Interview de M. Laurent Wauquiez, secrétaire d'Etat, porte-parole du Gouvernement, à RMC le 30 juillet 2007, sur le droit de grève et le service minimum dans les transports et dans la fonction publique.

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Média : Emission Forum RMC FR3 - RMC

Texte intégral

Guillaume Cahour.-  Nous sommes jusqu'à 9 heures avec deux invités. Laurent Wauquiez, bonjour, et Christian Mahieux bonjour. Vous êtes secrétaire général de Sud-Rail qui est le deuxième syndicat de la SNCF, comme on dit "le syndicat qui monte, qui monte" dernière la CGT. Nous parlons donc du service minimum dont le texte de loi sera débattu à l'Assemblée nationale. Il est déjà passé par la case Sénat, et F. Fillon qui s'exprimera aujourd'hui devant les députés. Laurent Wauquiez, l'une des principales mesures c'est bien de se déclarer gréviste 48 heures avant, c'est ça ?
 
Laurent Wauquiez : Oui. En fait, c'est pour une raison qui est très simple : notre but c'est de pouvoir informer les usagers 24 heures avant. Pour les informer 24 heures avant, il faut qu'il y ait une journée pour que les services de transports puissent s'organiser, voir tel train ne va pas fonctionner, tel bus on peut réussir à le faire marcher et que les gens soient tout simplement informés. Aujourd'hui, c'est la galère : quand il y a une grève, vous ne savez jamais si oui ou non, votre bus, votre train, votre tram va marcher. Et donc du coup, c'est le petit bonheur la chance : les usagers ne peuvent pas s'organiser, on peut se retrouver sur un quai sans avoir eu le temps de se retourner ou d'avoir prévenu son employeur ou d'avoir mis en place un moyen de garde pour ses enfants.
 
QUESTION : Et si jamais je fais grève, bien que je dis que je ne ferais pas grève, que se passet- il ?
 
Laurent Wauquiez : Là, pour le coup, il y a une pénalité financière. Parce que juste le but c'est que la règle du jeu soit respectée pour tout le monde. L'idée elle est simple : c'est OK pour le droit de grève, évidemment pas de problème, cela fait partie des droits fondamentaux de la Constitution. Mais, en face il y a aussi un autre droit, qui est celui de faire en sorte que celui qui va travailler ait le temps de s'organiser et de se retourner. C'était prévu dès 1946, au moment où il y a la grande déclaration où on consacre vraiment le droit de grève en France, c'est l'équilibre entre les deux : il y a le droit de grève mais il y a aussi le droit d'aller travailler.
 
QUESTION : C'est l'employeur qui décidera des sanctions ?
 
Laurent Wauquiez : Non, c'est des sanctions qui, c'est-à-dire en fait, branche par branche, ce sera négocié. Mais l'idée vraiment c'est de dire : il faut que chacun soit responsable.
 
QUESTION : Je vous pose la question parce que, pour le paiement des droits de grèves, Christian Mahieux vous m'arrêtez si je me trompe, mais bien souvent lorsqu'il y a une grève, finalement après avoir négocié les raisons de la grève, on négocie le paiement des jours de grèves ?
 
Christian Mahieux : Je vous arrête alors, puisque vous vous trompez...
 
QUESTION : Ce n'est pas vrai ?
 
Christian Mahieux : ...Comme vous me le demandez. Je sais bien que cela fait partie de ce qui est beaucoup raconté en ce moment, puisque c'est le Président N. Sarkozy qui a déjà lui-même lancé ça un soir sur TF1. Cela fait 31 ans que je travaille à la SNCF, j'ai fait un certain nombre de grèves comme beaucoup de mes collègues, je n'ai jamais vu une seule journée de grève à la SNCF payée par l'employeur. Et je crois que c'est la même chose dans des entreprises comme la RATP ou dans les transports publics de province.
 
QUESTION : Donc c'est un mythe ?
 
Christian Mahieux : Donc c'est un mensonge.
 
QUESTION : C'est un mensonge !? Qu'est ce qui vous choque dans le fait que l'on se déclare 48 heures avant qu'on dise qu'on fera grève ?
 
Christian Mahieux : Un, par rapport au problème qui est soi-disant posé, qui est, paraît-il, d'assurer un meilleur service au public, cela ne résout strictement rien. Ce n'est pas parce qu'on aura fait pression sur les possibles grévistes 48 heures à l'avance, qu'on pourra assurer un service qui soit différent par rapport à ce qui se passe aujourd'hui. Je précise, aujourd'hui, la situation c'est que déjà il y a des services qui sont prévus évidemment. La SNCF - puisque je parlerai de la SNCF essentiellement - dans les transports de banlieue aussi bien en Ile-de-France que dans les autres régions, est obligée évidemment pour des raisons techniques de prévoir ses trafics aussi bien lorsqu'il y a grève, que lorsqu'il n'y a pas grève.
 
