Texte intégral
Chers Amis, Chers Camarades,
Il me revient de conclure notre journée et je souhaitais que notre journée parlementaire soit orientée sur deux sujets majeurs : l'évaluation des 5 premiers mois du quinquennat et l'ouverture de la confrontation sur l'ordre du jour parlementaire et de la session extraordinaire qui vient ainsi que de la session ordinaire qui va s'ouvrir.
Je salue tous les parlementaires socialistes, mais aussi les radicaux de gauche et les apparentés. Cela nous permet d'avoir, à l'Assemblée nationale, un groupe de 204 députés. C'est une force, à condition de s'en servir.
Notre journée parlementaire se tient 5 mois après l'élection de Nicolas Sarkozy et à la veille d'annonces -que l'on nous dit importantes- du Chef de l'Etat.
Le contexte a déjà changé. Avant l'été, tout paraissait possible : le paquet fiscal devait forcément créer un choc de confiance et donc de croissance ; le pouvoir d'achat devait mécaniquement progresser avec la libéralisation des heures supplémentaires ; l'immobilier devait nécessairement être stimulé par les déductions d'intérêts d'emprunts ; les déficits publics se résorber rapidement à l'horizon 2010 et la compétitivité des entreprises miraculeusement s'améliorer à mesure des cadeaux fiscaux accordés à leurs dirigeants.
Après l'été vient le temps de la réalité ; la réalité est, finalement, une dame bien polie ; elle prend son temps, elle est respectueuse, soucieuse même des apparences. Elle laisse un pouvoir s'installer ; elle lui permet de prendre ses premières décisions. Puis, dame réalité devient plus pressante, un peu moins patiente et vient, progressivement, présenter la note : la croissance sera bien inférieure à 2 % -c'est établi pour l'année 2007 ; le pouvoir d'achat est devenu la première préoccupation des Français et est amputé par les hausses de prix dans tous domaines ; la crise financière et immobilière qui secoue les Etats-Unis tend, de manière implacable, à s'élargir au reste du monde et nous en avons déjà les premières traductions avec la réduction des crédits bancaires ; les partenaires européens s'alarment -non sans raison- de nos déficits grandissants ; le commerce extérieur atteint un niveau record : 30 milliards d'euros pour l'année 2007. Voilà comment, en quelques mois, le climat a déjà changé.
Et le sujet de cette rentrée, c'est le spectre d'un plan de rigueur qui est aujourd'hui dans tous les esprits et, parfois, dans la bouche même des ministres concernés, avant qu'on ne les fasse taire ou qu'on ne les bâillonne. Et voilà que le Président annonce qu'il va accélérer, accélérer toujours alors qu'on nous disait qu'il était déjà à fond ! Il court toujours.
Aussi, notre journée parlementaire a-t-elle une double fonction : d'abord porter un jugement sur une politique, une action, une méthode, celle de Sarkozy.
Ensuite, définir la position des socialistes sur les grands sujets de cette rentrée : la croissance, le pouvoir d'achat, la protection sociale, les retraites, l'immigration.
D'ABORD LE JUGEMENT
Certes, il est encore trop tôt pour dresser un bilan. On ne juge pas une présidence sur 5 ans en à peine 5 mois.
Sauf à considérer, ce qui est quand même incontestable, que la majorité est en place non pas depuis 5 mois, mais depuis 5 ans et 5 mois. Les Français ne s'en sont peut-être pas rendu compte, mais ce sont les mêmes qui dirigent -à peu de choses près- l'équipe gouvernementale. Et les Français, quel qu'ait été leur vote le 6 mai, ne veulent pas l'échec du pouvoir, parce qu'il signifierait, dans une certaine mesure, l'échec du pays. Et, par extension, une aggravation de leurs difficultés. Ils veulent donc y croire et c'est normal après une élection présidentielle. Ils ne reprochent pas, pour le moment, à Nicolas Sarkozy son activisme, même si parfois ils ont du mal à le suivre, ni cette virevolte, si cela permet (se disent-ils) de faire bouger les choses.
Aussi, notre rôle d'opposition n'est pas d'annoncer avec gourmandise ou apitoiement le pire, mais de démontrer que la situation que traverse notre pays est imputable à des choix et non à des aléas.
Car, la méthode subtile de Nicolas Sarkozy nous oblige à un effort dans notre travail d'opposition qui n'est pas simplement de commenter, de critiquer, mais de donner de la perspective, parfois de la profondeur, mais aussi de la mémoire, de la raison, de l'explication .
La méthode de Nicolas Sarkozy, c'est un mélange d'amnésies, d'affichage et d'irresponsabilité.
L'amnésie consiste à faire oublier qu'il est au pouvoir depuis 2002. Numéro 2 des gouvernements Raffarin-Villepin ; Ministre de l'Intérieur et, pendant un temps, Ministre de l'Economie et des finances. Il ne peut donc feindre d'ignorer le niveau de l'endettement public, se plaindre du bilan de ses prédécesseurs et s'étonner de la situation calamiteuse de nos comptes publics ou de nos comptes sociaux, et pas davantage de découvrir les phénomènes de violence ou de bandes dans notre pays. Son héritage, c'est le sien, c'est celui qu'il a lui-même bâti et transmis. Ce serait trop commode, au nom de la rupture, de faire croire que tout a commencé le 6 mai 2007 et que son gouvernement n'aurait rien à voir avec les précédents.
L'affichage, pour Nicolas Sarkozy, est le principe même de sa présidence : gouverner, c'est annoncer. Pour lui, nommer un problème, c'est déjà le régler.
N'a-t-il pas déclaré qu'il était le premier Président de la République française à reconnaître qu'il y avait un problème de pouvoir d'achat dans notre pays ! Quelle lucidité ! Quelle capacité d'analyse ! Quelle exigence de vérité !
Pour lui, visiter, voyager, voir, c'est déjà un acte politique. Alors, il se déploie partout : d'un drame, il fait un événement politique ; d'une émotion, l'annonce d'une commission ; d'un échec, une loi.
Voilà pourquoi, à peine l'écriture de la loi sur la récidive votée cet été était-elle sèche, qu'une nouvelle est annoncée après un fait-divers atroce cet été.
Voilà pourquoi, le Parlement va voter une troisième loi sur l'immigration en moins de 4 ans, alors même que les décrets d'application de la précédente n'ont toujours pas été publiés.
Voilà pourquoi se multiplient les missions, rapports, saisines multiples, comme dans une espèce de fuite en avant. On cherche même un rapporteur sur les relations entre la France et la Méditerranée ! Deux anciens Premiers ministres se sont décommandés, peut-être allons-nous en chercher d'autres...
Et qu'importe la réalité ! Nicolas Sarkozy fait comme si elle n'existait pas. Quand elle se dérobe à ses voeux, Nicolas Sarkozy lui oppose la volonté. Ainsi, quand la Commission européenne, l'OCDE et le FMI indiquent que la croissance en 2007 n'atteindra pas 2,4 % comme prévu, il hausse les épaules en affirmant péremptoirement qu'il veut que la France fasse 3 % de croissance. Il l'a décidé, cela doit se faire. Et il annonce qu'il ira la chercher partout où elle se cache. Comme si le taux de croissance était un jouet défendu, un trésor perdu, un Graal magique. Comme si la croissance se décrétait. Peut-être aurons-nous, dans cette session extraordinaire, une nouvelle loi déclarant que la croissance est à 3 % puisque Nicolas Sarkozy en a décidé ainsi !
Or, ce sont ses choix, sa politique qui ont fait perdre à la France toute marge de manoeuvre pour relancer l'activité. En consacrant plus de 10 milliards d'euros pour la seule année 2008 -et sans doute davantage pour les années suivantes- à des avantages fiscaux qui n'auront d'effet ni sur l'investissement ni sur la consommation, le gouvernement -le Président- s'est privé de toute marge de manoeuvre pour financer des réformes utiles en faveur de l'investissement, de l'innovation et de l'emploi. Et, au lieu d'en convenir, le pouvoir s'obstine et préfère ne pas dire la vérité aux Français. La vérité, c'est qu'il y a bien un plan de rigueur qui se prépare. Il est sans doute prêt, mais il n'est pas annoncé, en tout cas pas avant les élections municipales. Et le premier devoir de notre journée parlementaire est d'exiger, à la rentrée avec le débat sur la loi de finances, la vérité sur les comptes, la vérité des chiffres et la vérité du plan de rigueur qui est, aujourd'hui, inéluctable.
