Interview de M. Jean-François Copé, président du groupe parlementaire UMP à l'Assemblée nationale, à RTL le 25 septembre 2007, sur la situation financière de la France et sur l'éventualité de créer des franchises médicales pour réduire le déficit de la sécurité sociale.

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Média : Emission L'Invité de RTL - RTL

Texte intégral

J.-M. Aphatie.- Bonjour, J.-F. Copé.
 
R.- Bonjour.
 
Q.- Quand on parle des pinances publiques, puisque vous êtes l'avant dernier ministre du... enfin, avant l'actuel, vous étiez le prédécesseur ?
 
R.- Oui.
 
Q.- Vous vous occupiez du Budget. On est en faillite ?
 
R.- Moi, ce n'est pas un mot que j'aurais utilisé. Mais je crois qu'en tout cas, il y a une chose qui est vraie : c'est qu'on ne peut pas échapper au principe de vérité. Je crois que c'est toujours bien de dire la vérité. Et la vérité, c'est qu'on a...
 
Q.- Pourquoi vous ne l'avez pas dit, vous, quand vous étiez au Gouvernement ?
 
R.- Ah si. Justement, j'allais vous dire. Ce n'est pas une prise de conscience récente. Cela fait plusieurs années qu'on en parle et même il y a un certain nombre de choses qui ont été faites. Je vais vous donner, moi, un exemple très concret. Il y a deux ans, j'étais donc ministre du Budget et j'ai lancé - avec d'ailleurs l'aval de D. de Villepin, qui était Premier ministre - une très importante vague d'audits, et vous vous en souvenez sans doute, puisque j'étais venu vous raconter çà chez vous, qui n'était rien d'autre qu'une radiographie complète de tout ce qu'on pouvait faire pour faire des économies utiles, pour traquer les dépenses inutiles et pour moderniser l'Etat.
 
Q.- Le résultat... !
 
R.- Résultat, J.-M. Aphatie...
 
Q.- Pas terrible, à en croire le Premier ministre !
 
R.- J.-M. Aphatie, comme vous êtes journaliste, vous êtes précis. Donc, vous savez que lorsque M. Jospin est parti du Gouvernement en 2002, le déficit budgétaire de l'Etat, c'était 49 milliards. A fin 2006, nous étions à 36 milliards. Donc, 13 milliards de moins. Donc, on ne peut pas dire que de ce point de vue, le déficit de l'Etat n'a pas été fortement diminué.
 
Q.-  Alors, qu'est-ce qui lui a pris, alors, au Premier ministre ! Il découvre quelque chose ? Qu'est-ce qui se passe ?
 
R.- D'abord, moi je ne suis pas porte-parole du Premier ministre. Cela ne vous a pas échappé : je ne suis plus au Gouvernement. Mais je suis donc d'autant plus à l'aise pour dire qu'effectivement, là où il a raison, et d'ailleurs N. Sarkozy ne dit rien d'autre, c'est qu'il n'est pas question de baisser la garde ; et il n'est pas question de ralentir, un moment. Ce qui est essentiel, c'est de constater que les finances publiques ça doit se surveiller sans arrêt, qu'il y a des déficits qui se sont accumulés dans certains domaines et qu'il faut les réduire. Si je peux me permettre là-dessus, ça veut dire quoi ? Cela veut dire trois choses. Premièrement, il faut absolument que quand on fait de la dépense publique et notamment de l'Etat, elle soit efficace pour la croissance. Et de ce point de vue, je rappelle quand même...
 
Q.- Ce n'est pas gagné !
 
R.-... que quand en juillet dernier, on a fait une réforme fiscale, qui était d'ailleurs dans notre projet pour les Français, qui permet d'exonérer d'impôts les heures sup', on est exactement dans ce qu'on fait quand on veut chercher de la croissance. Donc, c'est de la dépense publique utile.
 
Q.- Et on perd des recettes fiscales, alors qu'on est en déficit...
 
R.- Non, ça ne coûte que si ça marche. C'est ça l'intérêt. C'est qu'il faut faire des heures supplémentaires pour être défiscalisé. Deuxième élément : il faut continuer de baisser la dépense de l'Etat inutile. Les audits que j'avais lancés ont permis pour la première fois que je présente, l'année dernière, un Budget où la Dépense de l'Etat baissait. Les impôts baissaient, le déficit baissait, la dette baissait. Donc, voyez qu'il y a un peu de savoir-faire. Et le dernier point...
 
Q.- Au fond, tout est sous contrôle, en fait alors ?
 
R.- Non. Tout est sous contrôle ! Il y a eu effectivement - je viens de vous le démontrer pour l'Etat - une baisse du déficit très forte. Attendez, 2002, on était à 49 milliards, on est descendu à 36 milliards.
 
Q.- On se demande pourquoi depuis trois jours, le débat a pris cette tournure ?
 