QUESTION : Donc ce qui vous gêne, c'est que cela ne changera rien pour les usagers ?
 
Christian Mahieux : Ce qui nous gêne, un, c'est qu'il s'agit effectivement de faire pression sur les salariés, que ce projet de loi n'est absolument pas un projet qui vise à ce que le service soit mieux rendu aux usagers, mais bien à faire en sorte qu'il y ait moins de grèves. Et ce qui nous gêne, c'est qu'on ne prévoit strictement rien pour les problèmes posés aux usagers au quotidien, et là, on dépasse largement le problème des jours de grèves, où, je rappelle...
 
QUESTION : Oui mais là, vous êtes bien d'accord, on parle d'un service minimum, on ne parle pas des moyens de la SNCF ?
 
Christian Mahieux : Mais il n'a absolument pas prévu les moyens... enfin un service minimum dans le projet de loi. Il est prévu de faire en sorte qu'il y ait le moins de grèves effectivement, et qu'on face en sorte que la grève ne soit plus possible dans un certain nombre d'entreprises de ce pays. Mais, il n'est absolument pas prévu d'organiser un service minimum, ce n'est pas possible, sauf à réquisitionner de fait les grévistes.
 
QUESTION : Pourquoi la grève ne serait pas possible en se déclarant 48 heures avant ?
 
Christian Mahieux : Mais, ce n'est pas une question que la grève n'est pas possible, c'est qu'il s'agit effectivement de faire pression pour qu'il y ait moins de grévistes. Tout le monde voit bien effectivement les pressions qui seront faites auprès par exemple des plus jeunes embauchés, auprès des personnels en situation précaire comme les CDD etc. ou d'ailleurs sur les autres contrats précaires que sont les contrats d'insertion que la SNCF jette au bout d'un an et demi et renvoie effectivement au chômage. Donc, on voit bien les pressions qui seront faites, et c'est cela, effectivement, l'objet de ce projet de loi qui est un projet anti-grève et absolument pas un projet pour améliorer le service aux usagers. D'ailleurs, les fédérations d'usagers le disent, on a eu une expression commune sur ce sujet là avec la Fédération des usagers des transports.
 
QUESTION : Laurent Wauquiez ?
 
Laurent Wauquiez : Moi, je ne vais pas faire d'idéologie. On va être concret. Je prends par exemple une ligne que moi je prends souvent, qui est celle de Saint-Étienne/Lyon. C'est une des lignes SNCF, où il y a le plus de grèves dans l'année en France. Le problème c'est quoi ? Il faut être très simple : c'est que quand il y a une grève, vous n'avez aucun moyen de savoir si votre train du matin va fonctionner. Vous allez bosser à Lyon, en habitant à Saint-Étienne. Vous ne savez pas si jamais le matin il faut prendre votre voiture - et auquel cas avec les embouteillages, il faut s'y prendre plus d'une heure avant pas rapport à l'horaire habituel - ou si jamais votre train va marcher. Résultat : vous ne pouvez pas vous organiser pour la garde de vos enfants, vous ne pouvez pas prévenir votre employeur et vous êtes dans la panade. Et c'est un peu toujours les mêmes qui payent l'addition. L'idée ce n'est pas d'empêcher les cheminots de la ligne Firminy-Lyon de faire grève, c'est juste de dire qu'on sache, si jamais les trains vont ou pas marcher.
 
QUESTION : Vous avez entendu ce que dit Christian Mahieux : c'est qu'on obligeant les salariés à se déclarer 48 heures avant, il y aura des pressions de la direction, notamment sur les plus faibles ?
 
Laurent Wauquiez : Moi, je vais ??tre très clair avec vous : je fais vraiment confiance aux syndicats là-dessus pour protéger l'ensemble des salariés et le but c'est juste de dire - et en plus il est prévu dans le projet de loi la garantie de l'anonymat -c'est juste quoi ? C'est tout simplement de pouvoir dire "tel train, on voit clairement qu'on ne pourra pas l'assurer".
 
QUESTION : Comment ça, la garantie de l'anonymat ?
 
Laurent Wauquiez : L'idée c'est tout simple, c'est que les personnes qui déclarent qu'elles sont grévistes, bien entendu, il doit y avoir l'anonymat qui soit ( ?)...
 