Et, c'est là qu'apparaît l'irresponsabilité : l'omniprésidence est une infra responsabilité. Nicolas Sarkozy décide de tout, mais ne répond devant personne. Et, quand les résultats ne sont pas là, ce n'est jamais de sa faute. Ce n'est pas lui. Il y a forcément un coupable.
On va chercher la Banque Centrale Européenne, et Monsieur Trichet sert de bouc émissaire, oubliant que c'est la France qui a fait nommer Monsieur Trichet, oubliant même que c'est Nicolas Sarkozy qui complimentait -il y a peu- Monsieur Trichet parce que la BCE n'avait pas augmenté les taux d'intérêt. Mais, aujourd'hui, il faut un coupable, celui-là est désigné ! Et s'il ne vaut pas, il en a trouvé un autre, en l'occurrence Monsieur Jünker. Monsieur Jünker n'avait rien demandé ; c'est plutôt un ami de la France ; Premier ministre Luxembourgeois ; généralement accommodant qui, à la vue de nos déficits, essaye même de les justifier. Et voilà qu'il est emmené dans la charrette ! Il s'en étonne ; mais qu'a-t-il fait pour mériter un tel sort ! Il n'aurait pas lutté avec efficacité contre la spéculation et les spéculateurs ! Alors que lui, Nicolas Sarkozy, il les a voués aux gémonies, les spéculateurs ! (c'est pour cela que cela va mal en France ; c'est parce qu'il y a des spéculateurs ! Il faut qu'ils rendent gorge !). Et, quand ce n'est plus Monsieur Jünker, c'est le Ministre des finances Allemand. Cela tombe bien, il est socialiste et il est Allemand ! Et, quand il ne trouve plus de coupable à sa dimension, il regarde vers les prédécesseurs et, bientôt, ce sera de notre faute si cela ne marche pas ! Mais jamais lui ! Incapable de convenir qu'il a fait une erreur grave de diagnostic économique et de stratégie de croissance.
Et, l'effacement du Premier ministre n'est pas un simple problème au sein de l'Exécutif, ou un problème pour Monsieur Fillon qui, je l'ai bien compris, a été très choqué par le mot de « collaborateur » et qui a été d'ailleurs, dès qu'il a prononcé un mot, renvoyé à son statut de collaborateur de peu de méthode. On pourrait se dire que la répartition des tâches au sein de l'Exécutif est leur affaire. Ce serait une grave erreur. Puisque le gouvernement est théoriquement responsable devant le Parlement, tout effacement du Premier ministre est en soi une diminution de compétences et de responsabilités pour le Parlement, puisque le Président de la République lui-même est hors d'atteinte. Et ce n'est pas en permettant au Chef de l'Etat de venir s'exprimer devant le Parlement qu'il sera possible de corriger ce déséquilibre. Cela l'aggraverait puisqu'il n'y aura, finalement, personne pour lui répondre. Pas de débat. Et s'il y a débat, sera-t-il présent ? Et, s'il est présent, y aura-t-il un vote ? Ce qui d'ailleurs changerait la nature même du régime. La volonté de Nicolas Sarkozy est d'effacer le principe même de la responsabilité pour qu'il n'y ait que lui en face du peuple français, sans les intermédiaires que nous ne sommes pas d'ailleurs. Car nous sommes une autre légitimité démocratique : le Parlement, face à une autre légitimité démocratique : le Président de la République, élus au suffrage universel. Il y a donc là une même légitimité pour deux pouvoirs différents.
C'est pourquoi, dans la réforme qui est aujourd'hui annoncée -et nous verrons comment procéder en termes de méthodes- nous devons proposer un renforcement des droits du Parlement : maîtrise de l'ordre du jour, suppression du 49/3, élargissement des saisines de commissions d'enquête, contrôle des nominations, changement de composition du Conseil Constitutionnel. Bref, tout ce qui donnera au Parlement les moyens de contrôler et aussi de voter la loi.
Et, parmi les instances dont il faudra changer les nominations, il y a le Conseil Supérieur de l'Audiovisuel. Là aussi les règles doivent changer. Sait-on que le temps d'antenne accordé au Président de la République est sans limites ; il n'est pas décompté comme le temps de la majorité ou le temps du gouvernement. Cela veut dire qu'il n'est pas compensé, équilibré, corrigé. Non seulement le Parlement est dans la situation que nous venons de décrire, non seulement le gouvernement est réduit à presque rien, non seulement c'est l'entourage du Président de la République qui fait l'essentiel de la politique, sans avoir à en connaître devant les commissions compétentes du Parlement, mais le Chef de l'Etat, le chef de la majorité peut parler sans limites à la télévision. Cela pose un problème de pluralisme.
Voilà où notre pays en est après 5 mois de présidence Sarkozy : monopolisé politiquement, affaibli économiquement, irrité socialement et bientôt isolé internationalement.
Il est trop tôt pour établir un jugement définitif et nous ne serions pas entendus. Mais, il est assez tôt pour ouvrir une instruction. Mais, nous ne sommes pas ici pour dresser un réquisitoire. Nous sommes là pour ouvrir une confrontation de projets. Et, puisqu'un nouveau temps parlementaire est annoncé, prenons les sujets comme ils viennent pour offrir
NOS REPONSES :
La croissance
Il faut porter le bon diagnostic si nous voulons faire de bonnes propositions. Notre pays souffre d'un défaut de compétitivité.
L'euro fort n'explique pas tout : près de 70 % de nos échanges se font dans l'Union européenne et comment, alors, justifier que l'Allemagne avec la même monnaie dégage un excédent commercial de 135 milliards et la France 35 milliards bientôt de déficits de notre balance commerciale ? Quelle est donc l'explication ?
En fait, l'économie française souffre d'un effort de Recherche insuffisant, d'une spécialisation industrielle inadaptée, d'un sous-investissement productif et d'un défaut de main d'oeuvre qualifiée. Voilà les causes du blocage de la croissance.
Dès lors, la solution ne réside pas dans une nouvelle baisse du coût du travail qui serait de nul effet, encore moins d'avantages fiscaux aux plus favorisés, dont l'impact sur la consommation si tant est qu'il existe part sur les produits importés, mais dans un triple effort :
. Soutien de l'innovation, de la connaissance et des investissements écologiques pour relever le taux de croissance durable de notre pays ;
. Maîtrise de nos déficits pour peser sur les taux d'intérêt et orienter l'épargne vers l'investissement pour éviter la montée continue de l'endettement public, c'est-à-dire des charges pour les générations futures. Et nous devons le dire d'un point de vue de gauche. Quand un Etat est obligé d'emprunter avec des conditions financières particulièrement lourdes, et parfois fiscalement avantageuses au bénéfice des rentiers, pour équilibrer son budget, cela veut dire que nous finançons nos dépenses de fonctionnement en laissant les générations futures les honorer dans les prochaines années.
. Relèvement des taux d'activité des jeunes et des seniors pour réduire le chômage structurel et surtout pour rééquilibrer nos comptes sociaux. Si l'on songe que seulement 34 % de ceux qui ont entre 54 et 63 ans travaillent, on voit bien comment il est difficile de justifier l'allongement des durées de cotisations dans les négociations.
Le pouvoir d'achat
Il est aujourd'hui soumis à une triple inflation : celle des prix des carburants (le prix du baril de pétrole vient de dépasser 80 dollars), celle des loyers et celle des prix alimentaires. Nos propositions, là aussi, doivent être simple : il faut réintroduire un m??canisme fiscal pour amortir le coût d'accès à l'énergie pour les ménages pas simplement modestes (prime transport, TIPP flottante ou aide pour les fiouls) ; c'est une priorité, si l'on veut amortir le coût de l'énergie. Il faut créer un bouclier-logement ou, en tout cas, relever les aides au logement si l'on veut que les locataires puissent affronter la hausse des loyers ; il faut sans doute réserver davantage de foncier, si l'on veut permettre l'accession à la propriété dans de bonnes conditions. Et, enfin, il faut renégocier les marges des distributeurs.
Mais, le pouvoir d'achat n'est pas simplement une affaire de prix. C'est aussi le blocage de la négociation salariale. Pour le lever, il faut conditionner les baisses de cotisations non à l'ouverture d'une négociation qui deviendrait obligatoire, mais à une augmentation effective de la masse salariale (en termes d'emplois ou de rémunérations). C'est la contrepartie indispensable aux exonérations de cotisations sociales.