R.- Tout simplement parce qu'on n'a pas fini le boulot. 36 milliards, c'est encore beaucoup. Et puis, enfin...
 
Q.- Il y a plus de 36 milliards de déficit. Je pense qu'on va passer la barre des 40, cette année ?
 
R.-... non, mais parce qu'il y a deux choses ! Attendez, vous me posez la question.
 
Q.- Non, mais vous ne pouvez pas... Non, d'accord !
 
R.- On fait la différence entre ce qu'on appelle le déficit prévisionnel et le déficit réalisé. Moi celui dont je vous parle c'est le réalisé, c'est-à-dire celui qui sort vraiment de la poche des Français. Ce n'est pas tout à fait la même chose : une prévision - une réalisation. Et enfin, la deuxième chose que je veux vous dire, et qui est très importante, c'est qu'il y a deux autres chantiers sur lesquels il faut se bouger : c'est la Sécurité sociale et c'est les collectivités locales. C'est-à-dire deux domaines dans lesquels les déficits se sont accrus ces dernières années, effectivement, et dans lesquels il faut absolument prendre des décisions. Et d'ailleurs, N. Sarkozy dans son interview télévisée - je fais volontairement le lien entre les deux parce que c'est très important - a dit quoi ? Il a dit qu'il fallait effectivement que l'argent ne tombait pas du ciel, et c'est pour ça qu'on allait évoquer la question de la franchise médicale pour financer le Plan Alzheimer...
 
Q.- On va en parler de la franchise médicale...
 
R.- Et puis aussi la question des 35 heures qu'il faut assouplir et puis le débat qu'il faut qu'on ait entre assurance complémentaire et régime général.
 
Q.- Dernière question sur le Budget. Vous avez appartenu à un Gouvernement qui s'était engagé auprès de nos partenaires européens : arriver à l'équilibre, en 2010. Vous vous sentez tenu toujours par cet engagement, J.-F. Copé ?
 
R.- Le président de la République là-dessus, et comme le Premier ministre d'ailleurs, ont dit que compte tenu des contraintes et du programme que nous avions à mettre en oeuvre, ils souhaitaient que l'on puisse aller en 2012, et le cas échéant, si ça peut aller plus vite en terme de croissance, en 2010... C'est la décision du Président.
 
Q.- Vous le savez, on n'y sera pas en 2010 !
 
R.- C'est ce que le président de la République a dit lui-même en indiquant que ce qui serait fait, que tout serait fait...
 
Q.- Les prévisions de croissance de 3% pour arriver à l'équilibre en 2010. Eh bien, on n'y sera pas !
 
R.- Attendez, on verra bien. Vous me faites rigoler, vous ! Attendez, vous êtes fantastique. Vous-même me disiez tout à l'heure que vous aviez plus tout à fait en tête que le déficit de l'Etat avait beaucoup baissé. Donc, vous voyez finalement que l'un dans l'autre, il peut arriver qu'il y ait de bonnes surprises.
 
Q.- 3% de croissance, ça vous paraît toujours réaliste, J.-F. Copé ?
 
R.- En tout cas, on va aller le chercher avec les dents. Et c'est vrai que ça ne tombe pas du ciel et que pour y arriver, il faut faire de la dépense publique efficace. Quand vous baissez les impôts, contrairement à ce que disent les socialistes, ça rend de l'argent aux gens. Avec ça, ils consomment, ils investissent, ils embauchent ; et c'est aussi avec ça qu'on va chercher la croissance.
 
Q.- Les franchises médicales, vous en parliez. On va financer le Plan Alzheimer avec çà ; mais le déficit de la Sécurité sociale, c'est 12 milliards d'euros.
 
R.- Oui, vous avez raison...
 
Q.- Donc, les franchises médicales, ça ne sert pas à financer le déficit de la Sécurité sociale ?
 
R.- Mais c'est exact ! D'ailleurs, je le redis, les franchises médicales, c'est ciblé sur le Plan Alzheimer, le Plan cancer, sur la lutte contre un certain nombre de fléaux sur lesquels on sait très bien qu'on doit se mobiliser. Et d'ailleurs, s'ouvre à partir de là un autre débat sur ce qu'on appelle le cinquième risque. Vous savez, je crois qu'il faut qu'on ait avec les Français...
 
Q.- Donc, il faut de nouvelles recettes pour faire face à ces dépenses-là. On ne peut plus avoir de recettes normales pour faire face à ces dépenses-là ?
 