QUESTION : Dans ces cas là, comment vous assurez les plannings s'il y a anonymat ?
 
Laurent Wauquiez : C'est tout simple : c'est juste de dire, il ne s'agit pas que les informations soient divulguées. Le seul but, c'est vraiment... Enfin, il y a un moment dans ce pays où il faut faire un peu de concret : il y a 17 pays européens qui ont déjà ce système. Cela se passe très bien. Dans un pays comme l'Allemagne, ils ont ce système d'alerte, où pourtant les syndicats sont beaucoup plus forts en Allemagne qu'en France. Donc, il n'y a pas franchement de... c'est du très concret, très simple ; c'est de pouvoir vous dire : est ce que votre bus, est-ce que votre train va marcher ? Je voudrais vous donner, si vous le permettez, un témoignage, qui a été mis sur un des forums Internet sur le service minimum, qui est un usager de Nancy, qui explique très bien ce que cela va améliorer. "Quand la société de bus de Nancy - nous écrit-il - fait grève, on ne connaît les bus non grévistes que le jour même, en appelant à 5 heures du matin, et encore quand on a la chance d'avoir quelqu'un au téléphone. Alors si avec votre système, vous pouvez remédier à la galère d'un travailleur, et que je puisse savoir concrètement quels seront les bus qui marcheront, bravo !"
 
QUESTION : Mais là, ce que vous êtes en train de nous décrire, Laurent Wauquiez ce n'est pas un service minimum, c'est un service d'information pendant les grèves ?
 
Laurent Wauquiez : En fait, il y a trois choses dans ce projet de loi qui vont ensemble. La première, c'est de faire en sorte qu'on puisse, autant que possible, discuter avant. En France, on fait trop souvent la grève d'abord, on discute ensuite. Là, essayer qu'il y ait une concertation avant. La deuxième chose, c'est ce dont on discute là, informer, pouvoir vous dire concrètement "votre métro, votre train, votre bus, il marche ou il marche pas", et cela, pouvoir vous le dire 24 heures avant. Et puis la troisième chose, c'est faire en sorte d'éviter qu'une grève pourrisse inutilement, c'est qu'il puisse y avoir un médiateur, qu'au bout de 8 jours il y ait un vote, que ce soit un vote à bulletin secret, pas à main levée.
 
QUESTION : Vous êtes bien d'accord, que ce n'est pas le service minimum tel que nous l'a vendu N. Sarkozy pendant la campagne, avec les trois heures de trafic le matin, trois heures le soir ?
 
Laurent Wauquiez : Là, où je suis entièrement d'accord, c'est qu'effectivement on est sur un point d'équilibre. Mais, vous voyez, il y a d'un côté les syndicats qui disent "vous tuez le droit de grève"... L'idée c'est juste de trouver...
 
QUESTION : Quelque part, finalement, Christian Mahieux, vous avez gagnez là-dessus ?
 
Christian Mahieux : Mais pas du tout.
 
QUESTION : Puisqu'il était question de réquisition, il n'y aura pas réquisition non plus ?
 
Christian Mahieux : Il n'y aura peut pas de réquisition.
 
Laurent Wauquiez : Il n'y aura pas de réquisition...
 
Christian Mahieux : Ce projet ne sert strictement à rien du point de vue des usagers. Ce projet vise effectivement à anéantir le droit de grève dans des secteurs qui résistent encore aujourd'hui à la politique de libéralisation. Je m'excuse, vous dites que vous ne faites pas d'idéologie, on est en plein là-dedans, on est en plein dans le dogme. Effectivement, c'est la même politique que celle qui a été menée par madame Thatcher en Grande-Bretagne, qui là aussi, a commencé par liquider effectivement les droits syndicaux, s'attaquer aux secteurs syndicaux qui résistaient encore, qui ensuite, effectivement, a remis en cause tous les acquis sociaux collectifs qui pouvaient exister. Et sur le rail, on sait ce que cela a donné : cela a donné la privatisation du rail, cela a donné effectivement, un rail absolument désastreux, avec des conséquences sur la sécurité du personnel. Vous dites qu'il faut discuter. Moi je veux bien, il faut discuter. Le préavis de grève qui existe dans les services publics, cela fait 44 ans que cela existe. Depuis 1963. Depuis 44 ans, il est prévu effectivement...
 
Laurent Wauquiez : Vous savez très bien que ce n'est pas du tout obligatoire. Jamais respecté.
 