La protection sociale - La santé
La réforme dite Douste-Blazy de 2004 a lamentablement échoué. Le déficit de la branche maladie atteindra plus de 6 milliards d'euros. Et, si l'on regarde les trois dernières années, cela fera 25 milliards d'euros de déficits cumulés que nous aurons d'ailleurs, à un moment ou à un autre, à prendre en charge à travers la hausse de ce que l'on appelle la CRDS, c'est-à-dire sur tous les revenus, y compris les plus modestes.
Les franchises médicales, aussi injustes soient-elles et aussi hypocrite soit leur justification au nom de la lutte contre la maladie d'Alzheimer, ne se situent pas à la hauteur d'un tel gouffre. Et, même si on en relève le niveau, aujourd'hui c'est à peine 1 milliard d'euros qui serait relevé, quand il faut trouver 6 milliards pour couvrir le déficit. C'est pourquoi, la perspective de la TVA sociale reste forcément d'actualité. On pourra reporter d'études en études, de rapports en rapports, la perspective de la TVA sociale -maintenant c'est le Conseil Economique et Social qui en est chargé- on comprend la manoeuvre. Les conclusions sont toujours les mêmes : cela rapporte de l'argent, mais ce sont les Français qui payent. Mais la manoeuvre consiste à attendre les élections municipales pour décider -à un moment ou à un autre- de la création de cette TVA dite sociale et qui sera tout simplement l'augmentation de 3, 4 ou 5 points de la TVA de notre pays.
En fait, le risque c'est le rationnement dans l'accès aux soins et, à terme, la mise en faillite de l'idée même d'assurance maladie pour toutes les catégories sociales.
Nous défendons certes les exclus, les catégories les plus modestes. Mais, lorsque nous défendons l'assurance maladie, nous défendons le droit de tous les Français à accéder aux soins. Et nous ne le faisons pas en discriminant selon les catégories. Car, si l'on commence à remettre en cause le droit des classes moyennes à accéder à l'assurance maladie, on rentre dans la logique des assurances privées.
C'est donc sur l'offre de soins qu'il faut faire porter l'effort :
. Il faudra changer le mode de paiement de la médecine de ville, si nous voulons éviter l'inflation des coûts;
. Il faudra changer le mode de prescriptions de médicaments
. Il faudra faire de l'hôpital le pivot de notre système de santé.
. Il faudra changer les financements et les porter sur l'ensemble des revenus. Il a fallu quand même que ce soit la Cour des Comptes qui finisse par révéler que la seule exonération des stocks options de l'assiette de calcul des cotisations sociales faisait perdre 3 milliards d'euros à la Sécurité Sociale.
La retraite
Le sujet n'est pas derrière nous comme on nous l'avait dit -et notamment pendant la campagne présidentielle. Il est devant nous. Le déficit du régime général attendu cette année est de 5 milliards. Et près de 8 ou 10 à l'horizon 2010.
Il faut donc remettre le dossier des régimes de retraites sur la table. Et pas seulement celui des régimes spéciaux qui ne concerne, rappelons-le, que 5 % des retraités. Il est donc fallacieux d'imaginer que leur nécessaire évolution permettrait de sauver le régime général et de relever en plus les petites retraites. Pas plus qu'il n'est acceptable d'opposer les salariés entre eux.
Pour autant, puisque le débat est ouvert, donnons clairement notre position :
. Une réforme globale est nécessaire. Les régimes spéciaux sont concernés ;
. La méthode, c'est la négociation, entreprise par entreprise, en tenant compte des durées de cotisations et de l'effort contributif qui ne sont pas les mêmes que dans les autres régimes ;
. Le critère, c'est la pénibilité et, plus largement, l'espérance de vie. L'égalité n'est pas l'uniformité ; quand on n'a pas la même espérance de vie selon le travail que l'on accomplit, quand on a que quelques années à vivre après la retraite quand d'autres peuvent rester deux ou trois décennies, comment pourrait-on avoir les mêmes droits ? Est-ce que ce serait l'égalité ? L'uniformité serait une manière, finalement, de maintenir un certain nombre de privilèges. Sauf que les privilèges ne sont pas forcément là où on les imagine ;
. Tous les régimes autonomes doivent être également concernés. Parce que c'est cela la justice. Et, notre mot d'ordre en matière de retraite, c'est la justice.
. Enfin, de nouveaux financements doivent être tirés de la richesse produite, parce qu'il faudra que tous les revenus soient sollicités.
Le développement durable
C'est la grande question pour l'avenir même de l'humanité. Le gouvernement a proposé un Grenelle de l'Environnement. Je ne sais ce qui sortira d'un tel processus. Mais, nous y prendrons toute notre part et nous ferons quatre propositions :
. Priorité aux Transports collectifs : on ne peut pas comprendre pourquoi le fret ferroviaire est aujourd'hui mis en cause, alors même que la première des priorités est de mettre moins de camions sur les routes et donc de permettre à la SNCF de développer son fret ;
. Plan d'isolation thermique sur l'ensemble des logements sociaux ; ce qui sera à la fois une économie d'énergie et une moindre charge pour les locataires ;
. Diversification énergétique et une priorité à l'ensemble des énergies renouvelables ;
. Taxe sur les émissions de CO2 pour financer les grandes infrastructures environnementales.
Voilà les propositions que nous ferons et que nous soumettrons dans cette discussion. Nous verrons bien ce qu'il en sortira.
L'immigration
Nicolas Sarkozy en a fait non pas un enjeu -alors qu'il mérite de l'être- pour la nation, mais un thème de politique intérieure. C'est ainsi qu'il a lancé, dans la campagne présidentielle, le Ministère de l'Identité nationale et de l'Immigration. Il ne l'a pas fait par inadvertance, par provocation. Il l'a fait sciemment pour attirer là les suffrages de l'extrême droite ; convenons que cela n'a pas été sans résultat et sans conséquence.
Aujourd'hui, un nouveau projet de loi sur l'immigration est encore soumis au Parlement. La précédente loi sur le sujet datait de 2006. Que s'est-il passé en 1 an pour justifier un nouveau texte sur l'immigration, alors que la carte de séjour supposée attirée l'immigration économique, les cadres dont nous aurions besoin, les techniciens qui nous seraient indispensables, la carte de séjour dite « compétences et talents » n'est même pas rentrée en application.
L'objectif, nous dit-on, est de réduire l'immigration familiale et de relever l'immigration économique pour en faire à part égale des entrées sur notre territoire. Sauf qu'à force de durcir les conditions du regroupement familial, on va décourager l'immigration économique. En effet, pourquoi les travailleurs qualifiés de tout pays viendraient en France, si on les empêche de faire venir aussi leur famille. Et que dire des moyens proposés avec les tests ADN et les fichiers ethniques ! Et là, ce n'est plus une affaire de méthode, mais une affaire de principes.
Nous proposons que l'immigration puisse être maîtrisée, contrôlée, organisée. C'est la responsabilité d'un Etat. Nous parlons d'une immigration partagée, en liaison avec les pays d'origine et dans un cadre européen. À qui fera-t-on croire que l'on peut aujourd'hui avoir une politique d'immigration, dans l'Europe de Schengen, seul. La politique de l'immigration doit se faire de manière partagée avec les pays européens et avec les pays d'origine. Et, nous sommes favorables à des systèmes d'aller et retour et de permettre qu'il y ait effectivement une immigration économique qui puisse ensuite revenir dans son pays pour faire fructifier l'expérience et aider à développer le pays d'origine. Et, si l'on a simplement ces mesures sur l'immigration familiale, nous n'aurons pas l'immigration économique dont nous prétendons tous avoir besoin, mais nous aurons l'immigration clandestine et les filières avec. C'est pourquoi, la machine la plus efficace à créer de l'immigration clandestine, c'est aujourd'hui les différentes lois qui ont été présentées par Nicolas Sarkozy.
Voilà les sujets que nous devions évoquer pour le début de la législature.
Nous devons dire que le Parti socialiste, le groupe socialiste avec les amis radicaux de gauche et les apparentés, c'est une force de vigilance, de résistance quand il le faut, mais une force de propositions pour que les Français soient conscients qu'un autre choix est encore possible, qu'il n'y a pas de fatalité et que le clivage n'est pas entre deux volontés, mais aussi entre deux crédibilités. C'est un clivage entre deux systèmes de valeurs.