R.- Ou de nouvelles économies... Ou les deux à la fois. Je pense que les débats, il faut qu'on les ait. Vous savez, je pense que la pire erreur, ce serait de penser que sur tous ces sujets, on ne doit pas dire les choses telles qu'elles sont. La seule chose qui n'irait pas, c'est si on se contentait simplement de dire : Oh là, là, ça ne va pas et on s'arrête là. Et c'est pour ça que je crois que l'exigence de vérité, elle commande aussi de dire ce qu'on va faire. Et dans cette campagne électorale, nous n'avons fait que cela. Pourquoi les Français font autant confiance à N. Sarkozy ? Ce n'est pas le fruit du hasard. C'est parce qu'à chaque fois qu'on soulève un problème et derrière il y a une piste de solutions, et il y a un débat. Et moi en tant que parlementaire, je pense que c'est très important que sur ces sujets on ait des débats de fond. Les journées parlementaires que nous allons avoir dans quatre jours, ils vont servir aussi à ça. On va réfléchir, par exemple, à ce que ça peut être un député de rupture pour accompagner un Président de rupture...
 
Q.- Et à l'époque, on nous disait : le plan 2004 qu'on vous présente, ira résoudre le problème de la Sécurité sociale. Quelle erreur ! En tout cas, on n'a pas résolu, ça c'est vrai. Ah oui, et pourtant vous étiez sans doute, vous, d'autres, nous dire : on va le résoudre.
 
R.- Moi, j'avais plutôt parlé du Budget de l'Etat.
 
Q.- D'accord. Le Gouvernement va dissuader les mutuelles de rembourser ces fameuses franchises, disent "Les Echos" aujourd'hui. Pourquoi ?
 
R.- Pardon, je n'ai pas compris. Excusez-moi !
 
Q.- Le Gouvernement va dissuader les mutuelles de rembourser les franchises. Pourquoi ?
 
R.- Ca, je ne sais pas. La seule chose, ça je ne sais pas... Je n'ai pas d'informations. La seule chose que je peux vous dire c'est que nous aurons, en tout cas, un autre débat qui est important. Je l'évoquais brièvement tout à l'heure.
 
Q.- Mais ça vous paraît normal qu'on dissuade les mutuelles de rembourser les franchises ?
 
R.- Là, je ne peux pas vous répondre. Je n'ai pas d'informations précises. Donc, vous savez comme je vous le disais tout à l'heure...
 
Q.- Rembourser les franchises, les mutuelles font ce qu'elles veulent !
 
R.- Attendez ! Nous aurons dans quelques jours un débat sur le projet de loi de financement de la Sécurité sociale, ça fait partie des sujets que nous aurons. Ce que je peux vous dire, en tout cas, là-dessus, c'est que nous, nous aurons aussi - c'est ce que le président de la République a dit - un débat pour savoir ce qui doit relever du régime général de ce qui doit relever de l'assurance complémentaire. Et ça aussi, c'est des débats que nous devons avoir face à une situation de nos finances sociales qui, on le voit bien, ne sont pas correspondantes aux prévisions.
 
Q.- On lisait ceci, la semaine dernière, sur le site Internet rue89 : "déjà député de Seine-et-Marne, président du groupe UMP de l'Assemblée nationale, président de la communauté d'agglomération du pays de Meaux, J.-F. Copé vient de réussir à dégager encore un peu de temps libre pour devenir collaborateur dans l'un des plus importants cabinets d'affaires internationaux". Comment faites-vous, J.-F. Copé ?
 
R.- Ah, c'est moi qui l'ai d'ailleurs rendu public. C'est un choix que j'ai fait parce que je pense que quand on fait de la politique depuis de nombreuses années - par ailleurs, j'ai fait un certain nombre d'études, notamment en droit et en économie -, c'est bien de pouvoir aussi avoir, à un certain moment, en tout cas moi c'est ce que j'ai souhaité, une activité professionnelle qui vous permet de rester aussi d'une manière très concrète sur des choses un peu différentes.
 
Q.- Mais vous avez le temps de tout faire ? C'est çà qui est extraordinaire !
 
R.- Oui, j'ai le temps, oui. Oui, j'ai le temps parce que d'abord, c'est une question d'organisation, ensuite c'est à temps partiel et enfin, pour que les choses soient tout à fait claires, cette activité d'avocat, bien sûr, ne concernera en aucun cas ni l'Etat, ni les dossiers que j'ai pu traiter en tant que ministre. C'est une affaire de déontologie. Et la loi, bien entendu, prévoit tout cela.
 
Q.- Vous êtes remarquablement organisé, en tout cas, au mi-temps !
 
R.- Ecoutez, enfin, un mot gentil...
 
Q.- Bravo et félicitations !
 
R.- Enfin, un mot gentil dans ce monde de brutes. Simplement juste un mot pour dire là-dessus que je crois que ce n'est pas forcément mal que dans le parcours politique, il y ait la possibilité par d'autres moyens d'avoir de temps en temps les pieds sur terre, sur ce qui peut se passer dans la vie économique, par exemple.
 
 Q.- J.-F. Copé, un homme bien organisé, invité de RTL ce matin. Bonne journée.
 
Source : Premier ministre, Service d'information du Gouvernement, le 25 septembre 2007