Christian Mahieux : C'est tout à fait obligatoire, c'est tout à fait obligatoire, le préavis de grève des cinq jours dans les services publics, et lorsqu'il n'est pas respecté, les grèves sont déclarées illégales. Je vous signale aussi que depuis 1982, cette loi a été renforcée, avec l'obligation de négocier qui est écrite dans la loi. Le problème, c'est que bien évidemment les directions et le patronat n'ont pas forcément envie de négocier, et on sera dans la même situation. Vous pouvez faire toutes les lois que vous voulez, de toute façon, lorsqu'il y a, à un moment, exaspération collective, il y aura effectivement grève. Et vous parlez de l'Allemagne, oui, c'est un bon exemple l'Allemagne, on peut parler de l'Allemagne et des chemins de fer en Allemagne : on est en train de privatiser la Deutschbahn, et bien évidemment, ça c'est effectivement ce qu'on refuse.
 
QUESTION : On va écouter votre réponse, ensuite on marque une pause. Il y a beaucoup d'appels, c'est très bien, vous n'êtes pas d'accord, c'est le but des débats. On vous écoute.
 
L. Wauquier : Non, ce que je trouve paradoxal mais je vois bien, c'est que d'un côté, on nous dit ça ne sert à rien pour les usagers, et de l'autre côté, j'entends M. Mahieux qui hurle à la mort en disant "c'est la grande révolution". Non, j'ai envie de dire...
 
Christian Mahieux : Si c'est avec [...] que vous faites la révolution, je m'inquièterais.
 
Laurent Wauquiez : Ce n'est pas la grande révolution, ni libérale ni syndicale, c'est juste un projet de bon sens qui a uniquement pour but de faire en sorte que vous puissiez être un minimum avertis de la façon de s'organiser pour aller bosser le matin.
 
QUESTION : Christian Mahieux est avec nous et représente Sud-Rail, deuxième syndicat de la SNCF. Laurent Wauquiez, le porte-parole du Gouvernement. Le service minimum dans les transports ferroviaires, c'est dans quelques instants...
 
[8h50 : Deuxième partie]
 
Emma Strack (de RMC) : Ça s'agite sur les méls et sur le tchate.
 
E. Track : On commence avec une question pour vous, Laurent Wauquiez. Question de Jacqueline : vous dites qu'il faut discuter, mais pourquoi sans la grève on a l'impression que la fonction publique n'obtient jamais rien ?
 
QUESTION : Juste pour replanter le décor, pour ceux qui viennent d'arriver, on parle du service minimum qui sera débattu à l'Assemblée nationale.
 
Laurent Wauquiez : Je pense précisément que ce que montre la grève, c'est que ce n'est pas toujours en faisant grève qu'on obtient quelque chose, et d'essayer d'avoir une concertation en amont, cela peut permettre de décrisper. Cela a été mis en place à la SNCF et à la RATP. Je crois que dans bien des cas, cela a permis d'éviter d'avoir des grèves et de discuter avant. Je ne dis pas du tout... il y a des moments où il faut faire grève et où les salariés ont à défendre leurs droits. Il n'y a évidemment aucun problème là-dessus. Mais à côté de cela, pouvoir peut-être discuter un peu plus avant, c'est une tradition qu'on voit précisément dans les pays nordiques, cela fonctionne mieux, cela permet d'avoir un meilleur dialogue social.
 
QUESTION : Une question également pour Christian Mahieux.
 
E. Strack : Cette fois, question de Laurent : le droit de grève est un droit constitutionnel, soit ! Il en va de même de la liberté de circulation et de la liberté du travail. Alors, quelle est votre conception du service public ?
 
Christian Mahieux : Notre conception du service public est justement de l'assurer sur l'ensemble de l'année, et ce qu'on réclame, c'est effectivement un service maximum sur l'ensemble de l'année. Et cela pose effectivement le problème des moyens pour le service public, cela veut dire qu'on ne va dans le sens qui est celui promis par le Gouvernement, aujourd'hui, qui supprime des emplois par milliers à la SNCF, mais également à la RATP, pour parler des transports urbains. Cela veut dire qu'on donne effectivement des moyens pour que les entreprises publiques, telle que la SNCF, fassent des investissements, puissent acheter des rames pour les voyageurs, puissent effectivement maintenir en bon état les installations ferroviaires, etc., ce qui n'est pas le cas aujourd'hui, ce qui amène une situation quotidienne où les usagers, notamment sur les trafics de banlieue, en Ile-de-France et dans les autres régions, subissent les retards très importants, subissent les trains supprimés, subissent les trains qui sont prévus omnibus et qu'on rend directs pour regagner du temps, etc.
 
QUESTION : Vous ne répondez pas à la question, là.
 
Christian Mahieux : Mais si, tout à fait. C'est effectivement la définition du service public.
 