Nous avons aussi deux échéances à préparer :
Le processus de changement du Parti socialiste
. Changement d'état d'esprit qui laisse les questions personnes de côté ; nous avons suffisamment à faire sur les idées et les propositions ;
. Changement d'approche : nous avons trois forums qui sont maintenant prêts à être ouverts : sur la mondialisation, pas simplement sur le marché. Comment devons-nous nous mettre en situation de surmonter la mondialisation et, en même temps, faire en sorte qu'elle ne soit pas un facteur d'aggravation des inégalités ? Comment être les meilleurs sur le plan économique et les plus redistributifs sur le plan social ? Comment être les plus régulateurs sur le plan mondial ? Sur l'individu, car nous voyons bien qu'aujourd'hui le rapport à la politique n'est plus un rapport catégoriel ou collectif. Chacun essaye d'avoir soi-même le retour de son vote, comme s'il était un consommateur. Nous ne sommes pas favorables à cette évolution, mais elle est là et nous ne pouvons pas la nier. Si nous voulons, en tant que femmes et hommes de gauche, parler à l'individu, il faut effectivement être plus concrets, plus précis, partir de l'individu, aller vers son émancipation, sa réussite, sa promotion et justifier les choix collectifs pour, ensuite, convaincre non plus l'individu mais le citoyen. Sur le vivre ensemble qui est une question majeure et qui exige de notre part d'être au clair sur la Nation, sur l'immigration, sur la sécurité qui sont, à mes yeux, des valeurs que la gauche est capable de traduire. C'est la gauche qui porte un projet national au sens d'un projet collectif où l'on vit ensemble avec des droits et des devoirs. C'est la gauche qui est capable de trouver des réponses sur la sécurité, parce qu'elle ne s'attache pas simplement à la répression nécessaire, mais qu'elle s'appuie sur l'Education, la prévention, l'insertion, la dissuasion. C'est la gauche, sur les questions d'immigration, qui peut apporter les meilleures réponses parce qu'elle est capable d'avoir une vision du monde, mais aussi de l'Europe ; elle est capable de s'intéresser non pas simplement aux droits individuels indispensables, mais aussi à la capacité pour une Nation de s'enrichir des autres.
. Faire le clair sur ce qui nous unit tous et aussi sur les sujets qui nous séparent. Des choix devront être faits et notre Congrès aura à les trancher. De ce point de vue, le Congrès de l'année prochaine sera un congrès de décisions : décisions sur la ligne politique ; décisions sur le mode de fonctionnement et de vote au sien du PS et décisions sur le leadership.
Les élections municipales et cantonales
C'est un moment délicat pour le pouvoir qui craint cette échéance. On peut le comprendre ; elle vient un an après la victoire du mois de mai. Elle peut décider d'ailleurs du déroulement du quinquennat. C'est un moment important pour nous car ce sera le signe de notre redressement et surtout de notre utilité. Nous ne sommes pas simplement utiles parce que nous sommes une force d'opposition nationale, mais par toutes les responsabilités que nous exerçons au plan local. Aujourd'hui, dans une certaine mesure, nous pouvons agir. 20 régions sur 22, plus de la moitié des départements, beaucoup de villes de France. Nous pouvons intervenir dans la vie de nos concitoyens et ils le savent. Nous devons faire de ces élections municipales et cantonales non pas une revanche, mais un point d'appui pour agir. Notre stratégie est celle du rassemblement de la gauche dès le premier tour. Enfin, de la gauche qui veut prendre ses responsabilités avec nous et pas seulement pour les élections locales. Ce rassemblement doit d'ailleurs aussi se faire sur le plan national. Pourquoi gouvernerait-on des villes, des départements, des régions ensemble et l'on hésiterait à le faire sur le plan national ! Nous tiendrons bien sûr compte des rapports de force pour déterminer qui conduira nos listes.
Faut-il nous élargir à d'autres au deuxième tour ? Oui, mais dans la clarté et pas dans la combinaison tout en évitant que cela soit au gré des différentes villes de France. Trois conditions pour travailler avec nous : accepter nos alliés, approuver notre projet, rejeter la politique de Nicolas Sarkozy. Sur ces bases-là, franchement, nous ne récuserons personne. Il faudrait d'ailleurs que cette question soit posée aux autres et non plus à nous. Nous, nous sommes au clair. Nous disons que nous sommes ouverts sur la base d'un projet. D'autres me paraissent assez obscurs : ils veulent travailler avec tout le monde pour, finalement, ne travailler avec personne. Voir les uns, voir les autres ; associer le plus grand nombre, mais en définitive autour d'eux. Si j'ai bien compris la stratégie de François Bayrou -et elle est respectable- c'est de se représenter à la prochaine élection présidentielle. Mais, ce n'est pas notre but. Notre but, c'est d'avoir une force socialiste suffisamment crédible, suffisamment attractive pour que la question soit posée à nos alliés et seulement à nos alliés. La force va à la force. Les dynamiques électorales se construisent après un rapport de force et pas par une soumission, un reniement, un abandon.
Je veux terminer sur un sujet grave. Le Ministre des Affaires Etrangères a déclaré hier que le monde et la France devraient se préparer au pire, c'est-à-dire à la possibilité d'une guerre avec l'Iran. Ces propos qui ont fait réagir nos partenaires européens -ou certains d'entre eux-, le directeur de l'agence sur le contrôle de l'énergie nucléaire, et bien d'autres encore. Ces propos ne peuvent pas rester sans précisions ni prolongements. Soit il y a des informations que nous ne connaissons pas. Elles doivent alors être connues de tous et partagées. Soit, en définitive, la négociation a encore sa place, toute sa place, et nous devons la favoriser. Le gouvernement doit nous donner les informations dont il dispose sur la menace iranienne, les données indispensables sur la négociation et bien maîtriser les paroles qui seront prononcées.
Car, quand on parle de guerre et qu'il existe déjà une à côté de l'Iran, le principe de précaution s'impose.
Je demande donc qu'un débat vienne au Parlement sur l'Iran dès la prochaine session. Nous ne participerons à aucune réaction unilatérale hors des Nations Unies. Je ne sous-estime pas la menace de l'Iran et le risque de prolifération nucléaire. On ne parle pas, cependant, de guerre sans avoir pris toutes les garanties qu'elle ne viendra pas ou que, si elle doit venir, elle soit alors un acte multilatéral. Le débat au Parlement est nécessaire. Si la parole du Ministre des Affaires Etrangères est allée trop loin, on sera rassuré, mais ce sera un nouveau signe que, dans ce gouvernement, ne peut parler que le Président de la République.
CONCLUSION
Cinq mois après une défaite, la nôtre, nous pouvons en tirer toutes les leçons en évitant la flagellation, l'autocritique, en faisant en sorte de se projeter vers l'avenir sans rien oublier du passé. En allant vers tout ce qui peut être utile à la compréhension (ce qui n'a pas marché, ce qui n'a pas fonctionné, ce qui n'a pas été fait) de manière à faire des choix politiques et de personnes.
Je vous demande de bien prendre en compte la réalité suivante : la droite française est unie comme elle ne l'a jamais été depuis 40 ans ; jamais elle n'avait été capable de se retrouver dans un seul parti derrière un seul homme. Jamais un homme, sous la Ve République, n'a eu autant de pouvoirs, n'a pratiqué une méthode aussi redoutable.
Dans ce contexte, le Parti socialiste et ses alliés doivent aller à l'essentiel : affirmer nos valeurs, prendre le monde tel qu'il est, être efficaces dans nos propositions et être unis. Etre unis ne garantit pas le succès. Mais, ne pas l'être garantit la défaite. Etre unis permet d'être entendus. Etre unis permet surtout à chacun d'entre nous qui détenons un mandat du peuple et au-delà d'être à la hauteur de l'attente qui est portée sur nous. Nous, élus du peuple, élus socialistes, radicaux de gauche, républicains, nous devons jouer tout notre rôle dans cette session parlementaire qui s'ouvre parce que beaucoup de ceux qui ont voté ou pas pour nous doivent voir en nous une force utile, une force de protection, une force de propositions.
Nous devons être là.
