursuivre la réorientation de nos exportations.
Nous l'avons vu à propos des pays pilotes, la réorientation des exportations de la France vers les zones les plus porteuses est en marche.
Il faut toutefois que cette dynamique se poursuive, s'intensifie même, afin de combler le retard qui subsiste vis-à-vis de certains de nos partenaires commerciaux. Car rattraper ce retard nous permettrait de muscler durablement nos exportations, ces zones étant particulièrement porteuses. Des efforts doivent donc être faits pour encourager nos entreprises à approfondir leurs efforts vers ces zones.
Si nous sommes un peu mieux placés que l'Italie pour profiter du dynamisme de l'Asie émergente, nous sommes encore moins bien placés que l'Allemagne. Notre part de marché en Chine et en Inde est respectivement de 1,4 % et de 1,8 %. C'est un petit peu plus que pour l'Italie (1,1 % et 1,6 %) mais nettement moins que pour l'Allemagne (4,8 % et 4,7 %).
Le relatif retard français est particulièrement net sur les nouveaux Etats membres (NEM) de l'Union européenne et les pays de la CEI, principalement la Russie et l'Ukraine où notre retard est important. Si je reprends un critère de part de marché, la France se situe à 4,2 % en Russie, soit nettement en dessous de l'Allemagne (16,6 %). L'écart est encore plus marqué pour un pays comme la Pologne : 5,4 % pour la France contre 29 % pour l'Allemagne. Sur ces deux pays, l'Italie est également, mais dans une bien moindre mesure que l'Allemagne, devant nous.
PARTIE 3
Mon ambition internationale et toute la cohérence de mon action reposent donc sur l'amélioration de l'environnement de nos entreprises pour accroître leur compétitivité et donc nos parts de marché.
Un vent de Force 5 sur l'économie
Je souhaite donner de l'oxygène à notre tissu d'entreprises, qu'elles soient petites, moyennes ou grandes. Je proposerai un Pacte appelé « Force 5 » car j'ai décliné 5 priorités pour nos entreprises :
1/ Simplifier leur environnement,
2/ Soutenir leur innovation,
3/ Baisser leur fiscalité,
4/ Favoriser le financement des entreprises de taille moyenne et faire grossir les PME,
5/ Relancer leurs exportations.
Mon action sera donc concentrée vers la réalisation de ces 5 objectifs. Ils visent tous le même but : favoriser le développement de nos entreprises, en particulier les PME. Ces actions sont à la fois « domestiques » et orientées vers l'extérieur.
Sans viser à l'exhaustivité, je vous livre un certain nombre d'éléments relatifs à ces priorités :
- En matière de simplification, j'ai mis en place un groupe d'experts qui me rendra des propositions au 30 septembre 2007.
- En matière d'innovation, réforme du crédit impôt recherche, politique en faveur de la propriété industrielle et orientations des actions des agences en charge de l'innovation viseront la croissance des entreprises moyennes.
- Dans le domaine de la fiscalité, nous nous inscrirons dans la révision générale de la fiscalité voulue par le Président de la république, partant du constat de l'écart de notre fiscalité par rapport à la moyenne européenne.
- Nos réflexions en matière de financement viseront à répondre au besoin d'investisseurs providentiels, insuffisants en France, et à la nécessaire efficience des outils de financement existants.
Les pistes pour renforcer nos parts de marché
De manière plus spécifique, des mesures ciblées pour le renforcement de notre force exportatrice doivent être mises en oeuvre.
Nous allons :
Améliorer en le simplifiant l'environnement des entreprises
- Un important chantier en cours vise à simplifier les procédures administrativesà l'exportation (dématérialisation).
Amener les entreprises à exporter de façon durable
- mieux accompagner nos PME à l'exportation au travers d'Ubifrance, orienter nos entreprises vers les marchés les plus porteurs et renforcer une dynamique de groupe et de partenariat entre elles (« Cap Export »). Une évaluation de ces mesures sera faite et de nouvelles orientations proposées, sur la base d'un dialogue avec les entreprises et, notamment, tous les partenaires du commerce extérieur.