QUESTION : Donc, cela veut dire que, dans votre définition du service public, il n'y a pas le service minimum ? Il y a beaucoup de motifs de grève dans ce que vous nous dites, mais lorsqu'il y a grève, il n'y a pas de service minimum.
 
Christian Mahieux : Il ne devrait pas y avoir de motifs de grève. C'est effectivement un bons sens : il suffit de donner les moyens au service public. Ensuite, que lorsqu'il y a grève, je vais être clair...
 
Je vais vous poser différemment la question, avec un auditeur qui nous avait envoyé un petit mél il y a quelques jours, qui nous disait : que penserait un syndicaliste qui emmènerait son enfant malade aux urgences et qui trouverait portes closes pour cause de grève ? Comment réagirait-il ?
 
Christian Mahieux : Ecoutez, les syndicalistes qui travaillent dans les transports, pour la plupart prennent aussi les transports. Donc, c'est très bête ce que je vais vous dire, mais nous sommes nous aussi embêtés lorsque effectivement les transports sont en grève. Cela ne répond pas effectivement sur le fond à la question. Mais le problème, c'est que lorsqu'on fait effectivement un boulot qui est socialement utile, eh bien, lorsqu'à un moment donné, momentanément on ne le fait pas, notamment parce qu'on fait grève, effectivement, cela perturbe la vie de la société, et on en est tout à fait conscients. Mais ceci étant, je rappelle quand même que les premiers gênés par les grèves, ce sont évidement les grévistes et leurs proches, parce que je le rappelle quand même que les grèves, contrairement encore une fois à ce qui a été dit notamment par monsieur Sarkozy, les grèves ne sont pas payées, donc, c'est effectivement une sujétion pour les grévistes. Maintenant, sur le problème des usagers, le vrai problème, et c'est ce que disent y compris les fédérations d'usagers des transports, aujourd'hui, le vrai problème c'est au quotidien, ce n'est pas effectivement les jours de grève. Je rappelle que le nombre de jours de grève par cheminot c'est 0,79 %.
 
QUESTION : Ça, on a bien compris, Christian Mahieux. On va essayer de ne pas répéter quinze fois les mêmes choses et d'avancer un peu dans le débat, si vous voulez - mais je dis ça pour tous les deux. Laurent Wauquiez, à propos du vote, au bout de huit jours de grève, il est question de faire voter les salariés à bulletin secret. Il faut faire voter tous les salariés ? Pas uniquement les grévistes ou... ça s'adresse à qui ce vote ?
 
Laurent Wauquiez : Non, juste le but c'est quoi ? C'est que jusqu'à maintenant, on l'a bien vu sur certaines grèves dans d'autres domaines, quand vous faites une grève à main levée, grosso modo c'est le jeu de la pression : il n'y a pas vraiment de liberté d'expression.
 
QUESTION : Pression de la direction ou des syndicats ?
 
Laurent Wauquiez : Bah oui ! D'ailleurs oui, vous avez raison.
 
QUESTION : Il peut y avoir des pressions des deux côtés ?
 
Laurent Wauquiez : Oui, tout à fait, on est entièrement d'accord là-dessus. Le fait d'organiser un vote qui soit à bulletin secret, c'est tout simplement la garantie que chacun peut s'exprimer. Le but c'est de donner une tendance, c'est d'éviter qu'on ait une grève qui pourrisse, avec une minorité qui vraiment enkyste la grève. Ce n'est pas un vote qui aura un effet obligatoire, c'est juste que ça donne une tendance.
 
QUESTION : Christian Mahieux ?
 
Christian Mahieux : Moi, ce que je trouve fantastique dans cette affaire-là - je remarque que vous n'avez pas répondu d'ailleurs pour savoir si c'était l'ensemble des salariés qui votaient ou seulement les grévistes...
 
QUESTION : C'est l'ensemble des salariés ou juste les grévistes ?
 
Laurent Wauquiez : Je pense que c'est sur les grévistes. Christian Mahieux : Ce que je trouve fantastique, c'est que ce soit le Gouvernement et donc les directions d'entreprise, puisque ce sont les directions qui seront responsables sur le nouveau projet, de mettre en oeuvre ce vote, c'est le Gouvernement et le patron qui vont organiser les votes des grévistes ! Il y a quand même quelque chose de fantastique ! Laurent Wauquiez : Non, non, non. Parce qu'il y a bien la possibilité de l'organiser en dehors des lieux de travail. Donc, ce n'est pas du tout corseté.
 
Christian Mahieux : C'est finalement corseté : c'est prévu par la loi et on propose de s'asseoir...
 