Source http://www.parti-socialiste.fr, le 18 septembre 2007
Il me revient de conclure notre journée et je souhaitais que notre journée parlementaire soit orientée sur deux sujets majeurs : l'évaluation des 5 premiers mois du quinquennat et l'ouverture de la confrontation sur l'ordre du jour parlementaire et de la session extraordinaire qui vient ainsi que de la session ordinaire qui va s'ouvrir.
Je salue tous les parlementaires socialistes, mais aussi les radicaux de gauche et les apparentés. Cela nous permet d'avoir, à l'Assemblée nationale, un groupe de 204 députés. C'est une force, à condition de s'en servir.
Notre journée parlementaire se tient 5 mois après l'élection de Nicolas Sarkozy et à la veille d'annonces -que l'on nous dit importantes- du Chef de l'Etat.
Le contexte a déjà changé. Avant l'été, tout paraissait possible : le paquet fiscal devait forcément créer un choc de confiance et donc de croissance ; le pouvoir d'achat devait mécaniquement progresser avec la libéralisation des heures supplémentaires ; l'immobilier devait nécessairement être stimulé par les déductions d'intérêts d'emprunts ; les déficits publics se résorber rapidement à l'horizon 2010 et la compétitivité des entreprises miraculeusement s'améliorer à mesure des cadeaux fiscaux accordés à leurs dirigeants.
Après l'été vient le temps de la réalité ; la réalité est, finalement, une dame bien polie ; elle prend son temps, elle est respectueuse, soucieuse même des apparences. Elle laisse un pouvoir s'installer ; elle lui permet de prendre ses premières décisions. Puis, dame réalité devient plus pressante, un peu moins patiente et vient, progressivement, présenter la note : la croissance sera bien inférieure à 2 % -c'est établi pour l'année 2007 ; le pouvoir d'achat est devenu la première préoccupation des Français et est amputé par les hausses de prix dans tous domaines ; la crise financière et immobilière qui secoue les Etats-Unis tend, de manière implacable, à s'élargir au reste du monde et nous en avons déjà les premières traductions avec la réduction des crédits bancaires ; les partenaires européens s'alarment -non sans raison- de nos déficits grandissants ; le commerce extérieur atteint un niveau record : 30 milliards d'euros pour l'année 2007. Voilà comment, en quelques mois, le climat a déjà changé.
Et le sujet de cette rentrée, c'est le spectre d'un plan de rigueur qui est aujourd'hui dans tous les esprits et, parfois, dans la bouche même des ministres concernés, avant qu'on ne les fasse taire ou qu'on ne les bâillonne. Et voilà que le Président annonce qu'il va accélérer, accélérer toujours alors qu'on nous disait qu'il était déjà à fond ! Il court toujours.
Aussi, notre journée parlementaire a-t-elle une double fonction : d'abord porter un jugement sur une politique, une action, une méthode, celle de Sarkozy.
Ensuite, définir la position des socialistes sur les grands sujets de cette rentrée : la croissance, le pouvoir d'achat, la protection sociale, les retraites, l'immigration.
D'ABORD LE JUGEMENT
Certes, il est encore trop tôt pour dresser un bilan. On ne juge pas une présidence sur 5 ans en à peine 5 mois.
Sauf à considérer, ce qui est quand même incontestable, que la majorité est en place non pas depuis 5 mois, mais depuis 5 ans et 5 mois. Les Français ne s'en sont peut-être pas rendu compte, mais ce sont les mêmes qui dirigent -à peu de choses près- l'équipe gouvernementale. Et les Français, quel qu'ait été leur vote le 6 mai, ne veulent pas l'échec du pouvoir, parce qu'il signifierait, dans une certaine mesure, l'échec du pays. Et, par extension, une aggravation de leurs difficultés. Ils veulent donc y croire et c'est normal après une élection présidentielle. Ils ne reprochent pas, pour le moment, à Nicolas Sarkozy son activisme, même si parfois ils ont du mal à le suivre, ni cette virevolte, si cela permet (se disent-ils) de faire bouger les choses.
Aussi, notre rôle d'opposition n'est pas d'annoncer avec gourmandise ou apitoiement le pire, mais de démontrer que la situation que traverse notre pays est imputable à des choix et non à des aléas.
Car, la méthode subtile de Nicolas Sarkozy nous oblige à un effort dans notre travail d'opposition qui n'est pas simplement de commenter, de critiquer, mais de donner de la perspective, parfois de la profondeur, mais aussi de la mémoire, de la raison, de l'explication .
La méthode de Nicolas Sarkozy, c'est un mélange d'amnésies, d'affichage et d'irresponsabilité.
L'amnésie consiste à faire oublier qu'il est au pouvoir depuis 2002. Numéro 2 des gouvernements Raffarin-Villepin ; Ministre de l'Intérieur et, pendant un temps, Ministre de l'Economie et des finances. Il ne peut donc feindre d'ignorer le niveau de l'endettement public, se plaindre du bilan de ses prédécesseurs et s'étonner de la situation calamiteuse de nos comptes publics ou de nos comptes sociaux, et pas davantage de découvrir les phénomènes de violence ou de bandes dans notre pays. Son héritage, c'est le sien, c'est celui qu'il a lui-même bâti et transmis. Ce serait trop commode, au nom de la rupture, de faire croire que tout a commencé le 6 mai 2007 et que son gouvernement n'aurait rien à voir avec les précédents.
L'affichage, pour Nicolas Sarkozy, est le principe même de sa présidence : gouverner, c'est annoncer. Pour lui, nommer un problème, c'est déjà le régler.
N'a-t-il pas déclaré qu'il était le premier Président de la République française à reconnaître qu'il y avait un problème de pouvoir d'achat dans notre pays ! Quelle lucidité ! Quelle capacité d'analyse ! Quelle exigence de vérité !
Pour lui, visiter, voyager, voir, c'est déjà un acte politique. Alors, il se déploie partout : d'un drame, il fait un événement politique ; d'une émotion, l'annonce d'une commission ; d'un échec, une loi.
Voilà pourquoi, à peine l'écriture de la loi sur la récidive votée cet été était-elle sèche, qu'une nouvelle est annoncée après un fait-divers atroce cet été.
Voilà pourquoi, le Parlement va voter une troisième loi sur l'immigration en moins de 4 ans, alors même que les décrets d'application de la précédente n'ont toujours pas été publiés.
Voilà pourquoi se multiplient les missions, rapports, saisines multiples, comme dans une espèce de fuite en avant. On cherche même un rapporteur sur les relations entre la France et la Méditerranée ! Deux anciens Premiers ministres se sont décommandés, peut-être allons-nous en chercher d'autres...
Et qu'importe la réalité ! Nicolas Sarkozy fait comme si elle n'existait pas. Quand elle se dérobe à ses voeux, Nicolas Sarkozy lui oppose la volonté. Ainsi, quand la Commission européenne, l'OCDE et le FMI indiquent que la croissance en 2007 n'atteindra pas 2,4 % comme prévu, il hausse les épaules en affirmant péremptoirement qu'il veut que la France fasse 3 % de croissance. Il l'a décidé, cela doit se faire. Et il annonce qu'il ira la chercher partout où elle se cache. Comme si le taux de croissance était un jouet défendu, un trésor perdu, un Graal magique. Comme si la croissance se décrétait. Peut-être aurons-nous, dans cette session extraordinaire, une nouvelle loi déclarant que la croissance est à 3 % puisque Nicolas Sarkozy en a décidé ainsi !
Or, ce sont ses choix, sa politique qui ont fait perdre à la France toute marge de manoeuvre pour relancer l'activité. En consacrant plus de 10 milliards d'euros pour la seule année 2008 -et sans doute davantage pour les années suivantes- à des avantages fiscaux qui n'auront d'effet ni sur l'investissement ni sur la consommation, le gouvernement -le Président- s'est privé de toute marge de manoeuvre pour financer des réformes utiles en faveur de l'investissement, de l'innovation et de l'emploi. Et, au lieu d'en convenir, le pouvoir s'obstine et préfère ne pas dire la vérité aux Français. La vérité, c'est qu'il y a bien un plan de rigueur qui se prépare. Il est sans doute prêt, mais il n'est pas annoncé, en tout cas pas avant les élections municipales. Et le premier devoir de notre journée parlementaire est d'exiger, à la rentrée avec le débat sur la loi de finances, la vérité sur les comptes, la vérité des chiffres et la vérité du plan de rigueur qui est, aujourd'hui, inéluctable.