- renforcer les liens d'Ubifrance avec les réseaux de proximité des entreprises et les partenaires du commerce extérieur, car seule une approche de terrain permet de lever les réticences à l'international en offrant un soutien réellement adapté.
- multiplier par 2 en deux ans le nombre de Volontaires Internationaux en Entreprises (5 000 en 2007) : c'est un objectif ambitieux, mais l'enjeu que le volontariat constitue en termes d'emploi, d'internationalisation de nos entreprises et de préparation des jeunes aux défis de l'international, justifie si besoin en était cette priorité.
Soutenir l'innovation à l'international
- Nous continuerons d'accompagner le développement international des pôles de compétitivité comme nous l'avons fait, en aidant les pôles ayant vocation à l'êtreà affiner et mettre en oeuvre leur stratégie internationale.
- Nous veillerons à développer la dimension européenne des dispositifs de soutie à l'innovation (agences)
Offrir aux PME et aux banques des outils adaptés de financement à l'exportation
- Nous allons mener une nouvelle étape de modernisation des procédures publiques de la Coface, en particulier l'assurance prospection afin que plus d'entreprises moyennes y aient recours.
Des indicateurs de performance vont être mis en place.
Pour suivre les résultats de cette action, et nourrir nos échanges futurs, je vous propose de mettre en place progressivement des indicateurs, fortement inspirés des décalages de performances constatés dans certains domaines avec l'Allemagne.
Ils permettront de mesurer régulièrement :
- La compétitivité-coût de nos entreprises
- Le nombre de nos entreprises exportatrices
- La part de marché de la France comparée à l'Allemagne
- La dépense de R et D de nos entreprises
- L'évolution de nos zones d'exportation.
Vous l'avez compris, en tant que secrétaire d'État chargé des entreprises et du commerce extérieur, auprès du ministre de l'Économie, des finances et de l'emploi, je souhaite refonder le regard que nous portons sur le chiffre de notre commerce extérieur et proposer une politique en faveur de notre compétitivité. Des indicateurs permettront d'apprécier le degré d'internationalisation de nos entreprises et de notre économie, dont je viens de démontrer la diversité croissante. C'est la seule manière d'entrer de plain pied dans l'économie mondialisée de demain.
Je vous donne donc rendez vous dans les prochains mois pour suivre avec moi les progrès que nous saurons enregistrer sur la structure de nos exportations.
Source http://www.minefi.gouv.fr, le 9 août 2007
Voilà en effet 25 ans que nous commentons régulièrement et très précisément les résultats de notre commerce extérieur, mensuellement, semestriellement, annuellement, comme si notre monnaie en dépendait encore, comme si la réalité des relations internationales était encore celle des années 80, comme si nos entreprises vivaient toujours leur relation au monde à travers leurs seules exportation et importation.
Il suffit pourtant d'énoncer ces quelques faits pour se convaincre que nous commentons un indicateur qui, sans être, pour autant, dénué d'intérêt, n'apporte aujourd'hui qu'une information partielle sur la compétitivité de nos entreprises et de l'économie française. Dans cette équation, il faut également compter nos services, les investissements directs à l'étranger et l'activité de nos implantations françaises.
Or, c'est pourtant bien la mission que nous a confiée, à Christine Lagarde et moi-même, le Président de la République, que de proposer une politique d'amélioration de la compétitivité de nos entreprises dans une économie très largement mondialisée.
Comment nier, tout d'abord que le chiffre du commerce extérieur avait il y a encore quelques années une signification fondamentale, car de sa dégradation répétée dépendait la valeur de notre propre monnaie. Le passage à l'Euro est passé par là, réduisant à peu de chose la fameuse « contrainte extérieure » qui focalisait alors toutes les attentions.
Deuxième élément, l'entrée dans l'ère de l'énergie chère fait apparaître ici une tout autre contrainte : notre facture énergétique a quintuplé depuis 1998 pour tutoyer désormais les 50 Mdeuros. A l'avenir, elle ne se devrait plus se replier que modestement, pesant ainsi durablement sur notre balance commerciale. L'émergence de cette contrainte énergétique masque les réalités structurelles de la compétitivité de notre économie.