Laurent Wauquiez : On propose juste aux gens de donner leur avis en votant à bulletin secret. Moi je ne sais pas, mais moi dans ma conception de la démocratie, il y a le fait que des salariés qui font grève, ils ne sont pas pris en otages, ils ont le droit à un moment de s'exprimer. Enfin c'est... je ne comprends pas trop le raisonnement, là.
 
Christian Mahieux : Un, la notion de prise d'otages, je pense qu'il faut l'utiliser un peu avec modération. Deux, vous avez effectivement, visiblement, de gros soucis sur la démocratie dans l'entreprise ; vous voulez effectivement qu'on fasse des votes lorsqu'il y a des grèves. Je vous dis mais alors faisons des votes, organisons des votes bien avant, et on évitera beaucoup de grèves.
 
Laurent Wauquiez : Oui.
 
Christian Mahieux : Organisons des votes de l'ensemble des salariés pour savoir si on augmente les salaires ou si on ne les augmente pas. Organisons des votes de l'ensemble des salariés pour savoir si effectivement ils sont d'accord qu'on supprime les emplois...
 
QUESTION : Pourquoi on ne ferait pas le vote à bulletin secret, avant la grève, justement ?
 
Christian Mahieux : Mais les grévistes gèrent leur grève comme ils veulent. C'est vraiment le B.A.ba des mouvements collectifs. Aujourd'hui, lorsqu'il y a des grèves qui durent... d'abord, on cause quand même d'une situation qui est très minoritaire...
 
QUESTION : Attendez ! Vous, vous avez l'air contre mais peut-être que vous, vous auriez plus de grévistes, avec justement les salariés les plus faibles dont vous parliez tout à l'heure, qui s'exprimeraient à bulletin secret pour la grève, ce qu'ils ne feraient pas forcément si c'était à main levée ?
 
Christian Mahieux : Aujourd'hui, s'il y a des grèves qui durent, donc qui arrivent au moins à huit jours de grève, puisque c'est de ce cas qu'on cause, il y a une pratique d'assemblée générale quotidienne, et de vote des grévistes. Vous n'avez pas besoin du Gouvernement pour organiser ça.
 
Laurent Wauquiez : Mais on sait très bien comment ça se passe.
 
QUESTION : A main levée !
 
Christian Mahieux : A main levée ou à bulletin secret, cela dépend effectivement des traditions syndicales et des [...] syndicaux
 
Laurent Wauquiez : Non, non, elles sont toutes à main levée.
 
Christian Mahieux : Non, ce n'est pas vrai, ça dépend mais ceci dit, moi cela ne me choque pas que ce soit à main levée, si les gens décident que c'est à main levée.
 
QUESTION : On va écouter Thierry qui est là. Bonjour Thierry, bienvenue sur RMC. Vous avez une question, une remarque qui s'adresse particulièrement à Christian Mahieux, je suppose ?
 
Thierry (auditeur) : Oui, tout à fait. Monsieur Mahieux parlait il y a une dizaine de minutes d'une certaine forme de pression avec ce texte, sur le fait qu'on viendrait imposer aux salariés... Est-ce qu'aujourd'hui, dans le monde actuel, il n'existe pas aussi une forme de pression du monde syndicaliste sur les salariés qui veulent se rendre sur leur lieu de travail, que ce soit dans le public ou dans le privé ? On voit beaucoup de piquets de grève dans certaines entreprises privées. Quand on sait que le monde syndical pèse aujourd'hui 5 % dans le privé, 8 % globalement public/privé, est-ce qu'aujourd'hui, il n'y a pas une certaine forme de pression aussi du monde syndicaliste sur des gens qui veulent se rendre sur leur lieu de travail ?
 
Christian Mahieux : La réponse est non. Moi, la vraie pression que je connais dans le monde d'aujourd'hui, dans la société française, c'est effectivement celle du chômage, qui fait qu'effectivement, notamment dans le secteur privé, il y a des gens qui aujourd'hui n'osent plus faire grève.
 
Laurent Wauquiez : Je voudrais juste quand même donner quelques petites réactions là-dessus, parce que... bon ce sont des chiffres qui ne sont pas inintéressants : à la SNCF, 60 % des trains qui sont annulés le sont pour des raisons de grève...
 
Christian Mahieux : Ce n'est pas vrai.
 
Laurent Wauquiez : Bah, enfin, ce sont les chiffres qui sont donnés, y compris d'ailleurs par vous.
 