Et, c'est là qu'apparaît l'irresponsabilité : l'omniprésidence est une infra responsabilité. Nicolas Sarkozy décide de tout, mais ne répond devant personne. Et, quand les résultats ne sont pas là, ce n'est jamais de sa faute. Ce n'est pas lui. Il y a forcément un coupable.
On va chercher la Banque Centrale Européenne, et Monsieur Trichet sert de bouc émissaire, oubliant que c'est la France qui a fait nommer Monsieur Trichet, oubliant même que c'est Nicolas Sarkozy qui complimentait -il y a peu- Monsieur Trichet parce que la BCE n'avait pas augmenté les taux d'intérêt. Mais, aujourd'hui, il faut un coupable, celui-là est désigné ! Et s'il ne vaut pas, il en a trouvé un autre, en l'occurrence Monsieur Jünker. Monsieur Jünker n'avait rien demandé ; c'est plutôt un ami de la France ; Premier ministre Luxembourgeois ; généralement accommodant qui, à la vue de nos déficits, essaye même de les justifier. Et voilà qu'il est emmené dans la charrette ! Il s'en étonne ; mais qu'a-t-il fait pour mériter un tel sort ! Il n'aurait pas lutté avec efficacité contre la spéculation et les spéculateurs ! Alors que lui, Nicolas Sarkozy, il les a voués aux gémonies, les spéculateurs ! (c'est pour cela que cela va mal en France ; c'est parce qu'il y a des spéculateurs ! Il faut qu'ils rendent gorge !). Et, quand ce n'est plus Monsieur Jünker, c'est le Ministre des finances Allemand. Cela tombe bien, il est socialiste et il est Allemand ! Et, quand il ne trouve plus de coupable à sa dimension, il regarde vers les prédécesseurs et, bientôt, ce sera de notre faute si cela ne marche pas ! Mais jamais lui ! Incapable de convenir qu'il a fait une erreur grave de diagnostic économique et de stratégie de croissance.
Et, l'effacement du Premier ministre n'est pas un simple problème au sein de l'Exécutif, ou un problème pour Monsieur Fillon qui, je l'ai bien compris, a été très choqué par le mot de « collaborateur » et qui a été d'ailleurs, dès qu'il a prononcé un mot, renvoyé à son statut de collaborateur de peu de méthode. On pourrait se dire que la répartition des tâches au sein de l'Exécutif est leur affaire. Ce serait une grave erreur. Puisque le gouvernement est théoriquement responsable devant le Parlement, tout effacement du Premier ministre est en soi une diminution de compétences et de responsabilités pour le Parlement, puisque le Président de la République lui-même est hors d'atteinte. Et ce n'est pas en permettant au Chef de l'Etat de venir s'exprimer devant le Parlement qu'il sera possible de corriger ce déséquilibre. Cela l'aggraverait puisqu'il n'y aura, finalement, personne pour lui répondre. Pas de débat. Et s'il y a débat, sera-t-il présent ? Et, s'il est présent, y aura-t-il un vote ? Ce qui d'ailleurs changerait la nature même du régime. La volonté de Nicolas Sarkozy est d'effacer le principe même de la responsabilité pour qu'il n'y ait que lui en face du peuple français, sans les intermédiaires que nous ne sommes pas d'ailleurs. Car nous sommes une autre légitimité démocratique : le Parlement, face à une autre légitimité démocratique : le Président de la République, élus au suffrage universel. Il y a donc là une même légitimité pour deux pouvoirs différents.
C'est pourquoi, dans la réforme qui est aujourd'hui annoncée -et nous verrons comment procéder en termes de méthodes- nous devons proposer un renforcement des droits du Parlement : maîtrise de l'ordre du jour, suppression du 49/3, élargissement des saisines de commissions d'enquête, contrôle des nominations, changement de composition du Conseil Constitutionnel. Bref, tout ce qui donnera au Parlement les moyens de contrôler et aussi de voter la loi.
Et, parmi les instances dont il faudra changer les nominations, il y a le Conseil Supérieur de l'Audiovisuel. Là aussi les règles doivent changer. Sait-on que le temps d'antenne accordé au Président de la République est sans limites ; il n'est pas décompté comme le temps de la majorité ou le temps du gouvernement. Cela veut dire qu'il n'est pas compensé, équilibré, corrigé. Non seulement le Parlement est dans la situation que nous venons de décrire, non seulement le gouvernement est réduit à presque rien, non seulement c'est l'entourage du Président de la République qui fait l'essentiel de la politique, sans avoir à en connaître devant les commissions compétentes du Parlement, mais le Chef de l'Etat, le chef de la majorité peut parler sans limites à la télévision. Cela pose un problème de pluralisme.
Voilà où notre pays en est après 5 mois de présidence Sarkozy : monopolisé politiquement, affaibli économiquement, irrité socialement et bientôt isolé internationalement.
Il est trop tôt pour établir un jugement définitif et nous ne serions pas entendus. Mais, il est assez tôt pour ouvrir une instruction. Mais, nous ne sommes pas ici pour dresser un réquisitoire. Nous sommes là pour ouvrir une confrontation de projets. Et, puisqu'un nouveau temps parlementaire est annoncé, prenons les sujets comme ils viennent pour offrir
NOS REPONSES :
La croissance
Il faut porter le bon diagnostic si nous voulons faire de bonnes propositions. Notre pays souffre d'un défaut de compétitivité.
L'euro fort n'explique pas tout : près de 70 % de nos échanges se font dans l'Union européenne et comment, alors, justifier que l'Allemagne avec la même monnaie dégage un excédent commercial de 135 milliards et la France 35 milliards bientôt de déficits de notre balance commerciale ? Quelle est donc l'explication ?
En fait, l'économie française souffre d'un effort de Recherche insuffisant, d'une spécialisation industrielle inadaptée, d'un sous-investissement productif et d'un défaut de main d'oeuvre qualifiée. Voilà les causes du blocage de la croissance.
Dès lors, la solution ne réside pas dans une nouvelle baisse du coût du travail qui serait de nul effet, encore moins d'avantages fiscaux aux plus favorisés, dont l'impact sur la consommation si tant est qu'il existe part sur les produits importés, mais dans un triple effort :
. Soutien de l'innovation, de la connaissance et des investissements écologiques pour relever le taux de croissance durable de notre pays ;
. Maîtrise de nos déficits pour peser sur les taux d'intérêt et orienter l'épargne vers l'investissement pour éviter la montée continue de l'endettement public, c'est-à-dire des charges pour les générations futures. Et nous devons le dire d'un point de vue de gauche. Quand un Etat est obligé d'emprunter avec des conditions financières particulièrement lourdes, et parfois fiscalement avantageuses au bénéfice des rentiers, pour équilibrer son budget, cela veut dire que nous finançons nos dépenses de fonctionnement en laissant les générations futures les honorer dans les prochaines années.
. Relèvement des taux d'activité des jeunes et des seniors pour réduire le chômage structurel et surtout pour rééquilibrer nos comptes sociaux. Si l'on songe que seulement 34 % de ceux qui ont entre 54 et 63 ans travaillent, on voit bien comment il est difficile de justifier l'allongement des durées de cotisations dans les négociations.
Le pouvoir d'achat
Il est aujourd'hui soumis à une triple inflation : celle des prix des carburants (le prix du baril de pétrole vient de dépasser 80 dollars), celle des loyers et celle des prix alimentaires. Nos propositions, là aussi, doivent être simple : il faut réintroduire un m??canisme fiscal pour amortir le coût d'accès à l'énergie pour les ménages pas simplement modestes (prime transport, TIPP flottante ou aide pour les fiouls) ; c'est une priorité, si l'on veut amortir le coût de l'énergie. Il faut créer un bouclier-logement ou, en tout cas, relever les aides au logement si l'on veut que les locataires puissent affronter la hausse des loyers ; il faut sans doute réserver davantage de foncier, si l'on veut permettre l'accession à la propriété dans de bonnes conditions. Et, enfin, il faut renégocier les marges des distributeurs.
Mais, le pouvoir d'achat n'est pas simplement une affaire de prix. C'est aussi le blocage de la négociation salariale. Pour le lever, il faut conditionner les baisses de cotisations non à l'ouverture d'une négociation qui deviendrait obligatoire, mais à une augmentation effective de la masse salariale (en termes d'emplois ou de rémunérations). C'est la contrepartie indispensable aux exonérations de cotisations sociales.