Troisième élément, l'émergence de pays continents comme la Chine, absent des hit parades de l'exportation il y a peu de temps, et qui est aujourd'hui, le 3ème exportateur mondial : la Chine devrait même, selon toute probabilité, être le premier d'ici 2 à 3 ans au plus tard, comprimant mécaniquement les parts de marché des pays industrialisés !
Difficile dans ces conditions de comparer à 25 ans de distance, mais même à 10 ans, un niveau de déficit ou une part de marché.
Je souhaite donc, en vous livrant aujourd'hui les chiffres du commerce extérieur, sans en relativiser l'importance, leur octroyer une autre dimension ;
Celle d'analyser à travers eux les forces et les faiblesses structurelles de notre économie et de dégager des lignes d'action à moyen terme.
PARTIE 1
Nos exportations continuent une progression désormais ininterrompue depuis 4 ans, certes ralentie, ce qui reflète le ralentissement du commerce mondial, mais qui n'est pas enrayée.
Nos exportations atteignent au premier semestre le niveau record de 199 milliards d'Euros.
Leur progression se renforce au premier semestre 2007 (+1,3 %) par rapport au semestre précédent (+ 1,0 %).
La progression de nos importations n'est pas beaucoup plus rapide (+2 %)
Ces évolutions peuvent être mises en perspective avec celles du commerce mondial. Celui-ci avait connu une année 2006 très dynamique, avec une croissance en volume de près de 10 %, qui pourrait s'inscrire environ 3 points plus bas en 2007.
La croissance de nos échanges pour l'ensemble de l'année 2007 marquera donc très vraisemblablement un ralentissement par rapport à celle de 2006.
Au total, notre déficit commercial évolue peu. A 15 Mdseuros au premier semestre de 2007, il se creuse légèrement par rapport au second semestre de 2006 (14 Mdseuros).
Au cours des dernières années on observe que la dégradation de notre solde s'est surtout effectuée entre la mi-2004 et la fin 2005. Depuis cette date, le solde a peu varié. Si l'appréciation de l'euro a pesé, parmi d'autres facteurs, sur notre commerce extérieur depuis 2002, l'alourdissement récent de notre facture énergétique a également joué un rôle majeur dans la dégradation du solde. C'est désormais une contrainte structurelle sur nos échanges.Or, si je peux espérer que les cours internationaux du pétrole vont diminuer, ce n'est pas vraiment la donnée économique sur laquelle j'ai le plus de prise !
Notre déficit hors énergie révèle le poids d'autres facteurs structurels
En revanche, je constate également que cette contrainte énergétique, tout comme l'euro, ne suffit pas à expliquer à elle seule ce déficit, comme l'atteste le solde négatif ce semestre, de notre balance hors énergie (- 2,6 Mdseuros), qui semble exclusivement liée à celle du secteur manufacturier puisque, par ailleurs, notre excédent agroalimentaire s'est s'accru.
Analysons donc ces résultats du commerce extérieur avec un autre regard.
- en nous attardant moins sur l'analyse des flux et des soldes
- en nous penchant davantage sur l'analyse des facettes de l'internationalisation de
« l'entreprise France » et donc de notre compétitivité par rapport à nos concurrents
- au premier rang desquels je choisis l'Allemagne, qui constitue à mes yeux LA référence à
laquelle nous devons nous comparer, tant ses résultats font figure d'exemple dans bien des
domaines, et tant, aussi, nos relations sont étroites, puisque nous sommes les 1ers
partenaires commerciaux l'un de l'autre.
Je ne vous ai donc parlé jusqu'à présent que du commerce de biens et encore sur la période récente. Me limiter au commerce de biens pour aborder notre relation avec le reste du monde reviendrait pour moi à prendre le sujet par le petit bout de la lorgnette.