Christian Mahieux : Ce n'est pas vrai. Ce qu'on dit, nous, c'est qu'il y a 2 % qui sont dus à des grèves. Alors, après on peut se jeter effectivement des chiffres à la figure, mais ce n'est certainement pas ce qu'on dit, nous...
 
Laurent Wauquiez : On a à peu près en France un tiers des grèves qui sont des grèves qui ont lieu à la SNCF et à la RATP. Et la France, au niveau des jours perdus dans le travail collectif, a quatre fois plus de journées perdues par des grèves parce qu'il n'y a pas eu de concertation en amont, pas d'information suffisante, qu'en Allemagne. Donc, je pense que collectivement, avec un peu de bons sens, on peut aller de l'avant.
 
QUESTION : Laurent Wauquiez, l'impression que ça donne quand même ce service minimum, c'est que le Gouvernement essaye de casser la possibilité de faire des grèves dures avant de faire passer des réformes beaucoup moins populaires, comme par exemple, la réforme des régimes spéciaux, qui concernera aussi la SNCF, pour pouvoir les faire passer en douceur, tranquillement, après ?
 
Laurent Wauquiez : Non, juste... le sentiment c'est quoi ? C'est qu'il y a un moment où il y a un ras le bol des travailleurs, de se dire, le matin : est-ce qu'il n'y a pas moyen de s'organiser autrement ?
 
QUESTION : Ça, on l'a compris tout à l'heure, mais vous êtes bien d'accord que vous allez ensuite vous attaquer à la question des retraites et notamment sur les régimes spéciaux ?
 
Laurent Wauquiez : Bien sûr. Je ne sais pas si c'est votre sentiment dessus ...
 
QUESTION : Ce sera plus facile avec ce service minimum.
 
Laurent Wauquiez : Ce n'est pas une question que ce sera plus facile ou non, la question c'est quoi ? C'est juste est-ce que ça fonctionne bien et est-ce que c'est juste ou injuste ? C'est tout. Il y a un moment où il faut peut-être accepter, même si c'est des réformes difficiles, même si du côté des syndicats on s'en prend plein la figure, d'essayer de poser des questions de bon sens : est-ce qu'on est obligé d'avoir un service public qui fonctionne de la sorte ? Est-ce qu'il y a encore une justification aux régimes spéciaux de retraite ou non ? Cela veut dire c'est des questions qui, à mon avis, aujourd'hui, tous les Français attendent.
 
QUESTION : Nicolas est au 3216. Bonjour Nicolas. Vous êtes agent RATP ? Votre question qui s'adresse particulièrement à Laurent Wauquiez ?
 
Nicolas (auditeur) : Oui, tout à fait.
 
Laurent Wauquiez : Bonjour.
 
Nicolas : Bonjour, d'abord. On parle d'un service minimum. Je sais que nous, à la RATP, on a, notamment dans les centres bus, une diversité de lignes, et pour être sur une ligne, il faut déjà la connaître, et notamment en plus au niveau du tramway, il faut une habilitation. Donc, comment on va faire un service minimum en mettant des agents sur des lignes de bus qu'ils ne connaissent pas, ou [sur des lignes] où ils n'ont pas d'habilitation ? Quand on voit que sur le T2, notamment, quand il manque deux ou trois rames aux heures de pointe, c'est déjà assez dangereux comme cela. Donc, avec un service minimum, je ne sais pas comment on va faire. Mais si vous voulez, je terminerai simplement [en demandant] comment on va gérer une grève spontanée, suite à une agression ?
 
QUESTION : Laurent Wauquiez, il y a deux questions : un, comment on gère les contraintes avec les compétences de chacun, et deux ensuite, en cas d'agression, une grève spontanée ?
 
Laurent Wauquiez : Ce qu'il y a de clair, c'est que ça ne marchera pas sur toutes les lignes, bien sûr. Mais je prends par exemple des lignes que je connais bien, celle de la STAS (phon) à Saint-Étienne, il y a une relative polyvalence des agents, et on peut parfaitement arriver à basculer un conducteur d'une ligne à l'autre. Alors, c'est vrai qu'il y a des lignes sur lesquelles il y a des motifs de sécurité, où un conducteur ne peut basculer d'une à l'autre. Cela ne marchera pas partout. Mais déjà, ça permettra d'améliorer la situation, ce n'est déjà pas si mal.
 
QUESTION : Et alors, en cas de grève spontanée...
 
Laurent Wauquiez : Voyons d'abord les difficultés... [inaudible] ... à ce qu'il faut, ne serait-ce que pour faire avancer d'un petit pas.
 