La protection sociale - La santé
La réforme dite Douste-Blazy de 2004 a lamentablement échoué. Le déficit de la branche maladie atteindra plus de 6 milliards d'euros. Et, si l'on regarde les trois dernières années, cela fera 25 milliards d'euros de déficits cumulés que nous aurons d'ailleurs, à un moment ou à un autre, à prendre en charge à travers la hausse de ce que l'on appelle la CRDS, c'est-à-dire sur tous les revenus, y compris les plus modestes.
Les franchises médicales, aussi injustes soient-elles et aussi hypocrite soit leur justification au nom de la lutte contre la maladie d'Alzheimer, ne se situent pas à la hauteur d'un tel gouffre. Et, même si on en relève le niveau, aujourd'hui c'est à peine 1 milliard d'euros qui serait relevé, quand il faut trouver 6 milliards pour couvrir le déficit. C'est pourquoi, la perspective de la TVA sociale reste forcément d'actualité. On pourra reporter d'études en études, de rapports en rapports, la perspective de la TVA sociale -maintenant c'est le Conseil Economique et Social qui en est chargé- on comprend la manoeuvre. Les conclusions sont toujours les mêmes : cela rapporte de l'argent, mais ce sont les Français qui payent. Mais la manoeuvre consiste à attendre les élections municipales pour décider -à un moment ou à un autre- de la création de cette TVA dite sociale et qui sera tout simplement l'augmentation de 3, 4 ou 5 points de la TVA de notre pays.
En fait, le risque c'est le rationnement dans l'accès aux soins et, à terme, la mise en faillite de l'idée même d'assurance maladie pour toutes les catégories sociales.
Nous défendons certes les exclus, les catégories les plus modestes. Mais, lorsque nous défendons l'assurance maladie, nous défendons le droit de tous les Français à accéder aux soins. Et nous ne le faisons pas en discriminant selon les catégories. Car, si l'on commence à remettre en cause le droit des classes moyennes à accéder à l'assurance maladie, on rentre dans la logique des assurances privées.
C'est donc sur l'offre de soins qu'il faut faire porter l'effort :
. Il faudra changer le mode de paiement de la médecine de ville, si nous voulons éviter l'inflation des coûts;
. Il faudra changer le mode de prescriptions de médicaments
. Il faudra faire de l'hôpital le pivot de notre système de santé.
. Il faudra changer les financements et les porter sur l'ensemble des revenus. Il a fallu quand même que ce soit la Cour des Comptes qui finisse par révéler que la seule exonération des stocks options de l'assiette de calcul des cotisations sociales faisait perdre 3 milliards d'euros à la Sécurité Sociale.
La retraite
Le sujet n'est pas derrière nous comme on nous l'avait dit -et notamment pendant la campagne présidentielle. Il est devant nous. Le déficit du régime général attendu cette année est de 5 milliards. Et près de 8 ou 10 à l'horizon 2010.
Il faut donc remettre le dossier des régimes de retraites sur la table. Et pas seulement celui des régimes spéciaux qui ne concerne, rappelons-le, que 5 % des retraités. Il est donc fallacieux d'imaginer que leur nécessaire évolution permettrait de sauver le régime général et de relever en plus les petites retraites. Pas plus qu'il n'est acceptable d'opposer les salariés entre eux.
Pour autant, puisque le débat est ouvert, donnons clairement notre position :
. Une réforme globale est nécessaire. Les régimes spéciaux sont concernés ;
. La méthode, c'est la négociation, entreprise par entreprise, en tenant compte des durées de cotisations et de l'effort contributif qui ne sont pas les mêmes que dans les autres régimes ;
. Le critère, c'est la pénibilité et, plus largement, l'espérance de vie. L'égalité n'est pas l'uniformité ; quand on n'a pas la même espérance de vie selon le travail que l'on accomplit, quand on a que quelques années à vivre après la retraite quand d'autres peuvent rester deux ou trois décennies, comment pourrait-on avoir les mêmes droits ? Est-ce que ce serait l'égalité ? L'uniformité serait une manière, finalement, de maintenir un certain nombre de privilèges. Sauf que les privilèges ne sont pas forcément là où on les imagine ;
. Tous les régimes autonomes doivent être également concernés. Parce que c'est cela la justice. Et, notre mot d'ordre en matière de retraite, c'est la justice.
. Enfin, de nouveaux financements doivent être tirés de la richesse produite, parce qu'il faudra que tous les revenus soient sollicités.
Le développement durable
C'est la grande question pour l'avenir même de l'humanité. Le gouvernement a proposé un Grenelle de l'Environnement. Je ne sais ce qui sortira d'un tel processus. Mais, nous y prendrons toute notre part et nous ferons quatre propositions :
. Priorité aux Transports collectifs : on ne peut pas comprendre pourquoi le fret ferroviaire est aujourd'hui mis en cause, alors même que la première des priorités est de mettre moins de camions sur les routes et donc de permettre à la SNCF de développer son fret ;
. Plan d'isolation thermique sur l'ensemble des logements sociaux ; ce qui sera à la fois une économie d'énergie et une moindre charge pour les locataires ;
. Diversification énergétique et une priorité à l'ensemble des énergies renouvelables ;
. Taxe sur les émissions de CO2 pour financer les grandes infrastructures environnementales.
Voilà les propositions que nous ferons et que nous soumettrons dans cette discussion. Nous verrons bien ce qu'il en sortira.
L'immigration
Nicolas Sarkozy en a fait non pas un enjeu -alors qu'il mérite de l'être- pour la nation, mais un thème de politique intérieure. C'est ainsi qu'il a lancé, dans la campagne présidentielle, le Ministère de l'Identité nationale et de l'Immigration. Il ne l'a pas fait par inadvertance, par provocation. Il l'a fait sciemment pour attirer là les suffrages de l'extrême droite ; convenons que cela n'a pas été sans résultat et sans conséquence.
Aujourd'hui, un nouveau projet de loi sur l'immigration est encore soumis au Parlement. La précédente loi sur le sujet datait de 2006. Que s'est-il passé en 1 an pour justifier un nouveau texte sur l'immigration, alors que la carte de séjour supposée attirée l'immigration économique, les cadres dont nous aurions besoin, les techniciens qui nous seraient indispensables, la carte de séjour dite « compétences et talents » n'est même pas rentrée en application.
L'objectif, nous dit-on, est de réduire l'immigration familiale et de relever l'immigration économique pour en faire à part égale des entrées sur notre territoire. Sauf qu'à force de durcir les conditions du regroupement familial, on va décourager l'immigration économique. En effet, pourquoi les travailleurs qualifiés de tout pays viendraient en France, si on les empêche de faire venir aussi leur famille. Et que dire des moyens proposés avec les tests ADN et les fichiers ethniques ! Et là, ce n'est plus une affaire de méthode, mais une affaire de principes.
Nous proposons que l'immigration puisse être maîtrisée, contrôlée, organisée. C'est la responsabilité d'un Etat. Nous parlons d'une immigration partagée, en liaison avec les pays d'origine et dans un cadre européen. À qui fera-t-on croire que l'on peut aujourd'hui avoir une politique d'immigration, dans l'Europe de Schengen, seul. La politique de l'immigration doit se faire de manière partagée avec les pays européens et avec les pays d'origine. Et, nous sommes favorables à des systèmes d'aller et retour et de permettre qu'il y ait effectivement une immigration économique qui puisse ensuite revenir dans son pays pour faire fructifier l'expérience et aider à développer le pays d'origine. Et, si l'on a simplement ces mesures sur l'immigration familiale, nous n'aurons pas l'immigration économique dont nous prétendons tous avoir besoin, mais nous aurons l'immigration clandestine et les filières avec. C'est pourquoi, la machine la plus efficace à créer de l'immigration clandestine, c'est aujourd'hui les différentes lois qui ont été présentées par Nicolas Sarkozy.
Voilà les sujets que nous devions évoquer pour le début de la législature.
Nous devons dire que le Parti socialiste, le groupe socialiste avec les amis radicaux de gauche et les apparentés, c'est une force de vigilance, de résistance quand il le faut, mais une force de propositions pour que les Français soient conscients qu'un autre choix est encore possible, qu'il n'y a pas de fatalité et que le clivage n'est pas entre deux volontés, mais aussi entre deux crédibilités. C'est un clivage entre deux systèmes de valeurs.