- La France est le 4ème exportateur mondial de services, notamment par son positionnement sur des secteurs porteurs tels que le tourisme et les transports. Ce pan denotre activité affiche un excédent, de 8 Mds EUR, qui toutefois a tendance à se réduire. Ce qui confère à cet indicateur, dans un contexte de déficit commercial, une réelle importance.
- Nos entreprises ont aussi su prendre part à la mondialisation.
Les échanges avec l'extérieur peuvent par exemple prendre la forme d'investissements à l'étranger (prises de participation, reprises ou créations de filiales ...). Dans ces investissements, nos grands groupes sont des acteurs majeurs dans le monde. Or, la problématique de l'investissement international recoupe en partie celle de l'exportation : la conquête des marchés à l'étranger se fait sous la forme d'exportations à partir du territoire français mais aussi sous forme d'implantations directes à l'étranger pour se rapprocher des clients.
En la matière, nos entreprises sont particulièrement offensives : elles ont investi pour 92 Mdseuros hors de nos frontières en 2006, soit guère moins qu'en 2005 (97 Mds) où la France avait constitué le 2ème plus grand investisseur mondial. D'après l'OCDE, nous serions toujours le 2ème investisseur de la zone OCDE en 2006. Les entreprises françaises comptent près de 30 000 filiales à travers le monde (en 2004) qui emploient environ 5,5 millions de personnes et génèrent un chiffre d'affaires représentant (chaque année) une fois et demi le montant des exportations totales de la France.
Enfin, la France attire toujours autant d'investissements étrangers, donnant tout son sens à la politique d'attractivité de notre territoire.
La France occupe, selon les données de l'OCDE publiées en juin, la 3ème place (hors Luxembourg) juste derrière les Etats-Unis et le Royaume-Uni. 65 Mdseuros se sont en effet investis en France en 2006 (comme en 2005). Il s'agit de niveaux inégalés en France jusqu'à présent.
Ces IDE jouent un rôle fondamental dans notre économie et contribuent tout autantà notre compétitivité internationale lorsqu'on sait que :
- les IDE auraient permis de créer ou de maintenir environ 40 000 emplois en France l'an passé, soit 37 % de plus qu'en 2005.
- au total, un emploi sur trois dans l'industrie manufacturière provient d'entreprises à capitauxétrangers
- la contribution des entreprises à capitaux étrangers en termes de dépenses de R&D privée en France est fondamentale.
Pour en revenir à l'examen des tendances de notre commerce extérieur, c'est l'évolution de nos parts de marché mondial que je retiendrai. Alors que celles de la Chine progressent vivement, les nôtres sont en baisse comme celles de tous nos grands partenaires ... sauf l'Allemagne.
Une chose est frappante, la part de marché de tous les pays développés baisse, en particulier sur la période récente : ceci est dû à la montée en puissance dans le commerce international d'un certain nombre d'acteurs majeurs dans le monde émergent, au premier rang desquels figure la Chine. Les exportations de la Chine devraient ainsi bientôt dépasser celles des Etats-Unis alors qu'elles étaient dix fois plus faibles au début des années 1980.
C'est donc cela notre défi.... et l'examen de l'impact que peuvent avoir des mesures gouvernementales sur l'orientation de nos échanges prouve que ce défi peut être relevé.
Nos exportations sont aujourd'hui dynamiques sur les zones en forte croissance.
L'Union européenne, et plus spécialement l'UE 15, constitue traditionnellement toujours un débouché majeur pour nos exportations : les deux tiers de nos exportations vont vers cette zone (61 % pour l'UE 15). Mais cette part a tendance à diminuer (+ 0,6 % au premier semestre de 2007, contre + 1,9 % au second semestre de 2006) pour connaître une autre orientation.
Elle a ainsi été tirée par les nouveaux Etats membres de l'Union européenne (+4,5 %).
Le dynamisme de nos ventes vers ces pays ne se dément pas depuis plusieurs années, même s'il nous faut en cela rattraper un certain retard par rapport à l'Allemagne.
Vers les pays industrialisés non européens, nos exportations ont été tirées vers le bas (-5,1 %) par les Etats-Unis (-8,4 %) alors qu'elles ont connu globalement une orientation favorable sur cette zone.