QUESTION : Alors, en cas de grève spontanée, par exemple pour une agression, comme nous dit Nicolas, est-ce que déjà ces grèves elles pourront continuer à exister, puisque s'il faut se déclarer 48 heures avant, là, comment cela se passe ?
 
Laurent Wauquiez : Bah non, c'est clair, la règle c'est de le faire 48 heures avant. Mais dans la foulée, tout à fait après une interdiction (sic), vous devez indiquer immédiatement que vous voulez faire grève ; 48 heures après, cela vous permet de faire grève. Est-ce que le message passe moins ? Je n'en suis sûr. Mais l'idée c'est juste est-ce que la grève est le seul et unique message pour faire passer une information, faire passer une revendication, sans qu'il n'y ait de concertation en amont ? Je ne suis pas sûr.
 
QUESTION : Emma Strack, des questions sur le mél et le tchate ?
 
E. Strack : Question d'un auditeur qui s'adresse à vous, Christian Mahieux : il faut avouer que depuis quelques années, il y a eu une amélioration du service, mais j'ai toujours l'impression que le dernier souci des syndicats c'est des usagers. Alors, comment comptez-vous prendre en compte leurs besoins à eux ?
 
Christian Mahieux : Nous essayons de prendre en compte, le problème c'est que ce n'est pas nous qui avons quand même les clés du problème, puisque c'est bien la direction, et pour ce qui est d'une entreprise publique, en fait le Gouvernement, à travers les moyens qui sont mis. Nous, ce que nous faisons en tant qu'organisation syndicale, c'est de développer le travail commun avec les usagers, notamment à travers leurs fédérations, comme je l'ai dit tout à l'heure, et nous avons, notamment entamé, nous, un travail en commun avec la Fédération des usagers de transports qui comme nous, réclame un service maximum sur l'ensemble de l'année, et qui pose des problèmes effectivement des moyens des services publics. Mais c'est effectivement une situation dont nous sommes tout à fait conscients, et si nous défendons le service public, c'est bien parce que nous avons conscience effectivement qu'il y a l'usager qui est au centre et qui est au coeur du problème et que c'est cela effectivement qu'on veut prendre en compte.
 
QUESTION : Laurent Wauquiez, H. Mariton qui a présidé la commission spéciale chargée du service minimum à l'Assemblée, dit que ce service minimum va être étendu à d'autres activités. C'est quoi ? C'est les transports terrestres, les cars, les avions, l'Education nationale ?
 
Laurent Wauquiez : Non, juste là-dessus, moi ce dont je peux parler, c'est le projet de loi qui est là sur la table. Ce projet de loi, il est pour les transports quotidiens, ceux qu'utilise chacun des Français.
 
QUESTION : Donc, pas uniquement le rail ?
 
Laurent Wauquiez : Non, pas uniquement le rail, mais c'est vraiment le transport quotidien.
 
QUESTION : Et l'avion ce n'est pas un transport quotidien ?
 
Laurent Wauquiez : Pour l'instant... enfin, faisons une chose après l'autre.
 
QUESTION : Oui, on est d'accord, ce n'est pas l'aviation encore ?
 
Laurent Wauquiez : Il faut qu'on voit petit à petit comment est-ce que les choses se mettent en place.
 
QUESTION : Et pourquoi pas après ?
 
Laurent Wauquiez : Juste l'idée toute simple : vous voyez bien la difficulté dans laquelle on est : en France, vous commencez à peine à faire quelque chose, vous avez déjà tous les syndicats qui sont contre vous, et de l'autre côté, on vous dit "oui, oui, mais en fait, on veut que vous alliez encore plus loin". J'ai envie de dire : une chose après l'autre. On commence par faire simple, on voit ce que ça donne, et puis on essaye d'améliorer le dispositif.
 
QUESTION : Est-ce que vous pensez qu'il y aura plus de trente députés pour ce débat et ce vote ? Parce que la semaine dernière, pour le débat sur les universités, il y avait trente députés, ce qui fait désordre, c'est ma première question. Et deuxième question, trop d'absentéismes, est-ce qu'on prélève une partie du salaire des députés ?
 
Laurent Wauquiez : Je vais vous faire une réponse très claire, mais là, ce n'est pas le porte-parole du Gouvernement qui va parler, c'est l'ancien député que j'étais il y a encore quelques mois : à l'Assemblée nationale, il faut non seulement le service minimum mais il faut aussi le service maximum, l'un comme l'autre. Et je suis 100% pour les pénalités financières pour les députés qui ont trop d'absentéismes. Cela se pratique au Parlement européen, cela doit se pratiquer à l'Assemblée nationale.
 Source : Premier ministre, Service d'information du Gouvernement, le 30 juillet 2007