Nous avons aussi deux échéances à préparer :
Le processus de changement du Parti socialiste
. Changement d'état d'esprit qui laisse les questions personnes de côté ; nous avons suffisamment à faire sur les idées et les propositions ;
. Changement d'approche : nous avons trois forums qui sont maintenant prêts à être ouverts : sur la mondialisation, pas simplement sur le marché. Comment devons-nous nous mettre en situation de surmonter la mondialisation et, en même temps, faire en sorte qu'elle ne soit pas un facteur d'aggravation des inégalités ? Comment être les meilleurs sur le plan économique et les plus redistributifs sur le plan social ? Comment être les plus régulateurs sur le plan mondial ? Sur l'individu, car nous voyons bien qu'aujourd'hui le rapport à la politique n'est plus un rapport catégoriel ou collectif. Chacun essaye d'avoir soi-même le retour de son vote, comme s'il était un consommateur. Nous ne sommes pas favorables à cette évolution, mais elle est là et nous ne pouvons pas la nier. Si nous voulons, en tant que femmes et hommes de gauche, parler à l'individu, il faut effectivement être plus concrets, plus précis, partir de l'individu, aller vers son émancipation, sa réussite, sa promotion et justifier les choix collectifs pour, ensuite, convaincre non plus l'individu mais le citoyen. Sur le vivre ensemble qui est une question majeure et qui exige de notre part d'être au clair sur la Nation, sur l'immigration, sur la sécurité qui sont, à mes yeux, des valeurs que la gauche est capable de traduire. C'est la gauche qui porte un projet national au sens d'un projet collectif où l'on vit ensemble avec des droits et des devoirs. C'est la gauche qui est capable de trouver des réponses sur la sécurité, parce qu'elle ne s'attache pas simplement à la répression nécessaire, mais qu'elle s'appuie sur l'Education, la prévention, l'insertion, la dissuasion. C'est la gauche, sur les questions d'immigration, qui peut apporter les meilleures réponses parce qu'elle est capable d'avoir une vision du monde, mais aussi de l'Europe ; elle est capable de s'intéresser non pas simplement aux droits individuels indispensables, mais aussi à la capacité pour une Nation de s'enrichir des autres.
. Faire le clair sur ce qui nous unit tous et aussi sur les sujets qui nous séparent. Des choix devront être faits et notre Congrès aura à les trancher. De ce point de vue, le Congrès de l'année prochaine sera un congrès de décisions : décisions sur la ligne politique ; décisions sur le mode de fonctionnement et de vote au sien du PS et décisions sur le leadership.
Les élections municipales et cantonales
C'est un moment délicat pour le pouvoir qui craint cette échéance. On peut le comprendre ; elle vient un an après la victoire du mois de mai. Elle peut décider d'ailleurs du déroulement du quinquennat. C'est un moment important pour nous car ce sera le signe de notre redressement et surtout de notre utilité. Nous ne sommes pas simplement utiles parce que nous sommes une force d'opposition nationale, mais par toutes les responsabilités que nous exerçons au plan local. Aujourd'hui, dans une certaine mesure, nous pouvons agir. 20 régions sur 22, plus de la moitié des départements, beaucoup de villes de France. Nous pouvons intervenir dans la vie de nos concitoyens et ils le savent. Nous devons faire de ces élections municipales et cantonales non pas une revanche, mais un point d'appui pour agir. Notre stratégie est celle du rassemblement de la gauche dès le premier tour. Enfin, de la gauche qui veut prendre ses responsabilités avec nous et pas seulement pour les élections locales. Ce rassemblement doit d'ailleurs aussi se faire sur le plan national. Pourquoi gouvernerait-on des villes, des départements, des régions ensemble et l'on hésiterait à le faire sur le plan national ! Nous tiendrons bien sûr compte des rapports de force pour déterminer qui conduira nos listes.
Faut-il nous élargir à d'autres au deuxième tour ? Oui, mais dans la clarté et pas dans la combinaison tout en évitant que cela soit au gré des différentes villes de France. Trois conditions pour travailler avec nous : accepter nos alliés, approuver notre projet, rejeter la politique de Nicolas Sarkozy. Sur ces bases-là, franchement, nous ne récuserons personne. Il faudrait d'ailleurs que cette question soit posée aux autres et non plus à nous. Nous, nous sommes au clair. Nous disons que nous sommes ouverts sur la base d'un projet. D'autres me paraissent assez obscurs : ils veulent travailler avec tout le monde pour, finalement, ne travailler avec personne. Voir les uns, voir les autres ; associer le plus grand nombre, mais en définitive autour d'eux. Si j'ai bien compris la stratégie de François Bayrou -et elle est respectable- c'est de se représenter à la prochaine élection présidentielle. Mais, ce n'est pas notre but. Notre but, c'est d'avoir une force socialiste suffisamment crédible, suffisamment attractive pour que la question soit posée à nos alliés et seulement à nos alliés. La force va à la force. Les dynamiques électorales se construisent après un rapport de force et pas par une soumission, un reniement, un abandon.
Je veux terminer sur un sujet grave. Le Ministre des Affaires Etrangères a déclaré hier que le monde et la France devraient se préparer au pire, c'est-à-dire à la possibilité d'une guerre avec l'Iran. Ces propos qui ont fait réagir nos partenaires européens -ou certains d'entre eux-, le directeur de l'agence sur le contrôle de l'énergie nucléaire, et bien d'autres encore. Ces propos ne peuvent pas rester sans précisions ni prolongements. Soit il y a des informations que nous ne connaissons pas. Elles doivent alors être connues de tous et partagées. Soit, en définitive, la négociation a encore sa place, toute sa place, et nous devons la favoriser. Le gouvernement doit nous donner les informations dont il dispose sur la menace iranienne, les données indispensables sur la négociation et bien maîtriser les paroles qui seront prononcées.
Car, quand on parle de guerre et qu'il existe déjà une à côté de l'Iran, le principe de précaution s'impose.
Je demande donc qu'un débat vienne au Parlement sur l'Iran dès la prochaine session. Nous ne participerons à aucune réaction unilatérale hors des Nations Unies. Je ne sous-estime pas la menace de l'Iran et le risque de prolifération nucléaire. On ne parle pas, cependant, de guerre sans avoir pris toutes les garanties qu'elle ne viendra pas ou que, si elle doit venir, elle soit alors un acte multilatéral. Le débat au Parlement est nécessaire. Si la parole du Ministre des Affaires Etrangères est allée trop loin, on sera rassuré, mais ce sera un nouveau signe que, dans ce gouvernement, ne peut parler que le Président de la République.
CONCLUSION
Cinq mois après une défaite, la nôtre, nous pouvons en tirer toutes les leçons en évitant la flagellation, l'autocritique, en faisant en sorte de se projeter vers l'avenir sans rien oublier du passé. En allant vers tout ce qui peut être utile à la compréhension (ce qui n'a pas marché, ce qui n'a pas fonctionné, ce qui n'a pas été fait) de manière à faire des choix politiques et de personnes.
Je vous demande de bien prendre en compte la réalité suivante : la droite française est unie comme elle ne l'a jamais été depuis 40 ans ; jamais elle n'avait été capable de se retrouver dans un seul parti derrière un seul homme. Jamais un homme, sous la Ve République, n'a eu autant de pouvoirs, n'a pratiqué une méthode aussi redoutable.
Dans ce contexte, le Parti socialiste et ses alliés doivent aller à l'essentiel : affirmer nos valeurs, prendre le monde tel qu'il est, être efficaces dans nos propositions et être unis. Etre unis ne garantit pas le succès. Mais, ne pas l'être garantit la défaite. Etre unis permet d'être entendus. Etre unis permet surtout à chacun d'entre nous qui détenons un mandat du peuple et au-delà d'être à la hauteur de l'attente qui est portée sur nous. Nous, élus du peuple, élus socialistes, radicaux de gauche, républicains, nous devons jouer tout notre rôle dans cette session parlementaire qui s'ouvre parce que beaucoup de ceux qui ont voté ou pas pour nous doivent voir en nous une force utile, une force de protection, une force de propositions.
Nous devons être là.
Source http://www.parti-socialiste.fr, le 18 septembre 2007