Hors Europe, nos exportations ont été particulièrement dynamiques à destination de certaines grandes zones émergentes, notamment en Asie (+3,1 %), telles que définies, au travers du plan Cap Export.
La politique d'appui à la réorientation de nos ventes vers les pays émergents, menée par mes prédécesseurs depuis 5 ans, porte donc bien ses fruits : la part des grandsémergents dans le total de nos exportations augmente sensiblement depuis le début des années 2000.
C'est particulièrement vrai sur l'Inde, la Chine et la Russie, qui font partie de nos 5 « payspilotes». Sur ces zones, nous montrons d'ailleurs une performance supérieure à notre voisin allemand.
Vous comprendrez que je dois en retenir la conclusion suivante : c'est bien notre compétiteur allemand qu'il nous faut challenger. Au-delà des comparaisons de nos performances à laquelle je viens de me livrer, je souhaite en analyser un certain nombre de facteurs explicatifs structurels, qui fonderont l'action que je souhaite mener.
PARTIE 2
Force est de constater que la France manque d'entreprises de taille moyenne, ce qui pénalise l'internationalisation de notre tissu industriel.
Nous nous inscrivons à cet égard dans une configuration un peu moins favorable que celle de l'Allemagne.
Par rapport à l'Allemagne et pour se limiter au secteur industriel (agro-alimentaire et manufacturier), qui est celui le plus naturellement tourné vers l'international, notre tissu industriel apparaît plus concentré sur les petites entreprises.
Ainsi, 82 % de nos entreprises industrielles ont moins de 10 salariés (76,5 % en Allemagne). En revanche, nos entreprises de plus de 50 salariés représentent 4,3 % du total des entreprises industrielles, contre 6,7 % en Allemagne. L'Allemagne est également mieux « dotée » en entreprises de 10 à 50 salariés.
L'Allemagne dispose de deux fois plus d'entreprises moyennes que la France.
C'est une vérité d'évidence mais on ne le répétera jamais assez : les chiffres montrent bien que plus les entreprises sont grandes, plus elles exportent.
En effet, plus une entreprise est grande et plus le taux d'exportation - c'est-à-dire le nombre d'entreprises de cette classe de taille qui exportent sur le nombre total d'entreprises de cette classe de taille - est important. Par exemple, pour les entreprises de moins de 10 salariés, ce taux ne dépasse pas 5 % alors qu'il est de près de 60 % pour les entreprises de 250 à 500 salariés.
Or, notre appareil exportateur est, à l'image de notre tissu productif en général, extrêmement concentré sur les petites entreprises. Les entreprises de plus de 250 salariés, qui ont pourtant la propension à exporter la plus forte, sont extrêmement minoritaires.
Ces questions de taille sont importantes pour l'exportation. Par exemple, il a pu être établi que, pour pouvoir exporter dans de bonnes conditions, certains seuils semblent significatifs : les seuils de 10 ou 20 salariés sont importants pour pouvoir exporter dans de bonnes conditions (où que ce soit) et celui d'une centaine de salariés ressort bien pour pouvoir exporter vers des pays lointains - notamment les zones émergentes porteuses
Si on considère les seules PME indépendantes, le déséquilibre est prononcé : si celles-ci représentent les trois quarts de la population d'entreprises exportatrices, elles ne génèrent que 16 % du chiffre d'affaires total à l'exportation.
Regardons dans ce domaine notre étalon allemand : non seulement la taille des entreprises est plus importante outre-Rhin, mais les PME allemandes exportent plus
Si on se compare avec l'Allemagne, le nombre d'entreprises exportatrices représente dans ce pays près du double du chiffre français. Au total, un peu plus de 6 % de l'ensemble des entreprises françaises exportent, contre 11 % en Allemagne. En termes d'évolution du nombre total d'exportateurs, les tendances sont divergentes : entre 2000 et 2004, le nombre d'exportateurs allemands aurait augmenté de 10 % alors que l'on aurait eu en France une baisse de 4 %.
Les entreprises allemandes ont globalement, quelle que soit la tranche d'effectifs, une propension à exporter largement supérieure à la nôtre.
La différence de propension à exporter entre les entreprises de faible taille et les plus grandes semble sensiblement moins marquée qu'en France. La bipolarisation entre grandes entreprises fortement exportatrices d'un côté et petites entreprises peu exportatrices de l'autre est ainsi moins marquée en Allemagne qu'en France puisque la propension à exporter des entreprises de plus de 500 salariés est 2 fois plus forte que celle des moins de 20 salariés en Allemagne alors qu'elle est 4 fois plus forte en France.
L'examen de la structure par taille d'entreprises de nos échanges révèle bien où se situe notre faiblesse : notre déficit est lié à un nombre plus faible de PME, par ailleurs globalement moins exportatrices, quelle que soit leur taille.
Je constate aussi qu'innovation et exportation sont liées : les PME innovantes sont celles qui exportent le plus.
La taille n'est pas le seul critère important pour l'internationalisation et la capacité à exporter d'une entreprise. L'innovation est également un critère fondamental : si une entreprise est innovante, sa capacité à exporter est plus grande.
Il est donc fondamental pour améliorer nos performances à l'international de renforcer le caractère innovant de nos entreprises. Produire plus de biens innovants ou plus de produits à fort contenu technologique renforcera nos entreprises à l'international et nous mettra davantage à l'abri de la concurrence exercée sur les autres segments de biens par les pays émergents.
D'où un besoin de faire progresser la R&D pour répondre à notre déficit de présence international.
Les dépenses consacrées à la R&D rapportées au PIB mesurent l'intensité de la R&D. En France, les dépenses de R&D s'élevaient en 2004 à près de 36 Mdseuros, soit 2,14 % du PIB.
L'effort de R&D de la France demeure insuffisant, il est notamment inférieur à celui de l'Allemagne (2,5 %). Il est également inférieur à l'objectif de 3 % fixé par l'UE dans le cadre de l'agenda de Lisbonne vers lequel nous devons converger. La France se compare toutefois favorablement aux autres pays européens (moyenne des pays de l'UE 15 : 1,9 %, Royaume-Uni : 1,7 % et Italie : 1,1 %).
Cependant, les dépenses publiques de recherche sont en France parmi les plus importantes du monde en part du PIB (la part des dépenses publiques dans la dépense nationale y est de 48 % contre 40 % pour l'Allemagne, 32 % pour les Etats-Unis et 28 % pour le Japon). L'effort de R&D de nos entreprises est clairement insuffisant, notamment en comparaison de l'Allemagne ou des Etats-Unis. A ce titre, la forte propension à innover des entreprises étrangères implantées sur notre territoire incite à leur accorder toute l'attention qu'elles méritent dans notre stratégie d'ensemble.
En France, les efforts de R&D sont très concentrés et concernent une faible part des PME :
- 50 % de l''effort de R&D est réalisé par 13 entreprises (Thales, Renault, PSA, EADS, Sanofi, France Telecom, Michelin, etc.). Il concerne plus particulièrement 4 secteurs : l'automobile, la pharmacie, les composants électroniques et le secteur aéronautique et spatial.
- Les PME représentent 72 % du nombre d''entreprises innovantes mais seulement 16% de l''effort national de R&D, part qui tombe à 12 % pour les PME indépendantes.
- Il est toutefois intéressant de constater que la politique des pôles de compétitivité a un effet fortement mobilisateur pour les PME. Elles représentent (projets 2005 et 2006) 31% du nombre de projets acceptés et 28% des aides accordées aux entreprises (hors aides aux laboratoires).
La performance de la France se mesure aussi par sa performance
Comme les autres pays de la zone euro, nous avons dû faire face à la modération salarialeà l'oeuvre en Allemagne depuis un peu plus de 10 ans. De plus, les gains de productivité en Allemagne ont été relativement forts sur la période récente. Au total, notre compétitivité coût s'est dégradée.
Nos entreprises ont donc dû comprimer fortement leurs marges afin de réduire ou maintenir leurs prix et compenser ainsi les pertes de compétitivité coût. Inversement, dans le même temps, les entreprises allemandes ont pu accroître leur marge en ne répercutant pas la totalité de la modération salariale sur les prix à l'exportation.
Au total, notre compétitivité-prix s'est relativement bien maintenue, mais au détriment des marges.
Notre spécialisation sectorielle est comparable à celle de l'Allemagne.
D'un point de vue sectoriel, la France présente quelques secteurs où notre spécialisation est assez bien reconnue : c'est le cas notamment de l'aéronautique, de l'agroalimentaire, du secteur automobile, de la chimie/pharmacie ... secteurs où nous avons d'ailleurs une position forte sur le marché allemand, en dépit du fait qu'il s'agit de secteurs où l'Allemagne elle-même est également bien spécialisée.
De plus, nous présentons de manière plus globale une spécialisation relativementéquilibrée dans la mesure où nous exportons dans tous les secteurs, comme l'Allemagne.
L'Italie parait en revanche plus éloignée de nous par sa spécialisation sectorielle, très marquée par le textile-habillement mais également par la mécanique (machines et moteurs). Il est clair que notre plus faible spécialisation dans ce dernier secteur (par rapport à l'Allemagne ou l'Italie) nous rend moins sensible à la forte croissance de la demande des pays émergents pour les biens d'équipement.
En résumé et contrairement à une idée reçue, la France est le pays européen qui apparaît le plus proche sectoriellement de l'Allemagne. Imputer à des facteurs de spécialisation sectorielle nos résultats plus mitigés que ceux de l'Allemagne en matière d'exportation nous paraît donc abusif.
Mais, il convient de poursuivre la réorientation de nos exportations.
Nous l'avons vu à propos des pays pilotes, la réorientation des exportations de la France vers les zones les plus porteuses est en marche.
Il faut toutefois que cette dynamique se poursuive, s'intensifie même, afin de combler le retard qui subsiste vis-à-vis de certains de nos partenaires commerciaux. Car rattraper ce retard nous permettrait de muscler durablement nos exportations, ces zones étant particulièrement porteuses. Des efforts doivent donc être faits pour encourager nos entreprises à approfondir leurs efforts vers ces zones.
Si nous sommes un peu mieux placés que l'Italie pour profiter du dynamisme de l'Asie émergente, nous sommes encore moins bien placés que l'Allemagne. Notre part de marché en Chine et en Inde est respectivement de 1,4 % et de 1,8 %. C'est un petit peu plus que pour l'Italie (1,1 % et 1,6 %) mais nettement moins que pour l'Allemagne (4,8 % et 4,7 %).
Le relatif retard français est particulièrement net sur les nouveaux Etats membres (NEM) de l'Union européenne et les pays de la CEI, principalement la Russie et l'Ukraine où notre retard est important. Si je reprends un critère de part de marché, la France se situe à 4,2 % en Russie, soit nettement en dessous de l'Allemagne (16,6 %). L'écart est encore plus marqué pour un pays comme la Pologne : 5,4 % pour la France contre 29 % pour l'Allemagne. Sur ces deux pays, l'Italie est également, mais dans une bien moindre mesure que l'Allemagne, devant nous.
PARTIE 3
Mon ambition internationale et toute la cohérence de mon action reposent donc sur l'amélioration de l'environnement de nos entreprises pour accroître leur compétitivité et donc nos parts de marché.
Un vent de Force 5 sur l'économie
Je souhaite donner de l'oxygène à notre tissu d'entreprises, qu'elles soient petites, moyennes ou grandes. Je proposerai un Pacte appelé « Force 5 » car j'ai décliné 5 priorités pour nos entreprises :
1/ Simplifier leur environnement,
2/ Soutenir leur innovation,
3/ Baisser leur fiscalité,
4/ Favoriser le financement des entreprises de taille moyenne et faire grossir les PME,
5/ Relancer leurs exportations.
Mon action sera donc concentrée vers la réalisation de ces 5 objectifs. Ils visent tous le même but : favoriser le développement de nos entreprises, en particulier les PME. Ces actions sont à la fois « domestiques » et orientées vers l'extérieur.
Sans viser à l'exhaustivité, je vous livre un certain nombre d'éléments relatifs à ces priorités :
- En matière de simplification, j'ai mis en place un groupe d'experts qui me rendra des propositions au 30 septembre 2007.
- En matière d'innovation, réforme du crédit impôt recherche, politique en faveur de la propriété industrielle et orientations des actions des agences en charge de l'innovation viseront la croissance des entreprises moyennes.
- Dans le domaine de la fiscalité, nous nous inscrirons dans la révision générale de la fiscalité voulue par le Président de la république, partant du constat de l'écart de notre fiscalité par rapport à la moyenne européenne.
- Nos réflexions en matière de financement viseront à répondre au besoin d'investisseurs providentiels, insuffisants en France, et à la nécessaire efficience des outils de financement existants.
Les pistes pour renforcer nos parts de marché
De manière plus spécifique, des mesures ciblées pour le renforcement de notre force exportatrice doivent être mises en oeuvre.
Nous allons :
Améliorer en le simplifiant l'environnement des entreprises
- Un important chantier en cours vise à simplifier les procédures administrativesà l'exportation (dématérialisation).
Amener les entreprises à exporter de façon durable
- mieux accompagner nos PME à l'exportation au travers d'Ubifrance, orienter nos entreprises vers les marchés les plus porteurs et renforcer une dynamique de groupe et de partenariat entre elles (« Cap Export »). Une évaluation de ces mesures sera faite et de nouvelles orientations proposées, sur la base d'un dialogue avec les entreprises et, notamment, tous les partenaires du commerce extérieur.
- renforcer les liens d'Ubifrance avec les réseaux de proximité des entreprises et les partenaires du commerce extérieur, car seule une approche de terrain permet de lever les réticences à l'international en offrant un soutien réellement adapté.
- multiplier par 2 en deux ans le nombre de Volontaires Internationaux en Entreprises (5 000 en 2007) : c'est un objectif ambitieux, mais l'enjeu que le volontariat constitue en termes d'emploi, d'internationalisation de nos entreprises et de préparation des jeunes aux défis de l'international, justifie si besoin en était cette priorité.
Soutenir l'innovation à l'international
- Nous continuerons d'accompagner le développement international des pôles de compétitivité comme nous l'avons fait, en aidant les pôles ayant vocation à l'êtreà affiner et mettre en oeuvre leur stratégie internationale.
- Nous veillerons à développer la dimension européenne des dispositifs de soutie à l'innovation (agences)
Offrir aux PME et aux banques des outils adaptés de financement à l'exportation
- Nous allons mener une nouvelle étape de modernisation des procédures publiques de la Coface, en particulier l'assurance prospection afin que plus d'entreprises moyennes y aient recours.
Des indicateurs de performance vont être mis en place.
Pour suivre les résultats de cette action, et nourrir nos échanges futurs, je vous propose de mettre en place progressivement des indicateurs, fortement inspirés des décalages de performances constatés dans certains domaines avec l'Allemagne.
Ils permettront de mesurer régulièrement :
- La compétitivité-coût de nos entreprises
- Le nombre de nos entreprises exportatrices
- La part de marché de la France comparée à l'Allemagne
- La dépense de R et D de nos entreprises
- L'évolution de nos zones d'exportation.
Vous l'avez compris, en tant que secrétaire d'État chargé des entreprises et du commerce extérieur, auprès du ministre de l'Économie, des finances et de l'emploi, je souhaite refonder le regard que nous portons sur le chiffre de notre commerce extérieur et proposer une politique en faveur de notre compétitivité. Des indicateurs permettront d'apprécier le degré d'internationalisation de nos entreprises et de notre économie, dont je viens de démontrer la diversité croissante. C'est la seule manière d'entrer de plain pied dans l'économie mondialisée de demain.
Je vous donne donc rendez vous dans les prochains mois pour suivre avec moi les progrès que nous saurons enregistrer sur la structure de nos exportations.
Source http://www.minefi.gouv.fr, le 9 août 2007